SÉANCE DU 14 JANVIER 1998
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 43, Mme Dusseau, MM. Baylet et Collin proposent d'insérer,
après l'article 13, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 31-3 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La décision de refus de délivrance d'un certificat de nationalité doit
intervenir six mois au plus après la date à laquelle a été délivré au demandeur
le récépissé constatant la remise de toutes les pièces nécessaires à
l'établissement du certificat. L'absence de réponse pendant ce délai vaut
acceptation de délivrance et le juge d'instance est alors tenu à remettre le
certificat de nationalité française au demandeur. »
Par amendement n° 124, MM. Dufour, Pagès, Derian, et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 13, un
article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 31-3 du code civil est complété par deux alinéas ainsi rédigés
:
« Le greffier en chef est tenu de remettre un récépissé daté au demandeur de
certificat de nationalité à réception de l'ensemble des pièces nécessaires à la
preuve de la nationalité française, dont la liste sera fixée par décret.
« La décision de refus de délivrance de certificat de nationalité française
doit être motivée et intervenir six mois au plus tard après la date de
délivrance du récépissé constatant la remise de toutes les pièces nécessaires à
la preuve de la nationalité française. L'absence de réponse pendant ce délai
vaut acceptation de délivrance et le juge d'instance est alors tenu de délivrer
le certificat de nationalité au demandeur. »
La parole est à Mme Dusseau, pour présenter l'amendement n° 43.
Mme Joëlle Dusseau.
Dans le même sens que mon amendement précédent, l'amendement n° 43 vise à ce
que la décision de refus de délivrance d'un certificat de nationalité
intervienne six mois au plus après la date à laquelle a été délivré au
demandeur le récépissé constatant la remise de toutes les pièces nécessaires à
l'établissement du certificat. L'absence de réponse dans les six mois vaudrait
acceptation de délivrance.
M. le président.
La parole est à M. Pagès, pour présenter l'amendement n° 124.
M. Robert Pagès.
L'amendement n° 124 a un objet semblable à celui de l'amendement n° 43,
puisqu'il vise à encadrer la délivrance des certificats de nationalité.
En premier lieu, il prévoit la remise au demandeur d'un récépissé daté à
réception de l'ensemble des pièces nécessaires à la preuve de la nationalité
française.
En second lieu, il prévoit un délai de réponse dans les six mois au plus tard
à partir de la délivrance du récépissé constatant la remise de toutes les
pièces nécessaires à la preuve de la nationalité française. L'absence de
réponse pendant ce délai vaut acceptation de délivrance, et le juge d'instance
est alors tenu de délivrer le certificat de nationalité au demandeur.
Si le projet de loi envisage de faciliter la preuve de la nationalité, en
précisant que la toute première délivrance de certificat de nationalité
française sera mentionnée en marge de l'acte de naissance, il n'est pas
inutile, toutefois, de fixer un délai pour l'obtention desdits certificats.
Le fait de faciliter la preuve de la nationalité aura pour conséquence, d'une
part, de simplifier les démarches administratives et, d'autre part, de réduire
les demandes de certificats de nationalité. A terme, cette diminution probable
du nombre des demandes de certificats devrait permettre l'instauration d'un
délai raisonnable, comme celui que nous proposons.
A l'heure actuelle, malheureusement, la pratique conduit à des délais qui ne
peuvent nous satisfaire. Ainsi, dans 50 % des cas, selon les chiffres du
ministère de la justice, les délais de réponse sont d'au moins un an, voire de
deux ans.
Il faut remédier à cet état de fait, qui peut avoir des conséquences fâcheuses
sur la situation des personnes concernées.
L'amendement n° 124, en visant à instituer un délai de réponse de six mois, se
rapproche de la tradition de notre administration ; son adoption simplifierait
les relations entre l'administration et les usagers.
Bien entendu, pour espérer parvenir à des délais raisonnables, il faudrait,
compte tenu de la surcharge de travail de l'administration, que des moyens
supplémentaires soient mis en place.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 43 et 124 ?
M. Christian Bonnet,
rapporteur. Dans un souci de cohérence avec la position adoptée à
l'article 11
bis, la commission est défavorable à l'un et à l'autre de
ces amendements.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux. Je ne peux pas être favorable à ces amendements. Je
vais expliquer pourquoi, car cette question est très importante.
Le traitement d'une demande de certificat de nationalité française est le
fruit d'une collaboration entre l'administration et celui qui demande la
nationalité française. L'intéressé n'a pas toujours les connaissances
nécessaires pour expliquer l'origine de sa nationalité, ni d'ailleurs souvent
les moyens de se procurer lui-même les pièces utiles à la démonstration de la
nationalité française.
C'est la raison pour laquelle le greffier en chef qui est saisi d'une demande
de certificat de nationalité doit parfois rechercher lui-même les pièces et les
renseignements auprès des diverses administrations. Il doit aussi procéder
souvent à des vérifications, en particulier auprès des services d'état civil
étrangers. Dans ces cas, la rapidité de l'enquête ne dépend même pas des
autorités françaises.
