M. le président. « Art. 14. _ I. _ Il est inséré, dans le code général des impôts, un article 163 tervicies ainsi rédigé :
« Art. 163 tervicies. _ I. _ Les contribuables peuvent déduire de leur revenu net global une somme égale au montant hors taxes des investissements productifs, diminué de la fraction de leur prix de revient financée par une subvention publique, qu'ils réalisent dans les départements et territoires d'outre-mer et dans les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon, dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité dans les secteurs de l'industrie, de la pêche, de l'hôtellerie, du tourisme, des énergies nouvelles, de l'agriculture, du bâtiment et des travaux publics, des transports, de l'artisanat, de la maintenance au profit d'activités industrielles, de la production et de la diffusion audiovisuelles et cinématographiques ou réalisant des investissements nécessaires à l'exploitation d'une concession de service public local à caractère industriel et commercial.
« Les dispositions du premier alinéa s'appliquent également aux investissements réalisés par une société soumise au régime d'imposition prévu à l'article 8 ou un groupement mentionné aux articles 239 quater ou 239 quater C. En ce cas, la déduction est pratiquée par les associés ou membres dans une proportion correspondant à leurs droits dans la société ou le groupement.
« La déduction prévue au premier alinéa est opérée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé.
« Si dans le délai de cinq ans de son acquisition ou de sa création ou pendant sa durée normale d'utilisation si elle est inférieure, l'investissement ayant ouvert droit à déduction est cédé ou cesse d'être affecté à l'activité pour laquelle il a été acquis ou créé ou si l'acquéreur cesse son activité, les sommes déduites sont ajoutées, au titre de l'année au cours de laquelle cet événement est intervenu, au revenu net global du ou des contribuables ayant pratiqué la déduction.
« Toutefois, la reprise de la déduction n'est pas effectuée lorsque les biens ayant ouvert droit à déduction sont transmis dans le cadre des opérations mentionnées aux articles 41 et 151 octies , si le bénéficiaire de la transmission s'engage à conserver ces biens et maintenir leur affectation initiale pendant la fraction du délai de conservation restant à courir. L'engagement est pris dans l'acte constatant la transmission ou, à défaut, dans un acte sous seing privé ayant date certaine, établi à cette occasion. En cas de non-respect de cet engagement, le bénéficiaire de la transmission doit, au titre de l'exercice au cours duquel cet événement est intervenu, ajouter à son résultat une somme égale au montant de la déduction à laquelle les biens transmis ont ouvert droit.
« Lorsque l'investissement est réalisé par une société ou un groupement visés au deuxième alinéa, les associés ou membres doivent, en outre, conserver les parts ou actions de cette société ou de ce groupement pendant un délai de cinq ans à compter de la réalisation de l'investissement. A défaut, ils doivent ajouter à leur revenu net global de l'année de la cession le montant des déductions qu'ils ont pratiquées, diminué le cas échéant, dans la proportion de leurs droits dans la société ou le groupement, des sommes déjà réintégrées en application des dispositions du quatrième alinéa.
« II. _ 1. Les investissements mentionnés au I et dont le montant total par programme est supérieur à 30 000 000 francs ne peuvent ouvrir droit à déduction que s'ils ont été portés, préalablement à leur réalisation, à la connaissance du ministre chargé du budget et que ce dernier, dans un délai de trois mois, ne s'y est pas opposé.
« 2. Ceux des investissements mentionnés au I qui concernent les secteurs des transports, de la navigation de plaisance, de la production et de la diffusion audiovisuelles et cinématographiques, qui comportent la construction d'hôtels ou de résidences à vocation touristique ou parahôtelière ou sont nécessaires à l'exploitation d'une concession de service public local à caractère industriel ou commercial ne peuvent ouvrir droit à déduction que s'ils ont reçu un agrément préalable du ministre chargé du budget délivré dans les conditions prévues aux deuxième, troisième et quatrième alinéas du III ter de l'article 217 undecies.
« III. _ Supprimé .
« IV. _ Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent article. »
« II. _ Les dispositions de l'article 238 bis HA du code général des impôts sont transférées sous un article 217 undecies nouveau et ainsi modifiées :
« A. _ Au I, dans le premier alinéa, les mots : "ou assujetties à un régime réel d'imposition" sont supprimés et les mots : "au montant total des investissements productifs réalisés" sont remplacés par les mots : "au montant des investissements productifs, diminué de la fraction de leur prix de revient financée par une subvention publique, qu'elles réalisent" ;
« A bis . _ Le III bis, le III quater et le IV bis sont abrogés ;
« B. _ Au III ter :
« _ au deuxième alinéa, après les mots : "il est réalisé,", sont insérés les mots : "s'il favorise le maintien ou la création d'emplois dans ce département," ;
« _ au dernier alinéa, dans la deuxième phrase, les mots : "elle entend bénéficier de la déduction fiscale" sont remplacés par les mots : "la déduction fiscale est pratiquée" ;
« C. _ Au V, le mot : "décret" est remplacé par les mots : "décret en Conseil d'Etat".
« III. _ Les dispositions de l'article 238 bis HC du code général des impôts sont transférées sous un article 217 duodecies nouveau et ainsi modifiées : les mots "article 238 bis HA" sont remplacés par les mots : "article 217 undecies ".
« IV. _ L'article 199 undecies du code général des impôts est ainsi modifié :
« A. _ Au 1 :
« _ au e du deuxième alinéa, les mots : "article 238 bis HA et réalisées à compter du 1er juillet 1993" sont remplacés par les mots : "article 217 undecies " ;
« _ au septième alinéa, les mots : "article 238 bis HA et réalisées à compter du 1er juillet 1993" sont remplacés par les mots : "article 217 undecies " ;
« B. _ Le 2 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il en est de même de la construction d'un ou plusieurs immeubles ayant fait l'objet d'un seul permis de construire dont le prix de revient est supérieur à 30 000 000 francs ou de l'acquisition de logements situés dans de tels immeubles. »
« IV bis. _ Dans le 3 de l'article 223 L du code général des impôts, la référence : "238 bis HA" est remplacée par la référence : "217 undecies ".
« V. _ Les dispositions qui précèdent sont applicables aux investissements réalisés ou aux souscriptions versées à compter du 15 septembre 1997, à l'exception :
« 1° Des investissements et des souscriptions pour l'agrément ou l'autorisation préalable desquels une demande est parvenue à l'administration avant cette date ;
« 2° Des immeubles ayant fait l'objet avant cette date d'une déclaration d'ouverture de chantier à la mairie de la commune ;
« 3° Des biens meubles corporels commandés, mais non encore livrés au 15 septembre 1997, si la commande a été accompagnée du versement d'acomptes égaux à 50 % au moins de leur prix. »
Sur l'article, la parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Je veux dire quelques mots sur un débat bien connu.
Dans un quotidien, j'ai lu récemment une phrase qui m'a paru très significative à propos de nos départements et de nos territoires d'outre-mer, ou du moins de la plupart d'entre eux : « Dans ces îles rattachées à la France, et où il n'y a presque plus aucune autre richesse que le tourisme, les charges sont celles d'un pays riche au nom de l'égalité des droits, alors que le niveau de production est celui d'un pays pauvre. » Cela me semble décrire assez bien la situation économique et sociale difficile de l'outre-mer français.
Dans ces conditions, mes chers collègues, est-il bienvenu de limiter les effets économiques favorables du dispositif dit de la loi Pons tel qu'il a été rectifié, d'ailleurs plutôt opportunément, en 1992 ? Est-il souhaitable de diminuer l'efficacité d'investissements qui, s'agissant seulement des projets agréés par l'administration, ont représenté, en 1996, 5,6 milliards de francs ? Est-il opportun, sous le prétexte de poursuivre une illusoire moralisation, de préférer une logique d'assistance et de subvention à une logique d'incitation économique ?
Je m'arrête là s'agissant de l'enjeu politique important de ce dont nous allons débattre, c'est-à-dire de l'opportunité - qu'il y a lieu, me semble-t-il, de conserver - de maintenir un régime efficace d'incitation à l'épargne privée pour l'investissement productif d'emplois en outre-mer. (Très bien ! sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Lise.
M. Claude Lise. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, rarement débat aura été aussi mal engagé que celui auquel nous assistons depuis quelques semaines sur le régime d'aide fiscal à l'investissement outre-mer.
Il est mal engagé parce que lancé avec précipitation, sans concertation avec les élus représentant les populations concernées, sans bilan sérieux du dispositif mis en cause et sans études prospectives permettant de bien mesurer l'impact des réformes proposées.
M. Roland du Luart. C'est vrai !
M. Claude Lise. Le débat est mal engagé parce que d'emblée pollué par une campagne de presse lamentable au cours de laquelle on a vu l'à-peu-près prendre le pas sur le précis, le supposé sur le confirmé, l'accessoire sur le principal, l'apparence sur la réalité.
Dans cette campagne de presse, on a vu surtout le parti pris de capter démagogiquement les faveurs de l'opinion l'emporter, et de loin, sur l'analyse objective et le souci d'informer.
M. Roland du Luart. Vous avez tout à fait raison !
M. Jean-Pierre Fourcade. Très bien !
M. Claude Lise. Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, que l'on en soit vite arrivé à une situation de blocage entre ceux pour qui la loi de défiscalisation est avant tout un remarquable outil de développement économique pour l'outre-mer et ceux pour qui elle n'est guère autre chose qu'un méprisable instrument d'évasion fiscale.
J'ai pour ma part le plus grand mal à me situer dans cette logique manichéenne.
Je refuse en effet, vous l'avez compris, d'avaliser un certain nombre de critiques sommaires et de clichés faciles.
M. Charles Pasqua. Très bien !
M. Claude Lise. Je trouve en particulier assez lamentable que l'on essaie de tout ramener aux histoires de bateaux de plaisance utilisés comme de véritables armes médiatiques !
M. Charles Pasqua. Très bien !
M. Claude Lise. Mais, pour autant, je ne suis pas un panégyriste du régime d'aide fiscale à l'investissement outre-mer. Je n'ai jamais considéré que celui-ci pouvait constituer la réponse à la situation de mal-développement des départements et territoires d'outre-mer, une situation qui appelle en fait la mise en oeuvre de véritables plans globaux de développement ainsi que d'indispensables réformes institutionnelles.
