SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Dépôt du rapport annuel du médiateur de la République (p. 1 ).

3. Souhaits de bienvenue à une délégation du Sénat chilien (p. 2 ).

4. Sécurité et promotion d'activités sportives. - Adoption d'une proposition de loi déclarée d'urgence (p. 3 ).
Discussion générale : Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports ; MM. François Lesein, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; Marcel Charmant, James Bordas, Mme Hélène Luc.
Mme le ministre.
Clôture de la discussion générale.

Article 1er (p. 4 )

Amendement n° 1 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 2 (p. 5 )

Amendement n° 2 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.

Article 3 (p. 6 )

MM. Jean Faure, Michel Barnier, le rapporteur.
Amendement n° 3 de la commission et sous-amendement n° 8 de M. Barnier. - MM. le rapporteur, Michel Barnier, Mme le ministre, M. Jean Faure. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié.
Amendements n°s 4 et 5 rectifié de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre, MM. Jean Faure, Michel Barnier. - Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.

Article 4 (p. 7 )

Amendement n° 6 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre, MM. Marcel Charmant, René-Pierre Signé, Ivan Renar. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Intitulé (p. 8 )

Amendement n° 7 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre, M. Marcel Charmant. - Adoption de l'amendement rédigeant l'intitulé.

Vote sur l'ensemble (p. 9 )

MM. Jacques Legendre, Jean Faure, Michel Barnier, Jacques Habert, Mme le ministre, MM. Michel Mercier, le rapporteur.
Adoption de la proposition de loi.

5. Nomination de membres d'une commission mixteparitaire (p. 10 ).

6. Candidature à une commission (p. 11 ).

Suspension et reprise de la séance (p. 12 )

7. Accords relatifs à la quatrième convention ACP - CE de Lomé. - Adoption de trois projets de loi (p. 13 ).
Discussion générale commune : M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie ; Mme Paulette Brisepierre, rapporteur de la commission des affaires étrangères ; MM. Pierre Mauroy, Jacques Habert.
Clôture de la discussion générale commune.
M. le secrétaire d'Etat.

MODIFICATION DE LA QUATRIÈME CONVENTION ACP - CE
DE LOMÉ (p. 14 )

Article unique (p. 15 )

Mme Danielle Bidard-Reydet.
Adoption de l'article unique du projet de loi.

PROTOCOLE À LA QUATRIÈME CONVENTION ACP - CE
DE LOMÉ (p. 16 )

Adoption de l'article unique du projet de loi.

ACCORD INTERNE RELATIF
AU PROTOCOLE FINANCIER
DE LA QUATRIÈME CONVENTION ACP - CE DE LOMÉ (p. 17 )

Adoption de l'article unique du projet de loi.

8. Traité d'entente, d'amitié et de coopération avec l'Albanie. - Adoption d'un projet de loi (p. 18 ).
Discussion générale : MM. Charles Josselin, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie ; André Rouvière, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
M. le secrétaire d'Etat.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.

9. Avenant à la convention fiscale avec le Canada signée le 2 mai 1975. - Adoption d'un projet de loi (p. 19 ).
Discussion générale : MM. Charles Josselin, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie ; Emmanuel Hamel, rapporteur de la commission des finances ; Jacques Habert.
M. le secrétaire d'Etat.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.

10. Convention fiscale avec la Mongolie. - Adoption d'un projet de loi (p. 20 ).
Discussion générale : MM. Charles Josselin, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie ; Emmanuel Hamel, en remplacement de M. Jacques Chaumont, rapporteur de la commission des finances.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.

11. Nomination d'un membre d'une commission (p. 21 ).

12. Dépôt de propositions de loi (p. 22 ).

13. Retrait d'une proposition de loi (p. 23 ).

14. Dépôt d'une résolution (p. 24 ).

15. Dépôt d'une proposition d'acte communautaire (p. 25 ).

16. Dépôt de rapports (p. 26 ).

17. Dépôt d'un avis (p. 27 ).

18. Ordre du jour (p. 28 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

DÉPÔT DU RAPPORT ANNUEL DU MÉDIATEUR
DE LA RÉPUBLIQUE

M. le président. M. le président a reçu de M. le médiateur de la République son rapport au Président de la République et au Parlement pour l'année 1997.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.

3

SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION DU SÉNAT CHILIEN

M. le président. Mes chers collègues, j'ai le plaisir de saluer la présence dans notre tribune officielle d'une délégation du Sénat chilien, conduite par son président, M. Sergio Romero, en visite en France à l'invitation de M. le président du Sénat.
Au nom de la Haute Assemblée, je lui souhaite la bienvenue et je forme des voeux pour que son séjour en France contribue à fortifier les liens et l'amitié entre nos deux pays, liens qui se sont particulièrement renforcés au cours de ces dernières années par des rencontres régulières à Santiago et maintenant à Paris.
Nous nous réjouissons des liens ainsi créés entre nos deux assemblées. (Mme le ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

