« Article unique . - Conformément à l'article 11 du règlement du Sénat et à l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est créé une commission d'enquête de vingt et un membres chargée d'examiner les conditions dans lesquelles semblent aujourd'hui remis en cause certains choix stratégiques concernant les infrastructures de communication, et les incidences qu'une telle remise en cause pourrait avoir sur l'aménagement et le développement du territoire français, notamment du point de vue de son insertion dans l'Union européenne. »
M. Gérard Larcher, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Larcher, rapporteur. J'ai bien entendu ceux de nos collègues qui se sont exprimés.
Je dois dire que M. Huchon ne m'a pas étonné, car ses convictions n'ont jamais varié, quels que soient les ministres de l'aménagement du territoire et quels que soient les gouvernements : il a toujours montré sur le sujet la même volonté, la même détermination et le même parler direct et clair.
M. Philippe François. Puissant !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Je le remercie du soutien qu'il a bien voulu nous apporter. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Madame Terrade, vous avez été obligée de faire un exercice difficile, qui a consisté, après avoir voté en faveur de la proposition de résolution en commission, à exprimer aujourd'hui un avis différent !
M. Alain Gournac. Ce n'est en effet pas très facile !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Mais je comprends que vos positions dans l'hémicycle soient différentes, et je respecte cet avis. Je dois néanmoins vous dire que ni mon rapport écrit ni mes propos n'ont été décalés par rapport à l'échange riche, intéressant et chaleureux que nous avons eu en commission.
De plus, je voudrais rappeler deux choses.
En premier lieu, sur l'établissement public Routes de France, Mme Beaudeau a exprimé les mêmes préoccupations que moi-même sur les risques de débudgétisation. C'est une vraie interrogation que, par-delà notre diversité, nous pouvons partager.
En second lieu, je crois très sincèrement que l'aménagement du territoire nécessite que le Parlement, plus particulièrement le Sénat, joue pleinement son rôle.
Nous avons, Guy Allouche et moi-même, un souvenir commun en 1990, particulièrement chaleureux, que nous partageons avec M. Henri de Raincourt.
M. Guy Allouche. Absolument !
M. Gérard Larcher, rapporteur. En 1990, à la demande du bureau du Sénat, nous avons établi un rapport conjoint et commun dans lequel nous insistions sur le fait que le Sénat devait utiliser pleinement les pouvoirs et les missions constitutionnels qui sont les siens...
M. Alain Gournac. Il a oublié !
M. Gérard Larcher, rapporteur. ... pour animer la réflexion de la Haute Assemblée, sa communication avec le pays et sa contribution au contrôle effectif du Gouvernement et de la législation.
Tel est l'objet de la commission d'enquête et,...
M. Guy Allouche. Je n'ai pas dit le contraire !
M. Gérard Larcher, rapporteur. ... en tout cas, l'état d'esprit dans lequel le rapporteur aborde cette proposition de résolution.
Il ne s'agit pas de faire de cette commission d'enquête une arme de guerre. Il s'agit d'en faire un outil de réflexion. Avec le président de la commission des affaires économiques, M. Jean François-Poncet, nous avons effectivement l'honneur de représenter le Sénat au Conseil national de l'aménagement et du développement du territoire.
M. Guy Allouche. J'attends la suite !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Les réflexions qui ont été conduites, notamment par la mission d'information sur l'aménagement du territoire, à laquelle participaient, autour du président de la commission, Jean François-Poncet, Jean Huchon, Roland du Luart et Louis Perrein contribuent encore aujourd'hui à nourrir les travaux préparatoires au schéma directeur.
Nous sommes donc pleinement dans notre rôle en demandant la constitution de cette commission d'enquête.
C'est de la manière dont nous travaillerons que dépendra le résultat. En tout cas, porter a priori un jugement sur la manière dont nous conduirons ces travaux me semble tenir du procès d'intention.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Je souhaite que celles et ceux qui participeront à cette commission d'enquête, dans leur diversité, démontrent que nous pouvons faire un travail positif et constructif.
M. Philippe François. Très bien !
M. Gérard Larcher, rapporteur. S'agissant de la liaison Rhin-Rhône, monsieur Allouche - nous l'évoquions à voix basse avec André Bohl - vous avez été un merveilleux avocat pour que la commission se saisisse du problème, pour qu'ensemble nous réexaminions les conditions économiques et écologiques de sa construction. Mais il faut aussi prendre en compte la place de la France au sein des communications intra-européennes.
Je ne dis pas aujourd'hui que cette liaison soit forcément la solution, ni qu'il faille absolument la réaliser. Le travail de notre commission d'enquête consistera justement à analyser l'ensemble de ces problèmes et à en tirer des conclusions.
M. Guy Allouche. C'est un gouffre financier !
M. Gérard Larcher, rapporteur. M. Jean François-Poncet avait eu un avis nuancé dans le rapport qu'il a fait à la commission thématique consacrée aux réseaux et territoires, réunie en vue de la préparation du schéma national d'aménagement du territoire.
Sa contribution sera naturellement prise en compte, ainsi que les résultats de la réflexion à laquelle on s'était alors livrée.
Le rôle d'une commission d'enquête, n'est-ce pas de présenter, après étude, des conclusions ? Vous, monsieur Allouche, vous avez déjà formulé des conclusions alors que je vous propose que nous réfléchissions ensemble !
