M. Jacques Larché, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché, président de la commission. M. le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux faire part au Sénat de l'embarras de la commission et de la difficulté devant laquelle elle se trouve placée : compte tenu de son important calendrier, il ne lui a pas été possible, jusqu'à ce jour, d'étudier comme elle le mérite la proposition de loi relative au fonctionnement des conseils généraux que lui a transmise l'Assemblée nationale.
Nous ne sommes donc pas, pour l'heure, en état de rapporter.Au demeurant, même si nous l'avions pu, les conditions dans lesquelles nous aurions été amenés à étudier ce texte eussent été un peu singulières puisque nous aurions dû, immédiatement après nos travaux, publier un rapport dont nos collègues n'auraient sans doute pas eu le temps de prendre connaissance, ce qui aurait été regrettable compte tenu de l'importance que tout le monde, je crois, attache à cette question.
Dans ces conditions, je demande, monsieur le président, le report de la présente discussion, afin que la commission puisse se réunir. Comme celle-ci doit examiner cet après-midi les différents fascicules budgétaires et que, de surcroît, je dois présider aujourd'hui une commission ad hoc - vous en connaissez l'objet - que, par ailleurs, le rapporteur de la présente proposition de loi est membre de cette commission ad hoc et que nous sommes tenus de respecter des délais absolument impératifs, je ne puis réunir la commission des lois avant demain matin. Le Gouvernement voudra sans doute comprendre notre position !
De plus, sans vouloir être discourtois en cet instant, je m'étonne quelque peu de l'absence au banc du Gouvernement de M. le ministre de l'intérieur. Il a certainement des obligations impérieuses à remplir : nous en avons tous, et je suis moi-même en train de vous exposer les nôtres. Mais peut-être aurait-il été possible que M. Chevènement vienne quand même exposer au Sénat le point de vue du Gouvernement sur ce texte !
Cela étant, monsieur le ministre, vous êtes parfaitement qualifié pour le faire, cela va de soi, comme le ferait tout membre du Gouvernement. N'est-ce pas, d'ailleurs, M. Queyranne qui défendra demain cette proposition de loi devant nous ? Nous l'entendrons, quoi qu'il en soit, avec le plus grand intérêt.
Je renouvelle donc, monsieur le président, ma demande de renvoi de la présente discussion, et je souhaite qu'elle soit soumise immédiatement au vote du Sénat.
M. le président. Si je vous ai bien compris, monsieur Larché, ni la commission ni son rapporteur ne sont prêts à rapporter la présente proposition de loi.
A quelle heure, selon vous, pourrions-nous reprendre nos travaux demain matin ?
M. Paul Girod, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod, rapporteur. Je ne peux présumer du temps que durera le débat en commission, monsieur le président, mais il s'agit d'un texte important et relativement complexe, qui pose toute une série de questions de principe tout à fait inattendues par rapport au fonctionnement régulier des assemblées délibérantes - quelles qu'elles soient - depuis la fondation de la République.
M. le président. Pourrions-nous ouvrir la séance de demain à dix-heures trente, monsieur Larché ?
M. Jacques Larché, président de la commission. Je préférerais onze heures, monsieur le président, me réservant la possibilité de vous faire savoir quand la commission sera vraiment prête.
M. le président. Le Gouvernement est-il sensible aux arguments développés par M. le président de la commission des lois ?
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement est toujours sensible !
Néanmoins, permettez-moi quelques observations.
Tout d'abord, je tiens à dire que M. le ministre de l'intérieur s'intéresse beaucoup à ce texte, comme d'ailleurs l'ensemble du Gouvernement. Il l'a défendu à l'Assemblée nationale, même s'il est vrai que, en raison, notamment, de ses contraintes de l'époque, c'est moi qui ai soutenu la position du Gouvernement au moment de la discussion des articles. Aujourd'hui, pour des raisons analogues, j'ai été délégué pour venir défendre devant la Haute Assemblée la position du Gouvernement par rapport à cette proposition de loi, et c'est sans doute M. Queyranne qui sera présent demain, puisque je dois moi-même assister à des obsèques dont vous connaissez la nature.