4

SÉCURITÉ ET PROMOTION
D'ACTIVITÉS SPORTIVES

Adoption d'une proposition de loi déclarée d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi (n° 243, 1997-1998), adoptée par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relative à la sécurité et à la promotion d'activités sportives. [Rapport n° 255 (1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi qui vous est soumise aujourd'hui est dictée par la nécessité de répondre à un certain nombre de problèmes urgents concernant la sécurité des installations sportives, l'accueil et la sécurité du public à l'occasion des manifestations sportives, l'encadrement des activités physiques et sportives dans les disciplines classées à risques et le développement des exclusivités audioviduelles.
Ces diverses mesures urgentes ne diminuent pas le besoin d'une refonte plus globale du dispositif législatif en vigueur qui, malgré les ajustements survenus, ne correspond plus aux besoins et à la réalité sociale et économique de la pratique sportive dans notre pays.
Nous avons pour responsabilité de donner au mouvement sportif les moyens de maîtriser les mutations qu'il connaît - notamment dans ses rapports à l'argent - pour un nouveau développement du sport et un renforcement, voire une réhabilitation de son éthique, de sa mission citoyenne.
Je vous confirme donc l'intention du Gouvernement de déposer, à l'automne, après le projet de loi sur la santé des sportifs et la lutte contre le dopage au mois d'avril - que je souhaiterais, d'ailleurs, déposer au Sénat en première lecture - un projet de loi d'orientation sur le sport.
En ce qui concerne la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, je précise, au sujet de l'article 1er, que la spécificité des enceintes sportives accueillant des compétitions de véhicules à moteur ou de bateaux à moteurs n'a pas été prise en compte dans la loi de 1992 adoptée à la suite des événements tragiques de Furiani.
En effet, dans ces manifestations, le comportement des spectateurs est différent, leurs déplacements étant justifiés par le contenu et le déroulement de l'épreuve. De ce fait, l'impératif de sécurité me semble davantage garanti par l'obligation de déterminer le nombre maximal de spectateurs accueillis dans chaque tribune.
Le renvoi au 1er juillet 2000 de la date butoir pour l'homologation des enceintes est une décision de bon sens réclamée par de nombreux élus. En effet, à la date butoir prévue, à savoir le 24 janvier 1998, moins de 10 % du parc d'enceintes concernées était homologué.
Je sais bien que ce report ne règle pas tous les problèmes que rencontrent les collectivités locales sur le plan des responsabilités et sur celui des charges financières.
Sur le premier point, je pense que le débat doit venir dans la préparation de la prochaine loi d'orientation sur le sport.
En ce qui concerne le second point, je peux d'ores et déjà vous annoncer que, lors de la dernière réunion du FNDS, le Fonds national pour le développement du sport, j'ai proposé au comité de gestion que des crédits soient prioritairement engagés en direction de la réhabilitation des installations sportives existantes.
Concernant l'article 2, il me semble important qu'à la veille de la Coupe du monde de football nous disposions de moyens dissuasifs à l'égard d'une minorité de spectateurs qui sèment le trouble dans les enceintes sportives, mais aussi en dehors.
Je me félicite de la proposition d'étendre la peine complémentaire d'interdiction d'accès aux stades aux infractions constatées à l'extérieur du stade. C'est en effet souvent lors de l'arrivée ou de la sortie du stade que des incidents ont lieu.
Dans la dernière période, des acteurs du mouvement sportif et des élus m'ont fait part de leurs inquiétudes quant à la recrudescence des actes de violence. Faire reculer cette violence nécessite que soit lancée auprès des supporters, des sportifs une forte campagne de prévention, et que soient développés des actes éducatifs. La charte du fair-play élaborée par des collégiens de Choisy, qui sera lue lors du premier match de la Coupe du monde de football, en est un bel exemple.
Il faut encourager ces initiatives. Je m'y emploie avec mes collègues de l'éducation nationale, mais une réelle application de la loi du 6 décembre 1993, modifiée par cette proposition de loi, est un élément dissuasif important.
L'article 3 porte sur la nécessité d'accorder le principe de libre prestation de services des ressortissants communautaires avec l'obligation de diplômes et de qualifications fixés par la loi française.
Cet article répond à une préoccupation majeure : la sécurité des usagers. Il insiste sur la connaissance de l'environnement, l'ignorance de réalités propres à certains milieux pouvant avoir des conséquences dramatiques.
Cet article ne vise que les prestataires de services pour lesquels le texte réglementaire en vigueur a fait l'objet d'accords conclus avec les organisations professionnelles et les institutions européennes compétentes. En pleine saison de sport d'hiver, cette mesure est attendue.
L'article 4 introduit une cohérence qu'appellent, d'un côté, le développement des exclusivités audiovisuelles et, de l'autre, le nécessaire respect de la liberté de l'information et de l'accès à l'information.
S'il faut admettre que le sport français puise une grande partie de ses ressources financières privées dans la conclusion d'accords d'exclusivité avec des organismes de communication audiovisuelle, nous devons, en même temps, préserver le libre accès des journalistes dans les enceintes sportives.
La loi du 16 juillet 1984, modifiée en 1992, dans ses articles 18-2 et 18-4, n'a pas permis de résoudre les conflits liés à la conciliation de ces deux droits.
Le texte proposé ici garantit le libre accès des journalistes et la pluralité de l'information du public.
Pour les organismes non cessionnaires des droits, le pouvoir de citation déjà prévu dans la loi existante est préservé et renforcé par les dispositions suivantes :
Les journalistes choisissent librement les extraits qu'ils souhaitent diffuser. Ces extraits leur seront fournis gratuitement.
L'accès dans les enceintes doit leur permettre de filmer les événements périphériques, c'est-à-dire ceux qui sont distincts de la compétition.
Ils pourront ainsi avoir un contact direct avec les acteurs de la manifestation.
Afin de préserver le rôle du mouvement sportif, il est précisé que « l'organisateur » est la fédération sportive délégataire française qui, dans le cadre de sa mission de service public, selon la loi du 16 juillet 1984, proposera un règlement.
Pour éviter tout arbitraire, ce règlement devra être visé par le Conseil supérieur de l'audiovisuel avant d'être approuvé par le ministre chargé des sports.
Ce nouveau dispositif doit être mis en place préalablement à toute manifestation faisant l'objet d'un contrat d'exclusivité.
Cet article doit permettre de garantir le droit à l'information tout en prenant en compte la réalité des rapports entre le mouvement sportif et les médias. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Lesein, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, d'abord je veux vous demander de bien vouloir excuser l'absence du président de notre commission, M. Adrien Gouteyron, qui assiste aux obsèques de Régis Ploton, sénateur de la Haute-Loire, qui est décédé avant-hier.
Les lois « portant diverses mesures » constituent un exercice difficile. On s'aperçoit parfois, après les avoir adoptées dans l'urgence, bien sûr, et en urgence, qu'elles n'ont apporté que des solutions imparfaites, en tout cas rarement définitives à des problèmes qui n'avaient pas toujours été bien posés.
Pour tenter d'éviter cet écueil, la commission des affaires culturelles s'est attachée à analyser les problèmes qu'entend résoudre la proposition de loi qui nous est soumise et elle s'est efforcée de leur apporter les solutions qui lui ont paru les plus efficaces et les plus équilibrées.
Cela nous paraissait essentiel, car, en dépit de sa brièveté, le texte qui nous est soumis aborde des sujets - la sécurité des manifestations sportives, la qualité de l'encadrement sportif, le droit à l'information - qui ne peuvent être traités à la légère.
Ce faisant, nous avons aussi eu le souci de vous donner des moyens d'action adaptés, madame la ministre. En effet, le Sénat, a toujours fait passer avant toute autre considération la nécessité de soutenir le sport - qui est, pour chacun, un facteur d'épanouissement personnel et, pour tous, l'occasion de grandes fêtes collectives auxquelles vous tenez - et de le défendre contre la montée de la violence et de l'emprise de l'argent.
Mes chers collègues, le texte dont nous sommes saisis ne se prête guère à la synthèse. C'est donc dans l'ordre où elles se présentent que j'analyserai ses dispositions.
L'article 1er de la proposition de loi, qui modifie l'article de la loi de 1984 relatif à l'homologation des enceintes sportives, tend en premier lieu à faire une exception, au profit des circuits de vitesse, à l'obligation de ne prévoir que des places assises dans les tribunes des enceintes sportives.
La commission des affaires culturelles a estimé, pour des raisons sur lesquelles nous reviendrons lors de l'examen des articles, que cette exception n'était ni nécessaire ni souhaitable. En revanche, retenant une autre suggestion de l'Assemblée nationale, nous vous proposerons de compléter le texte en vigueur pour préciser que chaque tribune ne peut accueillir simultanément un nombre de spectateurs supérieur au nombre de places qu'elle offre.
Mais l'article 1er comporte une autre disposition qui illustre, malheureusement, ce que je disais tout à l'heure à propos des lois votées dans la précipitation. On nous demande en effet de prolonger pour la deuxième fois, et jusqu'au 1er juillet 2000, le délai prévu pour l'homologation des enceintes sportives ouvertes avant l'application de la loi de 1992. Mes chers collègues, on nous avait demandé, voilà près de six ans, d'adopter en urgence une nouvelle procédure d'homologation, alors qu'il aurait sans doute suffi, selon nous, de compléter et de mieux appliquer les règlements de sécurité en vigueur.
Voilà le résultat : ce texte qu'on disait indispensable ne s'applique encore, nous dit-on, qu'à 9 % des enceintes existantes. Vous avez annoncé, madame la ministre, et je m'en félicite, votre intention d'orienter prioritairement le FNDS vers la réhabilitation des installations sportives, mais il sera quand même très difficile de rattraper cet énorme retard en deux ans et demi.
Alors, nous voterons bien sûr cette disposition, mais vous comprendrez qu'elle nous renforce dans l'opinion que l'urgence est bien mauvaise conseillère.
L'article 2 prévoit, dans la perspective de la Coupe du monde de football, d'élargir le champ d'application de la peine complémentaire d'interdiction de stade prévue par la loi Alliot-Marie du 6 décembre 1993.
Cette peine ne peut actuellement être infligée qu'aux auteurs d'infractions commises dans des stades, à l'occasion d'une manifestation sportive ou de sa retransmission. Ce n'est pas suffisant, et cela peut même inciter à un simple déplacement de la violence aux abords des stades et au développement des affrontements à l'entrée ou à la sortie des matchs : il faut absolument y remédier.
Il faut aussi prévoir le cas des retransmissions en public sur grand écran, qui n'ont pas toujours lieu dans des stades, mais qui peuvent aussi être organisées à l'extérieur de ceux-ci. Vous avez prévu de le faire, et c'est une bonne idée, pour associer un plus vaste public à la fête de la Coupe du monde.
Nous vous proposerons de tenir compte de ces préoccupations. Mais nous ne pensons pas qu'il faille aller aussi loin que l'Assemblée nationale, qui a retenu une rédaction beaucoup trop large, laquelle serait du même coup bien difficile à appliquer.
J'en viens à présent à l'article 3, qui réglemente l'exercice en France de la libre prestation de services d'éducateur sportif.
Pour les professions de l'encadrement sportif, la libre circulation des travailleurs et des services s'applique dans le cadre de la reconnaissance mutuelle des formations professionnelles. Ce système ne nous est, en l'espèce, pas très favorable, d'une part, parce que nos exigences en matière de formation des éducateurs sportifs sont généralement très supérieures à celles des autres pays d'Europe...
M. Michel Barnier. C'est vrai !
M. François Lesein, rapporteur. - ... et il faut s'en féliciter, même si cela ne suffit pas toujours à éviter des drames tels que celui que nous venons de vivre voilà une semaine - et, d'autre part, parce que la France offre plus d'occasions d'exercer son métier à un moniteur de ski ou de plongée sous-marine que l'Irlande ou les Pays-Bas, où, comme chacun le sait, la montagne est importante... (Sourires.)
Le précédent gouvernement s'est efforcé de limiter les inconvénients d'une trop grande disparité entre les qualifications exigées par la France et celles qui le sont par les autres Etats européens. Il a obtenu - grâce, il faut le dire, à l'action soutenue de M. Michel Barnier, alors ministre délégué aux affaires européennes, et de ses services - de la Commission européenne la possibilité d'imposer des tests de capacité technique aux candidats au libre établissement ou à la prestation de services qui auraient une formation trop lacunaire, notamment à ceux qui n'ont pas d'autre qualification qu'une expérience professionnelle.
Cette faculté ne nous est pas accordée de manière définitive - c'est important - et elle est limitée à cinq disciplines : le ski, l'alpinisme, la plongée sous-marine, le parachutisme et la spéléologie, qui ne sont d'ailleurs pas toutes, il faut bien le dire, des sports de masse.
Cet accord de la Commission a été traduit dans deux décrets fondés, un peu acrobatiquement, sur la loi de 1984 : le décret du 25 novembre 1996 relatif à la libre prestation de services, qui fait référence aux articles 43 et 47-1 de la loi, et le décret du 4 avril 1997 relatif à la liberté d'établissement, qui est présenté comme un décret d'application de l'article 43.
L'article 3 de la proposition de loi a pour objet de donner un fondement législatif au décret sur la libre prestation de services, et de permettre de sanctionner les prestataires de services qui ne passeraient pas le test de capacité auquel ils seraient soumis.
Je vous le dis tout de suite, madame la ministre, nous sommes tout à fait d'accord sur ces deux objectifs.
Mais, je vous le dis aussi, la portée et le dispositif de l'article 3 ne nous paraissent pas très satisfaisants, et nous pensons que l'on peut mieux faire. C'est ce à quoi nous nous employons.
Sur la portée de l'article, d'abord : pourquoi s'en tenir à la prestation de services ? Vous nous dites que le décret de 1996 est le seul qui manque de base légale. Cela se discute !
Vous nous dites aussi que c'est surtout la prestation de services qui pose problème, car c'est de ce régime que se réclament les moniteurs plus ou moins qualifiés - plutôt moins que plus - qui viennent encadrer des groupes dans les stations françaises de sports d'hiver. C'est vrai, mais je vous répondrai trois choses.
D'abord, il ne faut pas attendre que les problèmes se posent pour les résoudre.
Ensuite, il faut prendre garde au fait que ni le traité de Rome ni la jurisprudence ne font de différence très nette entre liberté d'établissement et liberté de prestations. Nous sommes ici en présence d'activités par nature saisonnières, et qui peuvent être exercées par des frontaliers. Mieux vaut donc renforcer les deux procédures, plutôt que l'une et pas l'autre...
Enfin, je sais bien que nous ne légiférons pas aujourd'hui pour l'éternité, puisque une refonte prochaine de la loi de 1984 est annoncée. Elle est souhaitable et à faire... en dehors de l'urgence !
Mais pourquoi ne pas traduire tout de suite dans la loi l'ensemble du régime de la libre circulation des éducateurs sportifs, d'autant qu'il est déjà applicable ? Et, surtout, pourquoi ne faire les choses qu'à moitié ?
Si ce régime est déjà applicable, certaines instances juridiques profitent d'un hiatus : celui qui existe entre la loi de 1984 et celle de 1992 pour renvoyer les dossiers et fâcher la plupart des professionnels français qui, eux, ont des diplômes.
Le dispositif proposé comporte aussi quelques faiblesses.
En premier lieu, il introduit dans la loi un article nouveau et une nouvelle procédure de déclaration, alors que le décret de 1996 se fonde évidemment sur les textes en vigueur. Si l'on veut lui donner une base légale, le plus simple est, me semble-t-il, de lui laisser les bases qu'il a déjà, notamment la procédure de déclaration prévue à l'article 47-1.
En deuxième lieu, ce nouvel article ne fait pas référence aux interdictions professionnelles que l'article 43 oppose aux candidats aux professions d'éducateur sportif. C'est une lacune grave, car cela veut dire que des personnes condamnées pour crime, pour infractions sexuelles ou pour trafic de stupéfiants pourraient se réclamer du régime de la libre prestation de services.
En troisième lieu, la proposition de loi emprunte des voies bien tortueuses, et assez hasardeuses, pour prévoir la sanction du défaut de test.
Je rappelle que le défaut de déclaration est, lui, déjà sanctionné, et par des peines qui permettent la comparution immédiate des délinquants s'ils sont pris en flagrant délit.
En revanche, un prestataire de services qui aurait effectué une déclaration, mais qui n'aurait pas passé le test technique qu'on lui aurait imposé, ne pourrait être sanctionné immédiatement : il faudrait attendre qu'il exerce, lui interdire d'exercer et il ne pourrait être sanctionné que pour violation de cette interdiction. Evidemment, il risque d'avoir quitté la France bien avant !
On propose donc de sanctionner le défaut de test. Mais on ne peut pas, sous peine de discrimination contraire au droit européen, créer une sanction pour défaut de titre qui ne frapperait que les ressortissants communautaires. Par conséquent, on prévoit de sanctionner aussi toute personne qui exercerait sans titre les activités pour lesquelles on peut imposer le test.
C'est là que le bât blesse ! En effet, d'abord, le texte est rédigé de telle manière que n'importe quelle activité pourrait être visée. Une « activité exercée dans un environnement spécifique » - il s'agit de la formulation qui a été retenue par l'Assemblée nationale - cela peut être aussi bien la natation que le ski, la randonnée pédestre dans le Val de Loire ou la plongée sous-marine en Corse...
Un premier problème se pose donc : la loi crée un délit, mais ne le définit pas comme l'article 34 de la Constitution et le principe de légalité des délits et des peines imposent au législateur de le faire.
On répond à cela que l'on sait bien que les activités visées, ce sont les cinq pour lesquelles on peut imposer un test de capacité aux prestataires de services communautaires. Certes, encore que cela ne dispense pas le législateur d'exercer sa compétence. Mais cela pose alors un second problème, celui de l'égalité devant la loi. Pourquoi cela serait-il un délit d'enseigner sans diplôme le ski de fond, plutôt que le bobsleigh, le parapente, le rafting, le tir ou le vol à voile ?
J'ajoute que, à l'échelon national, l'intérêt pratique de sanctionner le défaut de diplôme est nul, car il y aurait concours d'infraction avec le défaut de déclaration.
Voilà pourquoi, mes chers collègues, nous vous proposerons une autre solution, qui ne présente pas les mêmes inconvénients, pour permettre de sanctionner le défaut de test.
Ce que nous proposons, c'est d'opposer une interdiction automatique, et immédiatement sanctionnable, d'exercer son activité à toute personne qui aurait effectué la déclaration requise, mais qui ne remplirait pas les conditions légales - diplôme ou test - pour exercer l'activité déclarée.
J'en viens enfin à l'article 4, qui résulte d'un amendement du Gouvernement. Nous examinerons tout à l'heure son contenu dans le détail. Je me bornerai à dire, pour l'instant, qu'il restreint le droit à l'information sportive tel que l'Assemblée nationale et le Sénat l'avaient défini en plein accord en 1992 - un accord qui n'était alors pas plus facile à trouver qu'aujourd'hui. Nous étions dans la même situation politique. En outre, il donne compétence aux fédérations sportives pour définir les mesures d'application de la loi, selon une conception assez originale de l'exercice du pouvoir réglementaire.
Mais je voudrais insister à présent sur un autre aspect de la question, et je le fais, mes chers collègues, avec gravité.
Personne n'ignore, madame la ministre, les pressions indécentes qu'ont exercées et qu'exercent encore sur le gouvernement français M. Mosley, président de la Fédération internationale de l'automobile, et son vice-président, M. Ecclestone, qui est aussi le président de la Formula One Administration Ltd, la FOA, détentrice des droits d'exploitation des compétitions du sport automobile.
Personne n'ignore que M. Ecclestone est prêt à tout pour défendre le caractère absolu du monopole qu'il détient, un monopole d'ailleurs contesté, comme celui de la Fédération internationale de l'automobile, la FIA, par la Commission européenne, puisqu'il est convoqué, chacun le sait - les journaux en ont suffisamment parlé - à Bruxelles.
La FOA, qui s'appelait alors la FOCA - Formula One Constructors Association - a déjà été condamnée par les tribunaux français pour atteinte au droit à l'information : elle estime donc plus simple que l'on change une loi qui ne lui convient pas. C'est ce qu'elle a essayé de faire avec nos collègues belges qui, eux, ont porté plainte auprès de la Cour de justice des Communautés européennes.
Nous sommes très conscients, madame la ministre, de la situation dans laquelle vous vous trouvez et nous ne demandons, sachez-le, qu'à vous soutenir. Mais comment ?
Nous pensons que, dans de telles circonstances, le moyen le plus efficace dont nous disposions à cet effet, c'est d'affirmer que, dans de semblables conflits, l'intérêt général et les principes de notre droit doivent l'emporter sur des intérêts particuliers.
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. François Lesein, rapporteur. C'est pourquoi nous demanderons au Sénat de ne pas revenir sur la proposition équilibrée qu'il avait prise en 1992.
Monsieur le président, mes chers collègues, la commission des affaires culturelles vous demande d'approuver la proposition de loi, sous réserve de l'adoption des amendements qu'elle vous propose. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. J'informe le Sénat que la commission des affaires culturelles m'a fait connaître qu'elle a d'ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu'elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d'une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en discusssion de la proposition de loi actuellement en cours d'examen.
Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Charmant.
M. Marcel Charmant. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le texte dont nous débattons aujourd'hui ne peut que bénéficier de toutes les cautions. Il vise en effet à pallier, dans l'urgence, des situations de vide juridique et à améliorer les conditions de sécurité lors de manifestations ou de pratiques d'activités sportives, sans présupposer - vous l'avez confirmé - du contenu du futur projet de loi sur le sport sur lequel vous vous êtes déjà exprimée et dont vous avez annoncé le dépôt pour les prochains mois.
De l'application rapide du dispositif de ce texte dépendent, en effet, le bon déroulement de la saison de ski, de la Coupe du monde de football, notamment, et surtout la survie du Grand prix de France de Formule 1.
Notre rapporteur, dont je veux saluer la compétence et le travail, souligne que « les lois portant diverses mesures constituent un exercice difficile, et que l'on s'aperçoit trop souvent, après coup, qu'elles n'ont apporté que des solutions imparfaites, voire un peu improvisées », et qu'en matière législative l'urgence est rarement bonne conseillère.
Il y a du vrai dans cette affirmation, mais je ne peux m'empêcher de penser que, dans une société qui évolue - et qui plus est lorsqu'elle évolue vite - les gouvernements, le législateur sont contraints à ce genre d'exercice dans l'intérêt général. Et il n'est pas certain que, dans ces moments-là, on légifère moins bien.
Le texte d'aujourd'hui nous montre que, dans la législation existante, il y avait quelques imperfections, quelques lacunes. C'est bien normal car le droit ne peut être figé.
Je serai donc beaucoup moins critique que M. le rapporteur sur les dispositions contenues dans cette proposition de loi, et je reviendrai successivement sur ces différents points que je viens de citer.
Tout d'abord, à propos de la Coupe du monde de football, je me félicite du très grand soin qui entoure sa préparation. L'inauguration du Stade de France, la semaine dernière, nous a montré l'excellence de l'organisation qui entoure la préparation de cette manifestation.
Les dispositions contenues dans la proposition de loi oeuvrent dans le même sens.
Première mesure urgente de bon sens : le report de la date butoir d'homologation des enceintes sportives. Prévue, aux termes de la loi Bredin du 13 juillet 1992, pour le 24 janvier 1998 au plus tard, l'homologation des enceintes sportives sera reportée au 1er juillet 2000, en vertu de l'article 1er de la proposition de loi.
La principale conséquence de ce report sera de permettre le bon déroulement de la Coupe du monde, en toute légalité : en effet, à l'heure actuelle, pas même 20 % de l'ensemble des enceintes « homologables » se trouvent en situation régulière. Grâce au report prévu, il n'y aura pas de problème de tenue de certains matches de la Coupe du monde dans des enceintes non encore homologuées ou en passe de l'être.
A ce stade de notre débat, je souhaite vous dire, madame la ministre, qu'il serait bon et utile d'associer les élus des collectivités territoriales à la réflexion sur la sécurité et l'homologation des installations sportives en particulier, et, d'une façon générale, des installations accueillant du public, afin de définir les réglementations et les normes.
En effet, les collectivités locales sont directement concernées, d'abord au titre de la sécurité, mais aussi au titre des investissements à réaliser. Et l'on a quelquefois tendance, à partir d'un événement isolé, à tirer des conclusions générales que je qualifierai d'exorbitantes.
Le deuxième problème que permet de régler la proposition de loi concerne également la Coupe du monde : il s'agit des exactions commises hors des enceintes sportives et, plus particulièrement, des actes de violence qui ont lieu à l'occasion des matches de football, mais en dehors des stades. Jusqu'à présent, notre législation prévoit les actes de violence commis à l'intérieur des stades et nous disposons d'un arsenal juridique pour sanctionner les personnes coupables de tels faits ; en revanche, tout ce qui se passe en dehors des enceintes sportives fait l'objet d'un vide juridique.
Tirant notamment les conséquences des récentes recommandations du Comité permanent de la convention européenne sur la violence et les débordements de spectateurs lors des manifestations sportives, la proposition de loi propose d'étendre le champ d'application de notre législation aux infractions commises « lors du déroulement ou de la retransmission en public d'une manifestations sportive ».
Tout cela me semble de très bon augure pour le déroulement de la Coupe du monde dans un maximum de sérénité. En effet, de très nombreux matches seront retransmis hors enceinte, sur écran géant, et nombreux aussi seront les spectateurs sportifs qui emprunteront les transports en commun pour se rendre sur les lieux concernés. Le texte adopté par l'Assemblée nationale me semble répondre parfaitement à ces préoccupations : il améliore le texte initial, en prenant en compte le lien de « relation directe » avec la manifestation sportive.
Enfin, j'en viens au dernier point concernant la Coupe du monde de football : la réglementation des exclusivités des chaînes de télévision, lors des retransmissions d'événements sportifs.
L'amendement d'origine gouvernementale adopté par l'Assemblée nationale en première lecture permettra aux fédérations sportives de définir, avec l'accord du ministre chargé des sports et après avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel, les modalités d'accès et les lieux autorisés aux journalistes et à leurs équipes.
Par ailleurs, le nouvel article 4, introduit dans le texte par cet amendement, laisse la possibilité de fixer des limites à la libre circulation des journalistes, compte tenu « des contraintes liées à la sécurité du public et des sportifs, et aux capacités d'accueil ».
Ce nouveau dispositif, qui modifie la loi Bredin de 1992, laquelle alignait le droit à l'information en matière sportive sur le droit commun, sur le principe du droit de citation, permettra d'apporter une réponse précise et adaptée aux manifestations sportives dans leur réalité actuelle. A titre d'exemple, cela aidera à résoudre le problème épineux des quelque 8 000 demandes d'accréditation déjà enregistrées pour la Coupe du monde et d'éviter que certaines zones sensibles des stades ne soient envahies au-delà du raisonnable.
Je termine mon propos quant à la Coupe du monde, mais je reviendrai tout à l'heure sur les dispositions de l'article 4 pour ce qui a trait à un autre secteur sportif qui me tient tout particulièrement à coeur, je veux parler du Grand prix de France de Formule 1.
L'article 3 tend à renforcer la réglementation applicable aux ressortissants étrangers de la Communauté européenne qui exercent, de façon temporaire, l'activité d'éducateur sportif. Il est temps de mettre fin à ce traitement « deux poids, deux mesures », selon que l'on est citoyen français ou ressortissant étranger. Je me réjouis du dispositif proposé, et je souhaite que l'application du nouveau texte soit, cette fois-ci, effective.
J'en viens au dernier point que je souhaite aborder : il s'agit des circuits destinés aux sports mécaniques. Deux articles concernent ce type d'enceintes sportives : l'article 1er et l'article 4.
La modification opérée par l'article 1er de la proposition de loi répond à une nécessité : la loi Bredin, en juillet 1992, a fixé différents seuils de places en salle ou en plein air correspondant aux différents degrés d'homologation selon la capacité d'accueil des stades. Les limites de ce dispositif viennent du fait que cette loi n'appréhendait que les seuls places assises puisque le législateur, à l'époque, souhaitait d'abord apporter une réponse à la situation découlant de la catastrophe de Furiani et visait donc à assurer la sécurité des spectateurs assis des matches de football.
Aujourd'hui, il convient de tenir compte de la spécificité de certaines enceintes, notamment des circuits destinés aux sports mécaniques ; la proposition de loi le fait en prévoyant une procédure d'homologation ad hoc pour ce type d'enceintes où le public est souvent appelé à rester debout ou à se déplacer durant les épreuves.
Je terminerai mon intervention en revenant sur le dispositif de l'article 4, que j'ai abordé tout à l'heure à propos de la Coupe du monde mais qui revêt une importance capitale également pour la Formule 1, puisque son dispositif permet d'assurer la pérennité du Grand prix de France. J'indique donc que les sénateurs socialistes ne sauraient cautionner l'amendement de suppression de cet article que propose le rapporteur de la commission des affaires culturelles.
J'ai lu avec attention le rapport de M. François Lesein ainsi que le compte rendu des débats de la commission des affaires culturelles, et je comprends le souci des membres de celle-ci d'assurer le droit d'accès du public à l'information sportive et des journalistes aux enceintes sportives, conformément aux dispositions de la loi de 1984.
Nul n'ignore, en effet, que cette loi renvoie les conditions d'application à un décret en Conseil d'Etat, après avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel, le CSA, décret qui, comme cela a été relevé à l'Assemblée nationale la semaine dernière, n'a toujours pas été pris.
Or le Conseil d'Etat a récemment fait savoir que les dispositions à prendre étaient du ressort de la loi ; c'est la raison pour laquelle nous en débattons aujourd'hui.
On ne peut prétendre que l'article 4 adopté par l'Assemblée nationale, revient sur les dispositions du texte de 1992. En effet, cet article réaffirme les principes énoncés en 1992, à savoir le droit d'exploitation d'une manifestation ou d'une compétition sportive pour l'organisateur, le droit à l'information du public par les autres services de communication audiovisuelle, enfin le droit de citation à titre gratuit.
En outre, il organise l'accès des journalistes et des personnels des entreprises d'information dans le cadre des contraintes liées à la sécurité du public et des sportifs, ainsi qu'aux capacités d'accueil.
Le texte organise ces dispositions en prévoyant un règlement qui doit être approuvé, a priori , par le ministre chargé des sports, après avis du CSA, et officiellement publié. Il précise les conditions de captation des images distinctes de celles de la manifestation ou de la compétition sportive proprement dite, et cela dans la logique du droit reconnu à l'exclusivité accordée.
Il s'agit donc d'un texte de cohérence et de précision des principes que l'Assemblée nationale et le Sénat avaient édictés dans la loi de 1992.
Telles sont les réflexions que m'inspire le texte dont nous débattons cet après-midi. Les sénateurs socialistes l'approuvent dans sa globalité et voteront donc pour cette proposition de loi qui permettra d'assurer, de façon générale, plus de sécurité dans le secteur de la pratique et du spectacle sportifs. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Bordas.
M. James Bordas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui est digne d'intérêt à double titre : d'une part, parce qu'elle s'inscrit dans la perspective d'une réforme d'ensemble de la législation sur le sport et, d'autre part, parce qu'elle contient des mesures urgentes qu'il convient de ne pas négliger.
Le monde sportif espère une véritable loi d'orientation qui permette d'aborder les principaux problèmes qui se posent aujourd'hui : statut des bénévoles, sécurité, fiscalité.
Madame la ministre, vous nous avez annoncé un important projet de loi sur le sport pour l'automne prochain.
Soyez assurée que le groupe des Républicains et Indépendants l'examinera avec beaucoup d'attention, tant sont grandes les attentes dans ce domaine.
Soyez également assurée qu'il sera particulièrement attentif à un juste partage des responsabilités financières entre l'Etat et les collectivités locales, qui doivent souvent assumer seules la réhabilitation des installations sportives.
Dans l'attente d'une réforme globale, cette proposition de loi tend à résoudre certains problèmes urgents, principalement motivés par la tenue, en France, de la Coupe du monde de football.
Sécurité des installations sportives, accueil et sécurité du public, encadrement des activités physiques et sportives dans les disciplines classées à risque sont les trois principaux sujets traités par ce texte.
Le Gouvernement a souhaité en ajouter un quatrième au dernier moment, sous forme d'un article additionnel, qui concerne le développement des exclusivités audiovisuelles en matière sportive et de droit à l'information.
A cet égard, permettez-moi de regretter la précipitation avec laquelle il nous est demandé de légiférer, à quelques mois d'événements sportifs majeurs pour notre pays.
Je comprends que le Gouvernement souhaite que la Coupe du monde de football se déroule le mieux possible - nous le souhaitons tous - mais ce n'est pas une raison pour proposer à la représentation nationale l'adoption, à la va-vite, de mesures insuffisamment précises ou remettant brusquement en cause des équilibres établis dans la concertation et ajustés au cours du temps.
Le législateur se doit de contenir les ardeurs, voire les excès de ceux dont les intentions sont louables mais les actes précipités.
M. Pierre Mauroy. Oh !
M. James Bordas. Tel doit être, notamment, le rôle du Sénat, et je tiens, à ce propos, à souligner la qualité du travail de la commission des affaires culturelles, en particulier de son rapporteur, qui a su examiner cette proposition de loi avec la sagesse et le recul nécessaires.
En effet, si ce texte est modeste, il mérite cependant d'être précisé, simplifié, voire allégé d'un certain nombre de dispositions qui ne semblent pas indispensables ou risquent, dans la pratique, de paraître trop complexes et donc inefficaces.
L'article 1er de la proposition de loi permet de déroger à l'exigence de places uniquement assises dans les tribunes pour permettre le déplacement des spectateurs lors des compétitions auto-moto.
Nous pouvons comprendre les motivations d'une telle disposition. Cependant, nous ne devons pas oublier que la loi de 1984 a créé une obligation de places assises dans un souci de sécurité qui doit rester notre priorité.
J'approuve donc entièrement la décision de notre commission, qui a souhaité maintenir l'exigence de places assises, y compris lors des compétitions auto-moto.
De plus, il ne paraît pas judicieux de créer une exception pour les circuits de vitesse au motif que les spectateurs souhaitent se déplacer le long de ces circuits et changer de place pendant la compétition.
Comme l'a très justement souligné M. le rapporteur, les organisateurs d'autres manifestations sportives risqueraient alors de faire valoir les mêmes arguments afin d'obtenir, eux aussi, une dérogation.
L'article 1er vise également à un nouveau report - jusqu'au 1er janvier 2000 - de la date butoir d'homologation des stades de plus de 3 000 places, date butoir qui avait déjà été précédemment repoussée au 24 janvier 1998.
Le groupe des Républicains et Indépendants approuve un tel report. Lorsqu'on sait que seulement 9 % des 821 enceintes recensées sont actuellement homologuées, cette mesure semble de bon sens.
Ce délai supplémentaire devrait permettre au Parlement d'aboutir à une solution équilibrée mais provisoire.
En effet, le report de la date butoir d'homologation des stades de plus de 3 000 places ne résout pas tous les problèmes que rencontrent les collectivités locales pour financer la réhabilitation des installations existantes. La question se pose en termes non seulement de délais mais également de financement.
Notre pays souffre d'un excès de réglementation. Dans le domaine sportif comme dans beaucoup d'autres, l'Etat a voulu ajouter une nouvelle procédure d'homologation aux procédures existantes au lieu de réformer ces dernières et de les faire pleinement appliquer.
Mieux vaut être modeste en la matière plutôt que d'adopter des réglementations trop lourdes dont on finit par reporter l'application en raison de l'impossibilité de respecter les délais prévus.
L'article 2 de la proposition de loi tend à incriminer certains faits répréhensibles accomplis à l'extérieur des stades en étendant la possibilité de prononcer une peine complémentaire d'interdiction de stade pendant une durée maximale de cinq ans.
J'approuve, sur ce point, la position de notre commission, qui donne une définition plus précise des conditions dans lesquelles sera appliquée cette peine.
La proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale prévoit en effet d'étendre le champ de cette mesure à toutes les infractions commises « en relation directe » avec une manifestation sportive. Là encore, et malgré de bonne intentions, une rédaction imprécise risquerait d'aboutir à des effets inverses et limiterait l'efficacité de la peine.
Notre position sur l'article 3 procède de la même logique d'efficacité.
Cet article vise à subordonner l'exercice de certaines activités dangereuses au passage d'un test pour les moniteurs européens lorsqu'il existe une différence de qualification entre les brevets étrangers et français. Il tend également à soumettre l'exercice d'activités se déroulant dans un milieu spécifique au passage d'un test de connaissance de cet environnement.
Sont concernés, comme cela a été rappelé, le ski, l'alpinisme, la plongée, le parachutisme et la spéléologie.
La tragédie qui vient de se produire dans les Alpes ne peut que nous inciter à renforcer les règles d'encadrement des activités sportives, surtout lorsqu'il s'agit d'enfants. Ce souci de sécurité passe notamment par un contrôle strict des capacités des ressortissants européens qui souhaitent exercer une activité d'encadrement sportif en France.
Cependant, là encore, l'efficacité passe par la définition de règles simples et facilement applicables. A cet égard, le dispositif proposé par la commission me paraît mieux adapté que celui qui a été adopté par l'Assemblée nationale.
Il permettra à l'autorité administrative de sanctionner plus facilement les ressortissants européens qui exercent une activité d'encadrement sportif sans avoir satisfait à une épreuve de contrôle de leurs capacités.
L'article 4, enfin, donne aux fédérations sportives la possibilité de réserver à un cessionnaire exclusif le droit de retransmission de la manifestation sportive elle-même. Les autres médias chargés d'une mission d'information du public devront se contenter de brefs extraits de la manifestation, prélevés gratuitement sur les images réalisées par le cessionnaire.
Mes chers collègues, il s'agit là d'une question essentielle, qui touche au principe du pluralisme del'information. Elle ne peut être résolue à l'occasion d'un amendement de dernière minute, voté dans l'urgence, qui limite le droit de citation et le droit d'accès des journalistes aux enceintes sportives.
Elle doit, au contraire, faire l'objet d'une large concertation et d'une étude de la législation actuelle, de ses limites et des améliorations qui peuvent y être apportées.
Dans ces conditions, je me félicite de la décision de la commission de supprimer l'article 4, qui risquerait de conduire à des pratiques détestables et qui nuirait au bon déroulement des prochains événements sportifs.
Plutôt que de légiférer dans l'urgence sur des questions qui nécessitent une analyse plus profonde, le Gouvernement serait à mon sens mieux inspiré de proposer des solutions concrètes aux problèmes pratiques qui se poseront lors de la prochaine Coupe du monde de football. Je pense notamment aux transports en commun, que nos concitoyens sont invités à emprunter pour se rendre au Stade de France.
Je souhaiterais ainsi connaître les mesures que le Gouvernement compte prendre afin de garantir que la libre circulation des spectateurs ne sera pas entravée par un quelconque mouvement de grève.
Cette interrogation étant posée, j'indique que le groupe des Républicains et Indépendants approuvera la proposition de loi assortie des amendements de la commission, c'est-à-dire modifiée dans le sens d'une plus grande sagesse et d'une meilleure efficacité. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi d'abord de vous faire part, à l'annonce de l'exécution, cette nuit, au Texas, de Karla Tucker, de mon émotion et de mon indignation devant ces pratiques d'un autre temps,...
M. François Lesein, rapporteur. Indignes d'un pays qui prétend défendre les droits de l'homme !
Mme Hélène Luc. ... qui devront bien disparaître un jour. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes. - M. le rapporteur applaudit également.)
L'idée de justice prend sa source dans le contournement de la vengeance personnelle. L'exécution capitale va à l'encontre de ce principe fondamental. Voilà pourquoi de telles pratiques devront bien, je le répète, disparaître.
J'en viens maintenant à ce qui fait l'objet de notre débat.
Voilà juste une semaine, nous étions 80 000 spectateurs enthousiastes, rassemblés pour l'inauguration du magnifique Stade de France, à vivre avec des millions de téléspectateurs le départ d'une grande aventure.
Qu'ajouter aux réactions et commentaires unanimes qui ont suivi cet événement, saluant comme je le fais moi-même la grande réussite, sur tous les plans, de cette réalisation et de cette première ?
Ce grand stade honore la France, faisant de notre pays le siège d'un événement sportif considérable qui va faire vibrer des milliards d'habitants de la planète pendant trois semaines.
Permettez-moi de voir dans cet équipement un exceptionnel outil d'épanouissement humain pour notre pays, ce qui confirme la nécessité de faire vivre ce stade par la suite.
J'ai parlé de réussite sur tous les plans : l'architecture et l'organisation - notamment en ce qui concerne les transports publics, qui ont fait la preuve de leur efficacité pour acheminer en peu de temps des dizaines de milliers de spectateurs - se conjuguent avec le formidable engouement de notre jeunesse pour cette grande fête de la fraternité et des coopérations multiples.
Le Stade de France témoigne aussi de la réussite d'une démarche singulière en matière de sécurité : dès le départ, il s'est agi de construire une structure telle qu'elle crée les conditions d'une ambiance conviviale, ouverte, non agressive, en se souciant d'intégrer pleinement l'environnement humain du site.
Je vois là une des clés de la réflexion et de l'action sur ces questions de violence et de sécurité dans les enceintes sportives qui nous occupent.
Vous avez tout à l'heure rappelé à juste titre, madame la ministre, le travail accompli par les enseignants et les élèves du collège Henri-Matisse à Choisy-le-Roi, dans le Val-de-Marne, qui démontre que la discipline et l'esprit civique passent avant tout par l'éducation et par la responsabilisation des jeunes.
Le drame survenu mercredi dernier dans le massif des Orres a suscité d'autres moments d'émotion intense, mais dans le sens du chagrin : ce fut l'hommage rendu par la foule aux jeunes victimes de Montigny-le-Bretonneux et à leurs familles endeuillées.
A ces familles, à tous les proches des jeunes et des accompagnateurs victimes, je souhaite dire que nous tous, élus nationaux ou locaux, responsables d'associations, avons un devoir particulier : faire en sorte que de tels drames soient évités.
S'agissant de la pratique de la haute montagne, peut-être conviendrait-il de reconsidérer la réglementation des pratiques sportives en altitude, notamment l'accès aux hautes terres.
Certes, pour nombre de nos concitoyens, la montagne symbolise la liberté, au point que les prescriptions des maires des communes de montagne sont peu respectées ou ne le sont même pas du tout. Cet espace de liberté exige pourtant un grande vigilance afin de prévenir le plus possible les éventuels accidents. A l'évidence, la mise en place d'une réglementation stricte s'impose.
Je reviens au texte en discussion, sans m'en être d'ailleurs vraiment éloignée puisque les articles 2 et 3 de cette proposition de loi ont directement trait aux problèmes de sécurité.
Ce texte répond à une actualité pressante en matière de conformité des équipements sportifs : nous sommes en effet à quelques mois de la Coupe du monde de football.
Après la tragédie de Furiani, en 1992, une procédure d'homologation sévère - mais c'était nécessaire - fut mise en place pour les enceintes sportives.
Le délai de deux ans initialement ouvert pour homologuer les enceintes sportives fit l'objet d'un premier report en 1995, la date butoir étant alors repoussée au 24 janvier 1998. Il est clair que, au moment où nous parlons, l'homologation n'est pas achevée ! Cela a été dit, seules 9 % des enceintes homologables sont effectivement homologuées.
Le délai d'homologation doit donc être une nouvelle fois reporté - vous avez donc eu tout à fait raison, madame la ministre, de faire discuter ce texte par le Parlement - faute de quoi des manifestations sportives ne pourraient avoir lieu, y compris certaines de celles qui entrent dans le cadre de la Coupe du monde de football.
Il nous faut néanmoins nous interroger sur les raisons du faible nombre d'enceintes homologuées aujourd'hui.
Le nombre de dossiers incomplets s'explique, dans une large mesure, par le coût prohibitif pour les collectivités locales de cette mise en conformité. Celle-ci est évidemment nécessaire, mais je sais, pour connaître un certain nombre d'exemples dans le Val-de-Marne, que ce coût est réellement très élevé.
En dépit des efforts accomplis par votre ministère pour la mise en sécurité, en dépit de la création d'un fonds spécial, il reste beaucoup à faire si l'on ne veut pas devoir proroger encore le délai d'homologation en juillet 2000.
En l'état actuel de la législation, le report de la date d'entrée en vigueur de l'homologation conduit les organisateurs de manifestations sportives à agir sans disposer d'un encadrement juridique satisfaisant sur cette question de la sécurité, qui est pourtant essentielle.
De nombreux organisateurs de manifestations sportives évoquent des lenteurs, voire des « errements » dans l'obtention des autorisations administratives.
Peut-être conviendrait-il, sans pour autant transiger sur le respect des normes de sécurité, de rendre plus cohérente l'obtention des autorisations administratives ; celles-ci doivent être accordées sur la base de règles claires.
L'article 2 prévoit une extension de la peine complémentaire d'interdiction de stade aux infractions commises à l'extérieur des enceintes sportives.
Lors de l'examen par le Sénat de la disposition initiale, en octobre 1993, nous avions émis les plus vives réserves quant à la portée réelle d'une telle mesure. Depuis, de nombreux événements sont venus nous rappeler que la violence imprègne des pans entiers de notre société.
Il s'agit, certes, d'un phénomène complexe, mais nombre de ses facteurs nous sont connus.
Les manifestations sportives, qui devraient demeurer avant tout des occasions de liesse partagée, des moments festifs, autour de la performance des athlètes, sont aussi parfois le prétexte à des phénomènes de violence.
Cette violence, si nous devons la réprimer de manière sévère, nous devons avant tout la prévenir.
La peine d'interdiction de stade est, à l'heure actuelle, rarement prononcée. De nombreuses dispositions du code pénal permettent, en outre, de réprimer les responsables de la violence.
Au mieux peut-on considérer que l'extension de ce régime de « double peine » à l'extérieur des enceintes sportives aura une valeur dissuasive. Quoi qu'il en soit, ce « symbole » ne répond que très partiellement aux mesures d'éducation et de prévention auxquelles il nous faut réfléchir avec le monde associatif sportif, pour combattre la violence dans et hors des stades.
Aucune piste ne doit être négligée et nous sommes à vos côtés, madame la ministre, pour rendre, selon vos propos, les manifestations sportives plus « conviviales ».
J'évoquais, en entamant mon intervention, une actualité tragique. L'article 3 y a directement trait puisqu'il vise l'exercice d'activités d'éducateur sportif.
Cette question est à ce point importante que, en 1997, la Commission européenne, tout en restant attachée au principe de la reconnaissance des diplômes, a admis la possibilité pour notre pays de vérifier, pour certaines activités, la capacité des éducateurs sportifs ressortissants d'autres pays de l'Union européenne.
Certes, cette mesure est temporaire puisqu'il est prévu qu'elle ne s'appliquera que jusqu'au 31 juillet 1999.
Nous souhaitons, pour notre part, qu'elle demeure effective au-delà de cette date, compte tenu des impératifs de sécurité auxquels elle répond pour des disciplines sportives aussi périlleuses que le ski, l'alpinisme, la plongée, le parachutisme et la spéléologie.
Le renforcement de cette disposition dans le texte que nous examinons reçoit donc notre plein accord.
J'en viens à présent à l'article 4, qui a été inséré dans la proposition de loi par un amendement du Gouvernement.
Cet article s'efforce de répondre à une préoccupation importante, dans la mesure où il garantit les droits des cessionnaires en matière d'audiovisuel tout en garantissant les conditions de travail des services de communication, qui n'ont pas la propriété de ces droits.
Il convient de légiférer au plus vite pour apporter une réponse à cette question, qui met en conflit liberté de l'information et droit de cession des exclusivités, et divise le monde audiovisuel et les fédérations sportives.
La commission propose la suppression de cet article 4, lui préférant l'actuelle législation dont on connaît pourtant les limites.
Le débat appelle donc quelques éclaircissements, que vous ne manquerez certainement pas d'apporter, madame la ministre.
La proposition de loi que nous examinons, bien que peu fournie en articles, se trouve au coeur des problématiques relatives au mouvement sportif. Sécurité des équipements, réglementation en matière d'encadrement des activités, violence, audiovisuel sont autant de thèmes bien lourds qui, à n'en pas douter, seront abordés plus longuement lors de la réforme de la loi sur le sport que vous nous avez annoncée tout à l'heure.
Sur toutes ces questions, je crois pouvoir dire, madame la ministre, que vous nous trouverez à vos côtés en même temps que l'ensemble des acteurs du mouvement sportif pour tenter de répondre aux problèmes auxquels nous sommes confrontés.
Pour ce qui nous concerne plus directement aujourd'hui, nous accorderons nos suffrages à la première pierre de l'édifice que constitue le présent texte. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées socialistes.)
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Mesdames, messieurs les sénateurs, je n'entrerai pas dans le détail des argumentations particulièrement riches qui ont été exposées dans vos interventions : la discussion des articles et l'examen des amendements me permettront d'y revenir. Je m'en tiendrai à trois « réactions » de caractère général.
En ce qui concerne, d'abord, la déclaration d'urgence dont a fait l'objet la présente proposition de loi, croyez bien, monsieur le rapporteur, que je préférerais que la législation actuelle nous autorise à prendre notre temps pour construire dans la plus large des concertations, avec les citoyennes, les citoyens et leurs représentants au Sénat et à l'Assemblée nationale, la loi d'orientation sur le sport, la loi sur le bénévolat, la loi sur la santé des sportifs et la loi contre le dopage.
Mais la législation actuelle étant ce qu'elle est, les événements qui s'annoncent, et notamment la Coupe du monde de football, nous obligent, pour des raisons de sécurité sur lesquelles nous reviendrons lors de la discussion de l'article 3, à légiférer dans l'urgence.
M. René-Pierre Signé. C'est l'héritage !
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. L'urgence n'est d'ailleurs pas systématiquement contradictoire avec la qualité et avec l'efficacité, et je pense que le débat d'aujourd'hui le confirmera.
En ce qui concerne ensuite les pressions, la situation est en effet tout à fait préoccupante, et mes préoccupations quant au pouvoir des fédérations internationales ne s'arrêtent pas à la Formule 1 !
Dans bien d'autres disciplines, les fédérations internationales s'arrogent des droits et portent ainsi atteinte au mouvement sportif français dans son ensemble. Nous connaissons l'exemple d'un récent championnat du monde organisé par une fédération française et ayant eu un grand succès médiatique : la fédération française n'en a pas moins enregistré un déficit parce que c'est la fédération internationale qui avait obtenu tous les contrats.
Pour éviter que les pressions internationales ne portent atteinte à l'intégrité du mouvement sportif français, nous devons nous doter d'une législation qui ne laisse pas la porte ouverte aux pressions internationales, c'est-à-dire une législation précise, qui donne au mouvement sportif français le pouvoir de se défendre et les moyens de réglementer son fonctionnement. C'est le but de l'article 4.
M. Marcel Charmant. Très bien ! Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. En ce qui concerne enfin la Coupe du monde, les stades prévus comme sites sont ou seront homologués dans les prochains jours : l'Etat a investi suffisamment d'argent public dans la réalisation des travaux nécessaires pour que nous en soyons certains !
A cet égard, je partage un souci qui a été exprimé à plusieurs reprises : il faut établir les responsabilités de chacun dans la mise aux normes des enceintes sportives. On a reporté l'homologation à l'an 2000, mais si l'on ne se penche pas sur la question du financement et sur la clarification des réglementations, on peut se donner rendez-vous pour un nouveau report !
M. François Lesein, rapporteur. On peut prendre date, en effet !
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. La question de l'homologation appelle donc une réflexion de fond.
J'évoquerai un dernier point à propos de la Coupe du monde : à l'occasion de l'inauguration du Stade de France, les services publics de notre pays, qu'il s'agisse de la SNCF ou de la RATP, ont une nouvelle fois démontré leur grand sens des responsabilités quant à leurs missions publiques.
Non seulement les transports ont bien fonctionné, mais la RATP et la SNCF ont créé les conditions nécessaires pour qu'un public très large et souvent très jeune emprunte les transports en commun en lui accordant la gratuité jusqu'au Stade de France.
Je sais que dans plusieurs des villes de province qui accueilleront les matchs de la Coupe du monde, les compagnies de transport urbain sont prêtes à adopter la même démarche.
Vous parliez, mesdames, messieurs les sénateurs, de la nécessité d'assurer la liberté de circulation du public. Je crois que l'on peut faire confiance aux services publics en la matière ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.