Par ailleurs, j'ai toujours tenu un discours très clair et très ferme sur la nécessité de prévenir et de combattre les abus de toute sorte.
J'ai fait partie de ceux qui, en 1991, à la commission des finances de l'Assemblée nationale, ont réclamé l'envoi d'une mission parlementaire dans les DOM, et j'ai pris une part active aux débats qui se sont engagés par la suite pour assainir et en même temps améliorer le régime d'aide fiscale.
C'est dire, vous en conviendrez, que je peux difficilement me laisser impressionner par les donneurs de leçons en la matière, surtout lorsque, chez eux, l'éthique entretient des relations par trop douteuses avec le médiatique. C'est dire aussi que j'ai du mal à admettre, au niveau des administrations compétentes, qu'on ne mette pas plus d'ardeur à prévenir les abus qu'à les dénoncer, en utilisant plus efficacement les moyens donnés par la loi depuis 1991.
Mes chers collègues, vous l'aurez compris, je ne peux rien proposer d'autre que de vous inviter à participer à l'indispensable déblocage de la situation que nous connaissons. Ce déblocage est possible.
Il l'est à condition de regarder la vérité en face et de privilégier l'intérêt bien compris des populations concernées.
Que constate-t-on si l'on accepte d'adopter ce point de vue ?
On constate que, incontestablement, le dispositif incriminé draine outre-mer un très important flux d'investissements, et ce dans de nombreux secteurs qui en ont le plus grand besoin.
On constate encore que personne ne peut dire sérieusement, à l'heure actuelle, combien d'emplois durables sont ainsi générés ; personne ne peut dire sérieusement où en seraient, à défaut, les taux de chômage outre-mer, et personne non plus ne peut dire sérieusement quelles seraient les conséquences d'une modification brutale du système actuel, alors même qu'aucun dispositif « alternatif » n'a été prévu et que l'appareil bancaire et financier demeure outre-mer toujours aussi peu attractif et aussi peu incitatif pour le monde de l'entreprise.
La conclusion paraît claire : on ne peut, pour économiser 200 millions de francs cette année, prendre le risque de déstabiliser gravement des économies que l'on sait particulièrement fragiles.
M. Charles Pasqua. Très bien !
M. Claude Lise. Et le risque, il existe avec l'amendement adopté par l'Assemblée nationale. L'expérience du terrain m'en donne la conviction, plus encore que ce que laissent entrevoir les statistiques, à savoir que 90 % des investissements sont directement concernés par ce qui est remis en cause, et plus encore dans les domaines de l'industrie, de la pêche et de l'artisanat que dans ceux de l'hôtellerie ou de la plaisance.
Alors, que faire en définitive ?
Il faut, d'une part, et je rejoins là la préoccupation du Gouvernement et de notre commission des finances, procéder à une évaluation approfondie du dispositif de défiscalisation pour sortir des incertitudes actuelles, mais aussi et surtout pour permettre d'engager un véritable débat de fond sur le problème du financement du développement dans les départements et territoires d'outre-mer.
Il faut d'autre part, en attendant, ne prendre, selon moi, aucun risque inconsidéré, sans pour autant se priver de la possibilité de se doter des moyens de mieux prévenir les abus et de mieux recentrer la loi sur sa vraie finalité : la création d'emplois pérennes outre-mer ! Il suffit pour cela d'instituer un minimum de contrôles efficaces qui font actuellement défaut. Je vous présenterai tout à l'heure des amendements répondant à ces différentes préoccupations.
J'espère, mes chers collègues, que notre assemblée, en les discutant, montrera son souci de trouver une issue à l'impasse actuelle. Ce faisant, elle prouvera qu'elle ne méconnaît ni les réalités, ni les problèmes, ni les attentes de l'outre-mer. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Millaud.
M. Daniel Millaud. Notre collègue, M. Lise, vient de faire un exposé extrêmement complet. Je serai d'autant plus bref que je partage quasiment tous les propos qu'il vient de tenir.
S'agissant de mon territoire, la loi Pons est progressivement devenue, depuis une dizaine d'années qu'elle est appliquée, un instrument indispensable à son développement,...
M. Charles Pasqua. Très bien !
M. Daniel Millaud. ... complétant les conventions passées avec l'Etat.
Il ne faut pas oublier le départ du Centre d'expérimentation du Pacifique, avec ses conséquences économiques négatives, et l'importance de la démographie en Polynésie française, dont la moitié de la population est âgée de moins de 25 ans, ce qui pose un grave problème d'emploi.
La loi de défiscalisation aura permis la création, et cela en moins de trois ans, de plus de 1 500 emplois, maintenant le taux de chômage en dessous de 12 %.
Les investissements ont permis de moderniser la compagnie aérienne locale Air Tahiti, dont la flotte est composée d'avions français achetés en France, et d'augmenter la capacité hôtelière. Ce sont donc là deux éléments importants dans le secteur du tourisme.
Il ne faut pas oublier, bien entendu, le tourisme de croisière, ni la pêche hauturière, dont le développement est assuré par les marchés du Pacifique, notamment le Japon.
Il ne faut pas oublier non plus les effets induits, en particulier l'artisanat et la modernisation des secteurs du bâtiment et des travaux publics, avec l'augmentation des personnels employés. Alors, qu'il y ait un contrôle administratif en cours d'exécution, sans omettre une procédure d'agrément, cela est normal. Mais on ne va quand même pas empêcher des Français d'investir en France car, jusqu'à preuve du contraire, mon territoire est une partie de la France !
M. Charles Pasqua. En effet, la Polynésie, c'est la France !
M. Daniel Millaud. Je pense notamment à ceux qui ont déjà pris leur décision sur le fondement d'un texte libéral. Je vous rappelle que le Conseil économique et social a considéré qu'il était indispensable de maintenir les dispositions de la loi Pons portant défiscalisation des investissements, et cela pendant encore au moins dix ans. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Après avoir écouté M. Claude Lise, je me demande s'il reste encore quelque chose à ajouter ! Il a fait une analyse particulièrement pertinente et approfondie, tout comme MM. Millaud et Marini.
Le débat que nous avons aujourd'hui me rappelle celui d'hier. Nous traitions des incitations fiscales pour le développement de notre flotte et la présence de la France sur les mers du globe.
Nous avons connu une décroissance tout à fait considérable, sur laquelle je ne reviendrai pas : quatrième puissance industrielle et commerciale, la France est maintenant tombée à la vingt-huitième place s'agissant des flottes de commerce.
Y a-t-il un lien entre les deux ? A l'évidence oui. L'action que nous menons dans les départements d'outre-mer et celle que nous menons sur les mers ont un lien : la fiscalité.
Cela nous conduit à un problème important d'action politique : comment aider un certain nombre de territoires ? Quels moyens utiliser ? Quel système choisir ? Faut-il préférer celui de la subvention, dont on pense pouvoir mieux contrôler les effets, à celui de l'incitation fiscale, qui aboutit à drainer une épargne, à susciter un acte volontaire de ceux qui veulent investir et développer un territoire donné ? Je l'ai dit hier et je le répète : l'incitation fiscale est un acte positif, dynamique, actif, alors que la subvention est un acte passif, étatiste, qui, à mon avis, n'aura jamais les mêmes effets que l'incitation fiscale.
Depuis dix ans - vous l'avez dit, mon cher collègue Lise - cette loi Pons est pour certains un épouvantail. Pourtant, elle a eu un succès formidable. Jamais nos départements d'outre-mer ne se seraient développés si ce dispositif n'avait permis de drainer des milliards de francs d'investissements dans ce domaine.
On le sait, au coeur d'une large partie de ce dispositif, il y a l'agrément du ministère des finances. Monsieur le secrétaire d'Etat, on revient au même problème que la dernière fois : si l'agrément a été mal utilisé, si les contrôles ont été mal effectués, il faut vous en prendre à vous-même, et non pas au dispositif !
Dans l'évolution de l'économie des départements d'outre-mer, comme d'ailleurs dans celle de l'économie mondiale, que constate-t-on ? Voilà des îles, un peu éloignées de la métropole, dont l'activité essentielle est, et sera, le tourisme, avec tout ce que cette activité génère.
Dans ces départements, la loi Pons a permis de créer, selon l'étude d'Arthur Andersen, près de 100 000 emplois, de multiplier par 114 % les investissements productifs entre 1986 et 1992 et de réduire la baisse des services non marchands de 32 % à 25 %. On pourrait multiplier les exemples !
Bref, sans la loi Pons, jamais les départements d'outre-mer n'auraient pu connaître le développement qu'ils ont connu. Et pourtant, il faut savoir que les chiffres du chômage, cités par nos collègues, sont extrêmement importants.
Que veut-on ? Alors que le Gouvernement ne propose aucune solution de remplacement - et, vous l'avez dit, nous sommes dans la même situation qu'hier pour la flotte marchande - vous voulez supprimer un système que l'amendement de l'Assemblée nationale a totalement « défiguré », si vous me permettez cette expression. Il n'y a pas eu de concertation avant une modification de ce dispositif !
Le groupe du RPR, qui est si attaché à nos départements et à nos territoires d'outre-mer, ne peut que s'élever vigoureusement contre la modification du dispositif - ce sera l'objet des amendements que nous avons déposés - et soutenir tous nos collègues d'outre-mer et de métropole qui défendent le principe d'une action de défiscalisation, laquelle n'a, je le répète, qu'un objectif : drainer une épargne vers nos départements et territoires d'outre-mer pour soutenir leur développement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai écouté avec une attention très soutenue l'ensemble des intervenants qui viennent de s'exprimer, et notamment M. Lise, qui nous a suggéré d'abandonner toute passion et toute vision manichéenne des choses.
M. Oudin a déclaré que nous voulions supprimer la loi Pons. Il n'en est pas question. Je m'efforcerai de le démontrer dans un instant.
Je vais donc essayer de me livrer à une analyse la plus objective possible en essayant de trouver un régime efficace.
Deux critères nous permettent d'apprécier l'efficacité du dispositif.
