M. le président. Par amendement n° I-71, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le 1 de l'article 6 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Cette disposition est applicable, à leur demande, aux foyers fiscaux composés de personnes vivant en vie maritale, élevant au moins un enfant. »
« II. - Le 3 du même article est complété par un 3° ainsi rédigé :
« 3° Le rattachement au foyer fiscal de tout autre contribuable, dès lors que ce contribuable ajoute à ses revenus le montant des revenus perçus pendant l'année entière par cette personne. »
« III. - Dans le premier alinéa de l'article 980 du code général des impôts, les mots "n'est pas" sont remplacés par le mot "est". »
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Lors de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances, l'Assemblée nationale a introduit dans notre législation fiscale une innovation majeure : les personnes vivant en concubinage pourront dorénavant déposer une déclaration de revenus commune.
Cette mesure répond non seulement au bon sens, mais aussi au souci de justice sociale et fiscale.
C'est, à l'évidence, une mesure de bon sens car, n'en déplaise à certains, la notion de famille a profondément évolué depuis quelques années : de plus en plus d'enfants naissent hors mariage, ce qui est finalement heureux au regard de la natalité et du renouvellement des générations dans notre pays.
On peut également remarquer que les couples non mariés, eux-mêmes de plus en plus nombreux, ont une stabilité au moins équivalente à celle des couples mariés.
Rappelons que, pour les organismes d'HLM, pour les caisses d'allocations familiales, pour les caisses d'assurance maladie, pour les services municipaux, pour l'éducation nationale et même pour les services qui établissent les rôles d'imposition locale, la cohabitation ou la vie maritale sont admises et traitées de la même manière que le mariage.
Il n'y a aujourd'hui que dans deux domaines de la fiscalité que la cohabitation n'est pas reconnue totalement : l'impôt sur le revenu, qui nous occupe en cet instant, et les droits de succession, dont nous reparlerons peut-être ultérieurement et pour lesquels les couples mariés et les couples non mariés sont toujours traités de manière inéquitable.
S'agissant de l'impôt sur le revenu - dans le passé, cela pouvait se comprendre -, dès lors que l'on considérait la vie maritale comme une sorte de situation précaire ou une parenthèse entre le célibat et le mariage, les enfants d'un concubin pouvaient être pris en compte pour une part entière de quotient familial, s'ajoutant à la part dont bénéficiait le parent comptant l'enfant à charge.
Cette situation a été modifiée par la loi de finances pour 1996 : cette part de quotient est devenue une demi-part.
Nous nous étions, à l'époque, opposés à cette mesure, et nos arguments gardent, de notre point de vue, toute leur pertinence d'alors.
Toutefois, cette réforme s'est, si l'on peut dire, arrêtée en route, ce qui n'est guère surprenant puisqu'elle était en fait inspirée, non pas tant par la volonté d'établir l'équité ou l'égalité devant l'impôt, mais plutôt par des considérations d'ordre moral, à caractère un peu poussiéreux.
M. Philippe Marini. Le mariage n'est pas poussiéreux !
M. Paul Loridant. Elle a en effet créé une nouvelle inégalité.
Pour bien me faire comprendre, je soulignerai que, si nous avons affaire à un couple marié avec un enfant et que seul l'un des deux parents travaille, il est probable que ce couple ne sera pas imposable, tandis que, dans le cas d'un couple vivant maritalement, il n'en ira pas nécessairement de même : le membre du ménage n'exerçant pas d'activité professionnelle déclarera un revenu nul et sera donc non imposable, mais le revenu de l'autre ne sera affecté que d'une part et demie de quotient familial.
C'est, par conséquent, une mesure de justice élémentaire que nous proposons de mettre en oeuvre.
Dans le paragraphe II de notre amendement, il s'agit de prendre en compte, en matière fiscale, un certain nombre de nouvelles formes de cohabitation. Nous pensons ici, en particulier, aux foyers que constituent désormais, notamment dans les centres urbains, des frères et soeurs majeurs vivant sous le même toit, qui n'est plus celui des parents, et pas uniquement pour des raisons de commodité. On rencontre d'ailleurs des cas similaires en zone rurale, où des frères et soeurs, célibataires ou veufs, vivent sous le même toit.
Derrière de telles situations, qui sont de plus en plus fréquentes, il y a souvent des problèmes d'insertion professionnelle et sociale ou simplement les nécessités pratiques liées à la poursuite d'une formation.
Ce sont des situations de ce type que nous souhaitons prendre en considération à travers cet amendement.
M. Michel Charasse. On ne sait pas si les « personnes vivant en vie maritale » doivent être de sexes opposés ! (Sourires.) Ce n'est pas précisé !
M. Jean Chérioux. Effectivement, et ce n'est pas évident !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. La commission des finances n'a pas manqué de remarquer qu'une disposition d'une forme légèrement différente avait été adoptée à l'Assemblée nationale, puis, à la demande du Gouvernement, supprimée en deuxième délibération. La commission des finances souhaite donc entendre l'avis du Gouvernemment avant de se prononcer.
M. le président. Quel est, par conséquent, l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. La proposition défendue par M. Loridant pose, en droit fiscal - je ne me prononce pas du tout sur les aspects moraux du concubinage ou du mariage - des questions fort complexes.
Le mariage est, en quelque sorte, une union organisée, alors que l'union libre est un état juridiquement inorganisé. A partir du moment où il n'existe pas de liens juridiques entre deux concubins, nous butons sur des difficultés.
Ainsi, les époux sont assujettis, en vertu de l'article 212 du code civil, à une obligation de secours et d'assistance, mais cette obligation ne pèse pas sur les personnes qui vivent maritalement.
M. Michel Charasse. Exactement !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. De même, au regard des dettes, les conjoints mariés sont solidaires alors que les concubins ne le sont pas.
La question est donc de savoir si l'on peut définir fiscalement les couples vivant en concubinage notoire. Or cette question a semblé insurmontable au Gouvernement, compte tenu des problèmes de contrôle qui se poseraient. Il pourrait même y avoir des difficultés au regard de l'équité puisque certains couples pourraient choisir, pour des raisons fiscales, l'imposition séparée et d'autres, l'imposition commune.