Article 1er



M. le président.
« Art. 1er. - I. - La dernière phrase du cinquième alinéa de l'article 42-1 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« Seules des places assises peuvent être prévues dans les tribunes, à l'exception de celles situées dans les enceintes affectées aux circuits de vitesse accueillant des compétitions de véhicules terrestres à moteur ou de bateaux à moteur, sous réserve que leur utilisation soit conforme à leur destination et sur avis conforme des commissions spécialisées compétentes. Les tribunes ne peuvent accueillir simultanément un nombre de spectateurs supérieur au nombre de places dont elles disposent. »
« II. - Dans la première phrase du treizième alinéa du même article les mots : "A l'expiration d'un délai de trois ans à compter de la date de publication de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité" sont remplacés par les mots : "A compter du 1er juillet 2000". »
« III. - Supprimé. »
Par amendement n° 1, M. Lesein, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le paragraphe I de cet article :
« I. - Dans la première phrase du cinquième alinéa de l'article 42-1 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, après les mots : "dans l'enceinte", sont insérés les mots : ", et dans chaque tribune,". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Lesein, rapporteur. Les auteurs de la proposition de loi ont souhaité introduire, pour les circuits de vitesse, une exception à l'obligation de ne prévoir que des places assises dans les tribunes, au motif que la durée des compétitions conduit leurs spectateurs à se déplacer et à changer de tribune.
J'observe que cette obligation n'interdit aux spectateurs ni de se lever ni de changer de tribune à leur gré.
Prévoir une exception pour permettre aux spectateurs des courses automobiles de se déplacer ne me paraît pas, à cet égard, utile.
Ce n'est pas non plus souhaitable. Cette obligation est un moyen pragmatique d'éviter l'entassement de spectateurs dans les tribunes. Les places assises permettent, en effet, d'imposer pour chaque spectateur un minimum de 50 centimètres linéaires le long des gradins, tandis que, avec des places debout et non matérialisées, c'est le régime du : « quand il y a de la place pour dix, il y en a pour cent ». Et l'on sait ce que cela peut donner !
Il s'agit donc là d'un moyen simple pour assurer la sécurité des spectateurs, qui ne nécessite, par ailleurs, aucun aménagement coûteux. L'obligation de ne prévoir que des places assises dans les tribunes n'impose même pas des sièges séparés. Elle suppose juste le marquage de places individualisées sur les gradins.
Il n'y a donc pas lieu de revenir sur cette obligation, d'autant que, si nous introduisons aujourd'hui une exception pour les circuits de vitesse, nous risquons - cela a été dit - de devoir l'étendre, demain, aux nombreuses autres disciplines, comme l'athlétisme ou les sports équestres, qui peuvent invoquer exactement les mêmes motifs.
En conséquence, l'amendement n° 1 tend à supprimer les dispositions relatives à cette exception.
Il reprend, en revanche, l'idée de fixer le nombre maximal de spectateurs qui pourront être simultanément accueillis dans chaque tribune. Il n'est pas, en effet, inutile, en particulier pour les compétitions au cours desquelles les spectateurs se déplacent, de prévenir les risques d'entassement momentané dans les tribunes.
Nous proposons à cet effet une nouvelle rédaction, qui s'insère dans le dispositif relatif à l'arrêté d'homologation soumis au préfet.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Le Gouvernement est contre cet amendement qui vise surtout à supprimer la dérogation à l'obligation de ne prévoir que des places assises dans les tribunes.
Dans certaines compétitions, notamment sur les circuits de vitesse, le comportement des spectateurs est lié au déroulement même de la compétition, qui les amène à se déplacer. Ce n'est pas contradictoire avec la sécurité,...
M. René-Pierre Signé. Oui ! Ils ne traversent pas la piste !
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. ... d'autant qu'en l'état la proposition de loi précise bien que le nombre des places reste limité dans l'enceinte et dans chaque tribune.
Il n'y a donc pas remise en cause des conditions de sécurité, lesquelles sont maintenues voire renforcées par la précision relative à la tribune.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er, ainsi modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 2



M. le président.
« Art. 2. - Le premier alinéa de l'article 42-11 de la même loi est ainsi rédigé :
« Les personnes coupables de l'une des infractions prévues aux articles 42-4, 42-5, 42-7, 42-7-1, 42-8, 42-9 et 42-10 ou de l'une des infractions prévues aux articles 222-11 à 222-13, 322-1 à 322-4, 322-6, 322-11 et 433-6 du code pénal lorsqu'elles ont été commises soit dans une enceinte sportive au cours du déroulement d'une manifestation sportive, soit en relation directe avec cette manifestation, encourent également la peine complémentaire d'interdiction de pénétrer dans une ou plusieurs enceintes où se déroule une manifestation sportive pour une durée qui ne peut excéder cinq ans. »
Par amendement n° 2, M. Lesein, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit cet article :
« Le premier alinéa de l'article 42-11 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 précitée est remplacé par les dispositions suivantes :
« Les personnes coupables de l'une des infractions prévues aux articles 42-4, 42-5, 42-7, 42-7-1, 42-8, 42-9 et 42-10 encourent la peine complémentaire d'interdiction de pénétrer dans une ou plusieurs enceintes où se déroule une manifestation sportive, pour une durée qui ne peut excéder cinq ans.
« Cette peine complémentaire est également applicable aux personnes coupables de l'une des infractions définies aux articles 222-11 à 222-13, 322-1 à 322-4, 322-6, 322-11 et 433-6 du code pénal lorsque cette infraction a été commise :
« 1° Dans une enceinte sportive lors du déroulement ou de la retransmission en public d'une manifestation sportive ;
« 2° Lors de la retransmission en public d'une manifestation sportive dans un lieu spécialement aménagé à cet effet ;
« 3° Aux abords d'une enceinte sportive ou d'un lieu défini au 2°, à l'occasion de l'entrée ou de la sortie du public d'une manifestation sportive ou de sa retransmission. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Lesein, rapporteur. La commission approuve l'objectif visé par les auteurs de la proposition de loi d'étendre le champ d'application de la peine complémentaire, prévue à l'article 42-11 de la loi du 16 juillet 1984, à des infractions commises en dehors des enceintes sportives.
Elle n'a cependant pas souhaité retenir la notion « d'infraction commise en relation directe avec une manifestation sportive ».
Cette notion introduit, en effet, un lien de causalité entre les infractions commises et les compétitions sportives, lien qui est très discutable dans son principe et difficile à interpréter dans la pratique. Par exemple, si des casseurs se joignent à des supporters d'un match et les incitent à briser une vitrine, pourra-t-on affirmer que le match est la cause de l'incident ?
Par ailleurs, cette notion ne fixe aucune limite spatiale et temporelle. Ainsi devra-t-on considérer comme étant « en relation directe avec une manifestation sportive » les incidents qui pourraient avoir lieu dans un café où un match est retransmis à la télévision, qu'il soit situé à 500 ou à 1 000 kilomètres du stade ? La simplicité de la formule est malheureusement facteur d'incertitude.
Il faut, en outre, garder à l'esprit qu'il s'agit d'une peine complémentaire d'interdiction de stade qui ne peut dissuader que des supporters fréquentant habituellement les stades. Pour toute autre personne, la crainte d'être interdit de stade sera sans effet. Aussi, plus on s'éloigne des stades et moins cette peine complémentaire présente d'intérêt.
En conséquence, la commission vous propose, mes chers collègues, une nouvelle rédaction de l'article 42-11 de la loi du 16 juillet 1984, qui étend le champ d'application de la peine complémentaire, hors des enceintes sportives, lorsqu'une infraction définie par les articles du code pénal visés à l'article 42-11 aura été commise, d'une part, lors de la retransmission publique d'une manifestation sportive dans un lieu spécialement aménagé à cet effet et, d'autre part, aux abords de ces lieux ou des enceintes sportives, à l'occasion de l'entrée ou de la sortie du public.
C'est une définition peut-être plus restrictive, mais plus précise, ce qui est souhaitable pour une disposition pénale, et plus efficace au regard de l'application de la loi. Il ne faut pas confondre ce qui relève des règles habituelles de police dans la gare d'arrivée des supporters ou à quelques kilomètres du stade et ce qui relève de la politique de prévention et de répression de la violence dans les stades.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Monsieur le rapporteur, je partage le souci que vous avez exprimé. Il avait d'ailleurs été pris en compte par l'Assemblée nationale. En effet, elle a retenu la formulation « en relation directe » afin que la peine complémentaire ne concerne pas les faits qui n'ont aucun lien avec l'événement sportif lui-même.
Cette peine doit rester dissuasive. Or, à l'évidence, l'interdiction de pénétrer dans une enceinte sportive perd son caractère dissuasif dans la situation évoquée. Il en est d'ailleurs de même pour un jeune qui suit la retransmission d'un match devant un écran géant.
Dans ces conditions, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat. J'espère que l'Assemblée nationale et le Sénat parviendront à une rédaction commune. En effet, ils partagent les mêmes préoccupations.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 2 est ainsi rédigé.

Article 3



M. le président.
« Art. 3. - I. - Il est inséré, dans la même loi, un article 43-2 ainsi rédigé :
« Art. 43-2. - Les ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen qualifiés pour exercer légalement dans un de ces Etats mais non établis en France peuvent y exercer à titre occasionnel les activités professionnelles visées à l'article 43 sous réserve d'avoir effectué une déclaration à l'autorité administrative préalablement à leur prestation en France.
« L'exercice de cette prestation par un de ces ressortissants, lorsque la qualification dont il se prévaut est d'un niveau substantiellement inférieur à celle exigée en France, peut être subordonné à la réussite d'un test technique pour des raisons d'intérêt général tenant à la sécurité des personnes.
« Sous les mêmes réserves, lorsque les activités concernées ont lieu dans un environnement spécifique, la réussite d'un test de connaissance de cet environnement peut être exigée.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article, notamment la liste des activités visées au troisième alinéa. »
« II. - Au deuxième alinéa de l'article 48-1 de la même loi, les mots : "le ministre" sont remplacés par les mots : "l'autorité administrative".
« III. - Au premier alinéa de l'article 49 de la même loi, la somme : "50 000 F" est remplacée par la somme : "100 000 F".
« IV. - L'article 49 de la même loi est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Seront punies des mêmes peines les personnes qui, en violation de l'article 43-2, exercent leur activité sans avoir effectué la déclaration ou sans avoir satisfait aux tests auxquels l'autorité administrative les a soumis, ainsi que leurs employeurs.
« Sont également punies des mêmes peines les personnes qui, sans posséder la qualification requise, exercent les fonctions mentionnées à l'article 43 dans les activités physiques et sportives se déroulant dans l'environnement spécifique mentionné au troisième alinéa de l'article 43-2, ainsi que leurs employeurs. »
Sur l'article, la parole est à M. Faure.
M. Jean Faure. L'article 3 encadre l'exercice, par les ressortissants européens, de prestations de services d'éducateurs sportifs. Il soulève le problème de la liberté de circulation des éducateurs sportifs et du maintien du niveau de l'encadrement sportif en France.
La commission des affaires culturelles du Sénat réaffirme, par ses deux premiers amendements, d'une part, la nécessaire adaptation de la loi nationale aux exigences qui résultent de l'application aux professions d'éducateur sportif des principes de la liberté d'établissement et de la libre prestation de services et, d'autre part, l'institution d'une procédure permettant de sanctionner immédiatement les ressortissants européens qui effectueraient une prestation de services sans avoir satisfait à l'obligation de passer une épreuve technique.
En revanche, en nous proposant un amendement de suppression du paragraphe 4 de cet article, la commission des affaires culturelles ne peut éviter un écueil important. En effet, rien n'indique expressément qu'une personne qui exerce illicitement son activité pourra être immédiatement déférée à la justice et condamnée.
J'illustrerai cet écueil avec un exemple que je connais fort bien puisqu'il se vérifie chaque année sur les pistes de nos stations de sports d'hiver.
Fréquemment, les gendarmes constatent que des personnes, qu'elles soient françaises ou étrangères à l'Union européenne, enseignent le ski sans diplôme et sans avoir a fortiori effectué la déclaration exigée. Sur plainte de la fédération française des enseignants de ski ou du syndicat des moniteurs de ski, le parquet poursuit lesdites personnes pour activité irrégulière et pour absence de déclaration. Jusqu'ici, il n'y a pas de problème. Or, dans la quasi-totalité des affaires, le tribunal correctionnel prononce la relaxe de ces personnes au motif que l'enseignement du ski sans diplôme n'est plus sanctionné et qu'aucun texte ne prévoit qu'une personne dépourvue de diplôme est tenue de faire une déclaration.
L'article 3 adopté par l'Assemblée nationale répondait à ce problème en pénalisant non seulement le défaut de déclaration, mais également l'exercice illégal.
En supprimant le paragraphe 4 de cet article, la commission laisse subsister une ambiguïté. En clair, toute personne qui enseigne le ski illégalement ne pourra être immédiatement présentée devant le procureur. La pénalisation pour exercice illégal d'activité est vital pour les milliers de moniteurs de ski diplômés de nos stations qui subissent tous les jours la concurrence déloyale de personnes qu'on ne peut empêcher d'enseigner une discipline qu'ils ne maîtrisent pas dans un environnement très spécifique qu'ils ne connaissent pas. Ils mettent malheureusement en danger la vie de nombreux skieurs.
J'ajoute que, compte tenu de la réglementation en vigueur, seules les sanctions administratives sont envisageables pour les non-diplômés. La procédure nécessitant des délais très longs, les sanctions imposées par le ministre de la jeunesse et des sports - je vous prie, madame le ministre, de m'excuser de douter de votre efficacité - sont de peu d'effet sur le terrain, d'autant plus s'il s'agit d'étrangers non installés à demeure. De surcroît, s'agissant de travailleurs saisonniers, ils ont bien souvent, au terme de la procédure, disparu dans la nature. Il n'est donc plus possible de les retrouver.
Telles sont les raisons pour lesquelles j'estime que la proposition de la commission des affaires culturelles du Sénat ne répond pas aux problèmes que rencontrent les moniteurs de ski.
En fait, de quoi s'agit-il ? Simplement de donner aux professionnels de la montagne les moyens de faire appliquer les peines qui ont été prévues dans les lois de 1948, de 1984 et de 1992.
Aujourd'hui, le syndicat des moniteurs de ski et les professionnels de la montagne sont découragés. En effet, chaque fois qu'ils défèrent les contrevenants à la justice, ils n'obtiennent aucun résultat.
Cela dit, si la commission acceptait de réintroduire une précision quant à l'incrimination des délinquants, j'approuverais, bien sûr, sa position.
M. Marcel Charmant. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Barnier.
M. Michel Barnier. Madame le ministre, je souhaiterais présenter trois observations. L'une rejoindra, pour l'appuyer, l'appel exprimé par notre collègue M. Faure. Il est, dans cet hémicycle, celui qui est le plus à même de parler des moniteurs de ski puisqu'il est sans doute le seul sénateur à être aussi moniteur de ski diplômé.
J'en viens à ma première observation. Monsieur le rapporteur, je vous sais gré d'avoir bien voulu rappeler le travail très difficile que mes collaborateurs et moi-même avons mené patiemment au ministère des affaires européennes pour préserver, dans le respect des directives européennes et des textes relatifs à la libre circulation des travailleurs au sein de l'Union européenne, ce qui fait la qualité, la spécificité de la profession de moniteur de ski ainsi que le respect que l'on doit à ces moniteurs français, et, d'une manière générale, aux titulaires de diplômes concernant d'autres disciplines sportives pouvant présenter des risques.
Avant que le précédent gouvernement publie le décret concerné, la situation était très simple. En effet, arrivaient en France, sous le prétexte de libre circulation, des « moniteurs de ski » venant de pays du nord de l'Europe, moins montagneux que le nôtre, et qui ne connaissaient pas forcément nos montagnes ni les risques qu'elles présentent. Ils concurrençaient directement, sans diplôme ou avec des diplômes infiniment moins solides, les moniteurs français. Il y avait là une situation de concurrence que je qualifie de déloyale et qui, surtout, était très préjudiciable aux touristes, aux utilisateurs de la montagne, aux clients, compte tenu des conditions de sécurité qu'ils sont en droit d'exiger lorsqu'ils pratiquent le ski.
Nous avons publié le décret. Au fond, la rédaction proposée par la commission pour l'article 3 reprend l'essentiel de ce décret et le consolide sur le plan de la législation française. L'Assemblée nationale avait d'ailleurs fait de même. Rétrospectivement, me souvenant du temps que j'ai passé sur ce sujet à Paris, avec votre prédécesseur, madame le ministre, et avec la Commission - cela a représenté de nombreuses heures de négociations - je suis heureux de voir le texte de ce décret repris et consolidé.
La rédaction telle qu'elle est modifiée par la commission des affaires culturelles du Sénat - en disant cela, je ne fais pas offense à l'Assemblée nationale, dont j'ai été membre pendant très longtemps - paraît plus solide et évitera des recours ou des contentieux. Aussi, je m'y rallie.
J'ai simplement suggéré - c'est l'objet du sous-amendement n° 8 que je présenterai brièvement tout à l'heure - que, dans le dernier alinéa de l'article 3, on puisse exiger des personnes concernées non seulement une connaissance des règles de sécurité et des dispositifs de secours, mais aussi, ce qui me paraît au départ beaucoup plus important, une bonne connaissance de l'environnement montagnard et du milieu naturel.
Dans ce domaine comme dans bien d'autres, madame le ministre, la prévention est beaucoup moins onéreuse que la réparation des accidents ou des dégâts. Pour prévenir les accidents, et on voit bien que l'on n'y arrive pas toujours, il faut que ceux qui exercent ces professions connaissent bien le milieu montagnard.
Enfin - sur ce point, je rejoins M. Jean Faure - je ne suis pas favorable à l'amendement proposé par la commission et visant à supprimer le paragraphe IV de l'article 3. En effet, la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale me semble plus opérationnelle.
Les moniteurs de ski français, qui ont consacré tant de temps et d'énergie pour obtenir leur diplôme en raison des règles de sécurité, sont exaspérés de voir que ces faux moniteurs exercent chez nous et que, quand l'infraction est constatée, ils ne sont pas poursuivis et ils continuent ; s'ils s'arrêtent trois jours, on les voit revenir.
Nous avons tous à l'esprit des exemples de personnes qui ont été contrôlées, voire qui ont été écartées l'an dernier et qui sont de nouveau sur les pistes cette année, au mépris des textes et de l'obligation de sécurité qui est due aux skieurs et aux touristes.
Je m'adresse à M. le rapporteur, tout en faisant appel à votre compréhension, madame le ministre, pour que l'on ne supprime pas purement et simplement le paragraphe IV. Une autre rédaction est possible. A cet égard, je fais confiance à la compétence de M. le rapporteur.
Je souhaite, comme M. Jean Faure dont je soutiens les propos, que l'on parvienne à une rédaction préservant le caractère opérationnel, l'efficacité de la loi afin qu'une personne qui ne respecte aucune des conditions requises s'agissant des tests, des diplômes ou des équivalences puisse être présentée au procureur. Il importe que l'on puisse faire des exemples et imposer le respect du devoir de sécurité.
En l'état actuel, les membres du groupe du RPR ne peuvent donc approuver l'amendement visant à supprimer le paragraphe IV. Ils seraient heureux que la commission les entende et puisse, par la voix de M. le rapporteur, proposer une autre rédaction s'inspirant de l'esprit d'efficacité qui caractérisait le texte de l'Assemblée nationale.
M. François Lesein, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Lesein, rapporteur. Je voudrais répondre à nos amis de la montagne.
M. Michel Barnier. Les skieurs viennent aussi de la plaine !
M. François Lesein, rapporteur. Et ils ont effectivement besoin de sécurité lorsqu'ils vont en montagne !
La commission s'est efforcée de mettre au point une rédaction donnant à l'autorité administrative les moyens de sanctionner rapidement les abus et les irrégularités.
J'ai bien entendu l'appel de MM. Faure et Barnier.
L'amendement n° 4 tend à limiter les abus liés à ces « faux moniteurs ». Nos collègues souhaitent le maintien du paragraphe IV de l'article 3, car l'amendement n° 4 ne leur semble pas correspondre totalement à la réalité.
Je proposerai donc tout à l'heure au Sénat de rectifier l'amendement n° 5, afin de remplacer la suppression du paragraphe IV de l'article 3 par une rédaction allant dans le sens souhaité par nos collègues.
M. le président. Par amendement n° 3, M. Lesein, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le paragraphe I de l'article 3 :
« I. - A. - Il est inséré après le quatrième alinéa de l'article 43 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 précitée un paragraphe II ainsi rédigé :
« II. - Les fonctions mentionnées au premier alinéa du I peuvent être exercées sur le territoire national par les ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne ou des Etats parties à l'Accord sur l'espace économique européen qui sont qualifiés pour les exercer dans l'un de ces Etats.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions auxquelles cet exercice est soumis lorsqu'il existe une différence substantielle de niveau entre la qualification dont les intéressés se prévalent et celle requise en application du I.
« Ce décret précise notamment la liste des fonctions dont l'exercice, même occasionnel, peut être subordonné, si la sécurité des personnes l'exige compte tenu de l'environnement naturel et des conditions dans lesquels elles sont exercées, au contrôle préalable de l'aptitude technique des demandeurs et de leur connaissance des règles de sécurité et des dispositifs de secours.
« B. - En conséquence, le début du premier alinéa du même article est précédé de la mention "I" et le début de son cinquième alinéa de la mention "III". »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 8, présenté par M. Barnier, et tendant, dans le dernier alinéa du A du texte proposé par l'amendement n° 3 pour le paragraphe I de l'article 3, après les mots : « et de leur connaissance », à insérer les mots : « du milieu naturel, ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 3.
M. François Lesein, rapporteur. Cet amendement vise à intégrer dans l'article 43 de la loi du 16 juillet 1984, qui est relatif aux conditions d'exercice des professions d'éducateur sportif, un paragraphe reprenant les principes de l'application aux ressortissants européens de la liberté de circulation des travailleurs et des services.
Cette solution présente en effet plusieurs avantages par rapport à l'insertion d'un article additionnel concernant la seule prestation de services.
En premier lieu, le texte que nous proposons vise à la fois le libre établissement et la libre prestation de services qui, l'un comme l'autre, sont exercés actuellement sur la base de textes réglementaires assez fragiles, comme cela vient d'être rappelé. Cela ne nous oblige d'ailleurs pas à modifier le fond du texte proposé puisque le schéma général est le même dans les deux cas. En revanche, nous essayons d'améliorer sa forme, qui laisse à désirer.
En deuxième lieu, le texte que nous proposons peut servir de fondement aux deux décrets actuels, sans changer un mot aux procédures qu'ils prévoient et, surtout, sans changer leur base législative actuelle.
Nous évitons ainsi de créer une nouvelle procédure de déclaration, comme le fait l'article 43-2 qu'on nous propose, alors que le régime actuel de la prestation de services se fonde sur celle qui existe. Il est pas besoin non plus de prévoir de mesures de coordination : toutes les dispositions de la loi faisant référence à l'article 43 s'appliqueront automatiquement aux ressortissants communautaires comme à tous les éducateurs sportifs.
Enfin, l'insertion à l'article 43 des dispositions applicables aux ressortissants communautaires garantit aussi que ces derniers se verront opposer les mêmes interdictions professionnelles que les nationaux ou les non-Européens, s'ils ont subi des condamnations jugées incompatibles, en France, avec les fonctions d'éducateur sportif. Ces interdictions sont en effet prévues à l'article 43.
M. le président. La parole est à M. Barnier, pour défendre le sous-amendement n° 8.
M. Michel Barnier. Ce sous-amendement vise à préciser que les personnes qui devront respecter ces textes, passer les tests, fournir les diplômes ne devront pas seulement connaître ou comprendre les dispositifs de sécurité - en d'autres termes, le champ de la réparation ou de l'urgence en cas d'accident - mais avoir également une bonne connaissance de l'environnement et du milieu naturel.
Je suggère donc à cet effet l'introduction des mots « connaissance du milieu naturel » dans l'amendement n° 3.
M. Marcel Charmant. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 8 ?
M. François Lesein, rapporteur. Après avoir étudié cette proposition, la commission a émis un avis favorable sur ce sous-amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 3 et sur le sous-amendement n° 8 ?
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Le Gouvernement s'oppose à cet amendement qui vise à fusionner les régimes applicables à la liberté de prestation de services et à la liberté d'établissement des ressortissants de l'Union européenne en matière d'éducation sportive.
Ce rejet s'appuie sur des raisons non seulement juridiques, mais aussi d'opportunité.
Juridiquement, cet amendement instituerait à tort un régime unique pour les ressortissants qui exercent à titre occasionnel et pour ceux qui s'établissent durablement en France. Or, ces régimes doivent être nettement distingués, comme le montre d'ailleurs clairement la présentation faite dans le rapport de la commission.
Je donnerai deux exemples à cet égard.
Tout d'abord, la prestation de services relève d'un régime déclaratif alors que l'établissement durable relève d'un régime d'autorisation.
Par ailleurs, la prestation de services ne peut être conditionnée à la réussite à un test que pour des raisons de sécurité, alors que l'établissement peut être soumis à des mesures de contrôle de compétence y compris en dehors de cas où la sécurité des personnes l'exigerait.
Il nous semble donc difficile, juridiquement, d'appliquer des règles communes à deux situations appréhendées différemment par le droit.
Mais, surtout, l'effet le plus dommageable de cet amendement est que son adoption obligerait le Gouvernement à édicter un nouveau décret d'application tirant les conséquences de cette fusion de la prestation et de l'établissement. Or ce nouveau décret ne pourrait être pris sans une nouvelle concertation laborieuse avec les institutions communautaires. L'efficacité de cette mesure législative serait alors anéantie, en tout cas pour cette saison de ski.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 8, le Gouvernement ne peut qu'être d'accord tant sur l'esprit que sur le fond, avec les mesures proposées. Toutefois, ce sous-amendement est solidaire de l'amendement n° 3, sur lequel le Gouvernement émet un avis défavorable. Par conséquent, j'émets également un avis défavorable sur ce sous-amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 8.
M. Jean Faure. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Faure.
M. Jean Faure. Je ne peux qu'être favorable à la proposition de Michel Barnier. En effet, la pratique de l'encadrement des activités sportives dans des milieux spécifiques nécessite une bonne connaissance du milieu naturel. Il en va ainsi pour le ski comme pour la montagne ou la spéléologie.
Les activités visées par cette connaissance spécifique ont été arrêtées dans le cadre des discussions sur le plan communautaire.
Par conséquent, je ne peux qu'encourager nos collègues à approuver cette disposition qui me paraît fondamentale.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 8, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 3, repoussé par le Gouvernement.
Mme Hélène Luc. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
M. Pierre Mauroy. Le groupe socialiste également.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 4, M. Lesein, au nom de la commission, propose d'insérer, avant le paragraphe II de l'article 3, un paragraphe ainsi rédigé :
« II. - A. - La seconde phrase du premier alinéa de l'article 48-1 de la même loi est remplacée par trois alinéas ainsi rédigés :
« Le ministre chargé des sports peut, dans les mêmes formes :
« - interdire à toute personne ayant effectué la déclaration mentionnée à l'article 47-1 d'exercer l'activité déclarée si elle ne remplit pas les conditions prévues aux articles 43 et 43-1 ;
« - enjoindre à toute personne exerçant en infraction aux articles 43 et 43-1 de cesser son activité dans un délai déterminé. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Lesein, rapporteur. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cet amendement a pour objet de permettre de sanctionner les ressortissants européens qui effectueraient une prestation de services sans avoir satisfait à l'obligation de passer une épreuve technique. Cette possibilité de sanction est en effet indispensable.
Le dispositif en est simple et il complète le paragraphe II de l'article 3 qui déconcentre au niveau du préfet la possibilité de prononcer en cas d'urgence les interdictions d'exercice prévues à l'article 48-1.
Il vise à insérer dans l'article 48-1 une disposition grâce à laquelle l'autorité administrative pourra interdire à une personne qui a effectué sa déclaration d'exercer l'activité déclarée si elle ne remplit pas les conditions prévues aux articles 43 et 43-1.
Comme il s'agit d'une décision urgente, elle sera prise immédiatement par le préfet, qui la notifiera aux intéressés en même temps que la décision de subordonner leurs prestations à la réussite d'un test.
Si un moniteur passe outre, il pourra être sanctionné immédiatement pour violation de l'interdiction, en application des dispositions de l'article 49 de la loi, par les mêmes peines que celles que prévoient les auteurs de la proposition de loi.
J'ajoute que cette disposition s'appliquera également sans délai à toute personne qui ne joindrait pas à sa déclaration les diplômes correspondant à la fonction qu'elle veut exercer.
Pour nous résumer, il y aura deux cas de figure.
D'une part, si la personne n'a pas fait de déclaration, elle tombera sous le coup du texte actuel.
D'autre part - c'est le cas que nous ajoutons -, si la personne a fait une déclaration mais qu'elle n'a pas les titres pour exercer - diplômes ou tests, conformément au texte en vigueur - on lui interdira immédiatement d'exercer.
Nous proposons donc une interdiction automatique et immédiate d'exercer à toute personne qui ne remplit pas les conditions pour le faire. Tout exercice illicite sera donc automatiquement interdit et punissable d'un an de prison et de 100 000 francs d'amende.
Les forces de l'ordre seront en possession d'un arrêté d'interdiction nominatif. Il ne sera pas nécessaire de vérifier l'existence des titres de la personne, et le flagrant délit sera donc plus facile.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Cet amendement est lié à l'évidence à la suppression par la commission du paragraphe IV de l'article 3 visant à la pénalisation. Le Gouvernement y est donc défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 4.
M. Jean Faure. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Faure.
M. Jean Faure. La réflexion de la commission est un tout. Cette disposition complète la mesure proposée précédemment, et, bien entendu, le maintien du paragraphe IV de l'article 3, promis par M. le rapporteur, permettra de préciser l'ensemble du dispositif répressif contre ceux qui ne respecteraient pas la loi.
M. Michel Barnier. Absolument !
M. Jean Faure. Par conséquent, sous réserve de la rectification de l'amendement n° 5, je ne peux qu'inciter le Sénat à voter la disposition prévue par la commission dans l'amendement n° 4.
M. Michel Barnier. Très bien !
M. le président. Monsieur le rapporteur, il me paraît nécessaire, pour une bonne information de nos collègues avant le vote de l'amendement n° 4, que vous exposiez l'amendement n° 5.
Cet amendement, présenté par M. Lesein, au nom de la commission, tend à supprimer le paragraphe IV de l'article 3.
Mais j'ai cru comprendre, monsieur le rapporteur, que vous envisagiez de le rectifier.
M. François Lesein, rapporteur. La commission propose dans l'amendement n° 4 un mécanisme qui lui semble efficace ; mais, comme je l'ai dit tout à l'heure, elle comprend les inquiétudes des professionnels, exprimées par MM. Barnier et Faure. Par conséquent, elle rectifie l'amendement n° 5 afin de maintenir la mesure contenue dans le paragraphe IV, tout en proposant une rédaction permettant une harmonisation avec les dispositions contenues dans les amendements précédents.
Cette rectification vise donc à rédiger comme suit le texte proposé par le paragraphe IV de l'article 3 pour compléter l'article 49 :
« Sera puni des mêmes peines quiconque exerce les fonctions mentionnées à l'article 43 sans répondre aux conditions définies aux articles 43 et 43-1, ainsi que son employeur. »
Cette rédaction me semble plus précise.
M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 5 rectifié, présenté par M. Lesein, au nom de la commission, et tendant à rédiger comme suit le texte proposé par le paragraphe IV de l'article 3 :
« IV. - L'article 49 de la même loi est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sera puni des mêmes peines quiconque exerce les fonctions mentionnées à l'article 43 sans répondre aux conditions définies aux articles 43 et 43-1, ainsi que son employeur. »
Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement ?
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Je me félicite, bien sûr, que la commission revienne sur la suppression totale du paragraphe IV de l'article 3. Cependant, la rédaction proposée par M. le rapporteur tient compte, bien évidemment, des amendements qui ont été adoptés précédemment.
Par conséquent, le Gouvernement ne peut émettre un avis favorable sur l'amendement n° 5 rectifié.
M. le président. Afin que chacun puisse s'exprimer sur l'amendement n° 4 en connaissance de cause, je vais d'abord mettre aux voix l'amendement n° 5 rectifié.
M. Jean Faure. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Faure.
M. Jean Faure. Dans la rédaction proposée par la commission, soixante-quatre activités sportives sont concernées. Si nous visions non pas l'article 43, mais le seul deuxième paragraphe de cet article, nous limiterions le champ d'application de la mesure aux cinq grandes activités définies dans le précédent décret. C'est d'une grande simplicité pour ceux qui connaissent le sujet, même si je reconnais que c'est fort touffu pour ceux qui ne sont pas dans ce cas.
M. François Lesein, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Lesein, rapporteur. A la réflexion, la modification que nous propose notre collègue Jean Faure n'est pas recevable, car le texte deviendrait alors discriminatoire en ne visant que les Européens. Nous serions alors condamnés.
M. Jean Faure. Dans ces conditions, je me range à l'avis de M. le rapporteur.
M. Michel Barnier. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Barnier.
M. Michel Barnier. M. le rapporteur a rectifié l'amendement n° 5, et je l'en remercie au nom du groupe du RPR.
Nous allons voter les deux amendements n°s 4 et 5 rectifié, dans la mesure où ils constituent, avec le précédent amendement que nous avons adopté, un dispositif complet et architecturé qui offre, en termes d'efficacité, le caractère opérationnel qu'avait souhaité l'Assemblée nationale et qui me paraît maintenant fondé sur une base juridique solide.
C'est bien parce que M. le rapporteur a accédé à la demande que nous avons formulée Jean Faure et moi-même, au nom de beaucoup de nos collègues, que nous allons pouvoir nous prononcer favorablement sur ces deux amendements.
M. François Lesein, rapporteur. Je vous en remercie.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets d'abord aux voix l'amendement n° 5 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
M. Pierre Mauroy. Le groupe socialiste également.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets maintenant aux voix l'amendement n° 4, repoussé par le Gouvernement.
M. Ivan Renar. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
M. Pierre Mauroy. Le groupe socialiste également.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 3, modifié.
M. Ivan Renar. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
M. Pierre Mauroy. Le groupe socialiste également.

