M. le président. « Art. 10 bis. _ L'article 21 ter de la même ordonnance est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces dispositions ne sont pas applicables aux associations à but non lucratif qui apportent aide et conseils à un étranger visé à l'article 19, et en particulier aux associations qui viennent en aide aux étrangers dont l'état de santé nécessite un traitement médical. »
Par amendement n° 13, M. Masson, au nom de la commission des lois, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Masson, rapporteur. L'article 10 bis a été ajouté par l'Assemblée nationale, contre l'avis du Gouvernement, je le précise.
Il a pour objet de modifier l'article 21 ter de l'ordonnance du 2 novembre 1945, de telle sorte que certaines associations ayant favorisé l'entrée, la circulation et le séjour d'étrangers en situation irrégulière échappent aux sanctions prévues.
Cette disposition, si elle était maintenue, conduirait à exonérer de sanctions les associations, au cas où elles auraient aidé à pénétrer ou à séjourner sur le territoire des étrangers en situation irrégulière, je le souligne.
Je n'insisterai pas sur les raisons pour lesquelles la commission des lois souhaite supprimer l'article 10 bis. Les associations que nous connaissons et dont la plupart sont subventionnées par l'Etat ne prévoient pas dans leurs statuts des dispositions tendant à faciliter l'entrée et le séjour irréguliers. Leur objectif - et qui pourrait contester cette démarche louable ? - est d'aider les étrangers et non de faciliter des séjours irréguliers.
Par conséquent, il nous semble tout à fait conforme à la fois à la loi et au bon sens - sur ce point tout le monde sera d'accord - qu'une association qui se mettrait en situation irrégulière par rapport à ses propres statuts et qui détournerait par là même les conditions d'attribution des subventions qui lui sont allouées par l'Etat ne puisse pas échapper à la sanction de la loi.
Or tel serait le cas si l'article 10 bis que l'Assemblée nationale a adopté, je le répète, contre l'avis du Gouvernement, était adopté.
La commission des lois vous propose donc de supprimer cet article, qui est, à notre sens, néfaste dans ses incidences et dans le signal qu'il pourrait donner à d'autres qui considéreraient que les associations françaises subventionnées par l'Etat pourraient échapper aux rigueurs de la loi quand elles s'évadent elles-mêmes de leur propre statut.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Il est clair que le dessein du Gouvernement est de poursuivre les passeurs, les filières d'immigration clandestine ainsi que les employeurs de travailleurs clandestins, monsieur Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Telle est la volonté du Gouvernement. Evidemment, nous ne visons pas le président de la Croix-Rouge française, le comité inter-mouvement d'aide aux déportés et évacués, le CIMADE, le Secours catholique, France terre d'asile ou Médecins du monde.
Je reconnais que l'amendement qui a été voté par l'Assemblée nationale est un peu imprécis. Ces associations ont en quelque sorte un rôle d'avocats de la défense, d'avocats commis d'office. Elles sont souvent pour beaucoup d'entre elles subventionnées.
On pourrait imaginer une formulation selon laquelle ces associations sont reconnues d'utilité publique et bénéficient de cette immunité puisqu'au fond elles sont utiles, elles remplissent une fonction humanitaire.
Sous réserve de cette précision, je souhaite que ce texte soit conservé parce que, évidemment, il introduit de la clarté là où d'ailleurs il n'y a jamais eu d'ambiguïté. Je ne pense pas, en effet, que M. Pasqua, au temps où il était ministre de l'intérieur, ait jamais poursuivi le Secours catholique !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 13.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Sur le fond, nous sommes tout à fait d'accord avec le Gouvernement.
Je voudrais lui signaler un petit problème : l'article 10 bis ne fait état que des associations. Or, s'il y a en effet une responsabilité pénale des personnes morales, les individus restent punissables. Il faudrait donc écrire : « aux membres des associations et » - si l'on veut - « aux associations ».
M. Michel Caldaguès. Oh là là, où va-t-on ?
M. François Gerbaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gerbaud.
M. François Gerbaud. Je remercie M. le rapporteur de la sérénité de son propos sur un sujet qui est d'une extrême gravité.
Monsieur le ministre, si vous voulez modifier ce qui a été voté contre votre gré à l'Assemblée nationale, vous pourrez probablement mieux le faire à l'Assemblée nationale qu'ici, puisque c'est elle qui a le dernier mot.
Je voudrais, au nom du groupe du RPR, dire que je suis tout à fait favorable à la suppression de l'article 10 bis proposée par M. Masson.
En effet, le présent article, s'il était adopté, exclurait du régime institué par l'article 21 de l'ordonnance de 1945 - et l'on voit bien les immenses dangers que cela ferait courir - les associations à but non lucratif qui apportent aide et conseil à un étranger en infraction aux règles d'entrée et de séjour. Sont visées les associations qui viennent en aide aux étrangers dont l'état de santé nécessite un traitement médical.
Ce dispositif peut, en effet, conduire à tous les dérapages et à la constitution d'authentiques filières d'arrivée d'étrangers en situation irrégulière, vous avez bien fait de le souligner, monsieur le rapporteur. Il suffirait que ces filières prennent la forme juridique d'associations pour bénéficier d'une totale immunité. Cela n'est pas admissible. C'est pourquoi le groupe du RPR votera la suppression de cet article 10 bis .
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 10 bis est supprimé.

Article additionnel après l'article 10 bis

M. le président. Par amendement n° 59, Mme Dusseau propose d'insérer, après l'article 10 bis , un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 21 ter de la même ordonnance, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Les démarches visant à l'obtention d'un titre de séjour par les voies de droit afin d'aider un étranger ne constituent pas un délit visé à l'article 21 de l'ordonnance. »
Cet amendement est-il soutenu ?...

Article 11