Par ailleurs, lorsqu'un couple de fait se dissout, aucun acte juridique n'est établi, et il est alors bien délicat de fixer la date de la fin de l'imposition commune.
Sur le fond, la position du Gouvernement rejoint celle de la majorité...
M. Jean Chérioux. Ce n'est pas étonnant !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... quant à la nécessité de définir un statut juridique du contrat d'union civile. (Nous y voilà ! sur les travées du RPR.)
M. Jean Chérioux. Voilà la panacée ! C'est la grande avancée sociale !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. On ne peut définir un statut fiscal des concubins avant de les doter d'un statut juridique.
M. Philippe Marini. Il ne faut faire ni l'un ni l'autre !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Vous aurez l'occasion, monsieur Marini, de vous exprimer à ce sujet le moment venu.
Ce que je peux dire, au nom du Gouvernement, c'est que, si ce contrat civil était défini au cours de l'année 1998 - c'est une hypothèse - des règles fiscales du type de celles que vous avez préconisées, monsieur Loridant, et assorties de la même date d'entrée en vigueur que celle du contrat d'union civile, seraient insérées dans le projet de loi de finances pour 1999. Le Gouvernement n'est donc pas hostile au principe de cet amendement : il le trouve simplement prématuré. C'est pourquoi il en demande le retrait, à défaut de quoi il serait contraint d'inviter le Sénat à le rejeter.
M. le président. Quel est, maintenant, l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Défavorable, monsieur le président.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-71.
M. Michel Charasse. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Sans entrer dans les détails, je dirai que je ne peux voter cet amendement, même si j'en comprends l'inspiration, parce que, là encore, se trouve soulevé le problème de l'application du principe d'égalité.
Comme l'a indiqué M. le secrétaire d'Etat, un couple marié est solidaire pour les dettes fiscales, et chacun sait à quels drames cela aboutit parfois : lorsque le couple se sépare, on essaie d'attraper un des deux ex-conjoints et l'on fait payer celui qu'on trouve pour les deux. Mais, au moins, en cas de divorce, il y a le partage des biens décidé par le juge.
Dans le cas du concubinage, on va se trouver face à deux personnes qui vivent ensemble le 1er janvier, qui font une déclaration commune et qui, si elles ne s'entendent plus le 1er avril, se séparent. Là, bien entendu, il n'y a pas de procédure, pas de juge pour faire un partage. Et si l'un des deux disparaît, à qui va-t-on s'adresser pour le règlement de la dette ?
Bref, tout cela pose bien des problèmes. Il est toujours facile de dire dans un congrès que ce serait merveilleux pour les concubins, y compris pour ceux qui sont de même sexe,...
M. Jean Chérioux. Et leurs enfants !
M. Michel Charasse. ... mais ce n'est pas si simple.
L'ensemble de notre droit est organisé sur la base du droit familial. On peut éventuellement le regretter. Moi, je ne suis peut-être pas moderne, je suis peut-être « ringard », mais je constate que c'est comme ça !
On en peut pas vouloir une chose et son contraire. Un oiseau, ça vole, ça ne plonge pas, ou alors pas bien longtemps ! Quant aux poissons, fussent-ils volants, ils ne restent pas non plus longtemps hors de l'eau ! La nature a fait un certain nombre de choses, et je crois que nous sommes, hélas ! obligés d'en tenir compte. (Sourires.)
M. Jean Chérioux. Il faut réformer la nature !
M. Philippe Marini. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Pour ma part, si je suis résolument opposé à cet amendement, c'est pour des raisons de fond, des raisons philosophiques.
En effet, cet amendement vise à marginaliser le mariage. Or, si l'on marginalise le mariage, on banalise la famille, ce qui revient à la nier : on considère qu'une famille n'est plus qu'une communauté de fait, qui comporte des individus défendant chacun leurs intérêts.
M. Alain Lambert, rapporteur général. C'est une société en participation !
M. Philippe Marini. Comme le dit, en effet, avec son langage juridique, notre excellent rapporteur général, cela devient une société en participation, c'est-à-dire quelque chose de transparent.
Or la famille, qui, pour nous, naît du mariage, a une identité propre et représente une communauté ayant sa valeur propre, au-delà des intérêts individuels de ses membres. (Très bien ! sur les travées du RPR.)
Le mariage et la famille sont les moyens dont notre société dispose pour lutter contre l'individualisme, qui est la plaie de nos villes, de nos quartiers, de nos campagnes.
Je crois traduire le sentiment d'un certain nombre de mes collègues en exprimant une position philosophiquement très opposée à l'amendement présenté par M. Loridant. (Très bien ! et applaudissements sur les mêmes travées. - M. Daniel Millaud applaudit également.)
M. Paul Loridant. Je demande la parole pour explication de vote.
M. Jean Chérioux. Pour la défense de la morale républicaine ?
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Je m'attendais évidemment que notre amendement soulevât quelque émoi dans l'hémicycle, mais peut-être pas sur toute les travées.
Personnellement, je ne suis pas hostile à l'institution du mariage, bien au contraire. Cela dit, il me semble que les parlementaires doivent aussi savoir être attentifs à l'évolution de la société. Aujourd'hui, force est de constater que de plus en plus de couples vivent maritalement. C'est une réalité !
M. Jean Chérioux. Mais faut-il l'encourager ?
M. Paul Loridant. M. Marini nous explique que l'institution du mariage est le garant de la stabilité de notre société. Je me permettrai de rappeler que, dans notre histoire, il n'en a pas toujours été ainsi. Souvenez-vous de certaines pratiques observées dans la bonne région de Vendée, voilà quelques années.
Je vous renvoie aussi à un ouvrage remarquable d'un certain Léon Blum, écrit dans les années vingt, et intitulé Du mariage, dans lequel était préconisé pour les jeunes femmes le droit à l'expérience sexuelle avant le mariage. (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Jean Chérioux. C'était un prophète !
M. Michel Charasse. Mais cela n'a pas d'incidence fiscale ! (Sourires.)
M. Paul Loridant. En effet !
En tout cas, je vous renvoie à toute une série d'ouvrages historiques...