(L'article 3 est adopté.)

Article 4



M. le président.
« Art. 4. - I. - Le deuxième alinéa de l'article 18-2 de la même loi est ainsi rédigé :
« Le vendeur ou l'acquéreur de ce droit ne peuvent s'opposer à la diffusion, par d'autres services de communication audiovisuelle, de brefs extraits prélevés à titre gratuit parmi les images du ou des services cessionnaires et librement choisis par le service non cessionnaire du droit d'exploitation qui les diffuse. »
« II. - L'article 18-4 de la même loi est ainsi rédigé :
« Art. 18-4. - L'accès des journalistes et des personnels des entreprises d'information écrite ou audiovisuelle aux enceintes sportives est libre sous réserve des contraintes directement liées à la sécurité du public et des sportifs, et aux capacités d'accueil.
« Toutefois, sauf autorisation de l'organisateur, les services de communication audiovisuelle non cessionnaires du droit d'exploitation ne peuvent capter que les images distinctes de celles de la manifestation ou de la compétition sportive proprement dites.
« Les fédérations sportives ayant reçu, en vertu de l'article 17, délégation pour organiser les compétitions visées par cet article peuvent, dans le respect du droit à l'information, définir, dans un règlement approuvé par le ministre chargé des sports après avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel, et publié conformément à l'article 17-1, les contraintes propres à la discipline considérée et au type de manifestation ou de compétition, ainsi que les lieux mis à disposition des personnes mentionnées au premier alinéa. »
Par amendement n° 6, M. Lesein, au nom de la commission, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Lesein, rapporteur. La loi de 1992 avait institué un équilibre entre la cession exclusive des droits de retransmission des manifestations sportives et le droit d'accès du public à l'information sportive.
Comme je vous l'indiquais tout à l'heure, cet article tend à modifier cet équilibre au profit des détenteurs de droits d'exploitation.
D'une part, il restreint la portée du droit de citation. Il interdit, en effet, aux services de communication audiovisuelle non cessionnaires des droits d'exclusivité de filmer eux-mêmes les extraits susceptibles d'être diffusés dans le cadre du droit de citation. Il interdit, par conséquent, la diffusion de toute autre image que celles qui ont été tournées par le service cessionnaire.
D'autre part, il limite la portée de la liberté d'accès des journalistes aux enceintes sportives de deux façons : premièrement, il autorise les organisateurs de manifestations sportives à interdire aux services non cessionnaires de filmer la manifestation ; deuxièmement, il confie aux fédérations sportives le pouvoir de définir, par voie de règlement, les conditions d'exercice de la liberté d'accès des journalistes, alors que le texte en vigueur prévoit l'intervention d'un décret en Conseil d'Etat.
La commission des affaires culturelles a estimé que cette dernière disposition procédait d'une confusion entre le pouvoir réglementaire des fédérations et le pouvoir réglementaire défini par la Constitution. Cette confusion semble peu compatible avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
J'observe, de plus, que, si l'on confie aux fédérations, qui sont propriétaires des droits d'exploitation des manifestations sportives, le pouvoir d'encadrer l'activité des journalistes dans les enceintes sportives, on suspectera toujours que leurs décisions auront été inspirées par le souci de favoriser le cessionnaire de leurs droits.
Pour toutes ces raisons, la commission a estimé que cet article portait atteinte au droit à l'information. L'équilibre institué en 1992 garantissait pleinement les droits des services de communication cessionnaires, mais visait à mettre fin à des pratiques inacceptables. Revenir sur ces dispositions qui sont, il faut le rappeler, le résultat d'un travail commun du Sénat et de l'Assemblée nationale constituerait, selon nous, un retour en arrière.
La commission a jugé, en conséquence, qu'il n'y avait pas lieu de revenir sur la position que le Sénat avait adoptée en 1992.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Le Gouvernement est défavorable à la suppression de l'article 4.
Lorsqu'on parle des articles 18-2 et 18-4 de la loi de 1984 modifiée en 1992, on parle d'équilibre. Mais la réalité des faits, depuis le vote de cette loi, montre que les problèmes n'ont pas cessé dans les rapports entre les médias eux-mêmes à propos d'événements sportifs, parce que ces deux articles paraissent contradictoires : selon les événements, on prenait en compte soit le droit à l'exclusivité, visé à l'article 18-2, soit l'article 18-4, concernant le droit à l'information.
De nombreux problèmes sont ainsi apparus à l'occasion de plusieurs épreuves sportives. J'en ai moi-même fait l'expérience mercredi dernier, lors de l'inauguration du Stade de France : une chaîne de télévision voulait m'interviewer, mais une autre chaîne, qui avait obtenu la concession de la retransmission, s'est opposée à ce que l'on m'interroge dans l'enceinte du Stade de France. A chaque événement, des problèmes se posent ; il faut donc trouver une solution cohérente.
Par ailleurs, lorsque - tardivement, certes, mais aucun de mes prédécesseurs ne l'avait fait - j'ai voulu prendre les décrets d'application de la loi de 1984 modifiée en 1992, le Conseil d'Etat m'a renvoyé les projets au motif qu'il n'existait pas de fondement législatif à ces textes.
La base législative que nous vous proposons aujourd'hui préserve - je tiens à l'affirmer avec force - le droit d'accès à l'information et le pluralisme de l'information tout en préservant le droit à la cession à un organisme de communication par l'organisateur d'un événement sportif.
Notre réflexion doit intégrer la réalité du monde des médias et du mouvement sportif lui-même ; il ne faut pas dresser une chaîne de télévision contre une autre, parce que le droit d'exclusivité est exercé par l'ensemble des chaînes l'une après l'autre, selon les événements sportifs.
J'en viens aux fédérations qui, aux termes de la loi de 1984, ont une délégation de service public. Le pouvoir que leur confère l'article 4 que nous vous proposons est restreint : il ne s'agit pas de laisser une fédération autoriser ou non l'accès des journalistes, mais simplement de lui demander de nous proposer un règlement qui, tout en respectant la loi, tienne compte de la réalité de l'événement sportif, du nombre de demandes d'accréditation. Ainsi, plusieurs milliers de demandes d'accréditation ont déjà été déposées pour la Coupe du monde de football. Ce n'est pas comparable avec la retransmission d'un événement sportif mineur, et les conditions de sécurité se sont pas les mêmes d'une enceinte sportive à l'autre !
La fédération proposera donc un règlement, et le CSA émettra ensuite un avis sur la conformité à la loi de ce dernier. Enfin, le ministre des sports acceptera ou non ce règlement. Vous le constatez, le pouvoir que nous donnons aux fédérations est quand même très encadré, ce qui est normal.
Par ailleurs, comme je l'ai dit tout à l'heure, en remplaçant le mot « organisateurs », qui figurait dans la loi, par le mot « fédérations », nous allons certainement contribuer à rendre plus transparents les contrats entre le mouvement sportif et les médias.
M. François Lesein, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Lesein, rapporteur. Je tiens simplement à signaler à Mme le ministre - mais nous nous en sommes déjà entretenus - l'embarras dans lequel se trouvent toutes les parties prenantes.
Je lui rappelle aussi que la délégation de service public est un contrat qui est conclu entre l'Etat et les fédérations. Ces dernières ont une mission pour organiser les manifestations, mais non pour élaborer la loi, ni même pour en proposer une. Le Gouvernement dépose des projets de loi et les deux chambres du Parlement des propositions de loi, qu'elles adoptent ou non ou bien qu'elles modifient, mais il n'a jamais été question que les fédérations déposent de telles propositions de loi. Il y a encore un législateur dans ce pays, à lui de faire son travail !
Par ailleurs, je ne veux pas vous faire de peine, madame le ministre, mais, qu'il s'agisse de fédérations ou d'organisations, cela ne change rien : ce n'est pas pour autant qu'elles ne garderont pas l'argent qu'elles perçoivent de façon indue.
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. C'est la loi d'orientation !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 6.
M. Marcel Charmant. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Charmant.
M. Marcel Charmant. L'article 4, tel qu'il a été adopté à l'Assemblée nationale sur proposition du Gouvernement, met en cohérence deux principes : la gratuité du droit de citation, d'une part, le droit d'accès des journalistes aux enceintes sportives, d'autre part.
Il institue le droit de captation d'images périphériques à la compétition sportive elle-même : environnement, ambiance...
Il ne remet donc pas en cause les principes de la loi de 1992, mais il précise les conditions d'application de ces principes, ce qui n'avait pas été fait jusqu'à ce jour. Le Conseil d'Etat a d'ailleurs recommandé qu'il en soit ainsi par voie législative, vous l'avez rappelé, madame le ministre.
Qui pourrait s'étonner que, pour certaines compétitions sportives - je pense aux sports mécaniques, bien sûr - une plus grande vigilance soit nécessaire en matière de sécurité ? Chacun d'entre nous a sans doute le souvenir d'un certain nombre d'accidents, qui sont devenus de véritables tragédies pour le public !
Ne ressentez-vous pas comme moi, même si les compétitions se déroulent dans un autre cadre que celui de cette loi, des craintes profondes face aux images d'une épreuve sur route où les véhicules frôlent les spectateurs ?
C'est dans cet esprit du souci permanent de la sécurité des sportifs, du public et des journalistes que s'inscrivent les dispositions de l'article 4.
Il ne s'agit pas d'interdire ; il s'agit, dans le respect du droit reconnu par la loi de 1992, de céder le droit d'exploitation d'une compétition à un service de communication audiovisuelle, de garantir l'information du public et l'accès des journalistes aux enceintes sportives dans les meilleures conditions de sécurité.
L'approbation par le ministre chargé des sports, après avis du CSA, et le caractère officiel de sa publication font du règlement prévu au dernier alinéa le garant des intérêts de toutes les parties.
Vous me permettrez de terminer en vous disant que les compétitions sportives visées par ce texte se nourrissent de la médiatisation et que personne n'a donc intérêt à « brider » l'information, bien au contraire.
A ce sujet, mon ami René-Pierre Signé rappellera, dans un instant, les dispositions qui ont été prises à Magny-Cours, lors du Grand Prix de France de formule 1, pour accueillir les médias et leur assurer les meilleures conditions possibles d'exercice de leur mission.
M. René-Pierre Signé. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il en est de la loi comme de toute oeuvre humaine : au moment de son élaboration, on pense qu'on va tout régler, et souvent, avec le temps, l'évolution des esprits, de la vie, de l'activité, on s'aperçoit des imperfections. Il est alors de notre devoir de revenir sur notre travail pour mettre en cohérence les dispositions législatives dont nous avons la responsabilité.
Mme la ministre et mon ami Marcel Charmant ont expliqué le bien-fondé de l'article 4.
Pour ma part, je veux surtout dire comment les choses se passent dans une enceinte sportive réservée aux sports mécaniques lors d'une grande épreuve internationale.
Nous organisons à Magny-Cours, depuis 1991, le Grand Prix de France, qui est aussi, pour reprendre une formule cèlébre, le « Grand Prix de la France ». Beaucoup de choses ont été dites sur ce circuit, parfois justes, parfois injustes ; mais chacun se plaît à reconnaître qu'il s'agit d'un des plus beaux circuits du monde et de l'une des meilleures organisations des dix-sept grands prix mondiaux.
Lors de la manifestation, sont accrédités 500 titres de journaux, avec 600 journalistes, 300 photographes, 200 journalistes et personnels de télévision. Ces 1 100 personnes disposent d'un parking particulier de plus de 400 places à proximité de la salle de presse.
L'espace presse lui-même a une superficie de 2 000 mètres carrés et comporte une salle de 250 postes de travail équipés du téléphone et de 27 canaux vidéo pour l'information instantanée, 37 cabines de commentateurs de télévision, 20 cabines réservées aux radios, une salle de conférences de 150 places, un espace convivial réservé aux journalistes de 300 mètres carrés et 7 laboratoires photo ; 250 000 feuillets d'information sont distribués et 15 navettes automobiles sont à la disposition des journalistes pour faciliter leur travail et leur circulation.
Tous les espaces mis à disposition des journalistes sont situés à proximité des paddocks, donc proches des acteurs du Grand Prix. Par ailleurs, nous avons aménagé une salle de presse annexe pour éviter tout refus d'accréditation.
Ce témoignage de ce que nous vivons chaque année motive les réserves que nous émettons à l'encontre de l'amendement de la commission.
De quoi s'agit-il, en effet ? De la liberté d'informer, prévue par la loi de 1984, confirmée par la loi Bredin de 1992 et encore renforcée dans ses garanties par le texte que l'on nous soumet.
Mais il s'agit, plus encore - Marcel Charmant en a parlé - de la sécurité des personnes et des installations accueillant des compétitions sportives. Dans ce domaine comme dans tous, le principe de précaution s'impose à nous. Il est de notre responsabilité en tant que parlementaires, de légiférer en ayant constamment à l'esprit ce souci de sécurité.
Pour ce qui concerne la liberté d'informer, je rappelle la première garantie que prévoit notre droit : la citation gratuite de brefs extraits, librement choisis, par prélèvement d'images auprès de la chaîne ayant obtenu l'exclusivité d'une retransmission.
L'article 4 de la proposition de loi étend cette garantie en permettant la captation, par les chaînes de télévision non cessionnaires du droit d'exclusivité, d'images périphériques à la compétition elle-même - ce qu'on appelle en jargon journalistique les sujets d'ambiance. Cette autorisation implique, de fait, le libre accès de tous les journalistes, qui est la seconde garantie instituée par les textes de 1984 et de 1992 et que confirme donc la proposition de loi, amendée par le Gouvernement et votée par les députés.
Le renforcement de la sécurité tient, pour sa part, dans l'appréciation qui sera laissée aux fédérations organisatrices de compétitions sportives pour limiter éventuellement la libre circulation des journalistes en fonction, je cite le texte, « des contraintes liées à la sécurité du public et des sportifs et aux capacités d'accueil ».
Je tiens à souligner, d'une part, que ces fédérations exerceront une mission de service public par délégation et, d'autre part, que les décisions de ces fédérations seront prises avec l'accord du ministre chargé des sports et après avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel.
En résumé, je constate que l'article 4 de la proposition de loi soumise à notre vote satisfait à la fois aux revendications légitimes concernant le droit à l'information et à l'impératif de sécurité qu'il nous appartient de défendre. Je remarque, enfin, qu'il y satisfait dans le respect de la concertation entre les fédérations organisatrices et les pouvoirs publics, garants, par définition, de l'équité entre les médias.
C'est pour ces raisons que, avec mon groupe, je ne voterai pas l'amendement de la commission et que je vous invite, mes chers collègues, à faire de même, si j'ai réussi à vous convaincre.
Madame la ministre, vous avez su, au travers du texte qui nous est proposé, concilier les intérêts de toutes les parties, et je vous en remercie.
L'article 4 est un article de conciliation entre les organisateurs de manifestations sportives, les représentants de la presse et le public, qui a droit à l'information. En refusant l'amendement de la commission, vous exercerez pleinement votre mission de législateur, mes chers collègues.
M. Ivan Renar. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Madame la ministre, pour aller vite, je vais laisser mon survêtement au vestiaire. (Sourires.)
Je veux simplement dire que la situation mais aussi les solutions de ce jour sont peu satisfaisantes. A l'évidence, il faut encore creuser la question. Nous pourrons le faire à l'occasion de la discussion des textes à venir, qu'il s'agisse du projet de loi sur l'audiovisuel ou du projet de loi d'orientation sur le sport.
Nous sommes actuellement confrontés à l'absence de base législative pour réglementer. C'est d'ailleurs là l'aspect le plus convaincant de votre argumentation, madame la ministre.
La suppression du texte adopté par l'Assemblée nationale conduirait à perpétuer une situation qui n'est pas saine. C'est la raison pour laquelle nous voterons contre l'amendement de la commission.
M. François Lesein, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Lesein, rapporteur. Après ces superbes interventions, je veux simplement rappeler qu'il y a, dans les textes existants, la base pour prendre un décret.
Je rappellerai également un seul fait, qui illustre bien le danger qu'il y a à laisser trop de pouvoir aux fédérations. En 1992, à Magny-Cours, précisément, la FOCA, l'association des constructeurs de formule 1, avait expulsé FR 3. Peut-être vous en souvenez-vous !
M. Marcel Charmant. Oui !
M. François Lesein, rapporteur. Elle a d'ailleurs été condamnée puisque FR 3 a porté plainte.
Dernièrement encore, il s'est produit un incident au Stade de France entre France 3, toujours, et TF 1.
Les cessionnaires ont peut-être des droits, c'est vrai, mais ces derniers sont tout de même excessifs, et je voulais le rappeler.
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Monsieur le rapporteur, on demande à la fédération non pas de faire la loi, mais, à partir de la loi, d'établir un règlement, visé par le CSA et par le ministère de la jeunesse et des sports, pour concilier précisément - puisque vous venez de prendre des exemples précis - le droit de France 3 de reprendre des extraits, de filmer les abords de la compétition, d'interviewer quelqu'un, du mouvement sportif ou non, avec le droit de cession. Voilà la raison d'être, et la seule, de ce règlement !
M. Marcel Charmant. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 4 est supprimé.