Le système proposé dans ces deux amendements risquerait donc de demeurer
lettre morte, puisqu'il vise à instituer un récépissé remis après délivrance
par l'intéressé de l'intégralité des pièces nécessaires, que celui-ci est
souvent dans l'incapacité de se procurer par lui-même.
On pourrait même craindre qu'un tel dispositif ne conduise le greffier en
chef, pressé de se prononcer par un délai, à refuser la délivrance du
certificat de nationalité française, le temps nécessaire à la réunion des
preuves lui ayant manqué.
Par ailleurs, sur le plan juridique, la proposition paraît incompatible avec
le régime du certificat de nationalité française, qui exige de préciser le
texte en vertu duquel l'intéressé a la qualité de Français ainsi que les
documents qui ont permis d'établir le certificat.
C'est pourquoi autant les intentions sont louables, autant un tel dispositif
risquerait, me semble-t-il, d'avoir l'effet contraire à celui qui est
recherché. Par conséquent, le Gouvernement ne peut qu'être défavorable à ces
deux amendements.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 43.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel et d'administration générale. Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois. On constate une inspiration commune
entre l'amendement concernant la naturalisation, auquel vous avez dit tout à
l'heure être favorable, madame le garde des sceaux, et celui-là.
Il ne faut pas semer des illusions, et vous avez donc raison d'être
défavorable à l'amendement n° 43.
Néanmoins, en acceptant l'autre amendement, vous laissez croire que les
difficultés pourront être réglées en dix-huit mois. Or, vous savez très bien
que ce n'est pas exact, tout au moins en l'état actuel des textes. Mais nous
pouvons tous espérer que cela le deviendra un jour !
On a dit que c'est un droit sans sanction. Attention, c'est un droit que vous
venez d'établir ! Il n'y a pas de sanction administrative. Toutefois, imaginez
qu'il y ait un contentieux de l'indemnité, ce qui n'est pas du tout impossible
: une personne ayant déposé sa demande de naturalisation demandera une
indemnité après que dix-huit mois ou plus se seront écoulés. Nous nous
trouverons alors dans la situation qui est la nôtre, s'agissant du
fonctionnement de la justice, puisque celle-ci est quelquefois - nous le
regrettons tous - sanctionnée pour lenteur abusive par la Cour européenne.
Il convient donc de faire attention à ne pas inscrire dans les textes des
dispositions dont on sait qu'elles ne seront pas applicables, à moins que vous
ne découvriez tout d'un coup les moyens merveilleux de les faire
appliquer...
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux. Monsieur le président de la commission, la
naturalisation n'est pas un droit ; elle est un honneur ; mais il ne dépend que
de la diligence des services administratifs français de la délivrer.
Par conséquent, compte tenu des engagements précis de créer des postes, pris
par ma collègue ministre de l'emploi et de la solidarité, dont c'est la
responsabilité,...
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois. Engagements auxquels vous croyez
!
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux. Absolument !
... j'ai cru pouvoir accepter ce délai, sans toutefois, bien entendu, lui
attacher une sanction, ainsi que je l'ai indiqué tout à l'heure.
Pour le reste, j'ai indiqué pourquoi, en raison des multiples aléas, y compris
de la nécessité de recueillir des éléments auprès de services administratifs
étrangers, il paraissait très difficile de prendre des engagements sur le
raccourcissement des délais.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Je ne voterai pas cet amendement, qui prévoit une disposition irréaliste. Dans
la plupart des tribunaux de rattachement des Français à l'étranger, nous
attendons la délivrance d'un certificat de nationalité française pendant deux
ans, trois ans, voire quatre ans ! Dans l'état actuel de l'administration et
des greffes des tribunaux d'instance, le respect d'un délai de six mois est
malheureusement irréaliste.
Je voudrais néanmoins indiquer à Mme la ministre que les tribunaux des greffes
d'instance, faute de qualification et par souci de se protéger au maximum de
tout risque d'erreur, demandent des pièces absurdes. Je reçois tous les jours
des courriers à ce sujet : ainsi, par exemple, on demande au premier Français
d'une famille, pour lui délivrer son certificat de nationalité française,
l'acte de mariage de ses grands-parents paternels et maternels ! A quoi cela
ressemble-t-il ?
Quinze pièces différentes au minimum, sont exigées pour le moindre certificat
de nationalité française ! C'est de la folie furieuse ! Tant que l'on n'aura
pas mis fin à cela, tant que l'on n'aura pas décidé de simplifier la délivrance
des certificats de nationalité française et que l'on n'aura pas réglementé les
pièces destinées à établir la preuve de la nationalité, on ne sortira pas de
cette situation !
