M. le président. Je suis tout d'abord saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 40 est présenté par Mme Joëlle Dusseau, MM. Baylet et Collin.
L'amendement n° 118 est déposé par MM. Duffour, Pagès et Dérian, Mme Beaudeau, M. Bécart, Mmes Bidard-Reydet et Borvo, MM. Fischer et Lefebvre, Mme Luc, MM. Minetti, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès.
Tous deux tendent à insérer, après l'article 5 bis, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 21-14 du code civil, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art... - Les réfugiés statutaires peuvent réclamer la nationalité française par déclaration souscrite conformément aux articles 26 et suivants du code civil. »
La parole est à Mme Dusseau, pour présenter l'amendement n° 40.
Mme Joëlle Dusseau. Cet amendement prévoit que les réfugiés statutaires puissent réclamer la nationalité française par déclaration, conformément à l'article 34 de la convention de Genève.
Je rappelle qu'il s'agit là exclusivement de réfugiés statutaires, pour lesquels l'obtention de leur statut a représenté une démarche de longue haleine.
Je rappelle également que, aujourd'hui, plus de 90 % des demandes sont rejetées.
Je crois donc qu'il serait bon de ne pas imposer à des hommes et des femmes qui ont déjà effectué un long parcours du combattant et qui, souvent, ont d'ailleurs perdu leur nationalité d'origine, une seconde longue épreuve administrative. Il convient au contraire de faciliter l'accès à la nationalité française pour ceux qui le souhaitent.
M. le président. La parole est à M. Pagès, pour défendre l'amendement n° 118.
M. Robert Pagès. Notre amendement, identique à celui qui vient d'être défendu par Mme Dusseau, a pour objet de permettre aux réfugiés statutaires d'acquérir la nationalité française par déclaration. Cela permettrait de renouer quelque peu avec la vocation universelle de la France et de témoigner notre reconnaissance à ceux que l'on a appelés les « combattants de la liberté ».
Il participe du même esprit que l'amendement de M. Mermaz, adopté par l'Assemblée nationale, qui permet aux réfugiés statutaires d'être naturalisés sans condition de stage.
Toutefois, il va plus loin et tend à simplifier les procédures d'acquisition de la nationalité française, facilitant ainsi l'intégration des personnes concernées, ce que nous souhaitons tous.
En effet, l'obtention du statut de réfugié constitue déjà, on l'a dit, une démarche de longue haleine ; il n'est donc nul besoin d'en ajouter en imposant un second passage devant l'administration aux rares personnes qui l'ont obtenu et qui souhaitent devenir françaises.
Il faut savoir que, aujourd'hui, plus de 90 % des demandes de statut sont rejetées. Par conséquent, cette disposition ne concernera que peu de personnes. Néanmoins, son importance est grande, eu égard à la situation de ceux qu'elle concerne.
Je vous demande donc de bien vouloir adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques n°s 40 et 118 ?
M. Christian Bonnet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable dans l'un comme dans l'autre cas, dans la mesure où il s'agit d'amendements qui sont manifestement contraires à la position qu'elle a elle-même prise à l'article 6. J'ajoute que les réfugiés peuvent toujours demander leur naturalisation.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je ferai remarquer à la Haute Assemblée que l'article 6 du projet de loi que j'ai l'honneur de lui soumettre, tel qu'il résulte du texte adopté par l'Assemblée nationale, prévoit déjà, pour les réfugiés, la possibilité d'acquérir la nationalité française par naturalisation sans condition de stage, comme M. Bonnet vient de le rappeler.
Ce texte est conforme à l'article 34 de la convention de Genève, qui demande que l'on facilite la naturalisation. Il ne me paraît donc pas possible d'aller plus loin, comme le proposent les auteurs de ces deux amendements. C'est la raison pour laquelle l'avis du Gouvernement y est défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 40 et 118, repoussés par la commission et par le Gouvernement.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Par amendement n° 41, Mme Dusseau, MM. Baylet et Collin proposent d'insérer, après l'article 5 bis , un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré dans le code civil, après l'article 21-14, un article ainsi rédigé :
« Art... - Les personnes titulaires de l'autorité parentale d'un enfant mineur né en France de parents étrangers peuvent déclarer qu'elles réclament, au nom du mineur, la qualité de Français à condition toutefois, si elles sont étrangères, qu'elles aient leur résidence habituelle en France depuis cinq années.