Intitulé de la proposition de loi



M. le président.
Par amendement n° 7, M. Lesein, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit l'intitulé de la proposition de loi : « Proposition de loi modifiant la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Lesein, rapporteur. La proposition de loi touche à beaucoup de sujets. C'est à la fois pour faire court et pour être précis, en tout cas, que nous proposons cette nouvelle rédaction de l'intitulé.
En fait, ce n'est qu'une modification dans l'attente de ce que nous souhaitons tous - je sais que c'est aussi le souci de Mme le ministre - à savoir une loi beaucoup plus complète qui reprendra, dans la sérénité, l'ensemble des problèmes, et Dieu sait s'il y en a !
On n'est pas près d'avoir réglé tous les problèmes ; mais, si l'on ne s'y attelle pas, on ne le fera jamais. Or, je souhaite vivement qu'on le fasse.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Tout en regrettant que ne figure plus dans cet intitulé le mot « sécurité », alors que la sécurité a tout de même été le thème principal des articles que nous venons de discuter, je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 7.
M. Marcel Charmant. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charmant.
M. Marcel Charmant. Je fais miens les propos de Mme la ministre. Nous n'avons parlé que de sécurité pendant tout l'après-midi ; le mot « sécurité » devrait donc figurer dans le titre du projet de loi. Ce n'est pas très grave, mais rétablir ce mot serait tout de même reconnaître les intentions du Gouvernement et du législateur !
M. Ivan Renar. Ce serait logique !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)
M. le président. En conséquence, l'intitulé de la proposition de loi est ainsi rédigé.

Vote sur l'ensemble



M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Legendre, pour explication de vote.
M. Jacques Legendre. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous venons d'examiner a pour objet de reprendre et de finaliser quelques dispositions techniques initiées par les précédents gouvernements.
Ce texte, qui ne fera pas l'objet d'une deuxième lecture en raison de l'urgence déclarée par le Gouvernement - je le regrette - exigeait un travail de fond.
En ce qui concerne l'article 1er, le report du délai au terme duquel devront être homologuées les enceintes sportives paraît réaliste étant donné la faiblesse du taux d'enceintes sportives actuellement mises aux normes. Cette question de la sécurité de ces enceintes est un sujet extrêmement sensible sur lequel il convient de demeurer vigilant.
Quant à la disposition introduite pour permettre aux circuits automobiles de déroger à l'obligation de ne fournir que des places assises, elle paraît discutable. En effet, l'obligation de ne fournir que des places assises permet d'éviter les mouvements de foule sans pour autant empêcher les spectateurs de se déplacer.
Notre objectif premier doit demeurer, toujours et encore, la sécurité des personnes, et ce en dépit des préoccupations financières des circuits automobiles.
L'article 2, que nous venons d'adopter, marque un véritable progrès dans la prévention de la violence lors des manifestations sportives. Cependant, le Sénat se devait de clarifier le champ d'application de la peine complémentaire d'interdiction de stade, afin qu'il soit moins ambigu.
A propos de l'article 3, il était en effet essentiel de modifier la législation en vigueur concernant les conditions d'exercice de la liberté de prestation de services d'éducateur sportif. La sécurité est notre préoccupation première, et l'on ne doit pas laisser enseigner des sports dits « à risques » sans un contrôle sérieux des compétences des éducateurs.
La commission des affaires culturelles a réécrit cet article afin de ne pas compliquer la législation en vigueur, tout en conservant les mêmes exigences vis-à-vis de ceux qui souhaitent exercer la profession d'éducateur sportif en France.
Enfin, le Sénat a choisi de supprimer l'article 4 qui semblait, selon l'avis du groupe du RPR, comporter une atteinte au principe du pluralisme de l'information.
Le texte ainsi modifié nous paraît satisfaisant, et notre groupe le votera. Sachez, en outre, madame le ministre, que nous attendons avec impatience la future loi que vous nous avez annoncée sur le secteur du sport qui a tant besoin d'être réformé. Nous espérons que ce texte s'inspirera largement de l'avant-projet de loi qui avait été préparé par M. Guy Drut, dont je salue l'action en tant que ministre de la jeunesse et des sports.
M. le président. La parole est à M. Faure.
M. Jean Faure. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, notre rapporteur, membre du groupe du sport du Sénat, et rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour le budget du sport, a accompli avec talent un travail considérable. Nous lui avons fait confiance, et nous ne le regrettons pas, car le texte issu de nos travaux et modifié selon ses suggestions nous donne satisfaction.
Effectivement, un vide juridique en matière de sécurité dans les stades existait : il est maintenant comblé.
Un grand trouble s'était fait jour au sein des professionnels, notamment des professionnels de la montagne, s'agissant de l'encadrement des activités sportives. La nouvelle rédaction du paragraphe IV de l'article 3 est de nature à leur donner satisfaction. Désormais, les sanctions qui pourront être appliquées seront de nature non plus administrative, mais pénale.
Pour toutes ces raisons, le groupe de l'Union centriste votera cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Barnier.
M. Michel Barnier. A l'instar de M. Legendre, je veux également remercier notre rapporteur, M. Lesein, de son travail, de nous avoir entendus, d'avoir tenu compte de l'expérience qui peut être la nôtre s'agissant de la montagne et des professionnels de la montagne.
Ainsi, le texte consolide les décrets que nous avons évoqués tout à l'heure sur les conditions de travail des professionnels français et d'origine européenne quand ils encadrent l'exercice de sports à risques. Le texte que nous a transmis l'Assemblée nationale est maintenant plus efficace et plus opérationnel. Ceux qui ne respecteront pas la législation pourront être véritablement sanctionnés.
Pour ces raisons, je voterai cette proposition de loi.
Tout à l'heure, sur l'article 4, je me suis exprimé à titre personnel par solidarité à l'égard des élus qui souhaitaient que soit modifiée la proposition de la commission. Je souhaite qu'une solution soit trouvée en commission mixte paritaire. Je dis cela en me fondant sur l'expérience, qui est la mienne, de grands événements sportifs.
Ce faisant, naturellement, je ne me prononce pas sur la question de savoir s'il était, ou non, opportun de construire, là où il a été construit, un circuit de Formule 1. Il existe. Ce que je sais, c'est qu'il est extrêmement difficile de faire vivre de grands équipements sportifs, et je peux le dire ayant eu l'honneur, avec beaucoup d'autres, d'organiser les XVIes jeux Olympiques d'hiver.
Maintenant que cet équipement existe, il faut se soucier de l'intérêt des contribuables et aussi des spectateurs, qui sont nombreux en France à aimer les compétitions automobiles. Je souhaite donc que, dans un travail commun, la commission mixte paritaire trouve une solution de nature à assurer la pérennité de ce circuit qui se situe en France.
Monsieur le rapporteur, je vous remercie à nouveau, ainsi que les membres de la commission, du travail extrêmement précis que vous avez réalisé, et que je crois utile, pour plus de sécurité dans la pratique d'un certain nombre de sports dans notre pays. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. A notre tour, nous voulons remercier la commission des affaires culturelles, notamment son rapporteur, M. Lesein, spécialiste des questions sportives, et qui, depuis des années, se consacre à cette tâche.
Je m'adresserai maintenant à vous, madame le ministre.
Tout d'abord, il était bon de mettre à jour la loi de 1984, même si vous avez moins tenu compte de certaines modifications datant de 1992. C'est un travail qui devait être entrepris, et nous vous remercions de l'avoir fait.
Mais un événement tout à fait important est survenu récemment : je veux parler de l'inauguration du Stade de France. Je n'étais pas personnellement concerné, mais je dois dire que j'ai été surpris, en parlant avec mes collègues, de constater qu'aucun sénateur n'avait été invité ès qualités, pas plus notre ami François Lesein que les membres du groupe du sport du Sénat que préside avec tant d'enthousiasme notre collègue Jean Faure.
Il ne s'agit pas, je le précise parce que j'aperçois de grands sourires, de regretter de n'avoir pas obtenu d'invitations gratuites. Ce n'est pas du tout cela. Il aurait suffi, par exemple, de réserver quatre ou cinq places à des sénateurs, qui auraient assisté à cette inauguration, éventuellement en participant aux frais. Mais on n'a pas pensé à eux ! J'ai été très choqué de cet oubli.
Je m'occupe d'une équipe de football composée d'enfants de banlieue, surtout haïtiens. Ce sont eux qui m'ont montré un journal - vous l'avez peut-être vu - qui annonçait qu'il n'y avait plus de places au parking du stade, parce qu'on avait réservé 3 000 places - c'était une erreur de zéro, sans doute s'agissait-il de 300 - aux « politiques ». Je ne sais pas quels « politiques » étaient invités. Beaucoup d'élus de la Seine-Saint-Denis se trouvaient présents, ce qui est normal, parmi lesquels, me dit-on, l'un de nos collègues, ancien ministre, mais aucun autre parlementaire, semble-t-il.
Je fais ces remarques, madame le ministre, pour que vous en parliez aux responsables du consortium du Stade de France. Un geste a manqué. L'inauguration, que nous avons suivie à la télévision, était magnifique. Elle m'a rappelé la cérémonie d'ouverture des jeux Olympiques d'hiver d'Albertville dans l'organisation desquels notre collègue Michel Barnier a pris une place éminente. Cette fois-là, nous nous étions déplacés, nous étions une petite délégation de quatre sénateurs à avoir été conviés à assister à cette fête exceptionnelle.
Chacun connaît et reconnaît le grand intérêt que notre assemblée porte au sport, bien que certains prétendent que nous ne sommes pas tous des plus jeunes. (Sourires.) Nous portons, en réalité, la plus grande attention à tout ce qui concerne la jeunesse.
En l'occurrence, les sénateurs et la représentation nationale n'étaient pas à la place qu'ils méritent. Il fallait, à l'occasion de ce débat, en faire l'observation.
Cela dit, bien évidemment, nous voterons cette proposition de loi telle qu'elle ressort des travaux du Sénat.
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur, je vous remercie de me donner l'occasion d'apporter des précisions sur cette question des invitations à l'inauguration du Stade de France.
Vous le savez, cette inauguration était placée sous l'autorité conjointe du consortium, gestionnaire de ce stade, et de la Fédération française de football. Le ministère de la jeunesse et des sports n'avait rien à voir à l'affaire. On peut peut-être d'ailleurs en discuter, car, tout de même, l'argent public a servi à la construction du stade. Mais enfin, c'était comme cela !
Il semblerait, et je vais avoir l'occasion de le dire à son président, que le consortium ait des difficultés pour prendre en compte à la fois la singularité du mouvement sportif, dans les négociations qu'il mène avec lui, et la représentation nationale. En effet, vous n'avez pas été invités, pas plus que ne l'ont été les grands animateurs du groupe du sport du Sénat ou le président de la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale lui-même, pourtant élu de la Seine-Saint-Denis !
M. Jean Faure. C'est une erreur !
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Il faudra peut-être ouvrir ce débat avec les responsables du Stade de France. Certes, si celui-ci est géré par un consortium, mais il doit son existence et, devra peut-être demain, une partie de son fonctionnement à un financement public.
M. René-Pierre Signé. Hélas !
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. La représentation nationale est donc concernée.
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je représente ici un département qui n'est pas un grand département de montagne, et je voudrais simplement expliquer mon vote en tant qu'utilisateur des services que peuvent fournir les professionnels du sport, mais aussi en tant que juriste.
Je tiens tout d'abord à dire qu'à mon sens la commission a fait du bon travail. Nous sommes placés ici sous l'auspice du grand Portalis qui disait : « La loi permet, la loi ordonne, la loi interdit ».
La rédaction proposée par la commission à travers ses amendements semble bonne. Elle énonce clairement ce qui est autorisé, dans le respect de la législation européenne, et ce qui est interdit en se fondant sur les règles de sécurité que nous devons à nos concitoyens, clients potentiels des professionnels du sport.
Nous avons accompli sur l'article 3, qui est un peu le coeur de ce texte, un excellent travail, nous l'avons amendé, sous-amendé. De cette façon, celles et ceux qui, dans quelques jours, samedi prochain exactement, recourront aux services des professionnels du sport pourront, grâce à ce texte, pratiquer leur sport favori dans de meilleures conditions de sécurité.
Je pense aussi aux magistrats qui travaillent beaucoup dans le domaine du droit du sport - je le dis sous le contrôle de M. Michel Barnier - notamment aux juges du tribunal d'Albertville ou aux conseillers de la cour de Chambéry qui apportent beaucoup à notre droit du sport et qui auront désormais à leur disposition un texte plus clair.
Je crois que, grâce au débat de ce soir, le droit des professionnels du sport est plus clair et la sécurité des clients, français ou étrangers, qui viendront dans notre beau pays pour y faire du sport mieux assurée.
Telle est la raison principale qui nous conduit à voter ce texte.
La commission a également rappelé que le pouvoir normatif qui est accordé aux fédérations sportives ne peut être qu'une délégation dans le cadre du service public, qu'elles sont chargées d'organiser et pas plus. Il s'agit là d'un rappel intéressant et nous devrons donc rechercher, s'agissant de l'article 4, une mesure d'équilibre satisfaisante pour tous, c'est-à-dire qui à la fois respecte la liberté et permette d'organiser de grandes manifestations dans tous nos départements.
A mes yeux, ce texte est un bon texte et il mérite que nous lui apportions notre soutien.
M. Michel Barnier. Très bien !
M. François Lesein, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Lesein, rapporteur. Monsieur le président, en lieu et place du président de la commission des affaires culturelles qui n'a pu être présent en cet instant, je voudrais dire que je suis très sensible aux paroles de notre collègue M. Michel Mercier.
Je veux préciser que notre commission n'est pas composée, loin s'en faut, que de juristes. Le travail sérieux qu'elle a accompli - je remercie ceux qui l'ont souligné - reflète la qualité de ses collaborateurs que je tiens à saluer. J'espère qu'il en sera de même pour le prochain texte. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)

5

NOMINATION DE MEMBRES
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire sur le texte que nous venons d'adopter.
Il va être procédé immédiatement à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de cette commission mixte paritaire.
La liste des candidats établie par la commission des affaires culturelles a été affichée conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Adrien Gouteyron, François Lesein, Pierre Martin, Albert Vecten, James Bordas, Franck Sérusclat et Mme Hélène Luc.
Suppléants : MM. Philippe Arnaud, Jean-Claude Carle, André Egu, Jacques Legendre, Mme Danièle Pourtaud, MM. Yvan Renar et Victor Reux.

6

CANDIDATURE A` UNE COMMISSION

M. le président. J'informe le Sénat que le groupe des Républicains et Indépendants a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, en remplacement de M. Pierre Croze, décédé.
Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du règlement.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pendant une dizaine de minutes.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