M. Jean Chérioux. C'est votre nouvelle bible !
M. Paul Loridant. ... qui montrent que, contrairement à ce qu'on prétend souvent, le mariage n'est pas cette institution éternelle ayant toujours régi la vie en couple dans notre pays. Ainsi, ce n'était pas le cas au Moyen Age.
Personnellement, je le répète, je ne suis pas hostile, bien au contraire, à l'institution du mariage.
M. Christian de La Malène. Ah !
M. Paul Loridant. Simplement, la société évolue et, à un moment ou à un autre, le Parlement doit en tenir compte.
Enfin, je remarque, qu'il ne nous a pas été répondu sur une partie de l'amendement. Je veux parler du fait que de plus en plus de frères et soeurs célibataires vivent ensemble, soit en zone rurale, soit en zone urbaine, parce que cela correspond à des faits de société, par exemple parce que leurs parents âgés ont disparu.
Ces situations, qui soulèvent de réels problèmes, sont de plus en plus nombreuses. Vous vous cachez derrière votre opposition systématique au contrat d'union civile pour ne pas les prendre en compte !
M. Jean Chérioux. Cela montre le côté pernicieux des thèses que vous défendez !
M. Paul Loridant. C'est pourquoi, en dépit de toutes les difficultés qu'il peut soulever, j'invite le Sénat à adopter notre amendement.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Il s'agit vraiment d'une question de principe !
On peut avoir des expériences sexuelles avant de se marier, sans que cela ait d'incidence fiscale ! (Sourires.) Pour le moment, on ne nous a pas proposé d'amendement en ce sens !
Je voudrais dire à M. Loridant que tout cela est très compliqué à mettre en oeuvre, pas l'expérience sexuelle avant le mariage, mais le reste. (Nouveaux sourires.)
Si je comprends bien l'amendement, il s'agit de deux frères ou de deux soeurs habitant en zone rurale qui élèvent un enfant. Pas le leur, j'espère, puisque ce sont des frères et soeurs ! Il s'agirait d'un autre débat ! Ils élèvent donc un enfant qu'elle ou il aura eu par hasard...
Mme Marie-Claude Beaudeau. Pas par hasard !
M. Michel Charasse. Bref, passons ! Mais, dans votre raisonnement, l'application de la disposition est soumise à la condition que le foyer fiscal élève un enfant.
Par ailleurs, en ce qui concerne les couples mariés, c'est la situation au 1er janvier qui est prise en compte. Si le mariage a lieu dans l'année, deux déclarations sont établies. Si deux personnes se mettent en concubinage le 1er mai, il y a deux déclarations pour la période du 1er janvier au 30 avril, puis il y a une autre déclaration commune. Mais si elles se séparent - c'est plus facile que le divorce ! - le 1er septembre, alors il y aura trois, quatre déclarations...
Voilà qui va vraiment simplifier la situation des concubins et, par là même, le travail de l'administration fiscales ! (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Il y a des dispositions, comme celle-là, qui touchent à un certains nombre d'éléments fondamentaux du droit de la famille.
On peut changer le droit de la famille ! Après tout, dans les populations primitives, on ne se mariait pas forcément, on n'avait pas de code civil, et cela marchait bien quand même. On peut également supprimer le droit de la famille ! Mais on ne peut avoir simultanément le droit de la famille et un droit fiscal qui ne tienne pas compte du droit de la famille.
C'est la raison pour laquelle, à mon grand regret, je voterai contre l'amendement de M. Loridant. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1-71, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° I-151, M. Vasselle et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 194 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l'imposition des revenus de 1998, le nombre de parts prévu au I est augmenté de 0,25 pour chaque enfant à charge de sa sixième année à la fin de sa dix-septième année, soit 0,75 part par enfant dans cette tranche d'âge. »
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits figurant aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus à l'article 403 du code général des impôts. »
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Il s'agit d'un amendement de principe qui va dans le sens de la politique familiale. Nous souhaitons, en effet, adresser un signal positif aux familles.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. S'agissant d'un amendement de principe, je suis convaincu que notre ami Philippe Marini a dit tout à l'heure tout ce qu'il pensait sur le sujet.
Nous traitons de l'impôt sur le revenu pour 1998. Par conséquent, cet amendement trouverait toute sa place dans la deuxième partie du projet de loi de finances.
Notre collègue Philippe Marini connaît également le coût de cette disposition. Le Gouvernement formulera sans doute des observations à cet égard.
Cette mesure mérite d'être analysée, mais ne peut trouver de suite favorable cette année en raison de la situation budgétaire et du souci d'équilibre des finances publiques qui est le nôtre.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement de principe, dont le coût s'élève à 7,5 milliards de francs. C'est une raison suffisante pour que le Gouvernement le rejette !
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Marini ?
M. Philippe Marini. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-151 est retiré.
Par amendement n° I-109, M. Régnault, Mme Bergé-Lavigne, MM. Angels, Charasse, Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le montant total des réductions d'impôt sur le revenu et des déductions pratiquées sur le revenu global est plafonné pour la fraction supérieure à 20 000 F, à hauteur de 75 % du montant de l'impôt sur le revenu du redevable. »
La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels. Au travers de cet amendement, il est proposé de plafonner l'avantage fiscal procuré par les différentes réductions d'impôt sur le revenu ou déductions du revenu global, lorsque celles-ci sont de forte ampleur.
En effet, l'existence même de ces avantages, dont le nombre s'accroît sans cesse, contrevient au principe de la progressivité de l'impôt direct. Ce système est donc parfaitement injuste.
Les contribuables à revenus modestes et qui n'ont pas les moyens de réaliser les dépenses donnant lieu à ces avantages fiscaux s'acquittent seuls d'un impôt sur le revenu sur la base d'un barème défini par le législateur.
En revanche, les contribuables qui disposent de l'argent nécessaire pour réaliser de telles dépenses, s'acquittent, eux, d'un impôt sur le revenu qui n'a plus rien à voir avec celui qu'ils paieraient en fonction seulement du barème.