« La reconnaissance de la nationalité française d'un mineur né en France entraîne celle de ses frères et soeurs à condition qu'ils soient plus jeunes et qu'ils soient nés sur le sol français »
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Je suis quelque peu ennuyée parce que cet amendement reprend à peu près un amendement sur l'article 1er. Il prévoit cependant, dans le cas où les parents réclament la qualité de Français pour l'un de leurs enfants et que celle-ci est accordée, que leurs autres enfants plus jeunes acquièrent automatiquement la nationalité française.
En toute logique, je me dois toutefois de retirer cet amendement.
M. Jean-Jacques Hyest. C'est vrai !
M. le président. L'amendement n° 41 est retiré.
Par amendement n° 42, Mme Dusseau, MM. Baylet et Collin proposent d'insérer, après l'article 5 bis , un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré, dans le code civil, après l'article 21-14 un article ainsi rédigé :
« Art... - Un mineur né à l'étranger ayant un frère ou une soeur né en France peut réclamer la nationalité française dès l'âge de seize ans s'il justifie de cinq années de scolarité en France. »
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Avec l'amendement précédent, il s'agissait d'enfants nés en France. En l'occurrence, il s'agit de réunir les fratries : si, dans une famille, des enfants deviennent français, leurs aînés nés à l'étranger peuvent réclamer la nationalité française dès l'âge de seize ans s'ils justifient de cinq ans de scolarité en France.
Cet amendement a pour objet de ne pas créer de disparité entre des enfants.
M. Jean-Jacques Hyest. Et la polygamie !
Mme Joëlle Dusseau. Encore la polygamie, mon cher collègue ! Il semble que ce soit une obsession de la droite sénatoriale !
M. Jean Chérioux. Cela n'existe pas, puisque Mme Dusseau n'y croit pas ! Il ne faut pas insister !
Mme Joëlle Dusseau. Cet amendement a pour objet, disais-je, de ne pas créer de disparité au sein d'une même famille qui vit en France et dans laquelle un enfant a pu naître à l'étranger et y vivre un, deux ou trois ans, alors qu'il vit maintenant en France, qu'il y va à l'école et alors que ses frères et soeurs sont nés en France. Je pense qu'il est logique de proposer que cet enfant puisse réclamer la nationalité française dès l'âge de seize ans, ce qui lui éviterait de passer par la procédure de naturalisation.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Bonnet, rapporteur. La commission est tout à fait défavorable à cet amendement.
La générosité de Mme Dusseau ne nous a pas échappé, mais nous pensons que le souci de donner la nationalité à des frères ou soeurs à partir du moment où l'un des enfants a déjà la qualité de Français n'est vraiment pas raisonnable.
Mme Joëlle Dusseau. J'ai posé des conditions de scolarité, monsieur le rapporteur.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je voudrais expliquer, madame le sénateur, pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Je ne suis évidemment pas insensible à l'argument qui consiste à dire qu'il faut une certaine unité de nationalité dans une fratrie. Je ne peux toutefois pas accepter cet amendement parce qu'il conditionne l'accès à la nationalité française d'un mineur à la naissance sur le sol français de l'un de ses frères et soeurs.
Cette exigence, loin d'être pertinente, me paraît en réalité artificielle parce que la naissance du frère ou de la soeur sur le sol français peut résulter du simple hasard et que le frère ou la soeur peuvent n'avoir aucune attache avec la France, ni aucune communauté de vie avec le demandeur.
En réalité, cet amendement opère un mélange entre l'acquisition de la nationalité par le droit du sol, d'une part, et par la naturalisation, d'autre part.
Pour obtenir la nationalité par le droit du sol, il faut que soient réunies les deux conditions : naissance et résidence. Quant à la naturalisation, elle est précisément prévue lorsque ces deux conditions ne sont pas réunies.