Cela étant, j'en viens au fond : votre commission des lois estime ne pas être en mesure de vous présenter un rapport et considère qu'elle n'a pas disposé d'un délai suffisant pour examiner cette proposition de loi.
Je rappelle que ce texte est issu d'une proposition de loi déposée par M. Ayrault et les membres du groupe socialiste de l'Assemblée nationale le 11 septembre 1997. Par ailleurs, MM. Mazeaud et Pandraud avaient eux-mêmes déposé, dès le 23 juillet 1997, une autre proposition de loi qui tendait aux mêmes fins : il s'agissait de faciliter le bon fonctionnement des assemblées régionales. Ces propositions, ainsi que celles de M. Blanc, du 11 septembre, et de Mme Aubert, du 30 septembre, ont été discutées au Palais-Bourbon et adoptées en séance publique le 9 octobre, soit un mois et dix jours avant leur inscription à l'ordre du jour du Sénat.
Cette inscription à l'ordre du jour a été évoquée oralement lors de la conférence des présidents du 28 octobre et elle a été demandée par le Gouvernement le 4 novembre, soit trois semaines avant la séance publique, selon le calendrier habituel. Les prescriptions de l'article 29-3 du règlement du Sénat ont donc été scrupuleusement respectées par le Gouvernement.
Je ferai par ailleurs remarquer que l'ordre du jour prévisionnel du Sénat, publié au Journal officiel du 24 septembre, annonçait la discussion de ce texte dès la deuxième quinzaine d'octobre.
On peut évidemment toujours reprocher au Gouvernement de ne pas avoir inscrit ce texte suffisamment tôt à l'ordre du jour. En même temps, l'agenda de la Haute Assemblée n'a en rien été brusqué par cette inscription !
Le débat de cet après-midi va donc se dérouler sans qu'un rapport écrit ait été distribué. Exceptionnelle, cette procédure n'en est pas moins conforme à la Constitution. Le Conseil constitutionnel a en effet considéré, dans ses décisions des 10 et 11 octobre 1984, que l'absence de rapport n'empêchait pas l'ouverture de la discussion législative. Sinon, ce serait reconnaître aux commissions un droit de veto sur l'ordre du jour prioritaire du Gouvernement, établi en vertu de l'article 48, premier alinéa, de la Constitution.
Cette proposition de loi a commencé à être examinée par les membres de la commission des lois.
Quoi qu'il en soit, si un blocage devait avoir lieu et si la discussion ne pouvait s'engager, peut-être faudrait-il envisager - ce que le Gouvernement s'apprête à faire - le renvoi de ce texte à la commission pour que cette dernière puisse rendre ses conclusions dès aujourd'hui.
Je laisse cela à l'appréciation de la présidence et de M. le président de la commission des lois : il me semble quand même nécessaire d'examiner dans les meilleurs délais ce texte important qui concerne les collectivités locales, institutions de la République, et leur fonctionnement. De plus, cette proposition de loi a été adoptée très largement à l'Assemblée nationale, bien au-delà des rangs de la majorité qui soutient le Gouvernement.
Pour toutes ces raisons, il me semble nécessaire d'engager le plus tôt possible - c'est-à-dire dès aujourd'hui - la discussion générale, avant de poursuivre, éventuellement, demain, la discussion des articles, de manière que le Sénat puisse délibérer sur ce texte d'initiative parlementaire. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Monsieur le ministre, puisque vous vous êtes tourné vers la présidence, permettez-moi de vous dire que la demande exprimée par le président de la commission des lois n'a pas du tout pour objet de porter atteinte à l'ordre du jour prioritaire !
Je vais donc à présent mettre aux voix la demande formulée par M. le président de la commission des lois.