En plafonnant le total de ces réductions d'impôt à partir de 20 000 francs par rapport à l'impôt lui-même, on permet à ce dernier de retrouver une place plus en rapport avec celle qu'il devrait avoir par rapport aux véritables capacités contributives des contribuables, sans toucher aux classes moyennes.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Cet amendement a déjà été déposé l'année dernière. Il mérite de faire l'objet d'un examen approfondi, qui est néanmoins très difficile à réaliser.
Je rappelle à cette occasion au Gouvernement qu'un rapport devait être établi. Il avait été demandé par Mme Beaudeau, qui avait été soutenue par la majorité sénatoriale,...
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cela ne coûte pas cher !
M. Alain Lambert, rapporteur général. ... ce qui montre que cette dernière n'est pas sectaire.
Ce rapport n'est toujours pas déposé ! Il serait utile.
Pour l'instant, la commission des finances émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je précise, tout d'abord, que le rapport auquel il est fait allusion est en voie d'achèvement ; il sera transmis à la Haute Assemblée d'ici à une semaine.
S'agissant de l'amendement, il est proposé de plafonner le montant total des réductions d'impôt sur le revenu et des déductions du revenu global pour chaque contribuable.
Sous l'apparence d'une simplification, cette mesure comporte, à mon avis, plus de complications qu'elle n'en supprime.
En effet, si le plafond est fixé trop bas, un certain nombre d'avantages fiscaux, au demeurant légitimes, seront considérablement réduits. En revanche, si le plafond est fixé à un niveau trop élevé, certains contribuables auront la tentation de vouloir atteindre ce plafond.
En outre, cette disposition entraîne, pour l'établissement de l'impôt, des difficultés de gestion délicates.
Par conséquent, le Gouvernement vous propose, dans le présent projet de loi de finances, d'examiner les avantages fiscaux un par un et de concentrer particulièrement votre attention sur ceux dont bénéficient les contribuables qui perçoivent des revenus très élevés. Nous aurons l'occasion d'en reparler.
Toutefois, dans ce que l'on appelle familièrement la réduction des « niches fiscales », l'approche niche par niche semble préférable au Gouvernement à cette approche globale, qui pose un problème très sérieux.
C'est pourquoi je vous demande, monsieur Angels, de bien vouloir retirer cet amendement. Dans le cas contraire, le Gouvernement émettrait un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Angels, l'amendement n° I-109 est-il maintenu ?
M. Bernard Angels. Bien que n'étant pas entièrement convaincu, je préfère le retirer, de façon que s'engage une discussion approfondie. En effet, il faudra quand même étudier les moyens d'éviter que des contribuables ne bénéficient de réductions d'impôts iniques. (M. le secrétaire d'Etat fait un signe d'approbation.)
M. le président. L'amendement n° I-109 est retiré.
Par amendement n° I-110 M. Régnault, Mme Bergé-Lavigne, MM. Angels, Charasse, Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le premier alinéa du 2° de l'article 83 du code général des impôts, après les mots : "à titre obligatoire", sont ajoutés les mots suivants : ", les cotisations de retraite versées à partir du 1er janvier 1998, qu'elles soient, ou non, à compter de cette date, immédiatement constitutives d'un droit certain au profit des intéressés". »
La parole est à M. Sergent.
M. Michel Sergent. Les cotisations qui servent à financer des couvertures sociales complémentaires sont déductibles de l'assiette de l'impôt sur le revenu dans des limites élevées. Ces cotisations ne sont considérées comme des compléments de salaire et donc réintégrés dans l'assiette de l'impôt sur le revenu que pour les titulaires de revenus substantiels.
Afin d'échapper à toute réintégration d'assiette, un certain nombre de régimes de retraite ont été mis en place avec diverses conditions, que je ne vous rappellerai pas. Ce régime, exorbitant du droit commun, ne peut être maintenu pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, selon la nature des régimes de retraite, le régime fiscal est différent. Il y a donc atteinte au principe constitutionnel de l'égalité.
Ensuite, les salariés titulaires des revenus les plus élevés sont les principaux bénéficiaires de ces régimes. Les dirigeants d'entreprise et les cadres supérieurs échappent à la réintégration dans l'assiette de l'impôt sur leur revenu des couvertures sociales complémentaires. Il y a donc lieu de les réintégrer dans le quota disponible déjà prévu, qui est confortable puisqu'il permet la déductibilité des cotisations jusqu'à 70 000 francs pour un salarié.
Enfin la Cour de cassation a jugé, à trois reprises, que les cotisations des employeurs à ces régimes constituaient bien, pour les salariés intéressés, un avantage servi à l'occasion du travail et, à ce titre, entraient dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale dès lors qu'elles dépassaient les limites d'exonération qui sont fixées à un niveau comparable aux limites fiscales. Or, en la matière, les règles fiscales et sociales ont été conçues de manière à être cohérentes entre elles.
Pour toutes ces raisons, l'article 83 du code général des impôts devrait, dans un double souci de cohérence avec les règles sociales et d'équité, être modifié, et cette mesure devrait prendre effet à compter du 1er janvier 1998.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. La commission des finances trouve intéressantes les dispositions prévues par cet amendement.
En effet, à l'heure actuelle, les versements qui sont effectués dans le cadre de contrats de retraite surcomplémentaire à prestations définies ne sont pas intégrés dans l'assiette de l'impôt sur le revenu. En revanche, les contrats à cotisations définies sont susceptibles de constituer un avantage en espèces devant être réintégré dans l'assiette du revenu imposable.
Cet amendement aurait pour effet de réintégrer dans l'assiette de l'impôt sur le revenu des versements effectués par des entreprises, dès lors que ces versements dépassent l'enveloppe de 19 % de huit fois le plafond.
Toutefois, la limitation de ces avantages ne paraît pas opportune tant que la loi sur les fonds de pension ne sera pas entrée en application. Dès que les décrets d'application de cette loi seront publiés, la commission des finances sera tout à fait disposée à revoir un dispositif de cette nature.
En attendant, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Il s'agit d'un amendement assez technique, auquel j'essayerai de répondre avec la même précision que M. le rapporteur général.
La mesure qui est proposée porte sur le régime fiscal des cotisations versées aux régimes de retraites à prestations définies et spécialement aux régimes dits « chapeau ».
La question que vous posez relève, vous l'avez bien expliqué, non pas de la modification des textes en vigueur mais de leur interprétation.