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ACCORDS RELATIFS
A` LA QUATRIE`ME CONVENTION
ACP-CE DE LOMÉ

Adoption de trois projets de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion :
- du projet de loi (n° 199, 1997-1998), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord portant modification de la quatrième convention entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et le groupe des Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d'autre part (dite convention ACP-CE de Lomé). [Rapport n° 219 (1997-1998).]
- du projet de loi (n° 198, 1997-1998), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du protocole à la quatrième convention entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et le groupe des Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d'autre part (dite convention ACP-CE de Lomé), à la suite de l'adhésion de la République d'Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède à l'Union européenne. [Rapport n° 219 (1997-1998).]
- du projet de loi (n° 197, 1997-1998), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord interne entre les représentants des gouvernements des Etats membres, réunis au sein du Conseil relatif au financement et à la gestion des aides de la Communauté dans le cadre du second protocole financier de la quatrième convention ACP-CE. [Rapport n° 219 (1997-1998).]
La conférence des présidents a décidé qu'il sera procédé à une discussion générale commune de ces trois projets de loi.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la Communauté européenne est devenue, avec le temps, un important acteur en faveur du développement dans le monde. Son engagement depuis 1963 à travers le Fonds européen de développement, le FED, dans le cadre des conventions de Yaoundé puis de Lomé pour les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique - les pays ACP - en témoigne.
Son action bénéficie aujourd'hui non seulement à 70 pays ACP, mais aussi aux pays et territoires d'outre-mer associés à l'Union européenne, parmi lesquels nous comptons les territoires d'outre-mer français, Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon et les terres Australes et Antarctiques françaises.
La Communauté européenne et les pays ACP ont achevé en novembre 1995, à l'île Maurice, la révision à mi-parcours de la convention de Lomé IV.
Cette révision comporte notamment l'introduction d'une conditionnalité politique forte dans la politique européenne de coopération au développement. Elle permet en particulier à la Communauté, après consultation avec les pays ACP, de suspendre sa coopération en cas d'atteinte aux « éléments essentiels » de la convention que sont les droits de l'homme et la démocratie.
Cette révision apporte en outre des améliorations en ce qui concerne tant l'appui financier accordé aux pays ACP que l'accès offert à leurs produits sur le marché communautaire.
Je note enfin que c'est sur la base de cet accord de l'île Maurice que l'Afrique du Sud a pu, le 25 avril dernier, devenir le 71e pays ACP membre de la convention de Lomé, sans toutefois bénéficier du FED et des dispositions commerciales de la convention.
Ces améliorations apportées en 1995 au partenariat entre l'Union européenne et le groupe ACP préfigurent la négociation d'un nouvel accord qui façonnera, après l'an 2000, nos relations mutuelles.
Comme vous le savez, le débat a déjà commencé entre Européens. Il s'élargira aux pays ACP à partir de septembre 1998.
Je voudrais saisir l'occasion pour vous présenter, en quelques mots, la position du Gouvernement à ce sujet.
D'une manière générale, le Gouvernement est attaché au maintien de la spécificité des relations ACP-Union européenne, tout en souhaitant son adaptation en profondeur pour tenir compte du nouveau contexte international et gagner en efficacité. Cet accord s'appuiera donc sur les acquis des accords passés. Mais il sera également tourné vers l'avenir et devra prendre en compte le renforcement de la politique étrangère et de sécurité commune, la PESC, et la réalisation de l'union économique et monétaire ou encore l'ouverture des échanges internationaux.
Dans ce contexte, la France souhaite voir actualiser l'architecture générale du partenariat qui devrait distinguer un accord global et des accords régionaux - Caraïbes, Pacifique - ou sous-régionaux en Afrique. L'accord global inclurait l'essentiel de la composante politique et les grandes règles du volet commercial.
Concernant la composante politique, il nous semble essentiel qu'elle puisse être approfondie pour deux raisons.
D'abord, l'Union européenne est maintenant un ensemble politique, ce qui représente une donnée entièrement nouvelle dans les relations avec les pays ACP, en tout cas par rapport aux premières conventions de Lomé.
Ensuite, le bilan des précédentes conventions a révélé l'insuffisance du dialogue politique. Ce dernier devra être renforcé autour de valeurs communes : état de droit, démocratie, droits de l'homme, mais aussi bonne gestion des affaires publiques.
Il est également souhaitable que l'Union européenne joue mieux son rôle dans la prévention des crises et des conflits qui pourraient survenir dans les pays ACP.
Dans le même esprit, les nouvelles politiques communes européennes, telles que la lutte contre la drogue ou la criminalité, pourraient être mieux prises en compte dans nos relations avec les pays ACP. A ce titre, des structures de discussion Union européenne - ACP - pourraient être mises en place à Bruxelles sur les sujets relevant de la PESC.
En ce qui concerne la dimension commerciale des relations entre l'Union européenne et les pays ACP, elle doit s'inscrire dans une dynamique régionale. Notre objectif est ici, en priorité, d'aider les pays ACP à s'insérer dans l'économie mondiale. Cela passe par la mise en place de zones d'union douanière, en particulier en Afrique, suivie par des accords de libéralisation des échanges entre l'Union européenne et ces ensembles régionaux, pour les pays qui le souhaitent et après une phase de transition.
Il faudra, dans ce contexte, faire valoir notre point de vue dans le cadre de l'organisation mondiale du commerce, l'OMC. A cet égard, une meilleure concertation de l'Union européenne avec les institutions financières internationales est également indispensable dans le contexte des relations avec les pays ACP.
De façon générale, les intérêts des pays les plus pauvres devront être préservés, et la lutte contre la pauvreté placée au coeur du nouveau partenariat.
Lors des premiers débats entre Européens, il est apparu que l'aide aux pays les moins avancés, les PMA, serait un fondement du futur Lomé. De même, la préoccupation de lutte contre la pauvreté devra permettre de renforcer les actions de l'Union européenne en faveur de l'intégration régionale, de l'environnement, du développement du secteur privé, de la santé, de l'éducation et du développement institutionnel.
Enfin, j'ajouterai que, de notre point de vue, l'enveloppe financière devra être maintenue. Il nous faudra convaincre nos partenaires européens de préserver, pour le moins, l'enveloppe financière accordée aux pays ACP.
Mais il me faut revenir aux trois accords qui nous préoccupent plus spécifiquement aujourd'hui.
J'ai déjà évoqué l'accord de l'île Maurice, que l'on appelle « Lomé IV révisé ».
Le deuxième accord marque l'adhésion des nouveaux Etats membres de l'Union - Suède, Autriche et Finlande - à la convention de Lomé.
Le troisième accord comporte enfin les moyens financiers que la Communauté met à la disposition des pays ACP au titre du VIIIe FED.
Ce dernier accord, interne à la Communauté, signé en décembre 1995 par les représentants des gouvernements des Etats membres, fixe les ressources, l'affectation et les modalités de gestion du VIIIe FED pour la période 1996-2000, non seulement pour les pays ACP, mais aussi pour les pays et territoires d'outre-mer associés à l'Union.
Cet accord interne fixe aussi le mode de financement du VIIIe FED, dont le montant total, y compris les interventions de la Banque européenne d'investissement, la BEI, s'élève à près de 15 milliards d'écus. Le FED est alimenté par les contributions volontaires des Etats membres placées hors du budget communautaire. La France, à hauteur de 24,3 %, en devient le premier contributeur devant l'Allemagne.
Cet effort - faut-il le rappeler ? - était indispensable au maintien en termes réels de l'effort européen en faveur des pays ACP et des pays et territoires d'outre-mer, maintien acquis à l'issue du Conseil européen de Cannes, en juin 1995, sous présidence française de l'Union européenne. Il faut bien convenir que seul l'engagement de la France a permis de débloquer une négociation particulièrement difficile, afin que l'Union ne néglige pas son engagement en faveur des pays en développement.
Il reste, chaque fois que possible, à faire savoir, notamment aux pays bénéficiaires de ces accords, la part que la France prend précisément dans ce FED.
L'accord établit par ailleurs l'affectation de ces financements, tant au bénéfice des 70 pays ACP - 13 milliards d'écus du FED et près de 1,7 milliard d'écus de la BEI - que des pays et territoires d'outre-mer - 165 millions d'écus du FED et 30 millions d'écus de la BEI - associés à l'Union.
Les divers instruments de la convention - subventions pour des projets nationaux ou régionaux, système de stabilisation des recettes d'exportation (Stabex), facilité de financement spéciale pour les produits miniers (Sysmin), ajustement structurel - sont dotés d'enveloppes couvrant la même période.
Pour les pays et territoires d'outre-mer, dont les nôtres - Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon et les terres Australes et Antarctiques françaises - ces financements seront mis en oeuvre grâce à l'accord politique intervenu au Conseil des affaires générales du 6 octobre dernier sur la révision de la décision d'association des pays et territoires d'outre-mer à l'Union européenne.
En vertu de la répartition de l'aide programmable du VIIIe FED obtenue à cette occasion, nos territoires bénéficieront, dans un premier temps, d'un montant de 50,3 millions d'écus sur cinq ans qui sera complété par les sommes versées dans le cadre des autres formes d'aide.
L'adoption de ces financements indispensables au développement de nos territoires d'outre-mer et collectivités concernées ne fait pas obstacle à ce que nous parvenions, dans un proche avenir, à la création d'un fonds européen spécifique, distinct du FED.
Telles sont, monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales dispositions de l'accord portant modification de la convention de Lomé IV ACP-CE et de son protocole faisant suite à l'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède, signés à Maurice le 4 novembre 1995, et de l'accord interne à la Communauté relatif au financement et à la gestion des aides de la Communauté dans le cadre du VIIIe FED, signé à Bruxelles, le 20 décembre 1995, qui font l'objet des trois projets de loi aujourd'hui proposés à votre approbation. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. M. Hamel applaudit également).
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Paulette Brisepierre, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne voudrais pas revenir ici sur l'analyse du dispositif des trois accords concernant Lomé IV, dont le contenu vient de nous être clairement résumé.
Ces trois textes doivent plutôt être l'occasion, d'une part, de dresser un bilan du fonctionnement des accords de Lomé et, d'autre part, d'analyser les enjeux que présente la mise en oeuvre d'un partenariat complètement renouvelé entre l'Union européenne et les 71 pays du groupe des Etats ACP à l'horizon 2000.
Le bilan des accords de Lomé apparaît contrasté.
A l'actif, il convient sans doute, d'abord, de citer la mise en place d'une coopération prévisible et durable à travers une programmation pluriannuelle de l'aide. Mais l'acquis principal réside, sans doute, dans le maintien d'un lien privilégié entre les pays du Sud et l'Europe.
Ce lien a subsisté malgré les vicissitudes de l'histoire, et il trouve aujourd'hui sa traduction concrète dans le soutien financier apporté par le Vieux Continent aux Etats ACP. Ainsi, si l'on ajoute aux fonds communautaires les contributions nationales de chacun des Etats membres, l'aide européenne représente plus de la moitié de l'aide totale apportée par les pays industrialisés et 60 % de l'aide apportée à l'Afrique subsaharienne.
Toutefois, il faut le reconnaître, au regard des moyens déployés les résultats peuvent apparaître modestes.
En premier lieu, la coopération européenne n'a pu prévenir le mouvement de marginalisation économique et commerciale de l'Afrique. Ainsi, entre 1960 et 1992, le revenu par habitant en Afrique subsaharienne a progressé presque trois fois moins que le revenu de l'ensemble des pays en développement. En outre, la part de l'Afrique subsaharienne dans le commerce mondial ne dépasse pas 2 %.
De façon plus paradoxale, les exportations de la zone ACP vers l'Union européenne ont moins progressé que les exportations venant des autres pays en développement. Les parts de marché des pays ACP se sont donc dégradées : elles se sont même réduites de moitié entre 1994 et 1996.
Comment expliquer ces mauvais résultats ? Une part de responsabilité revient évidemment à la mauvaise gestion économique de beaucoup d'Etats en Afrique et ailleurs. En outre, les préférences commerciales accordées par la Communauté se sont érodées sous l'effet de la libéralisation des échanges organisés dans le cadre du GATT.
Mais les défauts propres à l'aide européenne ne sauraient être oubliés : la complexité et la lenteur des procédures - j'insiste sur la lenteur, car c'est notre gros défaut - l'absence d'une vision cohérente de l'aide au développement, l'insuffisance de la coordination avec les autres bailleurs de fonds.
L'échéance de la convention de Lomé IV en l'an 2000 sera l'occasion de remettre à plat les termes du partenariat entre l'Union européenne et les Etats ACP et, justement, de corriger certaines des lacunes de la convention actuelle.
Toutefois, la négociation ne s'engage pas sous des auspices très favorables. En moins d'une décennie, les priorités européennes se sont déplacées des pays ACP vers les pays d'Europe centrale ou orientale dans un contexte marqué, par ailleurs, par les restrictions budgétaires.
A cet égard, l'évolution de la dotation réservée aux pays ACP apparaît très révélatrice. Elle a baissé en effet de façon continue entre 1990 et 1997, et ne représente que 33 % de l'aide extérieure de la Communauté, contre 65 % en 1990.
L'Allemagne regarde plutôt vers l'Est et cherche à favoriser l'intégration des pays d'Europe centrale et orientale à l'Union. Le Royaume-Uni, quant à lui, défend la mise en place d'un dispositif de préférences généralisées pour l'ensemble des pays en développement dans un délai de cinq ans. C'est, dès lors, la spécificité même de la relation nouée avec les Etats ACP qui est en jeu.
La France a, pour sa part, intérêt à sauvegarder le principe d'un lien privilégié avec l'ensemble géographique formé par les pays ACP, en raison du soutien traditionnel qu'elle apporte aux pays africains. Contre la tentation du repli ou de la banalisation des relations entre l'Europe et la pays du Sud, la France doit défendre les principes qui fondent le partenariat Union européenne - ACP.
Ces principes, il faut le rappeler, reposent sur la conjonction de trois éléments : un dialogue politique étroit, un régime commercial préférentiel et une aide publique au développement importante.
Le volet commercial, certes essentiel, n'a pas vocation à éclipser les deux autres dimensions de l'accord de Lomé. En outre, l'approche commerciale elle-même ne saurait se résumer à la recherche exclusive du libre-échange.
Par ailleurs, la cohésion du groupe ACP doit être préservée. En effet, cette cohésion constitue incontestablement un facteur d'influence dans les négociations commerciales à l'échelle mondiale où les intérêts des pays en développement ne sont pas toujours reconnus.
L'Europe peut se flatter d'avoir favorisé une telle évolution. Cet acquis doit être sauvegardé. C'est pourquoi il est important d'inscrire le partenariat Union européenne-ACP dans le cadre d'un accord global commun, même si des accords complémentaires négociés sur une base régionale pourraient, dans ce cadre commun, prendre en compte les différences de situations économiques des pays bénéficiaires de l'aide européenne.
Enfin, la politique d'aide doit être révisée dans le sens d'une plus grande efficacité. A cette fin, il faut simplifier les procédures et les rendre plus transparentes pour les bénéficiaires. La bureaucratie bruxelloise a beaucoup de progrès à accomplir dans ce sens.
En outre, la priorité doit être accordée à la coordination entre les efforts de chacun des Etats membres et l'action communautaire. C'est un impératif non seulement pour la cohérence de l'aide au développement, mais aussi pour la bonne gestion des deniers publics.
En conclusion, l'Afrique et, au-delà, l'ensemble des pays ACP constituent un atout précieux, voire indispensable, pour le rayonnement de l'Europe dans le monde.
Par ailleurs, la crise des pays asiatiques peut conduire les entreprises à regarder davantage vers le continent africain, qui a renoué avec la croissance depuis plusieurs années.
En ce sens, aider l'Afrique, c'est aussi servir l'intérêt bien compris de l'Europe. C'est à la France qu'il appartient de convaincre nos partenaires de préserver le lien Union européenne-ACP. La ratification des trois accords liés à la convention de Lomé IV constitue, à cet égard, un préalable. C'est pourquoi la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous invite, mes chers collègues, à donner un avis favorable sur les trois projets de lois. (M. Henri Belcour applaudit.)
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Mauroy.
M. Pierre Mauroy. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'examen des modifications de la convention de Lomé IV nous offre l'occasion de dresser le bilan des mérites et des limites de cette forme de coopération. Comme tout bilan, il n'a de sens que si nous engageons une réflexion sur les perspectives de ce partenariat.
Le partenariat entre l'Union européenne et l'espace ACP constitue l'une des formes les plus élaborées et les plus originales de la construction communautaire en matière de politique étrangère. C'est aussi un axe fort de la politique extérieure française. Notre débat d'aujourd'hui est l'occasion de souligner les tendances à combattre pour l'avenir.
Un premier risque à éviter est d'évoluer vers une relation unilatérale entre donateurs et bénéficiaires et d'accentuer ainsi les situations de dépendance.
Un autre risque réside dans la perte sensible par les pays ACP de leurs parts de marché dans l'Union européenne et dans leur impuissance à opérer l'indispensable diversification de leurs économies.
La révision à mi-parcours de la IVe convention a permis quelques progrès, limités mais encourageants.
Je citerai d'abord le renforcement du volet politique et institutionnel, la réaffirmation de l'exigence de respect de l'état de droit, puis l'amélioration de la coopération commerciale, même si, en ce domaine, les effets positifs sont dus plus à la logique du système préférentiel qu'au développement économique des pays ACP.
Il est donc important que le nouveau protocole financier, marqué par la continuité, vise à assurer une utilisation plus efficace des ressources financières du Fonds européen de développement, dont la France est aujourd'hui le premier contributeur.
Le rapporteur de la commission, notre collègue Paulette Brisepierre, avait raison de le rappeler, l'effort de la Communauté en faveur de la zone ACP a décru de façon significative au cours des dernières années, en dépit de l'augmentation de douze à quinze du nombre de donateurs.
Disons-le, le bilan de Lomé IV est contrasté, voire mitigé. Il atteste, c'est vrai, de la validité de cette forme vitale de coopération instaurée par la première convention de 1975. Mais il en atteste aussi la fragilité, dès lors que les résultats sont en demi-teinte. C'est pourquoi, à l'approche des négociations préparatoires à un nouvel accord, la question est bien de savoir si nous saurons surmonter la fragilité de ce système, en conforter la validité, afin de réussir à rénover le partenariat de Lomé.
Pour nous socialistes, l'enjeu aujourd'hui n'est pas seulement Lomé IV. Je le dis tout de suite, monsieur le secrétaire d'Etat, nous allons voter les trois projets de loi présentés aujourd'hui. Mais nous sommes ici aussi pour réclamer Lomé V, et vous-même en avez ouvert la perspective.
Je sais que pour certains la nécessité de cette rénovation ne va pas de soi. Elle est pourtant indispensable.
Elle est une nécessité pour les pays ACP, qui ont besoin de cette coopération fondée sur le respect mutuel.
Elle est aussi une exigence pour l'Europe, qui, dans le cadre de sa politique étrangère et de sécurité commune, doit s'affirmer comme solidaire et généreuse, sauf, bien sûr, pour ceux qui acceptent comme inéluctable que la mondialisation entraîne un nouvel asservissement des pays les plus pauvres par les plus riches. Cela, naturellement, nous socialistes, nous ne l'acceptons pas.
La mondialisation doit au contraire être un outil au service d'un nouvel équilibre et d'une nouvelle solidarité entre les peuples, pour bâtir sur ces bases un développement économique et social durable.
C'est pourquoi Lomé V doit voir le jour avec la naissance du prochain siècle.
Ce n'est pas pour l'Europe une question de moyens. Les moyens, elle les détient. Qu'elle cesse d'être frileuse, cette Europe, et d'agir comme si elle était sans force. Elle peut peser face au FMI, à la Banque mondiale, à l'Organisation mondiale du commerce. Les Quinze disposent en effet, on l'oublie trop souvent, de près de 29 % des droits de vote au sein des institutions financières internationales.
C'est simplement une question de volonté politique : pour affirmer son identité dans l'optique de la mondialisation, l'Europe doit reconnaître la nécessité de rénover son partenariat.
Ainsi, à condition que l'Union européenne sache redessiner les contours de sa politique de coopération à l'égard des pays de la zone ACP, Lomé V pourra être un instrument de la refondation des relations Nord-Sud.
Trois priorités doivent pour ce faire être fortement affichées. Elles sont indispensables pour marquer les politiques en cours qui doivent préparer l'élaboration de Lomé V.
Il s'agit tout d'abord d'une priorité économique.
A cet égard, la relation entre l'Europe et les pays ACP doit tendre à atteindre deux objectifs majeurs.
Le premier est de diversifier les économies.
Malgré leurs mérites, les précédentes conventions ont enfermé les pays ACP dans leur rôle de fournisseurs de matières premières.
Aujourd'hui, l'Afrique exporte 75 % de matières premières et 25 % seulement de produits industrialisés. Ce n'est pas un hasard si le rapport est exactement inverse en Asie.
Il faut diversifier pour faciliter le décollage économique et sortir les pays du Sud de la marginalisation. Aussi, plutôt que d'en appeler à une meilleure rémunération des matières premières, faudra-t-il trouver un espace de dialogue pour débattre des accords commerciaux et prendre en compte à la fois la question de l'emploi en Europe et celle du développement dans les pays ACP.
Le second objectif est, comme vous l'avez souligné, monsieur le secrétaire d'Etat, de privilégier des dynamiques régionales.
La promotion de projets régionaux intégrés dans l'espace ACP autour de secteurs essentiels, comme le développement des infrastructures de communication, la maîtrise de l'énergie et le contrôle de l'eau, s'impose désormais comme une approche mieux appropriée que le strict cadre bilatéral.
Cependant, une coopération réduite à sa dimension économique s'avérerait vite limitée à des relations commerciales. C'est pour conjurer ce risque, réel, qu'il importe - c'est la deuxième priorité - de donner au partenariat entre l'Union européenne et les pays ACP une dimension plus sociale.
La préoccupation essentielle, dès lors qu'on admet la complémentarité entre la lutte contre la pauvreté et l'amélioration de la compétitivité, est d'assurer la répartition équitable des fruits de la croissance.
Les gouvernements doivent être encouragés à appuyer leurs projets de développement sur la société civile, les forces vives de la population, afin que les aides profitent au plus grand nombre.
Cette participation et cette responsabilisation des populations supposent naturellement que celles-ci aient accès dans les meilleures conditions possibles à l'information et à la formation. Cela est particulièrement vrai pour les jeunes filles, dont l'amélioration du niveau d'éducation est un facteur essentiel pour le développement de politiques de santé et de maîtrise démographique.
Dernière priorité : cet espace Union européenne - pays ACP doit avoir pour caractéristique première de se fonder sur le renforcement de l'état de droit et de la bonne gouvernance, sur la consolidation des principes démocratiques et le respect de tous les droits de la personne humaine.
L'objectif premier de la coopération de l'Union européenne à l'égard des pays ACP ne doit-il pas être de leur permettre de trouver leur existence propre, leur identité ? Cela suppose que ces pays aient la capacité de gérer eux-mêmes leur propre développement et donc qu'ils disposent d'institutions stables et démocratiques. C'est sur cette base que l'espace ACP trouvera son existence propre et pourra définir son identité spécifique, notamment par des efforts d'intégration régionale.
Les conditions d'une telle évolution existent désormais dans bien des pays ACP où le multipartisme est aujourd'hui légalisé, où une nouvelle génération politique s'est engagée dans le combat pour la démocratie. Nous savons bien qu'il n'existe pas de développement durable sans démocratie stable, et qu'un partenariat qui ignorerait les aspirations des peuples à la liberté et à la dignité serait tronqué. Je souhaite donc insister vivement pour que l'Union européenne, au moment où elle est confrontée aux perspectives de son élargissement, ne se dérobe pas à sa responsabilité et à ses engagements à l'égard de la zone ACP.
En conclusion, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il est acquis que la règle du jeu à l'aube du xxie siècle est la mondialisation. Il serait exagéré, voire absurde, de penser qu'un partenariat rénové entre l'Union européenne et l'espace ACP pourra redistribuer les cartes. Mais il pourra certainement changer la donne pour renforcer les atouts des pays les plus fragiles.
Certes, quarante et un des cinquante pays les moins avancés du monde appartiennent à l'espace ACP. Mais, dans le même temps, la situation économique s'est améliorée dans un nombre croissant de pays de ce groupe. Il est donc réaliste d'envisager leur avenir avec espoir, d'autant que, ne nous y trompons pas, l'équilibre économique et démocratique du monde ne se réalisera pas les uns contre les autres, ni les uns sans les autres, mais bien les uns avec les autres, dans une relation solidaire et confiante.
Cette relation solidaire et confiante est bien dans l'esprit des accords de Lomé, de ceux dont nous débattons aujourd'hui et de ceux que nous préparons pour demain.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous savons que c'est bien dans cette direction que vous travaillez, que l'ensemble du Gouvernement travaille, et nous y sommes très sensibles.
Plus largement, je sais bien que la tentation est de se détourner de ces pays ACP. Pourtant, aider les pays ACP, c'est aider l'Europe, c'est aider la France ! (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - Mme Brisepierre applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la discussion de ces trois conventions nous permet d'esquisser le bilan des conséquences et des suites de la convention de Lomé.
Cette convention, signée, en février 1975, voilà vingt-trois ans, avec quarante-six pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, s'est élargie à cinquante-huit pays ACP en 1979, à soixante-six pays en 1984, à soixante-neuf pays en 1989, et nous voici aujourd'hui à plus de soixante-dix pays ACP membres.
Le traité prévoyait dès l'origine un système de coopération déployant toutes les techniques d'aide au développement. Hélas ! en dépit des excellentes intentions de ses organisateurs, ce système a eu des résultats dont vous avez dit, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'ils étaient relativement décevants. Quant à Mme le rapporteur, elle les a qualifiés de très mitigés et M. Mauroy vient de parler de résultats en demi-teinte.
Le moment est donc venu d'examiner ce qui n'a pas « marché », car la convention de Lomé V se profile avec l'an 2000. A cet égard, je crois que l'on n'a peut-être pas suffisamment souligné un élément qui me semble avoir quelque importance : les trois locomotives, les trois promoteurs des relations entre l'Union européenne et l'ensemble ACP ne sont pas toujours d'accord sur les moyens et ne poursuivent pas toujours les mêmes fins.
L'Allemagne, tout d'abord, a donné aux accords de Lomé un caractère plus commercial que ne l'ont fait certains de ses partenaires, la France en particulier.
Surtout, depuis la chute du mur de Berlin, la grande priorité de l'Allemagne a bien sûr été le rapprochement avec les pays d'Europe centrale et orientale et leur intégration à l'Union européenne.
Telles ne sont pas du tout les orientations de la Grande-Bretagne, qui garde sous-jacente dans ses choix l'idée du Commonwealth et préserve les intérêts particuliers de cet ensemble qu'elle dirige au nom du rassemblement autour de la langue et des traditions historiques anglaises.
Enfin, pour ce qui nous concerne, nous Français, nous avons le souci légitime de sauvegarder le lien privilégié qui existe entre la France et toutes les nations francophones.
Aujourd'hui, nous ne pouvons que constater cet état de choses à l'occasion de la ratification de conventions qui auraient dû être ratifiées voilà quelque temps déjà. Mais la préparation des accords de Lomé V, dont nous souhaitons le succès, devrait être pour nous l'occasion d'insister sur la nécessité d'une entente entre toutes les nations ayant le plus grand rôle à jouer dans le renforcement des liens entre l'Europe et ces nations en voie de développement.
Ce souci exprimé, je voterai, bien évidemment, les trois projets de loi qui nous sont soumis.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?...
La discussion générale commune est close.
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. Les interventions qui ont succédé à la mienne me paraissent justifier quelques brèves observations de ma part.
Je veux tout d'abord souligner la qualité de Mme Brisepierre en tant que rapporteur.
M. Emmanuel Hamel. Elle est évidente et reconnue par tous !
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. Certes, et je remercie Mme le rapporteur de son soutien à ce texte et, au-delà, à la relation singulière entre l'Europe et les pays ACP.
Je rejoins en particulier son souhait de voir le régime commercial préférentiel lié à l'aide publique au développement, l'APD. Nous nous situons là dans la ligne directe du débat qui s'est tenu à Denver.
La France n'entend pas, elle, opposer l'investissement privé ou le commerce à l'aide publique au développement et considère que cette aide demeurera, pendant longtemps encore, tout à fait nécessaire.
M. Mauroy a quant à lui insisté sur les résultats que la convention de Lomé a permis d'obtenir, résultats qui sont en effet en demi-teinte.
Il y a quand même une bonne nouvelle : pour la première fois sans doute dans leur histoire, le taux de croissance du PIB de la plupart des pays africains de la zone franc dépasse le taux de croissance démographique. C'est très encourageant et c'est un point d'appui.
Nous avons d'ailleurs décidé, en application d'une décision prise lors de la réunion des ministres de la zone franc qui s'est tenue en septembre dernier, d'organiser cette année une campagne de communication pour mieux faire connaître la réalité de ces pays et modifier la vision pessimiste qui les dessert et en détourne très souvent les investisseurs.
Nous aurons un sujet supplémentaire de communication : l'arrivée de l'euro suscite de nombreuses inquiétudes, qu'il nous faut absolument dissiper pour inverser l'argument et faire la preuve que l'euro est également une chance pour les pays ACP concernés, notamment ceux de la zone franc.
Vous avez insisté aussi, monsieur Mauroy, sur la nécessité de donner une dimension plus sociale à nos politiques d'aide. Evidemment, vous rejoignez là les préoccupations du Gouvernement !
Quant à la relation entre développement et démocratie - vous avez évoqué la bonne gouvernance - il est vrai que, même si quelques pays qui ne sont pas des démocraties ont actuellement un taux de développement satisfaisant alors que d'autres, qui sont des démocraties, ont des difficultés, il n'y a pas de développement durable sans démocratie, ni de démocratie durable sans développement. C'est une vérité sur laquelle il convient d'insister.
Je veux dire enfin à M. Habert que je rencontrerai demain à Londres Mme Clare Short, mon homologue.
La position de la Grande-Bretagne demeure en effet quelque peu différente de la nôtre, notamment en ce qui concerne le périmètre des futurs accords qu'elle souhaiterait étendre au-delà de ce que nous envisageons, ce qui remettrait en question la logique géographique des accords ACP. Nous y sommes donc plutôt opposés.
Je peux cependant vous indiquer que nos voisins allemands, qui étaient d'abord très réservés, sont aujourd'hui favorables à la poursuite de la relation à laquelle vous avez marqué, les uns et les autres, votre attachement.

MODIFICATION
DE LA QUATRIÈME CONVENTION ACP-CE DE LOMÉ

M. le président. Nous passons à la discussion de l'article unique du premier projet de loi.

« Article unique . - Est autorisée la ratification de l'accord portant modification de la quatrième convention entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et le groupe des Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d'autre part (dite convention ACP-CE de Lomé), signé à Maurice le 4 novembre 1995, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Je vais mettre aux voix l'article.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, notre groupe votera les trois projets de loi relatifs aux accords de Lomé malgré les réserves que nous portons sur l'état de la coopération avec les pays concernés, réserves que nous avons suffisamment développées pour que je n'y insiste pas.
En effet, l'aide publique au développement est en forte régression dans le monde. Cela est malheureusement particulièrement vrai de l'aide accordée par la première puissance mondiale, les Etats-Unis.
Il ne nous semble pas acceptable, à l'orée du xxie siècle, que les pays africains dépensent quatre fois plus pour la résorption de leurs dettes que pour leurs services de santé, alors que l'on connaît les terribles menaces qui pèsent sur le continent africain en la matière, notamment à cause du sida.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai été bien sûr très intéressée par vos informations qui indiquent une amélioration de la situation économique de certains pays africains. Mais cette amélioration n'élimine pas, hélas ! tous les problèmes.
Par notre vote positif, nous souhaitons marquer notre attachement à la préservation d'acquis inscrits dans les accords de Lomé IV et aujourd'hui menacés.
Nous estimons que la coopération entre pays riches et pauvres constitue le défi essentiel pour les décennies à venir. Le développement harmonieux des Etats concernés est en cause, mais aussi, au-delà d'eux, l'évolution de l'humanité.
Des décisions quant à l'annulation de la dette, à la taxation des mouvements de capitaux et des délocalisations sont autant de décisions à prendre, et de façon urgente, pour franchir une étape décisive en faveur du développement.
Le phénomène dit de la mondialisation rime aujourd'hui avec une exploitation renforcée par les grandes puissances financières de zones du globe riches en matières premières et où la main-d'oeuvre est à bon marché, mais qui sont, hélas ! désertées par le droit du travail.
Faire face à la mondialisation, pensée sous le seul angle du libéralisme le plus sauvage, doit être, selon nous, l'objectif des futures négociations entre les pays d'Afrique, des Caraïbes, du Pacifique et l'Union européenne.
Cette dernière doit jouer un rôle nouveau afin d'être le moteur de la réussite du processus de codéveloppement.
Nous voterons donc le présent texte, mais nous tenions à exprimer ces quelques remarques.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

protocole
à la quatrième convention acp-ce de lomé

M. le président. Nous passons à la discussion de l'article unique du deuxième projet de loi.
« Article unique . - Est autorisée la ratification du protocole à la quatrième convention entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et le groupe des Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d'autre part (dite convention ACP-CE de Lomé), à la suite de l'adhésion de la République d'Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède à l'Union européenne, signé à Maurice le 4 novembre 1995, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

accord interne relatif au protocole financier
de la quatrième convention acp-ce de lomé

M. le président. Nous passons à la discussion de l'article unique du troisième projet de loi.
« Article unique. - Est autorisée la ratification de l'accord interne entre les représentants des gouvernements des Etats membres, réunis au sein du Conseil relatif au financement et à la gestion des aides de la Communauté dans le cadre du second protocole financier de la quatrième convention ACP-CE, fait à Bruxelles le 20 décembre 1995, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