M. Guy Allouche. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, selon une expression devenue célèbre, lorsqu'il y a une volonté il y a un chemin ; mais, lorsqu'il n'y a pas de volonté ou lorsqu'il y a mauvaise volonté, il n'y a plus de voie possible, ni même d'impasse.
Voilà plus de vingt jours que nous savions - il suffisait de lire les conclusions de la conférence des présidents - que cette proposition de loi devait venir en discussion en séance publique aujourd'hui et demain matin, tant et si bien que la commission des lois a désigné, voilà une vingtaine de jours, son rapporteur, notre collègue Paul Girod.
Vingt jours pour établir un rapport, alors que l'on connaissait la date de l'inscription du texte en séance publique, cela peut être court, mais cela peut aussi être long. Cela peut être court si j'en crois ce que vient de nous dire Paul Girod sur la complexité de ce texte. Mais, alors qu'il n'a pas eu le temps, en vingt jours, de rédiger son rapport, voilà qu'en l'espace d'une nuit il va devoir le faire ? La nuit est parfois longue, certes, mais comment comprendre cette incohérence ?
Constitutionnellement, nous pourrions tout à fait engager la discussion générale, même en l'absence de rapport écrit, mais je constate que nous n'allons vraisemblablement pas le faire.
Mes chers collègues, nous nous plaignons souvent, et à juste titre, de nos méthodes de travail. Ne soyons pas nous-mêmes complices ou acteurs de ces mauvaises méthodes de travail ! En effet, même si la commission des lois se réunit demain matin, comme le suggère son président, nous n'aurons pas de rapport écrit au moment où s'ouvrira la séance publique.
Allons-nous délibérer sans connaître le rapport écrit ? Comment ceux de nos collègues qui le désirent pourront-ils intervenir s'ils ne connaissent pas les intentions du rapporteur, et encore moins celles de la commission des lois ? A quel moment allons-nous déposer des amendements, puisque c'est demain seulement que nous commencerons la discussion générale ? Par ailleurs, nous sommes tenus par un calendrier très serré puisque, demain, à seize heures, débutera l'examen du projet de loi de finances pour 1998.
Ce sont donc de très mauvaises méthodes de travail qui nous sont proposées et c'est la première fois que vous m'entendez protester contre de telles méthodes puisque, jusqu'à présent, nous nous en accommodions plus ou moins bien. Mais là, il y a vraiment une mauvaise volonté !
Au demeurant, je ne comprends pas les arguments qui sont avancés ici ou là, sauf peut-être s'il s'agit de masquer une division au sein de la majorité sénatoriale.
M. Henri de Raincourt. Mais non !
M. Jean-Claude Carle. N'ayez crainte !
M. Claude Estier. Il a raison !
M. Guy Allouche. Nous verrons, mes chers collègues : nous avons suivi les travaux de l'Assemblée nationale...
M. Henri de Raincourt. Nous sommes bien meilleurs !
M. Guy Allouche. ... et nous verrons ce que vous ferez lorsque le texte viendra enfin en discussion dans cet hémicycle.
Pour notre part, nous ne pouvons que regretter les conditions dans lesquelles nous sommes appelés à travailler et il va sans dire que nous ne pouvons pas accéder à la demande qui est formulée par M. le président de la commission des lois. L'inscription du présent texte étant prévue à l'ordre du jour depuis longtemps, nous avions largement le temps de nous y préparer.
Je veux ajouter que la commission des lois aurait pu se réunir plus tôt. Certes, elle est actuellement très occupée par les avis budgétaires. Je fais néanmoins remarquer que, la semaine dernière, compte tenu de l'organisation des travaux du Sénat, la commission des lois aurait pu se réunir mercredi ou jeudi pour traiter de cette question et inviter M. le rapporteur à faire un effort.
Tel n'a pas été le cas. La commission ne s'est pas réunie la semaine dernière et, aujourd'hui, on prétexte le manque de temps !