M. Philippe François. Très bien !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Tel est le sens de cette proposition de résolution visant à créer une commission d'enquête, commission d'enquête qui devra être ouverte, transparente dans ses analyses et dans ses objectifs. Le Sénat apportera ainsi une contribution déterminante au schéma national d'aménagement du territoire en jouant, une fois de plus, pleinement son rôle pour l'aménagement et le développement du territoire. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
M. Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques. Je voudrais revenir sur les motifs qui inspirent la création d'une commission d'enquête sur les infrastructures qu'on a, à mon sens, très mal perçus en prêtant à cette création une inspiration politique - j'ai même entendu le mot « politicienne ».
M. Raymond Courrière. C'est pourtant cela !
M. Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques. Ce n'est pas exact.
De toutes les informations dont nous disposons,...
M. Alain Gournac. Informations parfois contradictoires !
M. Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques. ... parfois contradictoires en effet, il ressort que la politique générale des infrastructures qui a été conduite depuis des années par des majorités et des gouvernements successifs est aujourd'hui globalement remise en cause.
Le sujet est de première importance, et l'objectif de la commission d'enquête est justement de vérifier l'exactitude de cette conclusion.
Des décisions ont été prises. Ainsi, l'arrêt de la construction du canal Rhin-Rhône a été décidé dans les quelques jours qui ont suivi l'arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement sans qu'il y ait eu sur ce sujet ni étude ni réflexion.
Comme l'a très justement dit M. le rapporteur, je réserve ma conclusion sur le bien-fondé du canal Rhin-Rhône. Je me suis interrogé, et je crois qu'on a raison de de le faire, dans la mesure où il s'agit d'un projet très important qu'une partie de la France juge essentiel. Notre sous-développement en matière d'infrastructures de transport fluvial est suffisamment important pour justifier qu'une étude objective soit à nouveau faite. C'est ce que nous souhaitons en créant une commission d'enquête, et rien d'autre.
D'autres décisions ont été prises, des décisions de report, de réexamen, nous dit-on. Cela justifie également une étude.
On invoque un argument d'ordre financier à l'encontre de notre proposition.
Comme tout le monde, mes chers collègues, je suis de l'avis que nous devons non seulement maîtriser nos déficits budgétaires, mais aussi réduire le déficit pour que la France puisse entamer un désendettement qui constitue, à mon sens, une priorité.
Loin de moi, qui ai voté pour Maastricht et qui suis un partisan de la monnaie unique, l'intention de plaider pour une politique financière laxiste. Je ne me mettrai pas en opposition avec ce que je considère comme une priorité nationale.
Monsieur Allouche, vous avez cité deux phrases de mon rapport, que vous avez isolées de leur contexte. Permettez-moi de vous mettre en garde contre cette tendance bien connue qui consiste à extraire quelques lignes soigneusement choisies d'un document de près de cent pages pour en tirer des conclusions !
M. Guy Allouche. Je ne pouvais pas citer le texte intégralement, vous le savez bien !
M. Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques. Nous avons étudié ce problème de financement de très près pendant six mois. Or, qu'en ressortait-il ? Que les ressources dont disposait le système autoroutier français, qui, en effet, est endetté - mais cet endettement est supportable - suffisaient à la réalisation, dans les délais prévus, des infrastructures qui avaient été décidées, à condition de ne pas en rajouter. C'est tout ce qu'il y a dans le rapport ! Il n'y a pas de marge de manoeuvre jusqu'en 2005, c'est vrai, mais, jusque là, avec les ressources disponibles, on y arrive.
La vérité est qu'on utilise l'alibi budgétaire pour remettre en cause tout un système. Mais la raison véritable de la démarche est tout autre, vous le savez aussi bien que moi, monsieur Allouche. Est sous-jacente au débat une idée générale, à laquelle nous souscrivons, à condition de ne pas en faire une obsession : je veux parler du développement durable. Qui est contre le développement durable ? Qui souhaiterait un développement qui ne soit pas durable ? Soyons sérieux ! Personne ! Tout le monde souscrit à l'idée d'un développement durable, à condition, bien entendu, que cela ne devienne pas une mode, une sorte de « tarte à la crème » à laquelle on sacrifie, à la légère, les intérêts supérieurs du pays. C'est cela qui n'est pas acceptable et c'est cela qui est en cause !
Si l'on donne suite au projet qui consiste à prendre les ressources du système autoroutier pour les intégrer dans un système général de péréquation financière qui servira à financer les routes nationales, cela n'aura qu'une seule conséquence : la direction du budget ira chercher là les fonds qu'il faut économiser par ailleurs pour satisfaire aux critères qui nous sont imposés.
C'est une démarche tout à fait inquiétante, qui met en cause, ce qui est capital pour nous, notre capacité à nous doter d'une stratégie européenne d'infrastructures, tout cela pour disperser, avec la politique bien connue de l'arrosoir, les crédits disponibles.
Si ces différentes considérations ne justifient pas la constitution d'une commission d'enquête, alors, à mon avis, nous n'en créerons jamais ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les conclusions de la commission des affaires économiques sur la proposition de résolution n° 61 (1997-1998).
M. Claude Estier. Le groupe socialiste s'abstient.

(La résolution est adoptée.)

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