J'ajoute que la naissance en France d'un frère ou d'une soeur peut être prise en compte au titre de l'assimilation, parmi d'autres éléments qui peuvent faciliter la naturalisation d'un étranger qui ne serait pas né sur notre territoire.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 42, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 109, Mme Cerisier-ben Guiga, MM. Badinter, Allouche, Autain et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer après l'article 5 bis, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 21-12 du code civil, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art... - Peut réclamer la nationalité française, par déclaration souscrite conformément aux articles 26 et suivants, la personne née à l'étranger de parents étrangers, âgée de seize à vingt et un ans, qui a sa résidence habituelle en France depuis huit ans et qui y a été scolarisée pendant au moins cinq années. »
Par amendement n° 117, MM. Duffour, Pagès, Derian, Mme Beaudeau, M. Bécart, Mmes Bidard-Reydet, Borvo, MM. Fischer, Lefebvre, Mme Luc, MM. Minetti, Ralite, Renar, Mme Terrade et M. Vergès proposent d'insérer, après l'article 5 bis, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 21-13 du code civil est complété in fine par un alinéa ainsi rédigé :
« L'enfant mineur, né à l'étranger de parents étrangers, acquiert, à partir de l'âge de seize ans la nationalité française par déclaration, dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants, si, au moment de sa déclaration, il a sa résidence en France et s'il a accompli huit années de scolarité de six ans à seize ans en France. »
La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga, pour défendre l'amendement n° 109.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Le groupe socialiste a voulu, par cet amendement, attirer l'attention du Gouvernement sur la situation des très nombreux enfants arrivés très jeunes sur le territoire français dans le cadre du regroupement familial, qui y ont vécu longuement et y ont été éduqués exactement comme les enfants étrangers qui y sont nés.
Nous estimons que le phénomène d'assimilation qui se produit pour les enfants nés en France se produit exactement de la même manière pour eux. Ces enfants deviennent semblables à des enfants français, nous devons les considérer comme des enfants français, les assimiler à des enfants français parce que leur séjour est durable, a été vécu comme permanent par leur famille.
L'immigration des années soixante a été perçue comme provisoire par les intéressés, mais, assez vite, ils ont été piégés et ils sont restés. Aujourd'hui, les enfants savent qu'ils resteront, qu'ils soient nés en France ou non.
Il faut bien voir que la nationalité française est une affaire d'éducation et d'instruction ; celle-ci amène à une volonté d'adhésion plus ou moins nette, plus ou moins forte, mais qui s'accentue au fil des années chez la personne qui a été élevée en France.
Cet amendement tel qu'il est rédigé pourrait évidemment être sous-amendé. Si nous avons estimé qu'une résidence habituelle de huit ans en France et une scolarisation de cinq ans constituaient le minimum exigible, la scolarisation étant, de plus, facile à prouver, rien n'empêcherait d'exiger, d'une part, que l'enfant soit arrivé en France pour le début de l'école primaire et, d'autre part, qu'il ait été scolarisé pendant dix ans pour conditionner l'accès à la nationalité par déclaration, à partir de l'âge de seize ans. Il s'agit en effet non pas d'une acquisition de plein droit, mais de la déclaration de nationalité française, qui est une naturalisation simplifiée...
M. Jean-Jacques Hyest. Ah non !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. En fait, nous nous rapprocherions ainsi des dispositions du code de la nationalité allemand. Pour une fois, nous sommes quelque peu en retrait par rapport à nos voisins qui, ayant une conception ethnique, si ce n'est biologique, de la nationalité, accordent très peu la nationalité allemande. Sachez que l'on dénombre quatre fois plus de naturalisations en France qu'en Allemagne et dix fois plus de naturalisations aux Etats-Unis que chez nos voisins. Nous nous situons entre les deux !
Notre objectif est d'attirer l'attention sur la situation de tous ces enfants qui sont arrivés à l'âge de deux ou trois ans en France et qui pourraient fort bien bénéficier d'une naturalisation simplifiée dès l'âge de seize ans.
M. le président. La parole est à M. Duffour, pour défendre l'amendement n° 117.
M. Michel Duffour. Cet amendement est fort proche de celui que vient de défendre Mme Cerisier-ben Guiga. En effet, si sa rédaction diffère, il relève néanmoins de la même démarche.