Mes chers collègues, j'ai la faiblesse de penser que c'est vraiment une question de mauvaise volonté. C'est la raison pour laquelle je ne peux accéder à la demande formulée par M. le président de la commission des lois. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Paul Girod, rapporteur. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod, rapporteur. Très honnêtement, je vais m'abstenir, et ce parce que j'ai été mis directement en cause et parce que cela fait partie de ces événements qui, dans la vie d'un parlementaire, sont plutôt difficiles à supporter.
Permettez-moi de rappeler les dates. Effectivement, monsieur le ministre, le 9 octobre sont publiées au Journal officiel les intentions du Gouvernement pour ce qui concerne la seconde quinzaine du mois d'octobre. Peut-être suis-je totalement sourd, mais je n'ai aucun souvenir qu'ait été évoquée cette affaire lors de la conférence des présidents du 28 octobre. En revanche, elle l'a été le 4 novembre. Toutefois, mes chers collègues, la semaine du 4 novembre précède celle du 11 novembre, semaine peu productive s'il en est ! Je n'ai donc pu avoir de contact avec le Gouvernement que le jeudi 13 novembre, au matin, au cours d'une audition, d'ailleurs longue et riche. Cela m'a permis de demander un certain nombre de documents et de précisions dont d'aucuns pourraient penser qu'ils ne sont pas fondamentaux mais qui, pour le rapporteur, peuvent avoir leur importance, et dont je ne dispose toujours pas, d'ailleurs. (Exclamations sur les travées du RPR.)
Voilà pour la chronologie !
M. Henri de Raincourt. C'est clair !
M. Paul Girod, rapporteur. Sur le fond, je suis parfaitement prêt à rapporter devant la commission, mais son ordre du jour était tel ce matin que je n'ai pas pu présenter mon rapport. Donc, par définition, il n'y a pas de rapport de la commission. Telle est la situation.
Parce que j'ai été mis en cause, je le répète, je m'abstiendrai. Cependant, si M. Jacques Larché, qui préside la commission des lois avec beaucoup de pugnacité, de courage, de persévérance et de volonté, devait lui aussi être l'objet d'un procès d'intention, alors je voterais ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Pierre Fauchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon. J'interviens à mon tour dans ce débat parce que je le trouve, en vérité, extraordinairement surprenant.
Si l'on en croit les propos de notre collègue M. Allouche, et je suis toujours enclin à les trouver fondés, finalement, ce serait la commission des lois qui aurait refusé de faire son travail et qui n'aurait pas traité cette affaire comme elle l'aurait dû.
Mais enfin, de quoi s'agit-il ? Il s'agit des élections régionales. Il s'agit, si je comprends bien, de rendre en quelque sorte les régions gérables, de tirer les leçons des conséquences désastreuses du mode de scrutin actuel et d'essayer d'y remédier pour l'avenir.
Le problème est donc grave, car le fonctionnement des régions dans notre pays est une question qui, au-delà de nous-mêmes, intéresse tous les responsables des régions de France.
Je suis de ceux qui pensent qu'il fallait avoir le courage - si du moins il fallait du courage pour cela, mais ni l'ancien gouvernement ni le nouveau n'ont cru en avoir assez - de réformer le mode de scrutin de manière qu'il soit enfin conforme à l'idée que l'on peut s'en faire dans une démocratie, c'est-à-dire un mode de scrutin où l'on sait pour qui l'on vote et comment on vote. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Claude Estier. Vous applaudissez, mais vous n'avez pas voulu le faire !
M. Jean Chérioux. Nous sommes en démocratie et nous avons le droit d'applaudir quand nous le voulons !
M. Pierre Fauchon. Vous non plus, vous n'avez pas voulu le faire : nous n'avons pas de quoi être plus fiers les uns que les autres !
Pourtant, vous aviez le temps.