Le premier est son impact économique et ses répercussions sur l'emploi dans les départements et territoires d'outre-mer. Ce critère est extrêmement important. Personne ne nie - en tous cas pas le Gouvernement - que le dispositif en vigueur a permis la création d'activités dans les départements et territoires d'outre-mer.
L'autre critère est celui de la justice fiscale.
Je vais examiner successivement ces deux points.
S'agissant du premier, un élément important est à prendre en considération : l'agrément.
Certains d'entre vous ont critiqué le fait que l'administration, dont le Gouvernement est responsable, n'ait pas délivré l'agrément avec la rigueur nécessaire. Je répondrai que, dans les dispositions actuelles, la délivrance de l'agrément n'est pas expressément liée au développement de l'emploi dans les départements et territoires d'outre-mer alors que c'était, me semble-t-il, l'objectif recherché par les initiateurs de cette loi.
C'est pourquoi le Gouvernement propose - et je pense qu'il n'y a pas là matière à protestation - que la création ou le maintien de l'emploi dans les départements et territoires d'outre-mer figure désormais parmi les critères à prendre en considération pour la délivrance de l'agrément. Cela répond, me semble-t-il, à un souci d'efficacité, que la Haute Assemblée peut partager.
Venons-en à l'aspect de justice fiscale.
Il est certain que les capitaux qui sont investis dans les départements et territoires d'outre-mer ont un impact parfois bénéfique. Mais il faut également considérer le problème sous un autre aspect.
Cette loi permet à des contribuables qui disposent généralement d'un patrimoine et de revenus importants « d'optimiser » le plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune en fonction de leurs revenus en les réduisant par l'imputation de déficits importants. Il y a bien plusieurs milliers de contribuables français qui, sous le couvert d'une cause certainement louable, le développement de l'activité et de l'emploi dans les départements et territoires d'outre-mer, s'exonèrent complètement d'impôt sur le revenu ; cette exonération peut atteindre un million de francs.
C'est pourquoi, sans chercher à supprimer la loi Pons, comme je l'ai entendu dire, le Gouvernement entend l'aménager en proposant deux dispositions allant dans le sens de la justice fiscale.
La première consiste à ne plus inclure les subventions dont bénéficient les projets dans la base défiscalisable.
Dès lors qu'est remboursé un investissement à 100 %, il est peut-être inutile d'y ajouter les subventions dont il bénéficie.
La seconde vise à faire en sorte que la faculté qui est toujours ouverte d'exonération d'impôt sur le revenu par le biais de la loi Pons ne rende pas possible, en outre, une exonération d'impôt de solidarité sur la fortune.
Telles sont les mesures limitées que le Gouvernement a proposées, en première lecture, à l'Assemblée nationale.
Que s'est-il passé depuis ?
Dans un premier mouvement, certains ont suggéré que soit institué un plafonnement, en termes de revenus, de l'avantage tiré de la loi Pons. Ce plafonnement aurait porté soit uniquement sur l'avantage lié à la loi Pons, soit sur l'ensemble des réductions d'impôt et déductions du revenu imposable venant d'origines diverses, les dons aux associations, notamment.
Le Gouvernement s'est opposé à cette proposition au nom d'un argument qui, me semble-t-il, a été fort bien développé par M. Lise : l'institution d'un plafonnement de la réduction d'impôt liée à la loi Pons, pouvait compromettre à la fois la réalisation d'investissements dans les départements et territoires d'outre-mer et la création d'emplois. L'Assemblée nationale s'est bornée à voter une disposition qui porte sur les déficits d'exploitation.
J'insiste à l'intention de l'ensemble des membres de la Haute Assemblée sur le fait que l'investissement dans les départements et territoires d'outre-mer, qui font partie de la France, est évidemment libre. Il y est même favorisé puisque les investissements peuvent être entièrement déduits de l'impôt direct, déduction qui n'est pas applicable aux investissements réalisés en d'autres parties de la France.
J'ajoute, par parenthèse, que le Gouvernement ne classe pas les activités économiques dans les départements et territoires d'outre-mer entre activités nobles et activités moins nobles : le tourisme et le tourisme de croisière sont des activités tout aussi valables que d'autres, dès lors qu'elles sont créatrices d'emplois.
L'Assemblée nationale a donc proposé, dans l'hypothèse où des investissements auraient un résultat malheureux, que les déficits d'exploitation ne puissent être déduits que de bénéfices effectués dans le même domaine. C'est ce que, en jargon, on appelle la « tunnellisation ».
Le Gouvernement ne s'est pas opposé à cette proposition, qui lui semble aller dans le bon sens.
M. Jacques Oudin. Elle va dans le mauvais sens !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le bon sens, monsieur Oudin, c'est d'encourager des investissements efficaces et rentables dans les départements et territoires d'outre-mer !
Voilà ce que je voulais dire en réponse aux différents intervenants. J'espère l'avoir fait de manière objective.
M. le président. Par amendement n° I-41, M. Marini propose :
I. - Dans la première phrase du premier alinéa du I du texte présenté par l'article 14 pour l'article 163 tervicies du code général des impôts, de remplacer les mots : « subvention publique » par les mots : « subvention de l'Etat ».
II. - Dans le A du II de cet article, de procéder à la même modification.
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Cet amendement porte sur un élément technique du dispositif, à savoir la prise en compte des subventions dans la base fiscale.
Je suggère, par cet amendement, que ne soient exclues de la base fiscale que les subventions de l'Etat, dans la mesure où il faut inciter les entreprises françaises, les initiateurs de projets à obtenir des subventions de l'Union européenne.
En effet, celles-ci obéissent à des règles différentes des nôtres. Il me semble que l'emboîtement du dispositif de la loi Pons avec les procédures européennes risque de créer un imbroglio technique inextricable.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Ainsi que l'auteur de l'amendement le sait, puisqu'il est un membre très éminent de la commission des finances, celle-ci n'a pas émis un avis favorable sur son amendement.
En effet, la commission souhaite que le dispositif de la loi Pons soit préservé pour soutenir l'économie des départements et territoires d'outre-mer et elle craint que l'adoption de cet amendement ne nuise à la logique qu'elle a adoptée.
C'est la raison pour laquelle je demande à mon collègue Philippe Marini de bien vouloir retirer son amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement pour une autre raison.
Je ne vois pas l'intérêt de cumuler deux aides publiques : l'incitation fiscale, qui est le coeur de la loi Pons, et une subvention qui émanerait soit des collectivités locales soit de l'Union européenne. Par ailleurs, je ne vois pas pourquoi on ferait un sort particulier aux subventions de l'Etat.
M. le président. Monsieur Marini, l'amendement est-il maintenu ?
M. Philippe Marini. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-41 est retiré.
Par amendement n° I-26, M. du Luart propose, dans le 1 du II du texte présenté par le I de l'article 14 pour l'article 163 tervicies du code général des impôts de remplacer les mots : « est supérieur à 30 000 000 F » par les mots : « est supérieur à 10 000 000 F ».
La parole est à M. du Luart.
M. Roland du Luart. Cet amendement, que j'ai l'honneur de défendre en tant que rapporteur spécial de l'outre-mer, a pour objet d'abaisser de 30 millions de francs à 10 millions de francs le seuil à partir duquel un agrément doit être délivré pour rendre l'investissement éligible à l'aide fiscale.
En effet, le dispositif de moralisation qui a été introduit depuis 1991 avec l'institution d'un mécanisme d'agrément délivré par les services de la direction générale des impôts constitue une véritable garantie pour la transparence et le contrôle du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie sur cette aide fiscale essentielle au développement économique et social de l'outre-mer.
Tout à l'heure, je vous ai écouté avec beaucoup d'intérêt, monsieur le secrétaire d'Etat. Sans être en totale contradiction avec vous, je voudrais souligner, après ce qu'ont dit M. Lise et nombreux autres collègues, que l'ajout de l'Assemblée nationale va couper le fameux effet de levier fiscal de la loi.
Je peux comprendre vos raisons, mais n'oubliions pas que la loi Pons ne sera en vigueur que jusqu'en 2001. Le procédé, dit de « tunnelisation », introduit par l'Assemblée nationale, risque de tarir l'investissement, ce que nous voulons éviter.
Le texte qui figurait dans le projet de loi de finances initial était meilleur que celui qui sort de l'Assemblée nationale. Nous ne voulons pas critiquer nos collègues députés - ils sont libres d'amender comme ils le veulent - mais je pense qu'ils n'ont pas mesuré à quel point on peut oeuvrer contre l'outre-mer. Ici, sur différentes travées, nous sommes nombreux à comprendre le problème, et nous souhaitons éviter les à-coups. Si vous introduisez des modifications dans le système actuel, veillez à ce qu'il reste favorable à l'investissement en outre-mer. Ne restons pas avec un système vidé de sa substance.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Non seulement la commission des finances ne craint pas l'agrément mais encore, elle le croit utile, ...
M. Roland du Luart. Bien sûr !
M. Alain Lambert, rapporteur général. ...car il manifeste avec force ce dont chacun est au demeurant convaincu, à savoir que ce dispositif fiscal présente un grand intérêt pour l'économie des départements et territoires d'outre-mer.
En proposant d'abaisser le seuil au-delà duquel l'agrément est nécessaire, notre collègue M. du Luart permet au législateur de montrer sa volonté de voir les contribuables se soumettre à un contrôle quant à l'investissement qu'ils envisagent de réaliser outre-mer pour bénéficier du régime fiscal afférent à ce type d'investissement.
La commission des finances émet donc un avis extrêmement favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur du Luart, votre amendement va, à l'évidence, dans le sens de ce que propose le Gouvernement puisque celui-ci a souhaité préciser la procédure de l'agrément en introduisant une condition relative au maintien ou à la création d'emplois dans les départements concernés.
Le Gouvernement avait retenu le seuil de 30 millions de francs, de façon à limiter le nombre de projets à examiner. Si vous souhaitez que le contrôle effectué par les services des ministères des finances et du secrétariat d'Etat à l'outre-mer soit élargi, et donc encore plus strict, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée. De toute façon, il s'agit bien de conditionner l'agrément à l'intérêt de l'investissement au regard de l'emploi.