Il existe, en effet, en matière sociale comme en matière fiscale, des dispositions de portée générale qui permettent de déduire de l'assiette des cotisations sociales et de celle de l'impôt sur le revenu les cotisations versées aux régimes de retraite complémentaire et surcomplémentaire. Cette déduction est plafonnée, aussi bien sur le plan fiscal que sur le plan social.
Ces mesures ne posent pas de problème d'application lorsqu'il s'agit de régimes dits à cotisations définies, pour lesquels on connaît le montant exact des cotisations qui ont été versées pour chaque salarié. Ce montant est, en effet, nettement individualisable.
En revanche, l'application de ces règles s'est révélée un peu plus délicate, vous l'avez indiqué, pour les régimes dits à prestations définies, qui se caractérisent par un engagement de l'employeur à verser un certain montant de retraite supplémentaire, généralement aux seuls salariés qui sont présents dans l'entreprise à la date du départ à la retraite.
Cet engagement est, en effet, financé par un versement global de l'employeur à une compagnie d'assurances. Outre qu'il n'assure que des droits virtuels aux intéressés, il est difficile d'individualiser la part relative de chacun des salariés couverts.
En matière sociale, la Cour de Cassation a effectivement jugé, par des décisions récentes, que ces versements devaient bien être pris en compte pour l'appréciation du plafond spécifique de déduction des cotisations de retraite complémentaire et surcomplémentaire pour l'assiette des cotisations de sécurité sociale, ce qui représente 80 % du plafond, soit 139 944 francs en 1997.
La transposition de cette règle en matière fiscale devrait, en tout état de cause, être harmonisée avec le nouveau paysage de l'épargne-retraite, tel qu'il résultera du réexamen de la loi du 25 mars 1997 sur les fonds de pension, auquel il convient de procéder, conformément aux orientations définies par le Premier ministre lors de son discours de politique générale, afin de préserver les ressources de nos régimes de retraite par répartition et d'assurer le caractère collectif du nouveau dispositif qui ne doit pas être réservé à quelques privilégiés.
Il me semble donc indispensable d'attendre l'issue de cette réflexion que le Gouvernement entend conduire en concertation avec les parlementaires. En attendant, je vous prie, monsieur Sergent, de bien vouloir retirer l'amendement n° I-110 faute de quoi je serai obligé d'émettre un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° I-110 est-il maintenu, monsieur Sergent ?
M. Michel Sergent. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-110.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai naturellement écouté vos explications avec attention, ainsi d'ailleurs que celles de M. le rapporteur général. Toutefois, puisqu'il s'agit d'un débat de nature fiscale, je crois que tout cela n'a rien à voir avec les fonds de pension ou assimilés.
Ce qui me pose problème, c'est ce que vient de rappeler M. Sergent, à savoir que, par trois arrêts successifs, la Cour de cassation a décidé un traitement particulier de ces cotisations en matière sociale.
Or, monsieur le secrétaire d'Etat, comme vous le savez, en matière de traitements, salaires et assimilés, il n'y a pas de différences - sauf si elles sont expressément prévues par la loi, ce qui n'est pas le cas - entre l'assiette des cotisations sociales et celle de l'impôt.
Tous les jours, des contrôleurs de l'URSSAF viennent dans nos mairies nous empoisonner pour des affaires de vacataires, de CES, de travail à mi-temps...
M. Jacques Oudin. De stagiaires !
M. Michel Charasse. Exactement !
M. François Lesein. Cela relève de l'Inquisition !
M. Michel Charasse. Et l'on vient nous expliquer que tout cela est parfaitement conforme, que c'est pris en compte par le droit social, puis dans les bases de nos déclarations fiscales.
Or voilà que la Cour de cassation, par des arrêts dont les dates ont été rappelées par M. Sergent, a affirmé que ces cotisations sont soumises, comme les traitements et salaires, aux cotisations sociales. Soit ! mais il n'en est pas de même du point de vue fiscal.
Je m'interroge sur la justification de l'amendement n° I-110. Il s'agit là d'une interprétation du service de la législation fiscale, qui, comme M. Sergent l'a également rappelé, date de 1977.
M. Sergent maintient donc son amendement. Soit ! Mais, monsieur le secrétaire d'Etat, je crois que, même s'il le retirait, vous risqueriez d'être désavoué par le Conseil d'Etat si vous n'abrogez pas l'instruction de la direction générale des impôts de 1977 sur ce sujet. A partir du moment où la Cour de cassation s'est prononcée, le droit fiscal doit en effet s'aligner sur le droit social.
C'est la raison pour laquelle je voterai l'amendement n° I-110, tout en estimant qu'il n'est pas forcément utile. En effet, s'agissant de la remise en cause d'une instruction administrative, la hiérarchie des normes veut qu'il suffirait que le ministre demande à ses services de remettre en cause les instructions précédentes désavouées en quelque sorte par la Cour de cassation.
En tout cas, il ne peut pas y avoir, mes chers collègues, deux poids, deux mesures. Dans ce pays, les contrôleurs de l'URSSAF ne peuvent pas passer leur temps à effectuer des stages prolongés dans nos mairies pour venir rectifier la situation, ce qui a des incidences en matière fiscale en même temps qu'en matière de cotisations sociales, et ne pas tenir compte de ces trois arrêts de la Cour de cassation.
Si l'on ne veut pas que ces cotisations soient imposables, monsieur le secrétaire d'Etat, et j'en terminerai par là, il faut l'écrire dans la loi en précisant que bien qu'elles aient été considérées comme soumises à l'assiette de cotisations sociales par la Cour de cassation, elles ne seront pas incluses dans l'assiette fiscale. Mais il faut un article de loi. S'il n'y en a pas, compte tenu de la décision de la Cour de cassation, le service de la législation fiscale est obligé de s'incliner.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Les propos de M. Charasse sont naturellement judicieux. Il est évident que le droit fiscal devra s'adapter aux arrêts rendus par la Cour de cassation dans le domaine social mais, comme il l'a souligné très clairement, cela ne justifie pas un texte législatif.