M. Guy Allouche. Ce que vous n'avez pas fait en quatre ans, vous vouliez qu'on le fasse en un mois ?
M. le président. La parole est à M. Fauchon, et à lui seul.
M. Pierre Fauchon. L'étalage de vos capacités est tel que nous n'aurions pas été surpris que vous y parveniez en un mois et l'autosatisfaction dont vous faites preuve à tout propos, et parfois hors de propos, donne à penser que vous auriez pu y arriver en aussi peu de temps. Voilà pourquoi je suis étonné que vous ne l'ayiez pas fait ! (Sourires.)
M. Guy Allouche. Que n'auriez-vous dit si l'on avait modifié le mode de scrutin à la veille d'une élection !
M. Pierre Fauchon. Un peu d'humour, cher ami ! On peut tout de même avoir un peu d'humour. (M. Guy Allouche opine.)
Quoi qu'il en soit, comme on n'a pas été capable de résoudre ce problème de la seule façon possible, et de faire fonctionner la démocratie comme elle doit fonctionner, afin que les électeurs sachent pour qui ils votent et qui ils veulent à la tête de leur région - c'est tout de même cela la démocratie - on invente un « machin » extraordinaire, une nouveauté dans notre droit, et qui se compose d'ailleurs de plusieurs volets.
Tout d'abord, les délégations sont annoncées d'avance par le candidat à la présidence. J'en conclus que celui-ci est lié par ces délégations. On va donc élire une équipe, et, puisque l'on ne peut pas retirer par la suite les délégations, on aura ainsi institué la collégialité à la tête des régions. Excusez-moi du peu, mais cela paraît assez extraordinaire, surtout sous la Ve République. C'est tout de même énorme !
Mais le deuxième volet, qui concerne les budgets, est non moins fantastique. Quelques cerveaux particulièrement féconds - je ne dis pas fumeux (Sourires) - se sont penchés sur la question pour aboutir à cette solution extraordinaire selon laquelle, si un budget n'est pas adopté, une majorité se constitue pour signer un nouveau budget et probablement pour le voter. Et encore n'est-on même pas sûr que ses signataires soient encore décidés à le voter le lendemain ou quelques jours plus tard !
Moyennant quoi, ou bien le président reste en fonction, ou bien, dans l'idée des auteurs, il doit partir. Et l'on introduit là dans nos institutions une autre innovation absolument incroyable, étrangère à nos habitudes et dont il nous est bien difficile de mesurer les implications et les conséquences.
On nous dit : « Tout cela, il nous a plu de le rédiger un beau jour. Vous avez un mois pour vous en occuper et donner votre avis. » Et nous bouleverserions la vie des régions françaises, comme cela, en un mois ? Eh bien non, monsieur le ministre, non, non et non !
La commission des lois est là pour vous dire qu'on ne prend pas des mesures aussi graves, d'une aussi grande portée et aussi novatrices sans une réflexion mûrie, sans les consultations préalables qui s'imposent. Que diable ! On est hostile au cumul des mandats ? Soit ! Mais figurez-vous qu'un certain nombre d'entre nous ont renoncé à leur mandat de conseiller régional et ne savent plus très bien où en sont les régions. Ils ont besoin d'entendre et de consulter leurs collègues élus des régions pour savoir ce qu'ils pensent sur une question aussi grave.
M. Claude Estier. Croyez-vous que vous pourrez le faire d'ici à demain matin ?
M. Pierre Fauchon. Non, mon cher collègue, mais je réponds ici à l'accusation de lenteur adressée à la commission des lois !
Tout cela n'est pas sérieux. Ce qu'il faut incriminer, c'est la précipitation qui entoure cette affaire, précipitation dont on se demande d'ailleurs quelles sont les arrière-pensées. (Rires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.) Car je ne pense pas qu'il y ait seulement des pensées dans cette affaire. Pour décider aussi rapidement une telle transformation de nos habitudes, du fonctionnement même de nos pouvoirs publics, il faut qu'il y ait des arrière-pensées ! J'aimerais bien les connaître car, dans mon innocence, j'ai du mal à seulement les imaginer.