Je ne saurais être défavorable à votre amendement dans la mesure où il vient s'ajouter au dispositif proposé par le Gouvernement.
MM. Michel Charasse et Jean-Pierre Fourcade. Très bien !
M. Roland du Luart. Les grands esprits se rencontrent !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-26.
M. Rodolphe Désiré. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole et à M. Désiré.
M. Rodolphe Désiré. En vérité, c'est la réponse de M. le secrétaire d'Etat à M. Marini qui me conduit à prendre la parole, car elle a accentué mes inquiétudes.
La plupart des opérations d'investissement lourd qui ont été menées dans les départements d'outre-mer ont été aidées à la fois par des fonds publics nationaux et par des fonds européens. Je suis bien placé pour le savoir, étant maire d'une petite commune qui, en 1990, a décidé de construire un port de plaisance, qui a fait l'objet d'une concession à une société, laquelle peut demander à bénéficier d'aides publiques nationales et de fonds européens.
Or, si j'ai bien compris, la « subvention publique » dont il est ici question peut correspondre aussi bien à une subvention nationale qu'à une subvention européenne.
Permettez-moi de vous dire mon inquiétude, monsieur le secrétaire d'Etat, sur les conditions dans lesquelles a été envisagée cette nouvelle modification de la loi Pons.
S'il fallait résumer en une image la situation actuelle dans les départements d'outre-mer, je dirais qu'on pourrait planter sur chacun d'eux cet écriteau : Danger ! Explosif .
M. Philippe Marini. Très bien !
M. Rodolphe Désiré. En effet, le chômage touche plus de 40 % de la population active à la Réunion, ce taux avoisinant 30 % à la Guadeloupe, en Guyane et à la Martinique.
Cela veut dire que les efforts consentis par les collectivités locales et l'Etat depuis les années quatre-vingt pour améliorer la situation économique de ces territoires, qui n'ont pas achevé leur mutation, entre une économie de plantation et de monoculture et une économie plus moderne, n'ont pas encore porté leurs fruits.
En matière de développement économique, la loi de défiscalisation, depuis 1986, a constitué l'essentiel de la mobilisation des fonds privés locaux et nationaux. Elle doit donc être manipulée avec précaution !
Rappelons que, pour la période s'étalant de 1994 à 1999, les chiffres relatifs aux investissements productifs publics dans les DOM se répartissent de la façon suivante : 8 milliards de francs au titre du XIe plan et 11 milliards de francs au titre des fonds structurels. Dans la même période, l'investissement privé, lié pour l'essentiel à la défiscalisation prévue par la loi Pons, laquelle a été modifiée au moins cinq fois - on pourrait l'appeler la loi Pons-Richard-Méhaignerie - est estimé à plus de 25 milliards de francs, si l'on prend pour référence le chiffre de 5,6 milliards de francs fourni par le ministère des finances pour 1996.
L'Assemblée nationale, sans s'appuyer sur une enquête parlementaire approfondie, a adopté un principe dit de « tunnellisation ». Il semble que, en cela, elle ait été plus guidée par un souci de moralisation que par celui de renforcer l'efficacité de la défiscalisation outre-mer.
En l'occurrence, il faut se méfier de ce qu'un grand économiste appelle la « loi des conséquences contraires aux souhaits et aux prévisions ».
M. Philippe Marini. Très bien !
M. Rodolphe Désiré. Si cette disposition est maintenue, c'en sera fini des investissements outre-mer dans l'hôtellerie, le tourisme, les transports, les énergies nouvelles, qui seraient touchés à 80 %. Autrement dit, ce serait la mort douce mais certaine de l'investissement privé dans les départements et territoires d'outre-mer. (MM. Marini et Oudin font un signe d'acquiescement.)
Ainsi, dans le secteur de l'hôtellerie, le mouvement de délocalisation des grands groupes privés français - ACCOR, Pierre et Vacances, Nouvelles Frontières et bien d'autres - qui s'était déjà amorcé vers Cuba, Saint-Domingue et dans la Caraïbe anglophone, est en train de s'accélérer.
Il faut dire que, d'ores et déjà, la nouvelle remise en cause de la loi de défiscalisation par l'Assemblée nationale, malgré l'arbitrage du Premier ministre, a provoqué une énorme crise de confiance de la part des investisseurs privés dans les départements d'outre-mer, d'autant qu'aucune proposition pouvant se substituer au système actuel n'a été faite jusqu'à présent.
M. Roland du Luart. C'est tout le problème !
M. Rodolphe Désiré. Telle est la raison pour laquelle il faut, selon moi, éviter de précipiter cette « chronique d'une mort annoncée » de l'économie des départements d'outre-mer, et c'est dans cette esprit que je voterai tous les amendements qui permettront de revenir au texte initial du Gouvernement. (Applaudissements sur quelques travées socialistes ainsi que sur les travées du RPR.)
M. Jean-Pierre Fourcade. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le secrétaire d'Etat, je crois que l'amendement n° I-26, qu'a présenté M. du Luart, et qui a recueilli l'accord de la commission des finances, montre à tous les détracteurs du Sénat - et Dieu sait s'ils sont nombreux à l'heure actuelle, à tous les horizons ! - que le Sénat travaille sérieusement.
Quel est, en effet, notre objectif ? Il s'agit de maintenir un courant d'investissement pour aider les départements et territoires d'outre-mer à créer non seulement des emplois mais aussi des activités concurrentielles, de telle sorte qu'ils participent au développement économique mondial.
En abaissant le seuil de l'agrément, l'amendement de M. du Luart a le gros avantage de nous prémunir contre un certain nombre d'incidents déplorés dans le passé, liés à des investissements relativement modestes générateurs d'une déduction fiscale importante sans être pour autant nécessairement porteurs d'un effet économique sensible.
C'est la preuve que l'amendement présenté au Sénat répond aux préoccupations exprimés par MM. Millaud, Lise et Désiré : conforter ce courant d'investissement indispensable pour lutter contre les problèmes de chômage et de sous-activité dans les départements d'outre-mer et en Polynésie française.
Monsieur le secrétaire d'Etat, en répondant tout à l'heure aux orateurs, vous avez d'abord affirmé la nécessité de maintenir ce courant d'investissement, quitte à trouver un certain nombre de dispositifs plus efficaces. Cela nous convient parfaitement.
Vous avez, par ailleurs, évoqué le souci de justice fiscale. Mais comment favoriser l'investissement, sinon en incitant ceux qui disposent de capacités financières à investir ? Il est bien évident qu'un dispositif de cette nature avantage ceux qui ont des revenus plus imporants plutôt que ceux qui ont des revenus faibles !
Monsieur le secrétaire d'Etat, vouloir à tout prix moraliser et établir la justice fiscale, alors qu'il s'agit de stimuler l'investissement par un avantage fiscal, c'est, permettez-moi de vous le dire, se tromper de combat ! C'est avoir une mentalité d'avant 1914 pour essayer de traiter des problèmes de l'an 2000 !
C'est la raison pour laquelle je souhaite que nous soyons unanimes à voter l'amendement de M. du Luart et les amendements suivants, car, dans cette affaire, l'objectif principal est de favoriser le courant d'investissement.
L'objectif de moralisation introduit par nos collègues de l'Assemblée nationale n'est pas ici à sa place. Il y a, dans la société française, bien d'autres domaines où l'on peut exercer sa volonté de moraliser, avant de couper un système d'alimentation de l'investissement nécessaire à l'outre-mer. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur Désiré, je vous ai écouté attentivement. Nous aurons l'occasion d'évoquer, dans quelques instants, la disposition introduite par l'Assemblée nationale.
S'agissant des subventions publiques, il est clair que les aides de l'Union européenne sont les bienvenues dans les départements et territoires d'outre-mer : les collectivités locales, les investisseurs et l'Etat doivent donc chercher non seulement à les préserver mais encore à les accroître.
Il ne s'agit pas de déduire ces aides de l'investissement qui est réalisé sur place ; il s'agit de faire en sorte qu'elles ne soient pas prises en compte dans les demandes d'exonération fiscale des contribuables concernés.
Par exemple, si un investissement de 1 million de francs réalisé dans un département ou un territoire d'outre-mer est financé à hauteur de 800 000 francs par des contribuables bénéficiant de la loi Pons et à hauteur de 200 000 francs par l'Union européenne, jusqu'à présent, les contribuables pouvaient déduire le montant total de l'investissement, c'est-à-dire 1 million de francs.
Le Gouvernement propose, et cela ne relève pas d'un quelconque égalitarisme, monsieur Fourcade,...
M. Jean-Pierre Fourcade. Je n'ai pas parlé d'« égalitarisme » une seconde ! J'ai parlé de « moralisation » !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... ou d'une moralisation, si vous préférez, de ne pas permettre aux contribuables qui veulent bénéficier de la loi Pons, laquelle est et sera maintenue, de ne déduire que leurs propres apports de fonds et non pas, en plus, les aides de l'Union européenne.
Monsieur Fourcade, nous avons le même objectif : développer l'emploi et l'activité dans les départements et territoires d'outre-mer. Mais je ne suis pas sûr que, pour ce faire, il fallait accepter n'importe quoi dans le domaine fiscal.
Je rappelle que le Gouvernement a rejeté l'idée d'un plafonnement qui aurait pu être « traumatisant » pour ces investissements. Ce que propose le Gouvernement me semble raisonnable.
Il n'existe aucune justification pour qu'un contribuable qui réalise un investissement entièrement défiscalisé dans les territoires et départements d'outre-mer échappe ainsi, de surcroît, à l'impôt de solidarité sur la fortune. Une exonération fiscale, c'est bien, deux, c'est peut-être une de trop !
M. Michel Charasse. Bonjour les dégâts !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-26, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis maintenant saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° I-16 est présenté par M. Lambert, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° I-142 est déposé par MM. de Rohan, Oudin, Mme Michaux-Chevry, MM. Debavelaere, Gélard, Lemaire et les membres du groupe du RPR, ainsi que par MM. de Cossé-Brissac, Darniche et Demilly.