8

TRAITÉ D'ENTENTE,
D'AMITIÉ ET DE COOPÉRATION
AVEC L'ALBANIE

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 202, 1996-1997), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification d'un traité d'entente, d'amitié et de coopération entre la République française et la République d'Albanie. [Rapport n° 182 (1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, par le projet de loi qui vous est présenté, le Gouvernement demande au Sénat de bien vouloir autoriser la ratification du traité d'entente, d'amitié et de coopération signé entre la France et l'Albanie le 12 décembre 1994 à l'occasion d'une visite en France du Premier ministre albanais.
Ce traité est de même nature que ceux qui ont été signés avec les pays d'Europe centrale et orientale après la chute du mur de Berlin. Ses deux principaux objectifs sont de créer un cadre favorable au développement de nos relations bilatérales avec l'Etat albanais et de les situer dans une perspective européenne.
La France et l'Albanie entendent placer le développement de leur coopération dans le contexte de la construction d'une Europe pacifique, solidaire et prospère.
Le traité tient compte du souhait de l'Albanie de développer ses relations avec l'Union européenne et d'adhérer au Conseil de l'Europe, ce qui est chose faite depuis le 13 juillet 1995.
S'agissant de nos relations bilatérales, ce traité vise à développer nos relations culturelles, qui n'avaient jamais cessé, même dans la période la plus fermée du régime d'Enver Hodja, et à identifier de nouveaux domaines de coopération, notamment économique.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a effectué une mission à Tirana en novembre 1997. Elle a pu se rendre compte que les objectifs assignés à ce traité répondent à une nécessité. L'on sait les difficultés que l'Albanie a connues au cours du printemps dernier.
La France, qui a participé activement au déploiement d'une force multinationale de protection sur le territoire albanais, a, vous le savez, pris avec ses partenaires européens, toutes ses responsabilités.
La volonté, telle qu'elle est exprimée dans ce traité, d'oeuvrer en faveur d'une Europe pacifique et solidaire et de permettre à l'Albanie de prendre la place qui lui revient dans la grande famille européenne ne doit pas être démentie. Les difficultés économiques et politiques que connaît l'Albanie depuis ces événements tragiques ne sauraient nous faire dévier de cet objectif. La stabilité de ce pays est indispensable à la stabilité de la région et indissociable de nos intérêts de sécurité dans les Balkans.
L'aspiration naturelle de l'Albanie à trouver sa place dans les différentes institutions de l'Union européenne doit être encouragée et soutenue. Les étapes qu'il lui faudra franchir sont évidemment nombreuses.
L'Albanie et l'Union européenne sont liées par un accord de coopération signé en 1992. Le Conseil des ministres des affaires étrangères des Quinze a décidé le 10 novembre dernier de réactiver cet accord. Un dialogue politique appelé à devenir régulier s'est d'ailleurs ouvert le 27 janvier, à Bruxelles, par une première réunion entre les représentants des ministres des affaires étrangères des Quinze et leur homologue albanais, M. Paskal Milo.
Avant d'aborder l'aspect de nos relations bilatérales proprement dites, je tiens à souligner que notre effort en direction de l'Albanie doit être jugé à l'aune de ce que nous entreprenons et finançons en conséquence au plan multilatéral.
Je pense notamment à l'assistance très importante que nous apportons à l'Albanie dans le cadre de l'Union européenne - 557 millions d'écus entre 1991 et 1996, 142 millions et d'écus pour 1997 et 1998, c'est-à-dire la plus forte aide de l'Union européenne per capita - assistance qui se concentre sur les réformes administratives et institutionnelles, les infrastructures, l'agriculture, le développement local.
Nous développons également notre action par l'intermédiaire de l'UEO, l'Union de l'Europe occidentale, qui a mis en place en Albanie un élément de conseil en matière de police, dont la mission est d'aider à la réhabilitation des forces de police. Nous y sommes particulièrement actifs puisque cet élément est dirigé par un colonel français et compte douze gendarmes français sur un effectif de soixante-quatre hommes. Cet engagement nous paraît répondre à la nécessité d'oeuvrer en Albanie en faveur du maintien de l'ordre dans le respect des règles d'un Etat de droit.
La mission qu'a effectuée la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a contribué à nourrir le dialogue politique entre nos deux pays, ce dont nous nous réjouissons. Peu de responsables politiques se sont effectivement déplacés en Albanie ces dernières années. Le président du Sénat, M. Monory, s'était rendu à Tirana en mars 1996. La visite que devait y effectuer, en février 1997, M. Barnier, alors ministre délégué aux affaires européennes, avait dû être annulée compte tenu des événements.
Mais nos relations politiques n'en sont pas pour autant limitées. Nos deux Présidents de la République se sont rencontrés en marge du sommet de Strasbourg en octobre 1997 et nos deux Premiers ministres, à Paris, au cours du même mois. Des rencontres avec des représentants du gouvernement albanais sont aménagées à chaque occasion. C'est ainsi que M. Vaillant, ministre des relations avec le Parlement, s'est entretenu avec le ministre d'Etat chargé des réformes institutionnelles en Albanie, M. Arben Imami, le 30 janvier dernier.
Il s'agit enfin de renforcer une présence culturelle française dans un pays où l'on compte près de 30 % de francophones. Comme le souligne le rapport de votre commission des affaires étrangères, il est exact que l'ouverture de l'Albanie sur l'extérieur risque de réduire la place du français dans ce pays et les solides acquis que nous y avons gagnés. Malgré la réduction des crédits d'intervention dévolus à notre coopération culturelle, nous n'entendons pas pour autant réduire notre effort.
Nous avons également choisi de privilégier dans ce domaine une approche multilatérale plutôt que bilatérale. C'est pourquoi nous avons fermement soutenu la candidature de l'Albanie à un statut d'observateur au sein des institutions de la francophonie lors du sommet de Hanoi. Cet engagement ne pourra qu'inciter l'Albanie à développer son action en faveur de la langue française.
Dans le domaine économique, nos relations demeurent modestes. La France arrive au sixième rang, loin derrière l'Italie, la Grèce, l'Allemagne, la Turquie et l'Autriche. Nos échanges commerciaux sont toutefois marqués par un fort excédent et par une progression rapide de nos exportations. Les problèmes économiques que rencontre l'Albanie ne permettent pas d'espérer un développement rapide et substantiel de nos relations, mais les perspectives de financements multilatéraux sur ce pays ne sont pas à négliger.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle le traité d'entente, d'amitié et de coopération entre la République française et la République albanaise, qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis à votre approbation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. André Rouvière, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les graves événements survenus voilà tout juste un an en Albanie ont différé l'examen par la Haute Assemblée du traité d'entente, d'amitié et de coopération franco-albanais.
L'Albanie a en effet connu, au cours de l'hiver 1997, une situation insurrectionnelle sans précédent, liée à l'effondrement de sociétés financières douteuses, dites « pyramidales », qui avaient recueilli une très large part de l'épargne de la population albanaise. De ce fait, du jour au lendemain, presque toute la population s'est retrouvée ruinée.
Cette crise, qui est intervenue dans un contexte régional sensible en raison de la question des Albanais du Kosovo et de Macédoine, a justifié l'intervention d'une force multinationale, à laquelle la France a contribué. Elle a entraîné la démission du Gouvernement et, à la suite de la dissolution du Parlement, de nouvelles élections, qui ont provoqué, en juin 1997, un renversement de majorité et l'arrivée au pouvoir du parti socialiste.
C'est dans ce nouveau contexte que l'Albanie tente aujourd'hui de renouer avec la paix civile et de reconstruire son économie, avec l'aide de la communauté internationale.
En dépit de sa proximité géographique, l'Albanie, longtemps isolée du reste de l'Europe, demeure un pays mal connu. Afin de mieux apprécier son évolution depuis l'avènement de la démocratie en 1992 et d'évaluer les conséquences de la crise de l'hiver 1997, la commission des affaires étrangères a organisé en Albanie, au mois de novembre dernier, une brève mission d'information à laquelle j'ai eu l'honneur de participer avec notre collègue André Boyer.
Ce déplacement et les rencontres avec les principales autorités politiques du pays nous ont permis de mesurer les difficultés que rencontre l'Albanie dans la transition politique et économique qu'elle a entreprise en 1992.
Sur le plan intérieur, les élections de l'année dernière n'ont guère apaisé les vives tensions qui caractérisent la vie politique albanaise. Comme en 1996, la régularité de cette consultation a été contestée ; elle l'a été cette fois-ci par le parti démocratique, qui boycotte depuis lors les travaux du Parlement.
Ce parti a d'ailleurs adopté la même attitude à notre égard puisque, malgré nos demandes répétées d'entrevues et les nombreuses invitations de notre ambassadeur, nous n'avons pu rencontrer aucun de ses membres. L'impartialité de l'Etat pour les nominations dans la fonction publique et dans l'armée est loin d'être évidente. Quant au respect du pluralisme de l'information télévisée, c'est un sujet permanent de controverses passionnées.
La mise au point d'une constitution destinée à remplacer les actuelles lois provisoires se heurte à de fortes divergences sur la conception de l'équilibre des différents pouvoirs, à propos notamment des prérogatives dévolues au Président de la République.
L'ordre public et la paix civile ont été rétablis, ou presque, même si la criminalité demeure, hélas ! très importante. Mais une quantité considérable d'armes, pillées lors des émeutes de l'hiver dernier, reste disséminée au sein de la population. L'armée et la police sont très affaiblies et leur réorganisation est aujourd'hui un axe majeur de la coopération internationale, notamment par le biais de l'OTAN et de l'UEO.
Sur le plan économique, l'Albanie sort appauvrie de la crise financière de l'an passé. L'Etat a vu chuter ses ressources fiscales, alors que les destructions considérables infligées aux infrastructures ainsi qu'aux bâtiments publics et privés engendrent d'importants coûts de reconstruction. Pour employer une image, je dirai que quasiment tout le pays a été pillé par sa propre population.
Enfin, bien que toute contagion vers les pays voisins ait été évitée, le contexte régional demeure une vive source de préoccupations. La situation de la minorité albanaise de Macédoine et surtout celle du Kosovo, province serbe peuplée à 90 % d'Albanais, constituent incontestablement un facteur de risque pour la stabilité régionale.
Ce tableau assez sombre, qui traduit cependant la réalité de la crise vécue par l'Albanie, ne doit pas occulter plusieurs motifs d'espoir.
L'économie albanaise dispose d'atouts incontestables, qui lui avaient permis, durant près de cinq ans, d'afficher de forts taux de croissance, et la communauté internationale, dès le mois d'octobre, a retenu le principe d'une importante assistance financière. Celle-ci est certes conditionnelle et implique la mise en oeuvre, par le gouvernement albanais, de mesures rigoureuses et difficiles ; mais elle doit permettre à ce pays de retrouver la voie du développement économique.
En matière diplomatique, le nouveau gouvernement a adopté une attitude modérée sur la question du Kosovo et de la Macédoine afin de ne pas attiser les tensions régionales. Des relations solides se sont nouées non seulement avec l'Italie, premier partenaire de l'Albanie, mais aussi avec la Grèce, après des décennies de rivalités.
Enfin, comme celui qui l'a précédé, le nouveau gouvernement albanais exprime fermement sa volonté d'ancrer ce pays à l'Europe. Tel est le sens de l'appartenance de l'Albanie au Conseil de l'Europe et à l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l'OSCE, ainsi que de l'aide conséquente qu'elle a reçue et continue de recevoir de l'Union européenne.
Dans ce contexte, comment se présentent les relations entre la France et l'Albanie et quelle peut être la portée du traité qui nous est soumis aujourd'hui ?
Il me paraît essentiel de souligner tout d'abord la place de tout premier plan occupée par le français en Albanie. Il serait parlé ou compris par 30 % de la population, et une très large part de l'élite politique et intellectuelle est parfaitement francophone. Tous les membres du gouvernement actuel parlent français, de même que de nombreux parlementaires, comme nous avons pu le constater. L'Albanie vient d'ailleurs, lors du sommet de Hanoï, de faire son entrée en qualité d'observateur dans les instances de la francophonie.
La place remarquable du français en Albanie impose, de l'avis de la commission, une exigence forte : la préservation de ce capital francophone qui s'est maintenu même au plus fort de l'isolement du pays.
A cet égard, deux priorités nous paraissent devoir être retenues.
La première concerne l'enseignement français qui, sans aller dans l'immédiat, comme le demandent les Albanais, jusqu'à la création d'un lycée français équivalent à celui de Korçà, ouvert après la Première Guerre mondiale, pourrait très utilement être développé dans le cadre de filières d'enseignement en français dans les établissements albanais. Il s'agit d'une solution pragmatique qui permettrait d'obtenir des résultats rapides.
La seconde priorité est la création d'un centre culturel, qui répond à un besoin évident et qui, nous semble-t-il, pourrait fonctionner à un coût raisonnable tout en bénéficiant d'un rayonnement important. Nous avons pu participer à des manifestations animées par les représentants français. Nous avons pu constater le succès qu'elles rencontraient dans la population, aussi bien parmi les intellectuels et les politiques que parmi les étudiants.
Dans ces conditions, la commission a vivement déploré la forte baisse des crédits de coopération culturelle consacrés à l'Albanie qui, de 8 millions de francs en 1992, sont passés à 4 millions de francs en 1997. Monsieur le secrétaire d'Etat, il faudrait renverser cette orientation. En effet, il serait regrettable que l'acquis que nous avons pu constater en ce qui concerne le français ne puisse pas être conservé. Nous souhaiterions même, bien sûr, qu'il soit développé.
J'ajoute que, en dehors du domaine culturel, notre coopération a développé quelques projets dans les secteurs de l'agriculture et de la santé.
La France apporte, par ailleurs, une contribution active à l'Elément multinational de conseil en matière de police, ainsi que vous l'avez dit voilà un instant, monsieur le secrétaire d'Etat.
En matière économique, les échanges franco-albanais demeurent faibles, la France n'étant que le sixième partenaire de l'Albanie. On peut espérer que les entreprises françaises pourront profiter des opportunités offertes par la reprise de l'aide internationale et par l'octroi de financements multilatéraux. A ce titre, je déplore vivement que, en l'absence de nomination d'un conseiller financier, le poste d'expansion économique soit pratiquement en sommeil. Nous attendons par conséquent, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous puissiez remédier à cette situation.
Le traité d'entente, d'amitié et de coopération entre la France et l'Albanie, signé voilà déjà trois ans, est un texte tout à fait comparable aux nombreux instruments analogues qui nous lient à la plupart des pays d'Europe centrale et orientale. Il constitue essentiellement un cadre général symbolisant la volonté des deux pays de renforcer leur coopération. Il consacre un volet au renforcement de nos relations politiques bilatérales, qui sont aujourd'hui limitées. Je rappellerai que, depuis l'avènement de la démocratie, un seul ministre français s'est rendu en Albanie. Monsieur le secrétaire d'Etat, un rattrapage de ce retard serait, je crois, particulièrement bien accueilli par nos amis albanais.
Par ailleurs, le traité formalise le soutien de la France pour favoriser l'ancrage de l'Albanie aux différentes institutions européennes.
Le traité évoque, enfin, les différents domaines de coopération bilatérale et encourage les deux Etats à développer leurs relations économiques et financières.
Au-delà des doutes qui ont pu apparaître il y a quelques mois sur l'avenir de l'Albanie, il a semblé très important à la commission des affaires étrangères de permettre la ratification de ce traité, si longtemps différée.
Alors qu'il recevait des mains du président Monory les insignes d'officier de la Légion d'honneur, le grand écrivain albanais Ismaïl Kadaré déclarait, le 16 décembre dernier, à propos de son pays : « Ce peuple au lourd destin, traumatisé et déchiré en deux, a besoin aujourd'hui plus que jamais, dans la situation dramatique qu'il traverse, d'une parole qui ravive ses espoirs. »
L'adoption du projet de loi dont nous sommes saisies attestera, j'en suis convaincu, de notre volonté de voir l'Albanie démocratique retrouver le chemin de la paix civile et du développement, dans une région d'Europe qui compte déjà suffisamment de facteurs potentiels d'instabilité.
Elle doit également être l'occasion de relancer nos relations bilatérales avec ce pays, où nous disposons d'un réel capital de sympathie et où un renforcement de notre coopération culturelle paraît indispensable.
Pour cet ensemble de raisons et sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous propose d'adopter le présent projet de loi.
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Très bien !
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. Je tiens à dire à M. le rapporteur combien j'apprécie la qualité de l'éclairage qu'il vient de nous donner sur la situation d'un pays auquel nous nous intéressons tous.
Cette situation demeure, sur le plan politique, particulièrement tendue. Nous savons ainsi que le parti démocratique a adressé un appel au boycott, et nous observons que c'est, hélas ! une habitude dans ce pays : un parti battu aux élections appelle nécessairement - si j'ose dire - au boycott.
Il faudra sans doute du temps avant que la démocratie s'enracine dans ce pays - elle a été trop longtemps absente - mais nous n'entendons pas, en tout cas, relayer les partis qui boycottent les travaux de l'assemblée et appellent à l'organisation d'élections anticipées. Nous devons, en revanche, continuer d'exercer des pressions pour ramener l'opposition au Parlement, favoriser la réconciliation nationale et, à cette fin, faire pression sur le gouvernement albanais.
Les élections législatives de 1997, contrairement à celles de juin 1996, ont été jugées satisfaisantes par les observateurs, en particulier par le coordinateur spécial de l'OSCE, Mme Catherine Lalumière.
Quant à vos espoirs en ce qui concerne la présence francophone, le secrétaire d'Etat chargé de la francophonie que je suis par ailleurs ne peut qu'y être sensible. Je veux simplement vous dire que, en dépit d'une réduction budgétaire que je déplore comme vous, nous n'avons pas réduit notre dispositif culturel en Albanie, et nous entendons le renforcer.
A Tirana, l'Alliance française est extrêmement dynamique. Elle dispose de deux antennes, l'une dans le nord, l'autre dans le centre ; une troisième sera implantée dans le sud-est, et nous voudrions étendre son action à l'ensemble du territoire.
Je ne puis malheureusement pas vous donner beaucoup d'assurances en ce qui concerne le lycée français, pour des raisons que vous imaginez aisément, mais nous pouvons nous demander si nous ne pouvons pas faire mieux au sein des établissements albanais eux-mêmes.
Enfin, je transmettrai à M. Védrine votre souhait concernant la nomination d'un conseiller financier et la visite, attendue, d'un ministre français.
M. Emmanuel Hamel. Dites à M. Strauss-Kahn qu'il faut passer de 4 millions de francs à 8 millions de francs !
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée la ratification du traité d'entente, d'amitié et de coopération entre la République française et la République d'Albanie, signé à Paris le 12 décembre 1994, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

9

AVENANT À LA CONVENTION FISCALE
AVEC LE CANADA SIGNÉE LE 2 MAI 1975

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 172, 1996-1997), autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Canada tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée le 2 mai 1975 et modifiée par l'avenant du 16 janvier 1987. [Rapport n° 252 (1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la France et le Canada sont liés depuis 1975 par une convention fiscale tendant à éliminer les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune.
Le second avenant à cette convention, soumis aujourd'hui à votre approbation, a été signé à Ottawa le 30 novembre 1995. Il vise essentiellement à tenir compte de l'évolution de la structure de nos échanges bilatéraux avec le Canada, qui s'appuient de plus en plus sur les investissements croisés et sur les partenariats technologiques alors que les flux commerciaux sont d'une ampleur limitée. C'est pourquoi les négociations ont porté plus particulièrement sur la redéfinition du régime fiscal applicable aux revenus d'investissement et aux plus-values consécutives à des opérations de restructuration.
Avec 3 % du stock, depuis 1991, la France se maintient au cinquième rang des investisseurs étrangers au Canada, tandis que le volume des investissements canadiens en France a été multiplié par vingt au cours des dix dernières années. On compte aujourd'hui près de trois cent cinquante entreprises françaises au Canada, dont deux tiers se trouvent au Québec. La France est ainsi particulièrement bien représentée dans le secteur des équipements électriques, de l'électronique, de l'informatique, de la chimie-pharmacie, du bâtiment, de l'énergie. Parallèlement, cent vingt entreprises canadiennes sont présentes en France.
Afin de tenir compte de ces importants flux d'investissement, le nouvel avenant plafonne désormais la retenue à la source en matière de dividendes à 5 % lorsque la société mère bénéficiaire de la distribution détient directement ou indirectement au moins 10 % du capital de la société distributrice.
Il exonère de retenue à la source les redevances dues pour l'usage ou la concession de l'usage de logiciels d'ordinateurs et de brevets en ce qui concerne la communication d'informations dans le domaine industriel, commercial ou scientifique.
Il confère à l'Etat de résidence de la société cédante le droit exclusif d'imposer les plus-values dégagées au cours de cessions de titres opérées dans le cadre d'une opération de restructuration.
Il crée, enfin, une commission d'arbitrage en cas de désaccord persistant dans le cadre de la procédure de concertation entre les deux Etats relative à l'élimination des doubles impositions.
La convention ainsi modifiée devrait permettre aux entreprises françaises de se repositionner à leur avantage sur le marché intérieur canadien vis-à-vis des autres partenaires économiques concurrents de la France et qui ont conclu avec le Canada des conventions plus récentes et mieux adaptées à la situation économique actuelle.
J'aimerais enfin ajouter que le nouvel avenant a également reçu l'avis favorable du conseil général de l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelin, qui relève dans son avis que les dispositions du nouvel accord lui paraissent « de nature à donner à notre fiscalité un caractère plus attractif pour les investisseurs canadiens ».
C'est à l'ensemble de ces titres que le Gouvernement vous recommande donc aujourd'hui d'autoriser l'approbation de l'avenant à la convention fiscale franco-canadienne du 2 mai 1975, signé à Ottawa le 30 novembre 1995.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Emmanuel Hamel, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, lequel d'entre nous, même à l'occasion de l'examen d'une convention fiscale et financière, ne se sent empreint d'émotion, de mélancolie et de gratitude lorsqu'est évoqué le Canada ?
Pour un Français, le Canada, ce ne sont pas seulement ces grandes et magnifiques provinces de l'Ontario, du Saskatchewan - et bien d'autres encore - mais c'est aussi le Québec.
M. Jacques Legendre. Bravo !
M. Emmanuel Hamel, rapporteur. Sous le contrôle de notre collègue M. Habert, grand maître de la vie de Verrazane et qui a écrit à ce sujet des livres admirables, je dirai que, en 1524, lorsque Verrazane donna le nom de Nouvelle-France à l'Acadie, c'était au nom du roi de France. Je rappellerai également que, en 1534, lorsque, après avoir quitté Saint-Malo, Jacques Cartier s'est agenouillé dans la cathédrale Saint-Vincent avant de descendre le Saint-Laurent, ce fut encore au nom du roi de France, comme ce fut en son nom qu'il déclara que le Québec, qu'il avait en quelque sorte découvert, était terre de France.
Nous avons la mélancolie de cette époque, du triste traité de 1763 que nous n'évoquons jamais sans regret, mais nous éprouvons aussi une profonde émotion au rappel de la beauté de cet admirable pays : nous connaissons les duretés de son hiver, la flamme admirable de ses couleurs en septembre, lorsque les forêts s'embrasent de ces teintes rouges inoubliables.
Mélancolie, tristesse, émotion, mais aussi gratitude pour la fidélité du Canada envers la France : nous ne pouvons oublier, fût-ce à l'occasion de l'examen d'un simple texte financier et fiscal, les 30 000 Canadiens qui ont été présents sur le sol français pour le défendre pendant la guerre de 1914-1918. Et comment oublier l'héroïsme des Canadiens débarquant en 1942 à Dieppe ? Grâce au sacrifice extraordinaire qu'ils accomplirent alors, ils permirent de définir la stratégie de reconquête de la France qui fut appliquée lors des débarquements de 1944. Plus de 37 000 Canadiens sont morts dans les combats de la libération de la France ! Ayons une pensée pour ces hommes qui ont témoigné, par le sacrifice de leur vie, de l'attachement tout particulier de la France et du Canada, du Canada tout entier et non pas seulement du Québec.
J'en viens au présent projet de loi, qui a pour objet de ratifier le second avenant apporté à la convention fiscale franco-canadienne du 2 mai 1975 conclue entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la Républicaine française, tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune.
Permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat - et je le fais avec regret, car vous n'êtes pas personnellement le véritable responsable - de déplorer le retard pris dans la procédure d'approbation. En effet, le Canada a officiellement notifié, dès le 14 mai 1996, avoir accompli toutes les procédures légales et constitutionnelles requises pour l'entrée en vigueur du texte. La phase parlementaire de notre procédure d'approbation commence donc avec près de deux ans de retard.
M. Jacques Legendre. Eh oui !
M. Emmanuel Hamel, rapporteur. Ce retard risque d'apparaître un peu désinvolte à l'égard du Canada et de nos amis canadiens. Il est également préjudiciable à nos compatriotes établis au Canada, qui attendent avec impatience l'entrée en vigueur de ce texte.
Le présent avenant devait être examiné au printemps 1997. Il a été retiré in extremis de l'ordre du jour, dans l'attente de l'avis - obligatoire - de la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon, que l'on avait omis de solliciter. Et comment signer un tel texte sans l'avis de la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon ? Cet avis, favorable, a été rendu le 17 mars 1997.
La dissolution de l'Assemblée nationale peut expliquer le report du texte à l'automne suivant, mais, curieusement, le présent avenant ne figurait pas à l'ordre du jour de la séance que le Sénat a tenue le 10 décembre 1997, alors que deux conventions fiscales ont été examinées ce jour-là, dont l'une était plus récente.
Il me semble donc, monsieur le secrétaire d'Etat, que le retard qui a été pris n'a pas d'autre motif qu'une défaillance, que nous déplorons, dans l'organisation du travail gouvernemental, à laquelle il faudra vraiment remédier. Je me fais ici le porte-parole du président de la commission des finances, actuellement retenu en commission par diverses auditions, pour vous demander de veiller, monsieur le secrétaire d'Etat, à ce que, désormais, de tels retards ne se reproduisent plus.
Les relations économiques et commerciales entre la France et le Canada pourraient être beaucoup plus intenses qu'elles ne le sont. Le Canada représente seulement 1 % de nos exportations et moins de 1 % - 0,6 % exactement - de nos importations.
Le solde commercial est traditionnellement excédentaire en faveur de la France, grâce, notamment, aux biens d'équipement aéronautiques.
Longtemps concentrés au Québec, les échanges économiques et commerciaux se sont étendus à d'autres provinces canadiennes, en particulier l'Ontario.
Les investissements français au Canada - nous nous en réjouissons - comme les flux de services et du tourisme, sont en augmentation rapide : avec un stock de près de 4,5 milliards de dollars canadiens, la France est le cinquième investisseur au Canada, tandis que le volume des investissements canadiens en France a été multiplié par vingt - je dis bien par vingt en dix ans, pour atteindre près de 2 milliards de dollars canadiens.
Une convention fiscale est indispensable pour faciliter ces flux d'investissements croisés, qui permettent des coopérations industrielles fructueuses entre nos deux pays.
Rappelons que l'on compte plus de 350 entreprises françaises au Canada, dont les deux tiers au Québec.
Dans le rapport qui vous a été remis, mes chers collègues, sont évoquées les entreprises françaises parmi les plus prestigieuses qui sont déjà présentes au Canada, de GEC Alsthom à L'Oréal, en passant par Jeumont-Schneider, Thomson-CSF, Bull, Rhône-Poulenc, Roussel Uclaf, sans oublier Pechiney, les ciments Lafarge, Air Liquide, Gaz de France, autant de sociétés performantes et célèbres qui témoignent de la créativité et du génie technique français au Canada et auxquelles j'ajouterai, pour clore la liste, Elf-Aquitaine, Michelin et Mérieux, que, sénateur du Rhône, j'éprouve plaisir et fierté à citer ; c'est l'une de ces grandes firmes qui font l'honneur et l'avenir de la présence française dans le monde.
Les échanges commerciaux suscitent des flux humains. La communauté française au Canada est évaluée à plus de 110 000 personnes, dont 70 000 dans la seule province du Québec. Réciproquement, la communauté canadienne en France est estimée à 8 000 personnes. Le présent avenant était très attendu par ces communautés d'expatriés, car il règle le problème de la double imposition des successions, qui se posait depuis longtemps.
Cet avenant à la convention fiscale du 2 mai 1976 a principalement pour objet - je serai très bref puisque vous avez le rapport en mains - de régler les points suivants : la définition des biens immobiliers en conformité avec la pratique française ; l'adaptation de l'article relatif à l'imposition de la fortune afin de tirer les conséquences de l'instauration de l'impôt de solidarité sur la fortune en France ; la modification des règles françaises d'élimination des doubles impositions afin d'étendre la technique du crédit d'impôt, qui permet de préserver la spécificité du barème, à la différence de la technique de l'exemption ; le règlement de la double imposition des mutations par décès résultant de la suppression par le Canada, en 1971, des impôts sur les successions et les donations au profit d'une imposition des plus-values ; enfin, le transfert de l'avoir fiscal aux résidents du Canada percevant des dividendes de source française.
Le Canada, qui négociait dans le même temps un avenant à la convention le liant aux Etats-Unis, a désiré aligner certaines dispositions de la convention fiscale avec la France sur les solutions retenues avec son voisin nord-américain. Ces apports ont notamment consisté dans une réduction de 10 % à 5 % du taux de la retenue à la source applicable aux dividendes servis à une société mère.
Enfin, il convient de souligner certaines dispositions de l'avenant qui tendent à renforcer la lutte contre l'évasion fiscale internationale.
Le Canada a souhaité inclure une clause anti-abus empruntée à la convention fiscale franco-américaine du 31 août 1994 destinée à prévenir l'usage abusif de la convention par l'intermédiaire d'établissements stables situés dans des Etats à fiscalité privilégiée ; cet euphémisme, chacun l'aura compris, désigne les paradis fiscaux.
De même, les Etats contractants, le Canada et la France, confirment expressément leur droit d'appliquer leurs dispositions légales destinées à prévenir l'évasion fiscale internationale. Pour la France, il s'agit des articles 209 B et 212 du code général des impôts.
Cette précision est importante, car des décisions de justice récentes ont considéré que ces dispositions de droit interne sont contraires aux principes des conventions fiscales internationales dans la mesure où elles aboutissent à maintenir des doubles impositions.
Au total, la convention fiscale ainsi modifiée s'écarte assez souvent, mais dans son détail seulement, du modèle de l'OCDE. Cela s'explique par l'ancienneté et la densité des liens économiques existant entre nos deux pays. Il s'agit vraiment d'un texte sur mesure.
Telles sont, mes chers collègues, les principales dispositions de l'avenant à la convention franco-canadienne du 2 mai 1975, dont la commission des finances vous propose d'autoriser l'approbation. Ce faisant, elle vous demande de bien vouloir vous souvenir de l'émotion de l'hémicycle, debout, saluant le Premier ministre du Canada, M. Chrétien, lorsqu'il nous honora de sa prestigieuse présence, en décembre 1994. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je veux d'abord souligner l'admirable intervention de notre excellent rapporteur, à qui je me dois également d'exprimer toute ma gratitude pour les propos très aimables qu'il a tenus à mon endroit. Il est infiniment rare d'entendre tant de lyrisme, tant de poésie, tant d'évocations historiques, et une aussi forte expression du sentiment d'amitié unissant deux pays - en l'espèce, le Canada et la France - à la tribune de notre assemblée à l'occasion de l'examen d'une convention fiscale. (Sourires.) C'est, en tout cas, assez inhabituel pour qu'on le souligne.
Mais revenons en à des propos plus terre à terre.
L'article 14 de l'avenant, qui propose une nouvelle rédaction de l'article 19 de la convention de 1975, définit le régime d'imposition des salaires et des pensions publiques. Il maintient le principe de l'imposition de ces revenus dans l'Etat de la source, mais il donne - c'est bien - un caractère d'exclusivité à cette imposition en énonçant que ces revenus ne sont imposables que dans cet Etat.
Voilà donc une ligne très clairement tracée qui permettra maintenant de régler les difficultés qui avaient surgi, à cet égard, pour nos 114 000 compatriotes - ce sont là les estimations des services du ministère des affaires étrangères - qui se trouvent au Canada, parmi lesquels 39 000 à 40 000 immatriculés, dont plusieurs milliers de fonctionnaires.
A ce propos, il est une catégorie qui souffre particulièrement d'un manque de clarté dans ses impositions, même si ce qui est en cause, en fait, c'est le double paiement de cotisations sociales en France et au Québec ; je veux parler des enseignants résidents. Ces fonctionnaires résidents du Québec doivent acquitter des cotisations sociales là-bas, mais, en tant que fonctionnaires français, ils doivent également acquitter des cotisations sociales en France. Toutefois, ils n'ont droit qu'à une seule retraite puisque les cotisations sont établies au titre de la même fonction. Il y a là une anomalie que, depuis plusieurs années, nous essayons de faire cesser.
Or, les cotisations sociales au Québec sont fiscalisées. J'espère qu'ainsi rédigé cet article 14, appelé à devenir l'article 19 de la convention, pourra nous permettre de rouvrir le dossier.
J'ajoute qu'à l'issue de la réunion interministérielle du 24 janvier 1997 - du temps du précédent gouvernement - une solution allait être proposée, en accord avec les ministères des affaires étrangères, des finances et des affaires sociales, pour que cesse cette double imposition.
Le nouveau Gouvernement, monsieur le secrétaire d'Etat, a accepté les dispositions qui avaient été prises précédemment. Il a été annoncé officiellement au conseil d'administration de l'Agence de l'enseignement du français à l'étranger, qui s'est tenu récemment, le 19 décembre 1997, que ces propositions étaient reprises et que bientôt un échange de lettres interviendrait à ce sujet.
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cette question est extrêmement importante. L'attente est grande d'une décision du Gouvernement français pour que cessent ces doubles cotisations, qui pèsent lourdement non pas sur les professeurs expatriés, qui sont bien payés, mais sur ceux qui sont résidents et néanmoins fonctionnaires français.
Cette discussion m'a donné l'occasion d'attirer l'attention sur cette question. Je n'attends pas, bien sûr, monsieur le secrétaire d'Etat, une réponse immédiate. Je vous demande simplement de faire part à vos collègues du Gouvernement de notre souhait que ce problème soit résolu très bientôt.
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. Monsieur Hamel, j'ai, moi aussi, été sensible au souffle épique que vous avez fait passer sur l'assemblée en faisant référence à l'histoire mais également à ce que les Canadiens ont su faire pour la France aux moments tragiques que vous avez rappelés.
Pour ce qui est de la beauté des paysages, à Ottawa, où je me suis rendu, la végétation n'était guère présente ! J'espère faire mieux la prochaine fois. (Sourires.)
M. Emmanuel Hamel, rapporteur. Allez dans les Laurentides, c'est magnifique !
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. S'agissant de la longueur de la procédure d'approbation parlementaire, je n'en suis évidemment pas responsable - vous l'avez dit - et pour cause : d'abord, ce n'est pas exactement mon domaine et je relève aussi que, entre le 30 novembre 1995 et aujourd'hui, ce Gouvernement n'a pas été le seul aux affaires.
Il y a toutefois quelques éléments conjoncturels que je veux vous livrer.
Comme souvent, le texte signé en langue française comportait quelques erreurs matérielles qu'il a fallu corriger avant d'engager la procédure d'approbation.
L'avenant étant applicable à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, il a fallu demander l'avis de celle-ci. Or, cet avis, sollicité à la fin de 1996, n'a été connu que quelques mois plus tard, en avril 1997.
Enfin, voilà que la dissolution de l'Assemblée nationale, par décret du 21 avril 1997, est venue, évidemment, modifier l'agenda du Parlement !
On peut effectivement regretter que ce texte ne soit pas applicable aux revenus de 1998. Il eût fallu, pour que tel fût le cas, que la procédure d'approbation fût achevée avant la fin du mois de novembre 1997.
Telles sont les raisons pour lesquelles, en effet, presque deux ans après les Canadiens, nous allons enfin ratifier cet avenant à la convention franco-canadienne du 2 mai 1975, avenant qui, je le rappelle, monsieur Habert, ne concerne que l'impôt sur le revenu et non les cotisations sociales.
Pour que votre préoccupation puisse être prise en considération, il faudrait donc un accord spécifique concernant, cette fois, les conventions de sécurité sociale. Par conséquent, c'est un autre texte qui devrait être mis en oeuvre pour vous donner satisfaction. Je transmettrai votre demande, mais je ne puis préjuger le résultat de ma démarche.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Canada tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée le 2 mai 1975 et modifiée par l'avenant du 16 janvier 1987, signé à Ottawa le 30 novembre 1995 et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