Cette disposition vise à faciliter l'acquisition de la nationalité française par les jeunes qui, sans être nés en France, y ont toujours vécu et suivi une scolarité normale.
Ces jeunes sont parfaitement intégrés, puisqu'ils devront justifier de huit années de scolarité entre six ans et seize ans. Il serait dans ces conditions injuste de ne pas leur permettre d'accéder de manière plus simple à la nationalité française alors que leurs camarades, nés en France, y accéderont de plein droit à la majorité.
Bien sûr, vous m'objecterez qu'ils pourraient faire une demande de naturalisation à dix-huit ans. Mais cette demande est aléatoire puisque son aboutissement est conditionné par la justification de ressources stables. Or un tiers des jeunes connaissent des difficultés d'emploi et cette proportion est encore plus élevée au sein des jeunes issus de l'immigration.
Comme vous le voyez, madame la ministre, cette disposition faciliterait l'intégration d'enfants qui ont fait l'acquisition de notre culture républicaine au cours de leur cursus scolaire. Par ailleurs, elle leur permettrait de pouvoir passer les concours de la fonction publique comme leurs amis devenus Français à la majorité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 109 et 117 ?
M. Christian Bonnet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.
L'exemple du droit allemand a été invoqué, mais il convient de préciser, d'une part, que l'acquisition de la nationalité allemande intervient par naturalisation, donc par décision discrétionnaire des pouvoirs publics, d'autre part, que le bénéficiaire de la naturalisation dans le droit allemand doit, en contrepartie, abandonner sa nationalité d'origine, ce qui n'est nullement prévu dans les amendements qui nous sont proposés.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je suis extrêmement sensible aux arguments développés par Mme Cerisier-ben Guiga et par M. Duffour. Cependant, je ne crois pas pouvoir émettre un avis favorable parce que le droit français de la nationalité, qui facilite l'accès à celle-ci de jeunes étrangers, prévoit, comme je viens de le rappeler, que deux conditions soient remplies, à savoir la résidence et la naissance en France. Supprimer l'un de ces deux éléments revient à affaiblir la présomption d'intégration.
Je ne suis pas non plus favorable à une acquisition simplifiée de la nationalité pour les jeunes nés à l'étranger parce qu'elle écarterait tout contrôle quant à l'assimilation. Pour autant, l'accès à la nationalité française est loin d'être fermé à ces jeunes puisqu'ils disposent de la procédure de naturalisation après cinq ans de résidence. J'ajoute que ces jeunes seront naturellement plus prédisposés que d'autres, à partir du moment où ils auront vécu depuis leur plus jeune âge sur notre territoire, à avoir accès à cet honneur qu'est la naturalisation française.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 109.
M. Jean-Jacques Hyest. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. L'amendement n° 109 me paraît curieux, d'autant que l'on nous explique depuis longtemps qu'il faut en revenir au droit du sol. Or, avec cet amendement, avec la déclaration de nationalité française, on va absolument à l'encontre de la tradition que l'on invoque.
Mme Cerisier-ben Guiga a prétendu que, après tout, la réclamation et la naturalisation simplifiée, c'était la même chose. Ce n'est pas le cas parce que la réclamation ouvre un droit, ce droit n'étant accordé, jusqu'à preuve du contraire, que sous certaines conditions.
Prétendre que déclaration et réclamation reviennent à peu près la même chose, c'est aller vraiment trop loin. Pourquoi ne pas décider aussi que tout le monde peut obtenir la nationalité française à partir du moment où il y réside depuis cinq ans, un point c'est tout ! (Murmures sur les travées socialistes.)
Mais si, cela revient exactement à cela !
Le droit du sol, c'est le droit du sol, compte tenu des conditions qu'a rappelées Mme le garde des sceaux. Et puis, il y a la naturalisation, qui peut être obtenue par d'autres voies. Mais ne prétendez pas, madame le sénateur, comme cela figure dans l'exposé des motifs de votre amendement, que la réclamation de la nationalité française par déclaration équivaut à la naturalisation simplifiée, c'est faux !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 109, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 117, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pendant une dizaine de minutes.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures.)