Tous deux tendent à rétablir le III du texte proposé par le I de l'article 14 pour l'article 163 tervicies à insérer dans le code des impôts dans la rédaction suivante :
« III. - Les dispositions du 1er bis du I de l'article 156 ne sont pas applicables, sous réserve d'un agrément préalable, aux déficits relatifs aux investissements mentionnés au I et qui proviennent des charges de constitution de l'opération, dans la limite de 15 % du montant de l'investissement, des moins-values de revente des biens d'équipement investis lorsqu'elles résultent de restrictions spéciales à l'amortissement du bien prévues par la réglementation fiscale, des autres pertes d'exploitation réalisées dans les secteurs de l'hôtellerie, du tourisme et des énergies renouvelables.
« L'agrément est délivré par le ministre chargé du budget dans les conditions fixées au deuxième alinéa du III ter de l'article 217 decies. Si l'investissement n'excède pas 3 000 000 F, l'agrément est tacite à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la réception par l'administration de la demande. »
L'amendement n° I-16 est assorti de deux sous-amendements.
Le premier, n° I-191, est présenté par MM. Millaud, Lagourgue et Henry.
Il vise, dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° I-16 pour rétablir le III de l'article 163 tervicies du code général des impôts, après les mots : « dans les secteurs » à insérer les mots : « de la pêche, ».
Le second, n° I-209, est déposé par MM. Lagourgue, Lauret et Mme Michaux-Chevry.
Il tend, dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° I-16 pour rétablir le III de l'article 163 tervicies du code général des impôts, après les mots : « du tourisme », à insérer les mots : « , du transport aérien ».
Par amendement n° I-148, MM. Lagourgue, Lauret, Mme Michaux-Chevry et M. Millaud proposent de rétablir le III du texte présenté par le I de l'article 14 pour l'article 163 tervicies à insérer dans le code général des impôts dans la rédaction suivante :
« III. - Les dispositions du 1° bis du I de l'article 156 ne sont pas applicables aux déficits provenant de l'exploitation des investissements mentionnés au I et qui ont reçu à cet effet un agrément préalable du ministre chargé du budget, dans les conditions fixées au deuxième alinéa du III ter de l'article 217 decies. Si l'investissement n'excède pas 3 000 000 F, l'agrément est tacite à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la réception de la demande par l'administration.
« Toutefois, le bénéficiaire de l'agrément doit se soumettre à un contrôle des services fiscaux dans le courant de la deuxième année qui suit l'obtention de l'agrément fiscal afin de vérifier si les conditions de la réalisation de l'investissement sont conformes au projet soumis à agrément. En cas de non-conformité des conditions de réalisation de l'investissement avec celles prévues dans le projet initial, le ministre chargé du budget peut procéder à la réduction de l'avantage fiscal. »
Enfin, par amendement n° I-200, MM. Lise, Désiré et les membres du groupe socialiste proposent, dans le texte présenté par le I de l'article 14 pour insérer un article 163 tervicies dans le code général des impôts, de rétablir le paragraphe III dans la rédaction suivante :
« III. - Les dispositions du 1° bis du I de l'article 156 ne sont pas applicables aux déficits provenant de l'exploitation des investissements mentionnés au I et qui ont reçu à cet effet un agrément spécifique du ministre chargé du budget dans les conditions prévues au deuxième aliné du III ter de l'article 217 decies. Si l'investissement n'excède pas 3 000 000 F, l'agrément est tacite à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la réception par l'administration de la demande.
« Toutefois le bénéficiaire de l'agrément doit impérativement se soumettre à un double contrôle.
« Le premier est effectué par les services fiscaux dans le courant de la deuxième année qui suit l'obtention de l'agrément fiscal et vise à vérifier si les conditions de réalisation de l'investissement, notamment en ce qui concerne les coûts de construction et des équipements sont conformes à celles contenues dans le projet soumis à agrément.
« Le second est effectué par les services déconcentrés du ministère de l'emploi et de la solidarité dans le courant de la 6e année qui suit l'obtention de l'avantage fiscal et vise à évaluer la réalisation des engagements prix initialement en matière de création d'emplois permanents.
« En cas de non-conformité des conditions de réalisation de l'investissement et de création d'emplois permanents avec celles prévues dans le projet initial, le ministre chargé du budget peut procéder à la réduction ou à la suppression de l'avantage fiscal au titre des deux dernières années d'application du dispositif dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n° I-16.
M. Alain Lambert, rapporteur général. La commission des finances a essayé de traduire par un amendement l'ensemble des préoccupations qui ont été émises depuis le début de cette discussion.
Notre rédaction, monsieur le secrétaire d'Etat, revient, pour l'essentiel, au dispositif que vous aviez proposé et qui a fait l'objet d'une modification substantielle, trop substantielle, à l'Assemblée nationale.
La commission des finances estime que le Gouvernement ne peut pas échapper à la responsabilité politique majeure qui lui incombe sur une question comme celle-ci. Il s'agit, en effet, de l'économie de territoires qui ne sont sans doute pas métropolitains, mais qui sont français.
Que l'Assemblée nationale ait voulu introduire des préoccupations de moralisation, comme le rappelait M. Désiré tout à l'heure, pourquoi pas ? Mais lorsqu'on parle de moralisation, mes chers collègues, il faut pousser la réflexion plus loin.
Qu'est-ce que la moralisation ? Cela signifie-t-il que les avantages fiscaux sont immoraux ? Si tel est le cas, supprimons-les ! Nous aurons alors gagné 300 milliards de francs !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Au moins !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Personne n'y songe ! Les avantages fiscaux ne sont donc pas immoraux, mais ils doivent être « calibrés » en fonction des besoins de l'économie tels qu'ils ont été estimés.
S'agissant de l'économie des territoires concernés, le « calibrage » de l'avantage fiscal qui a été accordé est-il excessif ? Ce n'est qu'à partir de l'excès que l'immoralité éventuelle pourrait surgir !
Tout à l'heure, nos collègues nous ont alertés sur les dangers économiques et sociaux que présenterait une remise en cause trop importante de ce dispositif fiscal.
Monsieur le secrétaire d'Etat, quelles que soient les pulsions, que l'on comprend bien, d'une nouvelle majorité, la responsabilité politique du Gouvernement sera majeure dans cette affaire, et c'est le devoir du Sénat de vous le dire.
MM. Jean-Pierre Fourcade et Roland du Luart. Très bien !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je souhaite également vous dire que l'agrément, dont le seuil vient d'être abaissé sur l'initiative de notre excellent collègue Roland du Luart - il connaît bien le sujet puisqu'il est rapporteur spécial de ce budget - est la preuve, s'il en était besoin, de notre souci de faire en sorte que l'épargne soit investie dans des conditions qui soient contrôlées et qui ne fassent l'objet d'aucune discussion ultérieure sur la moralité de l'investissement concerné.
Par conséquent, on ne pourra pas imaginer un instant - M. le président Fourcade l'a dit mieux que moi tout à l'heure - que le Sénat a voulu, sous une forme ou sous une autre, favoriser des déductions fiscales qui seraient immorales.
Il faut, dans ce domaine comme dans tous les autres, mes chers collègues, assumer pleinement nos responsabilités !
Curieuse société, au fond, quand on y songe, que cette société de fin de siècle. Elle est pour l'emploi, mais elle prélève toujours plus sur les entreprises. Elle est pour la suppression de toutes les niches fiscales mais, en même temps, il faut impérativement soutenir l'initiative économique là où c'est indispensable.
N'ayons pas peur ! Assumons nos responsabilités !
M. Roland du Luart. Vous avez raison !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Si l'économie de ces territoires doit être soutenue, soutenons-là, en ayant le sentiment de faire ce qui est le devoir de la France et ne nous laissons pas intimider, j'allais dire diaboliser, par des pulsions un peu égalitaires et qui sont peut-être liées à l'ivresse d'une nouvelle élection. (Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Charles Revet. Très bien !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Mes chers collègues, au fond, ce qui compte, c'est l'emploi qui sera préservé sur ces territoires. Tel est l'esprit qui sous-tend l'amendement que la commission des finances m'a demandé de proposer au Sénat cet après-midi. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Millaud, pour défendre le sous-amendement n° I-191.
M. Daniel Millaud. Nous proposons d'ajouter le secteur de la pêche s'agissant de la possibilité de déduire du revenu global net des investisseurs les déficits non professionnels, comme le prévoit actuellement la loi sur la défiscalisation dans les DOM-TOM.
Dans les territoires d'outre-mer, en particulier dans le mien, la pêche traditionnelle ne durait qu'une journée. La pêche hauturière est un phénomène très récent. On commence à lancer la construction de chalutiers qui partent pendant plusieurs jours.
Or, comme vous le savez, mes chers collègues - je m'adresse en particulier à ceux qui sont justement de secteurs, j'allais dire « pêcheurs », de nos côtes de l'hexagone - les chalutiers nécessitent plusieurs années d'amortissement et, quelquefois, les déficits sont importants.
Comme je l'ai dit tout à l'heure dans mon intervention, dans le Pacifique, nous sommes sûrs que, une durée relativement longue, nous pourrons assurer des marchés. Mais, en attendant, la durée d'amortissement sera effectivement très importante.
C'est la raison pour laquelle, avec plusieurs de mes collègues, nous demandons au Sénat d'adopter ce sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. Lagourgue, pour défendre le sous-amendement n° I-209.
M. Pierre Lagourgue. Ce sous-amendement a pour objet de faire entrer le secteur du transport aérien dans le champ d'application de la loi Pons.
L'investissement dans ce secteur se caractérise par une durée d'amortissement longue et des pertes d'exploitation souvent très lourdes.
C'est pourquoi, afin de ne pas pénaliser le développement de ce secteur outre-mer - développement nécessaire, compte tenu de la configuration géographique et de l'éloignement des DOM-TOM - il apparaît indispensable de permettre aux contribuables qui investissent dans le domaine du transport aérien de bénéficier pleinement de la loi Pons.
Je me permettrai de citer un exemple que je connais bien, et je dois remercier ici notre collègue Michel Charasse, qui était à l'époque ministre du budget et à qui je m'étais adressé afin d'obtenir une défiscalisation pour le premier appareil d'une compagnie régionale que nous avions créée à la Réunion, Air Austral. Alors que ses services avaient donné un avis négatif, il nous a réservé un accueil favorable.