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CONVENTION FISCALE
AVEC LA MONGOLIE

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 396, 1996-1997) autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Mongolie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole). [Rapport n° 251 (1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la convention fiscale en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, qui a été signée à Paris le 18 avril 1996, s'inscrit dans le processus de démocratisation de la société mongole et de libéralisation de l'économie engagé dans ce pays depuis 1990.
Au moment où la négociation de cette convention a débuté, la Mongolie évoluait dans un environnement économique particulièrement difficile, dû au passage, que je viens d'évoquer, d'une économie planifiée à une économie de marché et à l'effondrement de son ancien allié soviétique avec lequel la Mongolie se trouvait dans un état de dépendance totale.
La transition économique mongole a suivi quatre axes : réforme fiscale, libération des prix, restructuration bancaire et privatisation des entreprises publiques. Ce programme, également destiné à attirer les investisseurs étrangers, se heurte à certaines limites structurelles dont la persistance d'une très forte inflation - plus de 50 % - l'obsolescence de l'appareil productif, le mauvais état des finances de l'Etat - déficits publics de près de 18 % du PIB - et une forte dette extérieure.
La Mongolie a bénéficié d'une aide importante de l'Union européenne de 10 millions d'écus en 1996-1997, et ses échanges se recentrent désormais vers l'Europe avec laquelle la Mongolie effectue maintenant 25 % de son commerce extérieur.
La France est un partenaire commercial marginal de la Mongolie - 0,4 % - la seule entreprise française ayant développé une stratégie d'implantation dans cet Etat étant Alcatel. Pourtant, plusieurs secteurs sont potentiellement porteurs pour l'industrie française : les télécommunications, les transports, l'énergie, l'agroalimentaire mais également le tourisme, comme l'ont confirmé des missions récentes.
La conclusion d'une convention fiscale avec cet Etat qui, pour l'heure, paraît être d'un intérêt limité, ne pourra qu'inciter nos entreprises à être plus présentes sur ce marché, même si la difficulté de financer des projets, eux-mêmes souvent mal identifiés, peut être un handicap.
Les principes posés par la convention vous sont largement connus, puisqu'ils s'inspirent pour l'essentiel du modèle de convention fiscale de l'Organisation de coopération et de développement économiques. Il est à relever néanmoins la mise en place d'un mécanisme de crédit d'impôt fictif en matière de dividendes, d'intérêts et de redevances, dispositif classique dans les conventions fiscales conclues par la France avec les pays en développement.
Ce dispositif, très attractif pour les sociétés françaises disposant de filiales en Mongolie, a été encadré dans le temps - dix ans à compter de l'entrée en vigueur de la convention - et dans son champ d'application : il ne concerne que les produits ayant fait l'objet en Mongolie d'une incitation fiscale en vue de la promotion du développement économique du pays.
J'aimerais conclure en soulignant la qualité de nos relations politiques avec cet Etat : le président Otchirbat s'est rendu en visite en France en avril 1996, un ambassadeur de France non résident a été nommé en octobre 1996 à Oulan-Bator et les échanges parlementaires sont - comme vous le savez - fréquents, le groupe d'amitié du Sénat s'étant rendu sur place en juillet 1996.
C'est pour l'ensemble de ces raisons que le Gouvernement vous recommande d'autoriser l'approbation de la convention fiscale franco-mongole du 18 avril 1996.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. M. Emmanuel Hamel, en remplacement de M. Jacques Chaumont, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. C'est avec tristesse que je prends la parole car j'imagine à quel point mes collègues se sentent frustrés de ne pas avoir le privilège d'entendre notre collègue M. Jacques Chaumont dont la connaissance de la Mongolie, notamment, et de tous les problèmes internationaux est si grande, ce qui fait de lui un orateur si apprécié du Sénat. Mais ses obligations internationales le privent aujourd'hui de la possibilité de présenter lui-même son rapport et je le fais avec confusion et un sentiment d'humilité comparant ses énormes moyens aux miens, moi qui n'ai pas encore le privilège et l'honneur de connaître la Mongolie.
Le présent projet de loi tend à autoriser l'approbation de la convention, signée à Paris le 18 avril 1996, entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Mongolie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune.
En Mongolie, engagée depuis 1989 dans un processus de démocratisation réconfortant et positif, les deux premières élections libres de 1990 et de 1992 ont maintenu au pouvoir l'ancien parti unique, puis l'opposition démocratique a remporté successivement les élections présidentielles de 1993, avec l'élection de M. Otchirbat, et législatives de juin 1996.
Des réformes économiques libérales importantes ont été engagées par le nouveau gouvernement mongol depuis 1990.
Les néo-communistes qui ont reconquis la présidence en mai 1997 ne remettent pas en question les réformes démocratiques ni même le choix en faveur de l'économie de marché dans un pays riche d'avenir, ayant plus de 4 600 kilomètres de frontières avec la Chine et 3 600 kilomètres avec la Russie.
La Mongolie traverse actuellement une période de cohabitation, car son Gouvernement dépend uniquement du Parlement monocaméral, le Grand Khoural, tandis que son président, élu au suffrage universel pour quatre ans, dispose d'un veto législatif sans pouvoir dissoudre le Parlement. Ainsi sont les équilibres institutionnels subtils de la Constitution mongole.
Dois-je rappeler, mais vous le savez tous, que dès 1253, Louis IX, Saint Louis, roi de France, envoyait déjà deux émissaires français, dont un moine franciscain André de Longjumeau, à la cour des souverains mongols ; que la Mongolie a été reconnue par la France comme un Etat indépendant en avril 1965 ; que la politique extérieure mongole a cessé, depuis 1990, de s'aligner sur celle de la Russie ; que le président Otchirbat, que vous avez évoqué tout à l'heure dans votre discours d'introduction, monsieur le secrétaire d'Etat, a honoré la France d'une visite fort appréciée du 17 au 21 avril 1996, année de la nomination d'un ambassadeur à Oulan-Bator ?
La dynamique et éminente ministre de l'environnement du précédent gouvernement, Mme Corinne Lepage, s'est rendue l'an dernier, au mois de mars, au nom du Gouvernement de la France, en Mongolie où elle a reçu un accueil mémorable.
La qualité de nos relations avec le peuple mongol et la République mongole a été brillamment concrétisée l'an dernier par la visite en France du ministre des affaires étrangères mongoles M. Altangerel. Déjà en 1991, le secrétaire d'Etat aux affaires étrangères de la France, M. Alain Vivien, s'était rendu en Mongolie pour lui dire l'espoir de la France en son renouveau et en son expansion.
L'activité du groupe d'amitié sénatorial France-Mongolie, que vous avez à juste titre évoquée, monsieur le secrétaire d'Etat, est exemplaire. N'est-elle pas l'un des symboles, l'un des signes de l'amitié et de la sympathie de la France pour le Gouvernement mongol, sa démocratie et son noble peuple à la si grande histoire et dont les progrès au troisième millénaire sont certains et seront grands, symboliques de la vitalité asiatique ?
Rendons hommage, un hommage mérité, à notre éminent collègue Hubert Durand-Chastel qui a beaucoup contribué au rétablissement de relations diplomatiques normales et confiantes entre nos deux pays, la Mongolie et la France.
La Mongolie compte moins de 2,5 millions d'habitants, pour une superficie trois fois supérieure à la nôtre : plus de 1,5 million de kilomètres carrés. Son économie, comme vous l'avez souligné, monsieur le secrétaire d'Etat, est en voie de développement, mais le produit national brut par habitant est encore inférieur à 400 dollars.
L'aide soviétique, qui a cessé en 1990, représentait 30 % du PNB de la Mongolie jusqu'en 1989. Sans elle, la Mongolie, par ses remarquables efforts, connaît une significative croissance, avec un taux de 6 % en 1997, et dégage un excédent extérieur.
Les relations bilatérales entre la France et la Mongolie ont longtemps souffert de ses relations préférentielles, pour ne pas dire exclusives, avec l'Union soviétique et le COMECON.
A la suite de la visite officielle en France du président Otchirbat en avril 1996, un ambassadeur non résident a été nommé à Oulan-Bator en octobre 1996. La présente convention fiscale, dont la négociation a été engagée dès 1991, a été signée à l'occasion de cette visite.
La France est un partenaire commercial encore, hélas ! marginal de la Mongolie, ainsi que vous l'avez souligné tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat, dont elle ne représente que 0,4 % des parts de marché. Ce pourcentage correspond à des flux commerciaux annuels de l'ordre de 35 millions de francs.
La seule entreprise française réellement implantée en Mongolie ainsi que vous l'avez souligné, monsieur le secrétaire d'Etat, en la citant, ce qui est un honneur pour elle, est Alcatel, qui a bénéficié en 1992 d'un protocole bilatéral de 20 millions de francs qui lui a permis de remporter par la suite 200 millions de francs de marchés. Quelques entreprises françaises sont également présentes en Mongolie dans le domaine des transports.
L'aide financière française prend la forme de dons. Leur volume est, à notre regret, limité. Le protocole de 10 millions de francs signé en 1995 a été complété en mars 1997 par un protocole de 20 millions de francs, destiné aux projets d'infrastructures. Puisse cette majoration n'être qu'une étape, un progrès vers un soutien français plus actif à la croissance économique de la Mongolie.
La convention fiscale conclue entre la Mongolie et la France est pour l'essentiel fidèle au modèle de l'OCDE et ne s'en écarte que sur des points mineurs ou interprétatifs.
Le paragraphe 3 de l'article 11 relatif à l'imposition des intérêts prévoit que ceux-ci sont exonérés dans l'Etat de la source lorsqu'ils sont perçus ou payés par l'Etat contractant, une de ses collectivités locales ou une de ses personnes morales de droit public. Cette disposition s'appliquera notamment aux prêts de la COFACE.
Le point 4 du protocole annexé précise que la rémunération des services techniques de conseil et d'ingénierie est considérée comme un revenu et non pas comme une redevance. En effet, certains Etats ont une interprétation extensive de la notion de redevance, car celle-ci peut être imposée dans l'Etat de la source même en l'absence d'établissement stable.
L'article 17 prévoit que, lorsque les activités des artistes et des sportifs sont financées essentiellement par les fonds publics d'un Etat, leurs revenus ne sont imposables que dans cet Etat. Cette clause, dérogatoire au modèle de convention de l'OCDE, est traditionnelle dans les conventions signées par la France.
L'article 23, relatif à l'élimination des doubles impositions, prévoit un mécanisme de crédit d'impôt fictif du côté français. Ainsi, une entreprise pourra déduire de son impôt en France l'impôt qu'elle aurait dû payer en Mongolie, même si elle en est par ailleurs exonérée. Ce dispositif est encadré : d'une part, il ne s'applique que dans le cadre d'un régime d'incitation fiscale destiné à favoriser le développement économique de la Mongolie, d'autre part, il n'est prévu que pour une période de dix ans éventuellement renouvelable.
La présente convention fiscale, au regard de la faiblesse actuelle des relations économiques entre la France et la Mongolie, répond autant à des considérations d'ordre diplomatique et de sympathie réciproque qu'à des intérêts commerciaux, dans l'attente et l'espoir de leur prochain développement pour l'intérêt commun de la Mongolie et de la France.
Il s'agit là d'un texte qui participe au rétablissement de relations diplomatiques normales entre la France et la Mongolie et qui est aussi de nature à accompagner le développement économique de ce pays ami.
C'est pourquoi la commission des finances propose au Sénat d'autoriser l'approbation de cette convention, la voyant comme une étape sur la voie de l'élargissement du renforcement et de l'intensification des relations politiques, économiques, culturelles et techniques, amicales pourrais-je ajouter, entre la Mongolie et la France qui, vous le savez, porte au peuple mongol l'estime et la sympathie qu'il mérite. (Applaudisements.)
M. le président. Peut-être aurez-vous l'envie de découvrir la Mongolie, monsieur Hamel...
M. Emmanuel Hamel, rapporteur. Je rends hommage au dynamisme de Gengis Khan !
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Mongolie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole), signée à Paris le 18 avril 1996 et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

11

NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UNE COMMISSION

M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe des Républicains et Indépendants a présenté une candidature pour la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.
La présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame : M. André Gaspard, membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, en remplacement de Pierre Croze, décédé.

12

DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI

M. le président. J'ai reçu de MM. Michel Barnier, Alphonse Arzel, Denis Badré, Claude Belot, Jean Bernard, Roger Besse, Jean Bizet, François Blaizot, Gérard Braun, Mme Paulette Brisepierre, MM. Charles Ceccaldi-Raynaud, Gérard César, Jacques Chaumont, Charles de Cuttoli, Désiré Debavelaere, Charles Descours, Michel Doublet, Daniel Eckenspieller, Pierre Fauchon, Gérard Fayolle, Hilaire Flandre, Jean-Pierre Fourcade, Yann Gaillard, Patrice Gélard, Jacques Genton, Alain Gérard, Paul Girod, Daniel Goulet, Georges Gruillot, Bernard Hugo, Roger Husson, Bernard Joly, André Jourdain, Alain Joyandet, Pierre Laffitte, Gérard Larcher, Dominique Leclerc, Jacques Legendre, Jean-François Le Grand, François Lesein, Jacques Machet, Jean Madelain, Pierre Martin, Mmes Lucette Michaux-Chevry, Nelly Olin, MM. Paul d'Ornano, Joseph Ostermann, Victor Reux, Roger Rigaudière, Louis Souvet et André Vallet une proposition de loi relative à l'élection des membres français du Parlement européen.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 267, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de MM. Robert Pagès, Michel Duffour, Jean Dérian, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM. Guy Fischer, Pierre Lefebvre, Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM. Louis Minetti, Jack Ralite, Ivan Renar et Mme Odette Terrade une proposition de loi relative à la délégation aux greffiers des attributions dévolues par la loi aux greffiers en chef.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 270, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

13

RETRAIT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu une lettre par laquelle M. Michel Barnier déclare retirer la proposition de loi relative à l'élection des membres français du Parlement européen (n° 81, 1997-1998) qu'il avait déposée avec plusieurs de ses collègues au cours de la séance du 13 novembre 1997.
Acte est donné de ce retrait.

14

DEPÔT D'UNE RÉSOLUTION

M. le président. J'ai reçu, en application de l'article 73 bis , alinéa 8, du règlement, une résolution, adoptée par la commission des affaires culturelles, sur la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative au cinquième programme-cadre de la communauté européenne pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (1998-2002) et la proposition de décision du Conseil relative au cinquième programme-cadre de la communauté européenne de l'énergie atomique (EURATOM) pour des activités de recherche et d'enseignement (1998-2002) (n° E-847).
Cette résolution sera imprimée sous le numéro 261 et distribuée.

15

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION
D'ACTE COMMUNAUTAIRE

M. le président. J'ai reçu de M. le premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution : proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au rapprochement des régimes juridiques de protection des inventions par le modèle d'utilité.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-1006 et distribuée.

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DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu de M. Gérard Braun un rapport fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, permettant aux organismes d'habitations à loyer modéré d'intervenir sur le parc locatif privé en prenant à bail des logements vacants pour les donner en sous-location (n° 185, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 262 et distribué.
J'ai reçu de M. Claude Huriet un rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme (n° 222, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 263 et distribué.
J'ai reçu de M. Jean-Marie Girault un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer (n° 196, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 264 et distribué.
J'ai reçu de M. Charles Jolibois un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur le projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale, en deuxième lecture, relatif à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs (n° 234, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 265 et distribué.
J'ai reçu de Mme Paulette Brisepierre un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Namibie sur la coopération culturelle, scientifique et technique (n° 203, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 266 et distribué.
J'ai reçu de M. Christian Bonnet, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la nationalité.
Le rapport sera imprimé sous le numéro 269 et distribué.

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DÉPO^T D'UN AVIS

M. le président. J'ai reçu de M. Guy Penne un avis présenté au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi relatif à l'application de la convention du 13 janvier 1993 sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l'emploi des armes chimiques et sur leur destruction (n° 291, 1996-1997).
L'avis sera imprimé sous le numéro 268 et distribué.

18

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 4 février 1998 :
A dix heures :
1. Discussion de la proposition de loi (n° 260, 1996-1997), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la responsabilité du fait des produits défectueux.
Rapport (n° 226, 1997-1998) de M. Pierre Fauchon, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Aucun amendement n'est plus recevable.
A quinze heures :
2. Discussion du projet de loi (n° 196, 1997-1998), adopté par l'Assemblée nationale, portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer.
Rapport (n° 264, 1997-1998) de M. Jean-Marie Girault, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Délai limite pour le dépôt des amendements : ouverture de la discussion générale.
3. Eventuellement, suite de l'ordre du jour du matin.

Délais limites pour le dépôt des amendements

Conclusions de la commission des lois (n° 314, 1995-1996) sur la proposition de loi de M. Serge Vinçon et de plusieurs de ses collègues tendant à autoriser les élus des communes comptant 3 500 habitants au plus à conclure avec leur collectivité des baux ruraux.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 9 février 1998, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des lois (n° 20, 1997-1998) sur :
- la proposition de loi de M. Nicolas About tendant à modifier les dispositions du code civil relatives à la prestation compensatoire en cas de divorce (n° 151, 1996-1997) ;
- la proposition de loi de M. Robert Pagès et plusieurs de ses collègues relative à l'attribution de la prestation compensatoire en cas de divorce (n° 400, 1996-1997).
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 9 février 1998, à dix-sept heures.
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, permettant aux organismes d'habitations à loyer modéré d'intervenir sur le parc locatif privé en prenant à bail les logements vacants pour les donner en sous-location (n° 185, 1997-1998).
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 9 février 1998, à dix-sept heures.
Projet de loi relatif à l'application de la convention du 13 janvier 1993 sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l'emploi des armes chimiques et sur leur destruction (n° 291, 1996-1997).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 10 février 1998, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UNE COMMISSION PERMANENTE

Dans sa séance du mercredi 4 février 1998, le Sénat a nommé :
M. André Gaspard membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, en remplacement de M. Pierre Croze, décédé.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Fermeture de la succursale de la Banque de France à Narbonne

185. - 4 février 1998. - M. Roland Courteau attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les problèmes liés aux menaces de fermeture qui pèsent sur certaines succursales de la Banque de France, et notamment celle de Narbonne, dans l'Aude. Il lui indique, sur ce point, toute la difficulté à obtenir du Gouverneur de la Banque de France la moindre réponse aux démarches entreprises auprès de lui. Ce qui est pour le moins choquant. Il relève par ailleurs que le Gouvernement a fait savoir, quant à lui, et par écrit au Gouverneur de la Banque de France, qu'il souhaiterait qu'aucune succursale ne soit fermée et que lors du conseil général du 18 décembre 1997, aucune décision ne soit prise sur le fond d'une décision qui exige un éclairage complet. C'est pourquoi, à la suite de ces recommandations tant en termes d'emploi que de qualité de service public ou d'aménagement du territoire, il lui demande quelle est l'évolution de ce dossier et s'il est en mesure de lui apporter tous apaisements concernant les intentions du Gouverneur de la Banque de France.

Gestion et traitement des déchets en Dordogne

178. - 30 janvier 1998. - M. Gérard Fayolle appelle l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur le plan pour la gestion et le traitement des déchets de la Dordogne. Il lui demande si certaines modifications vont être apportées au plan arrêté en 1995 et dans ce cas de lui préciser lesquelles.

Avenir du tribunal de commerce de Châtillon-sur-Seine

179. - 30 janvier 1998. - M. Henri Revol souhaite faire part de son inquiétude à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, quant à la possible suppression du tribunal de commerce de Châtillon-sur-Seine, dans le cadre de la refonte de la carte judiciaire. Cette réforme intégrerait la circonscription de Châtillon à celles de Montbard et Semur-en-Auxois qui dépendent du tribunal de commerce de Dijon, entraînant ainsi la disparition du tribunal de Châtillon, et ce, en dépit d'une activité soutenue. Ainsi, pour l'année 1997, 152 affaires ont été inscrites : 126 ont été évacuées, dont 103 par jugement contradictoire et RC, 1 par défaut, 22 par radiation, désistement, 26 affaires restant à juger au 31 décembre 1997. Aussi, il souhaiterait savoir s'il ne serait pas plus opportun que le tribunal de Châtillon puisse désencombrer le tribunal de commerce de Dijon en lui intégrant les circonscriptions de Montbard et de Semur-en-Auxois. Il semblerait dommageable, en effet, alors que les pouvoirs publics font de l'aménagement du territoire l'une de leurs priorités, que l'on choisisse de priver le Châtillonnais de sa juridiction de commerce. En tout état de cause, il souhaiterait obtenir des assurances quant à la pérennité du tribunal de commerce de Châtillon-sur-Seine.

Fermeture des bureaux de poste en milieu rural

180. - 30 janvier 1998. - M. Louis Souvet attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à l'industrie sur les fermetures des bureaux de poste en milieu rural. Avec la caducité du contrat de plan, les élus locaux sont en droit de se poser des questions quant à la pérennité du service postal en milieu rural. Service postal qui est souvent l'unique service public encore en activité dans de nombreuses communes, service public qui permet à de nombreuses personnes isolées et âgées, ne disposant pas d'un moyen de transport autonome d'effectuer un certain nombre d'opérations bancaires (par exemple retrait d'une pension). La restriction des heures d'ouverture participe de cette même logique de désengagement, des horaires minimaux et inadéquats entraîneront une moindre fréquentation, amoindrissement statistique qui provoquera à terme une décision de fermeture, aggravant ainsi le phénomène de désertification. Dans le même temps, il est procédé dans le cadre du dispositif emplois-jeunes à un certain nombre d'embauches. Il lui demande si le coût de ces nouvelles mesures n'accélérera pas encore plus les fermetures de bureaux du fait d'un accroissement général des frais de fonctionnement. Il convient de rappeler fort à propos que, pour les emplois-jeunes, « sont exclues les activités correspondant à leurs compétences traditionnelles » (ici celles des préposés).