Pour ma part, j'ai insisté sur le fait que cette réinterprétation doit être harmonisée avec tout ce qui a trait au traitement de l'épargne-retraite, et je pense que, sur ce point, il n'y a pas de désaccord avec M. Charasse.
Je confirme donc qu'il s'agit là d'un problème d'interprétation. M. Sergent a mis l'accent sur un point important dont le Gouvernement tiendra compte mais, je le répète, il n'est point besoin en ce domaine d'une disposition législative.
M. Philippe Marini. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je rappelle que ce débat porte sur des contrats d'assurance de groupe, qui, aux termes de l'article 83 du code général des impôts, sont actuellement l'une des deux seules procédures disponibles pour créer dans une entreprise un régime de retraite surcomplémentaire. Les deux arrêts de la Cour de cassation sont en effet significatifs en ce sens qu'ils viennent accroître la fragilité fiscale de ces dispositifs.
Je souscris bien volontiers à l'analyse que faisait M. Charasse à ce sujet, mais je souhaite insister sur un autre point : nous avons adopté, au début de l'année 1997, une loi sur l'épargne-retraite. La façon la plus simple et la plus claire pour les entreprises qui mettent en place ce type de régime, de le faire dans de bonnes conditions de sécurité fiscale, est, selon moi, d'appliquer cette loi qui, elle, a bien prévu un dispositif spécifique d'incitation en matière fiscale et de charges sociales, s'agissant des abondements des employeurs lorsqu'ils existent.
Le délai absolument anormal qui sépare la promulgation de cette loi de la sortie des textes d'application crée, monsieur le secrétaire d'Etat, une situation grave pour les entreprises et leurs salariés car - nous venons de le voir - la Cour de cassation jette un doute sur la sécurité juridique et fiscale des opérations qui sont actuellement conduites et qui existent grâce à des accords conclus au sein de certaines entreprises.
Il existe, par ailleurs, un dispositif légal que nous avons voté afin d'instaurer précisément un cadre de transparence, permettant l'association des partenaires sociaux dans des conseils consultatifs. Nous avons veillé, ici même au Sénat, lorsque nous avons examiné ce texte, au respect des règles de dispersion des actifs, de prudence, de transparence et d'association des partenaires sociaux. Ce cadre est virtuel. Nous ne savons pas si le Gouvernement veut ou non l'abrogation de la loi dite Thomas sur l'épargne-retraite. Tout ce que nous savons, c'est que les décrets d'application sont sans cesse reportés.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je voterai bien évidemment contre l'amendement n° I-110 du groupe socialiste. Toutefois, je profite de l'occasion qui m'est donnée pour exprimer le souhait de pouvoir disposer le plus rapidement possible du cadre juridique et fiscal dont nous avons besoin en la matière.
Il faut en effet bien être conscient qu'encourager nos concitoyens à placer leur épargne à long terme, voire à très long terme, dans des dispositifs afin de leur permettre de recevoir un complément de retraites suppose, en contrepartie du blocage de leurs actifs pendant une longue période, une incitation fiscale ainsi qu'une incitation en termes de charges sociales, si l'on veut que des capitaux soient drainés et utilisés notamment au financement des fonds propres de nos entreprises.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Comme M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie l'a indiqué à plusieurs reprises, la loi du 15 mars 1997 dite loi sur les fonds de pension doit être réexaminée. Certaines de ses dispositions doivent être abrogées et vous aurez bientôt, j'en suis convaincu, monsieur Marini, l'occasion de débattre à nouveau de ce sujet et, pour répondre à votre voeu, le plus vite sera le mieux.
M. Michel Sergent. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Sergent.
M. Michel Sergent. Je voulais simplement engager un débat sur ce sujet. J'ai bien écouté les explications de M. Charasse et de M. le secrétaire d'Etat. Selon eux, cet amendement, compte tenu des arrêts de la Cour de cassation, n'est pas très utile. En conséquence, je le retire.
M. le président. L'amendement n° I-110 est retiré.
Par amendement n° I-69, Mme Beaudeau, M. Loridant, Mme Borvo, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les dispositions de l'article 7 de la loi de finances pour 1997 (loi n° 96-1181 du 30 décembre 1996) sont abrogées.
« II. - Le taux prévu au 2 de l'article 200 A du code général des impôts est relevé à due concurrence. »
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cet amendement a trait à l'une des dispositions les plus discutables de la réforme Juppé de l'impôt sur le revenu, à savoir la prise en compte dans le revenu imposable des congés de maternité et des allocations versées à ce titre par le régime général de protection sociale aux mères de famille salariées.
La portée de la mesure est d'ailleurs relativement limitée, puisque le Gouvernement escomptait récupérer environ 1,2 milliard de francs de produit fiscal. Nous avions combattu l'an dernier cette disposition avec fermeté, mais nous n'étions alors pas seuls dans ce combat, car nous nous appuyions pour ce faire sur la colère tout à fait légitime de nombreux syndicats et de nombreuses associations féminines.
Je pense d'ailleurs que cette mesure, parmi d'autres, a pu convaincre un certain nombre de femmes salariées de sanctionner, le 1er juin dernier, le gouvernement Juppé qui tentait de retrouver une légitimité perdue au gré des mouvements sociaux.
Cette disposition a été combattue par l'ensemble des forces politiques aujourd'hui situées dans la majorité parlementaire de l'Assemblée nationale, et on peut donc s'étonner, ou regretter, qu'elle n'ait pas fait l'objet d'une révision.
Notre amendement vise donc à réparer cet oubli, en rétablissant le principe de non-imposition des allocations pour congé de maternité.
J'observe, d'ailleurs, que si la majorité sénatoriale ne votait pas tout à l'heure cet amendement de bon sens, nous serions en droit de nous interroger sur la portée de son combat en faveur de la famille puisque, jusqu'à plus ample informé, il n'y a pas de famille, quelle qu'en soit la forme, monsieur Marini, s'il n'y a pas de maternité.
On pourra éventuellement nous rétorquer que la mesure ne concerne que les femmes salariées dépendant du régime général. Certes, mais, en toute honnêteté, qui osera proposer que la mesure que nous vous présentons soit frappée d'inconstitutionnalité, au motif de la rupture de l'égalité devant l'impôt de contribuables dont les situations sont en apparence identiques ?