Cette compagnie qui, je le rappelle, a été créée en 1990, a pu acheter trois appareils dont le dernier vient d'arriver. Elle dessert tout l'océan Indien : Madagascar, l'Ile Maurice, les Seychelles, Mayotte, l'Afrique du Sud, l'Afrique orientale, etc. Elle a créé cent cinquante emplois et elle économise beaucoup de devises, puisque, autrefois, les passagers étaient transportés par des compagnies étrangères.
Voilà ce que je voulais simplement dire en espérant, mes chers collègues, que vous serez persuadés de la nécessité d'accepter cet amendement, car nous avons encore besoin de nous étendre vers l'est et vers l'ouest, beaucoup plus loin.
M. le président. La parole est à M. Oudin, pour défendre l'amendement n° I-142.
M. Jacques Oudin. Tout à l'heure, le débat s'est porté à un niveau qui convenait, lorsque M. le secrétaire d'Etat et M. le rapporteur général ont parlé de moralisation et de justice.
Pour ma part, je voudrais quand même vous poser une question, monsieur le secrétaire d'Etat. Quand vous parlez de moralisation ou de justice, de quoi s'agit-il ? Uniquement de fiscalité ou également d'économie ?
Est-il moral, est-il juste de laisser les départements d'outre-mer à l'arrière-plan en matière de développemnt économique ?
Est-il moral, est-il juste que ces départements connaissent des taux de chômage de 35 %, sachant qu'ils sont en train de changer de structure économique, comme l'ont excellement dit nos collègues MM. Lise et Désiré, passant d'une économie de monoproduction et de plantation à une économie diversifiée ?
Croyez-vous que l'on pourra faire de ces départements, dont l'espace est restreint, des pôles agricoles, des pôles industriels ? Non ! Ils seront essentiellement des pôles de tourisme, des pôles de pêche où les transports - je rejoins là notre collègue - seront importants. L'Etat a-t-il les moyens financiers d'assumer totalement ce développement à coup de subventions ?
J'ai eu le privilège - ou la difficulté - voilà quelques années, de rédiger un rapport à la demande du Premier ministre sur le développement de la Corse. Sans vouloir à nouveau mettre en avant ce problème, je crois que l'on a vu là la limite de l'efficacité économique des subventions publiques. (M. Charasse fait un signe d'approbation.)
Monsieur le secrétaire d'Etat, le système dit de la loi Pons - je regrette profondément qu'au fil des ans, par médias interposés et démagogie renforcée, on l'ait diabolisé - était un système d'incitation fiscale - M. le rapporteur général l'a fort bien décrit - tendant à inciter l'épargne privée des particuliers à s'investir dans des projets économiques de ce secteur dans les zones attractives des départements d'outre-mer.
Dans la rédaction initiale de cet article, le Gouvernement avait pour seul objectif d'encadrer plus strictement certains aspects du régime, en conservant l'essentiel du dispositif. C'est à la suite des débats à l'Assemblée nationale qu'un élément essentiel de la loi Pons a disparu, ou plutôt qu'une contrainte inacceptable a été introduite, celle de la « tunnelisation » forcée, c'est-à-dire le fait que les particuliers ne pourront déduire les déficits de leurs revenus que s'ils exercent une activité professionnelle et si les déficits correspondent à cette activité professionnelle.
Or, vous le savez bien, monsieur le secrétaire d'Etat, les particuliers non professionnels sont à l'origine de la quasi-totalité des investissements réalisés dans les départements d'outre-mer.
Conserver le texte de l'Assemblée nationale équivaudrait, comme l'ont dit certains de mes collègues, à la mort programmée du courant d'investissement et d'épargne qui s'oriente vers ces départements d'outre-mer.
Cet amendement n° I-142 qui est identique, d'ailleurs, à celui de la commission des finances, tend à rétablir ce que je considère comme étant l'équité et la moralisation de l'action de la métropole en faveur de ses départements d'outre-mer.
Leur économie est fragile : si vous la traitez de façon aussi légère, nous sommes sûrs du résultat, à savoir le décrochage économique et le maintien, voire l'augmentation du taux de chômage. Nous n'en voulons pas !
C'est la raison pour laquelle nous sommes tous unanimes, au moins au sein de la majorité sénatoriale, pour défendre cet amendement.
J'ajouterai d'ailleurs que, pour ma part, je voterai les deux sous-amendements concernant la pêche et les transports, qui viennent d'être défendus par nos collègues.
M. le président. La parole est à M. Lagourgue, pour défendre l'amendement n° I-148.
M. Pierre Lagourgue. Je ne rappellerai pas les raisons - elles viennent d'être exposées - qui avaient conduit à l'adoption de la loi Pons, c'est-à-dire à remédier au retard économique et aux très lourds handicaps structurels des DOM, et de l'outre-mer en général.
Aujourd'hui, je m'élève contre une disposition votée par l'Assemblée nationale, sur l'initiative de son rapporteur ; je tiens à le souligner, car le Gouvernement n'avait pas envisagé une solution aussi extrême dans le projet de loi qu'il avait déposé devant le Parlement.
C'est d'ailleurs le texte proposé par le Gouvernement que je reprends presque intégralement dans mon amendement ; ce texte avait fait l'objet d'un arbitrage du Premier ministre le 20 septembre dernier.
En supprimant la possibilité de déduire du revenu net global les déficits qui relèvent de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux non professionnels, les députés de la majorité ont, en fait, supprimé le levier le plus efficace pour attirer les fonds privés. Je crains qu'ils n'aient pas bien mesuré la portée de leur action.
Les investissements agréés en 1996 ont permis la création de 1 850 emplois directs ; la quasi-totalité a pu l'être grâce au dispositif permettant la déduction des déficits industriels et commerciaux non professionnels. On imagine les conséquences désastreuses sur l'économie et sur l'emploi dans les DOM qu'aurait la suppression votée par l'Assemblée nationale.
A la baisse inéluctable des investissements correspondra une diminution des emplois, ce qui est inacceptable pour nos départements d'outre-mer, si durement atteints par le chômage : 40 % de la population active est sans emploi à la Réunion. Prendrons-nous la responsabilité d'aggraver ce triste record ?
Nous proposons donc de rétablir, comme l'avait initialement suggéré le Gouvernement, l'attrait du dispositif, en y ajoutant, parallèlement à la procédure d'agrément, comme l'ont réclamé M. le secrétaire d'Etat et M. Lise, un contrôle a posteriori de la réalité de l'investissement.
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'économie des départements d'outre-mer est très fragile ; ne la brisons pas et prenons enfin conscience de la situation désespérée de nos compagnons d'outre-mer, qui méritent autant, si ce n'est plus, que ceux de métropole, que l'on se préoccupe de juguler le chômage qui les frappe.
M. le président. La parole est à M. Lise, pour présenter l'amendement I-200.
M. Claude Lise. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne reprendrai pas tout ce qui vient d'être dit mais je souhaite insister sur le fait que les secteurs qui seront touchés sont, outre l'hôtellerie qui a très souvent été évoquée, l'industrie, la pêche, l'agriculture, le bâtiment, l'artisanat et les énergies nouvelles. Pour en être convaincu, il suffit de se reporter aux chiffres figurant à la page 10 du rapport de la direction générale des impôts : ils sont éloquents.
Le système de « tunnélisation » est préjudiciable à court terme à l'outre-mer, ce qui est dangereux. Je le dis d'autant plus aisément que, comme je l'ai indiqué tout à l'heure dans mon intervention, je ne suis pas un partisan farouche du dispositif de la loi Pons.
La famille politique à laquelle j'appartiens attend, depuis plusieurs années, un véritable plan global de développement qui recouvre de très nombreux aspects, dont l'un a trait au soutien à l'investissement productif. Mais ce plan ne doit pas être élaboré par un quelconque cabinet à Paris ; il doit faire l'objet d'une concertation avec les élus locaux.
J'avoue que cette surdité à laquelle nous nous heurtons depuis très longtemps aura de graves conséquences en termes de RMI. Vous connaissez déjà le montant des crédits qui y sont affectés. Or ces crédits proviennent de l'argent des contribuables et ne sont guère productifs.
Par ailleurs, d'un point de vue politique, si cette surdité persiste, vous entendrez, dans très peu de temps, d'autres intervenants que ceux qui se sont exprimés ici ce soir. Ce phénomène a déjà commencé à l'Assemblée nationale ; peut-être ne s'est-on pas encore très bien aperçu de ces changements. Nous sommes peut-être les derniers à pouvoir venir discuter et négocier comme nous le faisons. Peut-être négocierons-nous, ensuite, sur d'autres bases.
Le système comporte un risque. Je pourrais, bien sûr, soutenir les propositions présentées par mes collègues, mais je suis convaincu qu'elles ne seront pas adoptées à l'Assemblée nationale compte tenu de l'ambiance actuelle, à la suite de la campagne de presse qui a été menée, et de tout ce que j'ai entendu.
Nous devons attendre la conclusion des études avant de modifier le dispositif puis d'en instaurer un nouveau plus global et négocié à long terme. En attendant, il nous faut instituer des contrôles pour répondre à un souci de moralisation.
Je propose donc qu'un contrôle soit effectué par les services fiscaux dans le courant de la deuxième année qui suit l'obtention de l'agrément fiscal afin d'éviter les surfacturations. De nombreux abus ont été commis mais nul n'en parle.
Par ailleurs - et je sais que c'est beaucoup plus difficile à admettre par nombre d'entre vous - en l'état actuel des choses, il est préférable d'accepter un second contrôle par les services du ministère de l'emploi et de la solidarité dans le courant de la sixième année qui suit l'obtention de l'avantage fiscal plutôt que de revenir à l'amendement Migaud dont les conséquences risquent d'être catastrophiques.
Ce contrôle permettra d'évaluer la réalisation des engagements pris initialement en matière de création d'emplois car la loi a bien pour finalité la création d'emplois.
Il ne s'agit pas du tout de proposer des pénalités automatiques, dès lors que la situation au regard de l'emploi n'a pas été exactement celle qui était prévue. En fait, je propose que le secrétariat d'Etat au budget ait la possibilité d'effectuer une étude pour évaluer la situation et constater les abus éventuels.