M. le président. Monsieur Fauchon, je vous remercie de conclure !
M. Pierre Fauchon. Je conclus qu'on n'a pas le droit, dans une situation comme celle-là, d'accuser le Sénat, et encore moins sa commission des lois, de lenteur, alors que nous ne demandons qu'à réfléchir. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur Fauchon, je ne vois pas au nom de quoi il serait proposé de légiférer sur des arrière-pensées. Ou alors, on pourrait toujours s'interroger sur le point de savoir où sont les arrière-pensées !
Lorsque MM. Mazeaud et Pandraud ainsi que M. Ayrault ont proposé à l'Assemblée nationale de légiférer, avaient-ils des arrière-pensées ? Je ne le pense pas.
M. Jean Chérioux. C'est trop gentil à vous !
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. On peut, certes, toujours s'interroger sur les arrière-pensées de ceux qui refusent les propositions de MM. Pandraud, Mazeaud et Ayrault ! Mais tel n'est pas l'objet de notre discussion.
Le Gouvernement n'a pas souhaité changer le mode de scrutin régional six mois avant les élections. C'est une bonne décision. Si nous ne l'avions pas prise, nous aurions naturellement été critiqués.
M. Guy Allouche. C'est évident !
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Je ne pense donc pas que la critique vaille de ce point de vue.
Cette proposition de loi, émanant de députés, a été adoptée par l'Assemblée nationale après un large débat. Et le sujet est loin d'être futile, car il s'agit du fonctionnement des conseils régionaux. Comprenez alors ma surprise aujourd'hui.
M. Jean-Pierre Raffarin. Certes !
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. N'est-ce pas la vocation première, naturelle et originelle du Sénat, qui assure la représentation des collectivités territoriales de la République, que de débattre d'un texte relatif au fonctionnement des collectivités locales en étant parfaitement informé par un débat préalable en commission ? Car je sais, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous êtes totalement informés de la situation des régions et de l'objet de cette proposition de loi.
M. Jean-Pierre Raffarin. C'est plutôt compliqué !
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. De toute façon, levée de séance ou pas, la discussion se fera sur la base d'un rapport oral ; c'est évident, compte tenu des délais qui sont devant vous et devans nous.
M. Jean-Pierre Schosteck. Ainsi, vous aurez une mauvaise loi de plus !
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. J'ai saisi M. le président conformément à l'article 44-5 du règlement du Sénat, d'une motion tendant au renvoi du texte à la commission des lois. Par conséquent, je pense que cette motion de renvoi doit être mise au voix avant même toute autre délibération.
En fonction de ce qui sera décidé par le Sénat, nous verrons comment les uns et les autres envisagent la discussion. Si le renvoi en commission était refusé, il y aurait lieu alors d'apprécier les intentions de chacun.
M. Jacques Larché, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché, président de la commission. Je ne m'attendais pas du tout à ce que la discussion sur un problème aussi simple prenne le tour qu'elle a pris et ce, en partie de votre responsabilité, monsieur le ministre. Je ne vois pas ici la moindre mauvaise intention. Simplement, ce texte est grave et important ; il transpose un mécanisme purement institutionnel et politique dans le cadre d'une structure de nature administrative et l'on ne voit pas très bien quelles techniques juridiques le justifient.
Vous ne connaissez peut-être pas suffisamment la commission des lois, monsieur le ministre, mais nous avons l'habitude de faire notre travail de manière sérieuse et approfondie, suivant les modalités qui nous paraissent normales et conformes aux intérêts que les auteurs que vous avez cités en référence ont eu sans doute la volonté de promouvoir et de défendre.
La commission entend donc faire son travail, et elle le fera dans les conditions que j'ai indiquées. C'est pourquoi j'ai souhaité, et cette démarche a d'ailleurs la priorité, que le Sénat décide la levée de la séance.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?....
Je mets aux voix la proposition de levée de la séance formulée par M. le président de la commission des lois.

(La proposition est adoptée.)
M. le président. En conséquence, nous allons interrompre nos travaux et la suite de la discussion est renvoyée à demain matin, onze heures.

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