J'aimerais savoir quel groupe parlementaire pourrait engager une telle démarche, surtout quand on connaît la sensibilité des Françaises et des Français aux questions de la famille.
Pour autant, la mesure que nous préconisons est défendue par deux motivations essentielles.
Elle est une mesure cohérente avec le rejet pur et simple de la réforme de l'impôt sur le revenu engagée l'an dernier, dont elle constituait l'un des éléments les plus discutables.
Nous avions notamment souligné, en 1996, que l'adoption de l'article 7 de la loi de finances pourrait finir par remettre en cause l'exercice même du droit au congé de maternité, avec toutes les conséquences qu'une telle mesure pouvait induire sur le déroulement même de cette maternité et sur ses suites.
Permettez-moi encore ici de souligner la contradiction - car il s'agit, pour moi, d'une contradiction - existant dans la démarche de la majorité gouvernementale et parlementaire de l'époque entre la remise en cause de l'exemption fiscale et la volonté affichée de développer, par exemple, la garde d'enfants à domicile ou l'éducation des enfants par les parents au travers de l'allocation parentale d'éducation.
L'objectif visé par l'ensemble du dispositif était peut-être plutôt de favoriser le retour des femmes au foyer et l'abandon de toute perspective de promotion sociale.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il ne serait pas bienvenu que le Gouvernement laisse en cette matière les choses en l'état et ne revienne pas sur l'article 7 de la loi de finances pour 1997.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Mme Beaudeau s'interroge sur l'attachement sincère de la majorité sénatoriale à la défense de la famille. Cet attachement passe par le refus de reporter sur les générations futures les coûts que nous ne sommes pas capables d'assumer nous-mêmes. Je suis surpris que Mme Beaudeau ne soit pas indignée de voir à quel point nous renvoyons aux générations futures le remboursement de nos déficits actuels. Nous sommes tous collégialement responsables car, encore une fois, accepter le financement d'un déficit par l'emprunt, c'est renvoyer aux générations futures la charge des dépenses courantes d'aujourd'hui.
Madame Beaudeau, l'attachement de la majorité sénatoriale à la famille est donc total. L'idée qui sous-tend votre amendement est tout à fait respectable car c'est la générosité. Cependant, cette générosité coûte un milliard de francs, et un milliard de francs accordés aujourd'hui selon la formule que vous préconisez - un emprunt qui sera remboursé par les générations futures - ne nous paraît pas de bonne méthode. C'est ce qui nous a amenés à émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Mme Beaudeau a posé une véritable question, qui est celle de la taxation des indemnités de repos des femmes en congé de maternité instituée depuis le 1er janvier 1996.
Cette question touche à la politique de la famille, mais je dois dire à nouveau, avec un certain regret d'ailleurs, qu'il faut faire les comptes, et le Gouvernement n'a pas jugé possible d'adopter cette disposition car son coût - 1,2 milliard de francs - est considérable. Peut-être le Gouvernement qui a fait preuve de rigueur en matière de fiscalité est-il un peu moins embarrassé que M. le rapporteur général, lequel a défendu des abattements fiscaux considérables. Cependant, malgré toute la sensibilité que vous avez si bien exprimée, madame Beaudeau, il nous paraît difficile d'aller dans ce sens.
J'ajoute un argument qui, sans être décisif, est tout de même important : depuis toujours, les indemnités de congé de maternité des femmes fonctionnaires du secteur public sont taxées. Si je puis m'exprimer ainsi, il y a donc là un alignement des femmes salariées du secteur privé sur les femmes du secteur public. Ce n'est pas vraiment un argument décisif, je le concède. L'argument qui, malheureusement, me paraît le plus incontournable, c'est le coût de cette mesure.
Cela étant dit, il sera sans doute possible d'intégrer la préoccupation que vous exprimez avec autant de force dans la réflexion sur la politique familiale que Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité organisera en concertation durant l'année 1998.
Je vous demande donc, avec quelque scrupule, de retirer votre amendement, sinon, en raison de son coût, je serais obligé d'en demander le rejet.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-69.
M. François Lesein. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lesein.
M. François Lesein. Monsieur le président, la semaine dernière, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, vous avez pu voir ma sensibilité à l'égard de la famille, notamment des parturientes. Contrairement à ce que vient de dire M. le rapporteur général, s'il n'y a plus d'enfants, les générations futures seront beaucoup moins nombreuses et cela pourra poser problème.
M. Philippe Marini. C'est vrai !
M. François Lesein. Cette préoccupation est très respectable, encore faut-il avoir des enfants dès maintenant.
Je voudrais que Mme Beaudeau me dise si la notion d'« allocations maternité » comprend non seulement les salaires, mais aussi les primes à la naissance.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Il s'agit des indemnités journalières versées par les caisses de sécurité sociale.
M. François Lesein. Dernièrement, je me suis élevé contre le projet du Gouvernement, qui semblait défavoriser les familles, et contre notre commission, qui, en proposant cette année une baisse importante des taux d'augmentation des moyens de fonctionnement diminuait ainsi, monsieur le président, cher confrère, la sécurité dans certains hôpitaux, je pense notamment aux services chirurgicaux d'urgence obstétricale.
C'est la raison pour laquelle je suis très partisan de cette prime à la démographie dans notre pays. Aussi, je voterai cet amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-69, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° I-70 rectifié, Mme Beaudeau, M. Loridant, Mme Borvo, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les dispositions des articles 6 et 92 de la loi de finances pour 1997 (loi n° 96-1181 du 30 décembre 1996) sont abrogées.
« II. - Dans le premier alinéa de l'article 199 decies B du code général des impôts, le taux "15 %" est remplacé par le taux "10 %". »
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. En l'occurrence, il s'agit de l'abattement de 10 % sur les retraites et les pensions. La réforme de l'impôt sur le revenu du gouvernement de M. Juppé recèle des mesures pour le moins discutables, qui, selon nous, doivent être profondément revues et corrigées. L'examen du projet de loi de finances pour 1998 nous permet de revenir sur le sujet.
Cet amendement porte sur la suppression du plafonnement de l'abattement de 10 % accordé aux titulaires de pensions et de retraites.