Si trop d'abus sont constatés, je propose que le secrétaire d'Etat au budget puisse procéder à la réduction ou à la suppression de l'avantage fiscal au titre des deux dernières années du dispositif. Nous ne revenons donc pas sur les trois premières années.
Peut-être existe-t-il une autre solution mais je suis persuadé que celle que je propose est la seule qui permette de parvenir à un compromis avec l'Assemblée nationale.
C'est pourquoi je maintiens mon amendement et je souhaite que le Sénat, après réflexion, s'y rallie. (M. Michel Charasse applaudit.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements n°s I-191 et I-209 ainsi que sur les amendements n°s I-142, I-148 et I-200 ?
M. Alain Lambert rapporteur général. La commission des finances est favorable aux sous-amendements n°s I-191 et I-209.
Quand à l'amendement n° I-142, elle estime que M. Oudin pourrait le retirer au profit de l'amendement n° I-16 de la commission des finances, à laquelle il appartient.
M. le président. Monsieur Oudin, accédez-vous à la demande de M. le rapporteur général ?
M. Jacques Oudin. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-142 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur général.
M. Alain Lambert rapporteur général. De même, elle demande à M. Lagourgue de bien vouloir retirer l'amendement n° I-148 dans la mesure où il est satisfait par l'amendement n° I-16.
M. le président. Monsieur Lagourgue, êtes-vous convaincu par l'argumentation de M. le rapporteur général ?
M. Pierre Lagourgue. Absolument, monsieur le président ; je retire donc l'amendement n° I-148.
M. le président. L'amendement n° I-148 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. S'agissant de l'amendement n° I-200, la situation est un peu complexe.
Monsieur Lise, soyez assuré que la commission des finances, y compris sa majorité, souhaite le maintien du dispositif de la loi Pons. M. le secrétaire d'Etat n'ignore pas que je n'aime guère que les lois portent des noms de ministre.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. C'est vrai ! Vous faites une exception !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Le dispositif que vous proposez, monsieur Lise, me gêne quelque peu.
Vous appartenez - c'est un grand honneur que nous partageons avec vous - à la Haute Assemblée de la République française. Je ne crois pas qu'il soit bon que celle-ci soit invitée à renier ses convictions pour essayer d'être plus agréable à l'Assemblée nationale. C'est l'honneur de la Haute Assemblée que de se déterminer en pleine conscience, en pleine responsabilité, sur un enjeu économique comme celui que nous évoquons.
La proposition tendant à introduire un nouveau contrôle a posteriori est en quelque sorte redondante : à ma connaissance, jamais le contrôle fiscal n'a été supprimé dans ce pays. Tout contribuable, quel qu'il soit - et plus particulièrement, sans doute, celui qui bénéficie d'un avantage fiscal - fait l'objet d'une attention toute particulière de l'administration fiscale et peut faire l'objet d'un contrôle. Dès lors que la procédure de l'agrément est soumise à certaines obligations, notamment en termes d'emplois, il sera loisible à l'administration fiscale de vérifier le respect de celles-ci.
Pour être franc, la commission des finances était soucieuse d'être agréable à M. Lise, qui est l'un de ses membres. Elle n'a pourtant pas cru pouvoir émettre un avis favorable sur l'amendement n° I-200, même si elle a parfaitement compris la préoccupation qui le sous-tend.
Elle estime que l'Assemblée nationale a moins de chance que le Sénat, parce qu'elle dispose de moins de temps pour examiner les textes. Je parle sous le contrôle de M. le secrétaire d'Etat au budget.
Néanmoins, l'avantage de ce système est qu'elle a pu depuis, j'en suis convaincu, mener elle-même une réflexion de sorte que les propositions qui lui seront présentées par la Haute Assemblée seront de nature à la convaincre. Je ne doute pas qu'elle fera preuve de sagesse, s'agissant en tout cas des départements et territoires d'outre-mer et qu'elle accueillera avec sympathie la proposition du Sénat.
Je demande donc à M. Lise de retirer son amendement, faute de quoi je serai obligé d'en demander au Sénat le rejet.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-16 et I-200, ainsi que sur les sous-amendements n°s I-191 et I-209 ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Avant de donner l'avis du Gouvernement sur ces amendements et sous-amendements, permettez-moi de noter la différence de ton qui a été employé.
Certains ont parlé de « diabolisation », de « pulsion » et d'« ivresse ». Peut-être ces mots ont-ils dépassé la pensée de leurs auteurs. M. Lise, quant à lui, s'est livré à une analyse sérieuse et grave, parce que la question dont nous débattons est importante. Le Gouvernement pencherait plutôt du côté de M. Lise.
M. Jean Chérioux. Vous êtes un donneur de leçons !
M. Philippe Marini. Vous n'avez pas écouté les propos de M. Lise !
M. Jean Chérioux. Ce n'est pas correct !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Ces mots ont été prononcés ; ils figureront au procès-verbal. Je les regrette.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je ne retire pas ceux que j'ai employés.
M. Jean Chérioux. C'est ce que l'on appelle la « justice distributive ».
M. Philippe Marini. C'est du sectarisme !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je préciserai, tout d'abord, avec courtoisie à M. Oudin que, pour moi, la défense de l'emploi et la justice fiscale ne sont pas a priori incompatibles.
En fait, le Gouvernement et l'ensemble du Sénat veulent que ce dispositif produise la maximum d'effets en termes d'emplois en minimisant, si je puis dire, mais non en supprimant, rassurez-vous, la possibilité pour un certain nombre de contribuables de s'exonérer de l'impôt, en violation du principe d'égalité rappelé par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, que M. Charasse a rappelée fort opportunément tout à l'heure.
J'en viens à l'amendement n° I-16. J'y suis opposé parce qu'il prévoit de revenir sur la « tunnélisation » proposée par l'Assemblée nationale dans un certain nombre de cas.
Le premier cas concerne les frais d'intermédiaire. M. Lise a évoqué, à juste titre, les surfacturations mais nous savons que les frais des intermédiaires chargés de préparer les dossiers de défiscalisation peuvent être relativement élevés. Je ne vois pas pourquoi ils devraient automatiquement bénéficier d'un avantage fiscal.
En deuxième lieu, vous proposez, monsieur le rapporteur général, ce que je respecte tout à fait, de déduire du déficit des pertes qui sont exclues par la réglementation fiscale, telles que les moins-values constatées lors de la revente de biens.
En troisième lieu - et MM. Millaud et Lagourgue ont, peut-être sans le vouloir, abondé dans mon sens - vous proposez de limiter la possibilité de déduction des déficits d'exploitation à des secteurs particuliers, tels que l'hôtellerie, le tourisme et les énergies renouvelables.
Pourquoi ne pas y ajouter la pêche hauturière, comme M. Millaud l'a souligné avec sagesse, ou bien le transport aérien, comme l'a indiqué M. Lagourgue ? Pourquoi ne pas y ajouter le bâtiment et les travaux publics dont les conséquences sur l'économie locale sont dignes d'intérêt ?
Il est difficile d'isoler dans l'économie des départements et territoires d'outre-mer des secteurs particuliers, et le Gouvernement est attaché à une certaine neutralité.
Telles sont les trois raisons pour lesquelles l'amendement n° I-16 ne peut être accepté par le Gouvernement.
La démarche de M. Lise est tout à fait différente. Elle prolonge, dans une certaine mesure, celle qui avait été engagée par M. du Luart et acceptée par l'ensemble de la Haute Assemblée, selon laquelle en contrepartie des avantages fiscaux il doit y avoir des contrôles a posteriori, ...
M. René Régnault. Absolument !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... et on ne peut qu'être d'accord avec cette logique.
M. Lise propose donc l'institution d'un premier contrôle deux années après l'obtention de l'avantage fiscal visant à s'assurer de la réalité de l'investissement et d'un second contrôle six années après pour vérifier que les emplois ayant fait l'objet d'une demande d'agrément - demande qui aura été très soigneusement examinée, notamment grâce à M. du Luart - ont été effectivement créés.
Cette démarche me semble aller dans la bonne direction parce qu'elle fait confiance aux investisseurs.
Pour ma part, je n'ai aucune suspicion à l'égard de ceux qui investissent dans les départements et territoires d'outre-mer. Cependant, ils prennent des engagements en contrepartie desquels ils reçoivent une aide de l'Etat, c'est-à-dire de l'ensemble des contribuables français, et ils doivent donc pouvoir prouver, lors d'un contrôle a posteriori , que ce à quoi ils se sont engagés, en termes d'investissements et de créations d'emplois, a été effectivement réalisé.
Toutefois, un point me pose problème, même s'il ne met pas en cause votre démarche, monsieur Lise.
Vous connaissez le principe, qui, je crois, est apprécié par les contribuables, selon lequel on ne peut pas faire de rappel d'impôt au-delà de trois ans. Personne, me semble-t-il, ne veut modifier ce principe.
Dès lors, si on fait un contrôle la sixième année et si on s'aperçoit que les emplois n'ont pas été créés, on ne peut pas rattraper l'essentiel, c'est-à-dire les avantages accordés sur l'investissement et sur les deux premières années d'exploitation.
C'est pourquoi je considère, monsieur Lise, que votre démarche mérite d'être perfectionnée. Je souhaiterais que l'on ait l'occasion de travailler à nouveau sur ce point, car le dispositif que vous suggérez ne me semble pas encore tout à fait conforme à l'objectif que vous cherchez à atteindre.
En résumé, et en vous priant de m'excuser d'avoir été un peu long, monsieur le président, je souhaite le rejet de l'amendement n° I-16 qui a été présenté par M. le rapporteur général, ainsi que des sous-amendements afférents, et je demande à M. Lise de bien vouloir retirer son amendement n° I-200 qui n'atteint pas tout à fait l'objectif qu'il vise et que le Gouvernement considère comme légitime.
M. Philippe Marini. On ne comprend plus rien !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° I-191, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° I-209, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-16.
M. Philippe Marini. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Bien entendu, je vais voter l'amendement de la commission.
J'avoue ne pas comprendre - j'ai pourtant été attentif - les propos qu'a tenus M. le secrétaire d'Etat.