M. Robert Pagès.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
Madame la ministre, je comprends bien que, s'il manque des pièces, on ne peut
pas exiger un délai de six mois. Mais notre amendement n'est pas aussi farfelu
! Le délai de six mois que nous proposons ne court qu'à partir de la
présentation de l'ensemble des pièces nécessaires, ce qui est tout de même
différent. Dans ce cas, le dossier est complet, il n'y a plus de pièces à
rassembler ! Attendre plus de six mois, dans ces conditions, n'est pas
acceptable.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux. Je voudrais dire à M. Pagès et à Mme Cerisier-Ben Guiga
que je suis particulièrement sensible - j'ai été alertée sur ce point avant
même ce débat - à la très grande complexité d'obtention des certificats de
nationalité. Je le suis d'autant plus que, étant née moi-même au Maroc, je sais
que des personnes de ma famille ont dû subir ce parcours du combattant que
décrivait Mme Cerisier-Ben Guiga.
Il est vrai que l'on ne peut pas dresser une liste précise des pièces
nécessaires puisque chaque cas est un cas particulier. Mais je vais rappeler
aux procureurs et aux greffiers en chef qu'ils doivent faire le maximum pour
simplifier la compilation de ces pièces, de façon à éviter toute redondance en
la matière. Je prends l'engagement de demander cet effort.
M. Jacques Habert.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert.
Le délai de six mois demandé par Mme Dusseau ne paraît pas réaliste, mais nous
devons la remercier d'avoir attiré l'attention du Gouvernement sur les
invraisemblables retards qui existent dans la délivrance des certificats de
nationalité.
M. Pagès prévoit, lui aussi, un délai de six mois, mais ce délai court à
compter du moment où toutes les pièces sont déposées, ce qui est plus
raisonnable.
Néanmoins, madame la ministre, je tiens à souligner qu'il s'agit d'une
question très grave pour tous les Français à l'étranger, comme l'a dit
précédemment l'un d'entre nous. En effet, ils doivent attendre deux, trois ou
quatre ans avant qu'un certificat de nationalité leur soit délivré, et la
demande de pièces ne cesse pas.
Nous vous serions, par conséquent, infiniment reconnaissants de bien vouloir
demander à vos services de ne pas exiger des pièces qui sont manifestement
inutiles, car il suffit, par exemple, que l'un des parents ait la nationalité
française pour qu'il puisse la transmettre à ses enfants, ce qui fait que l'on
ne devrait plus avoir à se soucier de la nationalité de l'autre parent.
Pourtant, on demande encore des renseignements sur toute la généalogie, sur
toute l'ascendance, ce qui est tout à fait inutile.
Si vous pouviez diminuer le nombre des pièces exigées à cette occasion, de
façon à réduire considérablement les délais, nous vous en serions, je le
répète, reconnaissants.
Mme Joëlle Dusseau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Je crois que deux problèmes différents se posent.
Le premier tient au nombre et à la complexité des pièces à produire. A ce
sujet, Mme la ministre dit qu'il sera fait en sorte que la procédure soit plus
rapide et moins complexe.
M. Robert Pagès.
C'est bien !
Mme Joëlle Dusseau.
Nous sommes, bien entendu, d'accord sur ce point.
Le second problème se pose quand toutes les pièces ont été déposées - je dis
bien toutes - et qu'il n'y a pas à réécrire encore à la personne pour signaler
que je ne sais quel certificat visant l'arrière-grand-mère manque. Le dossier
est alors vraiment complet.
Or, monsieur Habert, c'est bien ce qui est écrit dans notre amendement, qui
ressemble d'ailleurs beaucoup à celui de M. Pagès. Permettez-moi d'en redonner
lecture : « La décision de refus de délivrance d'un certificat de nationalité
doit intervenir six mois au plus tard après la date à laquelle a été délivré au
demandeur le récépissé constatant la remise de toutes les pièces nécessaires à
l'établissement du certificat. »
Ainsi, non seulement toutes les pièces auront été remises, mais le demandeur
aura reçu un récépissé. L'administration aura manifesté ainsi que le dossier
était complet et que toutes les pièces avaient bien été remises, au terme
d'innombrables allers et retours, car il manque toujours une pièce.
Très franchement, à partir du moment où le dossier est complet, il faut que,
dans un délai raisonnable - et six mois, cela ne me paraît pas excessif, vu les
mois et les années qu'il a fallu pour constituer le dossier - il puisse y avoir
effectivement remise du certificat de nationalité.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 43, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 124, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 113, MM. Durand-Chastel, Habert et Maman proposent
d'insérer, après l'article 13, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le premier alinéa de l'article 30-3 du code civil, après les mots :
"si lui-même et celui de ses père et mère", sont insérés les mots :
"ou de ses grand-père et grand-mère". »
La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel.
Il s'agit d'un amendement de corrélation avec l'amendement n° 112 rectifié que
vient d'adopter le Sénat afin de modifier l'article 21-14 du code civil.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Bonnet,
rapporteur. Dans la mesure où il s'agit d'une corrélation, la commission
y est favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux. Dans la mesure où il s'agit d'une corrélation, le
Gouvernement y est défavorable !
(Sourires.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 113, accepté par la commission et repoussé
par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 13.
Section 4
Dispositions modifiant les règles de perte
de la nationalité française
Article 14 A