Dans la philosophie, que nous ne partageons pas, de la réforme Juppé, la baisse du barème de l'impôt sur le revenu devait en effet s'accompagner d'une redéfinition de l'assiette de cet impôt, redéfinition incluant une part plus importante de revenus salariaux - nous y reviendrons avec les abattements professionnels supplémentaires et spécifiques - et des revenus de transfert tels que les allocations maternité, nous l'avons vu, ou encore les pensions et les retraites.
A l'époque, nous avions contesté cette orientation. En effet, toute extension d'assiette de l'impôt sur le revenu doit, selon nous, plutôt viser les revenus du capital et de la propriété que les revenus du travail ou ceux qui proviennent de transfert.
Les pensions et les retraites constituent une forme de salaire différé, puisque les prestations sont assises fondamentalement sur les salaires, et notamment sur le montant des prélèvements mensuels effectués sur les rémunérations pour financer le régime général d'assurance vieillesse.
On cotise aujourd'hui pour disposer demain d'une pension ou d'une retraite, comme nos cotisations d'aujourd'hui servent à assurer des prestations aux retraités et aux pensionnés d'aujourd'hui.
C'est le principe fondamental de la répartition, qui répond en fait à une idée simple : celle de la solidarité entre générations de salariés, anciens ou actuels.
Ces salaires et traitements ont subi naturellement le prélèvement visant à financer les retraites et les pensions et on doit assimiler ces retraites aux pensions et aux salaires.
Cela a motivé, dans la réforme initiale de l'impôt sur le revenu - lorsque s'est mis en place la barème progressif - que l'abattement de 10 % accordé aux salaires soit logiquement étendu aux retraites et aux pensions.
Rien ne permet donc aujourd'hui de justifier que le plafonnement de cet abattement continue à s'appliquer, frappant au fil des ans un nombre croissant de contribuables.
En effet, à la fin de la réforme, ce sont les retraités et pensionnés disposant d'un revenu annuel de 120 000 francs, c'est-à-dire, de 10 000 francs par mois, qui seront concernés par ce plafonnement.
On est, en la matière, encore très loin des couches les plus aisées de la population. Vous me permettrez de souligner le regrettable effet de seuil que produirait le maintien de cette partie de la réforme Juppé conduisant à une augmentation de l'impôt sur le revenu de certains contribuables.
Cet amendement, à l'instar de celui que nous avons défendu sur la demi-part des veufs, célibataires et divorcés, vise donc à rendre un peu de cohérence à notre système de calcul de l'impôt sur le revenu. Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite, mes chers collègues, à l'adopter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je souhaiterais au préalable dire à M. le secrétaire d'Etat que nous ferons, tout au long de cette discussion budgétaire, un peu de colorimétrie. En effet, à chaque fois qu'il rosira un peu son commentaire en interprétant la position réputée embarrassée de la commission des finances, je serai tenté de colorier dans l'autre sens. Tout à l'heure, j'ai résisté à cette tentation, vous l'avez constaté, afin de ne pas faire perdre de temps au Sénat.
M. Loridant peut qualifier les réformes de l'impôt sur le revenu du nom qu'il voudra. La fierté du Parlement, c'est de voter la loi. Or, de plus en plus souvent, mes chers collègues, nous-mêmes donnons à tous les textes qui sont adoptés le nom des ministres concernés. J'ai beaucoup de respect pour la fonction ministérielle ; j'en ai aussi beaucoup pour le Parlement. Si les parlementaires n'ont pas de fierté pour le Parlement, un jour viendra où il n'y aura plus besoin de Parlement dans notre pays, et le début de la tyrannie sera sonné.
M. Philippe Marini. Absolument !
M. Alain Lambert, rapporteur général. A ce propos, je dirai à notre collègue M. Loridant que le souci constant du Sénat est d'aboutir à une fiscalité stable, lisible et compréhensible pour nos concitoyens. L'année dernière, a été adoptée une réforme fiscale dont la mise en oeuvre s'étale sur cinq ans. La majorité sénatoriale s'y tient. Cette réforme a intégré les dispositifs anciens dans le nouveau barème. C'est pourquoi, logiquement, la commission émet aujourd'hui un avis défavorable sur tous les dispositifs visant à la fois à maintenir la réforme fiscale et à ajouter d'autres dispositifs qui ont été intégrés dans le barème. Elle est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur le rapporteur général, rassurez-vous, j'ai compris à votre premier message que certains noms propres ne devaient pas être prononcés devant la Haute Assemblée. Je vous le promets, je ne prononcerai plus aucun nom propre, sauf celui des sénateurs présents, si vous en êtes d'accord. (Sourires.)
Monsieur Loridant, on ne peut pas rigoureusement assimiler les retraites à des salaires. Considérer l'abattement de 10 % sur les retraites comme un abattement pour frais professionnels, c'est, à mon avis, aller un peu loin. Le plafond de 24 000 francs - qui n'est pas un seuil, je le souligne au passage - s'appliquera pour l'imposition des revenus de 1997. Il touchera - je reprends un peu la même argumentation, en donnant des chiffres pour montrer l'impact des mesures qui sont proposées par le Gouvernement - les foyers qui disposent d'un revenu fiscal supérieur à 240 000 francs. Ce ne sont donc pas - je veux vous rassurer entièrement, monsieur le sénateur - des retraités modestes ou moyens. En effet, cette disposition concerne environ un foyer fiscal sur dix parmi ceux qui déclarent des revenus au titre des pensions et des retraites.
Donc, j'appelle au retrait ou au rejet de cet amendement, tout simplement parce que l'assimilation entre les retraites et les salaires ne me paraît pas convenable et, surtout, en raison du coût, qui, en outre, est pluriannuel. L'expérience du gouvernement précédent - je ne citerai aucun nom propre (Sourires) - montre qu'il est un peu aventureux de prendre des engagements fiscaux sur cinq ans.
La solidarité entre générations doit jouer. En l'occurrence, il est demandé à un foyer fiscal de retraités sur dix de faire un petit effort de solidarité en faveur des générations qui arrivent sur le marché du travail. Il s'agit, je crois, d'un appel légitime.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-70 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures dix.)