Il a distingué - c'est peut-être de bonne guerre - dans une approche distributive, en quelque sorte, les propos des uns et des autres, et je ne ferai pas de commentaire sur cet aspect ; il a surtout renforcé, d'une façon qui m'a semblé tout à fait intéressante, l'argumentation de nos collègues MM. Lise et Désiré. Celle-ci a abouti à un amendement n° I-200 qui me paraît plus généreux sur le plan fiscal que l'amendement n° I-16 de la commission des finances.
En effet, si j'ai bien compris - mais qu'on me dise si tel n'est pas le cas, car le sujet est assez technique et j'ai peut-être été inattentif un instant - l'amendement de MM. Lise et Désiré, dont M. le secrétaire d'Etat a par ailleurs sollicité le retrait - et là, je l'avoue, ma compréhension diminue encore d'un degré - annule la « tunnélisation ».
Je voudrais que cela soit bien clair : il fait tout sortir de la « tunnélisation » avec, pour contrepartie, un processus de contrôle a posteriori portant, notamment, sur les créations d'emplois, le contrôle étant confié, me semble-t-il, aux services déconcentrés du ministère de l'emploi et de la solidarité dans les départements et territoires concernés.
M. le secrétaire d'Etat dispense généreusement des compliments à l'égard de l'amendement tout à fait intéressant de nos collègues du groupe socialiste. Il est, par ailleurs, défavorable à l'amendement de la commission des finances,...
M. Jacques Oudin. Qui va pourtant moins loin !
M. Philippe Marini. ... qui est moins généreux sur le plan fiscal puisqu'il ne fait sortir de la « tunnélisation » que certains éléments, et non la totalité. Inspiré par un souci de réalisme, cet amendement va un peu dans le sens des propres amis de M. le secrétaire d'Etat à l'Assemblée nationale.
M. le secrétaire d'Etat est donc défavorable à l'amendement n° I-16. Il a ajouté, si j'ai bien compris, que tout en étant favorable à l'argumentation et au dispositif proposés par MM. Lise et Désiré, il souhaitait le retrait de l'amendement qu'ils avaient présenté. Tout cela constitue un ensemble d'explications dans lequel, personnellement - mais peut-être est-ce dû à mon inexpérience ? - je me perds complètement.
M. Roland du Luart. Vous n'êtes pas le seul !
M. Philippe Marini. Comme j'ai de la peine à retrouver la logique du propos, je me raccroche à la seule chose qui me semble simple et claire, c'est-à-dire la ligne de la commission des finances du Sénat,...
M. Jacques Oudin. Comme toujours !
M. Philippe Marini. ... et je m'apprête à voter l'amendement que M. le rapporteur général a fort bien défendu.
M. Roland du Luart. Très bien !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. M. Marini me laisse penser que je n'ai pas été suffisamment clair. J'ai considéré le dispositif proposé par M. Lise comme un complément de celui qui a été avancé par l'Assemblée nationale, en prévoyant deux procédures de contrôle : l'une après deux ans et l'autre après six ans. Ce dispositif complète donc le dispositif de « tunnélisation », qui a été adopté par l'Assemblée nationale. Si je n'avais pas été suffisamment clair, j'espère l'être en l'instant. Aussi n'y a-t-il pas d'incohérence dans la pensée du Gouvernement.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Monsieur le secrétaire d'Etat, je crains de ne vous avoir blessé tout à l'heure et que les mots que j'ai employés ne vous aient froissé. Je voudrais vous dire que mon estime à l'endroit de votre personne est totale, elle ne changera pas. Mais nous sommes opposés. C'est l'honneur de la démocratie de défendre nos convictions. A une période où les extrémismes montent de toutes parts, peut-être n'est-il pas mauvais pour la nation de savoir ce qui différencie ceux qui, dans notre pays, font de la politique.
M. Philippe Marini. Très bien !
M. Alain Lambert, rapporteur général. M. Philippe Marini est l'un des membres les plus intelligents du Sénat.
M. Jacques Oudin. « Murmures d'approbation ! »
M. Alain Lambert, rapporteur général. Lorsque lui-même ne comprend pas, mettez-vous à la place des autres ! (Nouveaux sourires.)
Quand le dispositif que vous êtes en train de préparer sera adopté - à l'Assemblée nationale, nous l'avons tous compris - il faudra regarder ce qu'il comporte. Nous découvrirons alors, mes chers collègues, que toutes les préconisations que le Sénat se sera donné la peine de formuler y seront, parce qu'elles sont fondées sur le souci de l'économie, et non de la politique.
Lorsque ce dispositif sera finalement adopté, les agents économiques, ceux vers lesquels il faut envoyer des messages parce que se sont eux qui créent des emplois, jugeront ceux qui font de la politique et ceux qui font du soutien à l'économie.
Mes chers collègues, puisque nous sommes au moment des explications de vote, n'ayons pas le moindre doute, quelle qu'ait été l'explication donnée par le Gouvernement, insuffisante aux yeux de M. Marini,...
Plusieurs sénateurs du RPR. Et aux nôtres !
M. Alain Lambert, rapporteur général. ... mais peut-être éclairante sous l'aspect politique des choses, que le Sénat, en suivant sa commission des finances, et elle en sera honorée, reste ce qu'il est, fidèle à lui-même, appréciant les dispositifs qui sont proposés avec pour seule préoccupation de soutenir l'économie et l'emploi dans notre pays. C'est ainsi que la Haute Assemblée trouvera toujours sa raison d'exister, c'est ainsi qu'elle montrera à quel point elle est indispensable à la République. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Je viens d'être saisi, par M. Lise, d'un sous-amendement à l'amendement n° I-16.
Mon cher collègue, les explications de vote sur l'amendement ayant commencé, ce sous-amendement n'est pas recevable.
M. Claude Lise. Je le regrette, monsieur le président. Il s'agissait d'une ultime tentative pour trouver une issue. Peut-être y parviendrons-nous dans la suite de la discussion ? En tout cas, pour ma part, j'aurai tout fait pour cela.
M. le président. Je ne fais qu'appliquer le règlement, mon cher collègue.
M. Michel Moreigne. Les opérations de vote ne sont pas commencées, monsieur le président !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° I-16, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° I-200 n'a plus d'objet.
Par amendement n° I-201, MM. Lise, Désiré et les membres du groupe socialiste proposent de compléter l'article 14 par un nouveau paragraphe ainsi rédigé :
« ... . - Le Gouvernement présentera avant le 30 juin 1998 un rapport établissant, en concertation avec les élus locaux, le bilan de l'application du dispositif de défiscalisation dans les départements et territoires d'outre-mer et dans les collectivités territoriales de Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon.
« Une commission de suivi se tiendra dans chaque département, territoire et collectivité territoriale d'outre-mer sous la présidence du représentant du Gouvernement. Sa composition, qui prévoira la représentation des élus locaux, sera fixée par décret. »
La parole est à M. Lise.
M. Claude Lise. Par cet amendement, nous proposons que le Gouvernement dépose un rapport d'évaluation avant le 30 juin 1998. Il faut fixer une date butoir, afin que nous puissions discuter sur des bases beaucoup plus sûres l'année prochaine, car je suis à peu près certain que le problème de la défiscalisation outre-mer sera de nouveau examiné.
Toutefois, le bilan établi par ce rapport n'a pas seulement pour objet d'améliorer le dispositif à court terme. Il vise surtout, en tout cas dans mon esprit, à préparer le grand débat nécessaire pour trouver un système de financement acceptable et efficace pour le développement de l'outre-mer. Un véritable plan de développement devient urgent, mais il doit être élaboré en concertation avec les élus des départements et territoires concernés.
Par ailleurs, nous proposons un suivi local continu jusqu'à l'extinction du dispositif, même éventuellement modifié, en 2001. Il est important que les élus locaux participent à ce suivi.
On a notoirement oublié les élus locaux, dans la préparation de la réforme actuelle ; espérons qu'à l'avenir on prendra soin de les consulter, car ils sont certainement les mieux à même d'évaluer les dispositifs concernant le développement de leur département ou territoire. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. La commission a eu une position constante, soucieuse qu'elle était d'être agréable à tous ceux qui voulaient faire progresser la réflexion sur cette question.
Elle s'est cependant posé la question de savoir si ce rapport était franchement indispensable dès lors que l'Assemblée nationale, de son côté, avait prévu une mission d'information sur le même sujet.
L'avis que j'ai à émettre est donc plutôt défavorable, mais, en tout état de cause, la question est de savoir si ce rapport est utile ou non. A cet égard, il sera intéressant d'entendre l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. L'avis du Gouvernement est très proche de celui de la commission.
J'ai déjà pris l'engagement devant l'Assemblée nationale qu'une telle mission d'évaluation serait constituée. La date du 30 juin me paraît même quelque peu tardive, si l'on veut en tirer des conséquences pour la loi de finances de 1999.
Dans la mesure où cette mission est lancée, il n'est peut-être pas nécessaire de le prévoir ici.
Je m'en remets donc à la sagesse de la Haute Assemblée. Si elle veut faire figurer le dépôt de ce rapport ou la création de cette mission dans le projet de loi de finances, je n'y vois pas d'inconvénient. Mais, de toute façon, ce sera fait.
M. Michel Charasse. Très bien !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-201.
M. Roland du Luart. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. du Luart.
M. Roland du Luart. M. le secrétaire d'Etat s'en remet, s'agissant de ce rapport ou de cette mission, à la sagesse du Sénat.
L'Assemblée nationale, quant à elle, a préconisé une mission spécifique sur tous les problèmes posés par le débat que nous venons d'avoir.
Compte tenu de la qualité des membres de la Haute Assemblée qui sont concernés - MM. Lise, Désiré et bien d'autres - ne pourrait-on envisager la création d'une mission conjointe des deux assemblées, afin que tous ensemble, nous trouvions la solution attendue par l'outre-mer ? (Très bien ! sur les travées du RPR.)
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. On ne peut que souscrire à une suggestion aussi sage !
M. Roland du Luart. On gagnerait du temps !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-201, repoussé par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 14, modifié.

(L'article 14 est adopté.)

Article 15