M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, que je remercie d'être à nouveau présente dans notre assemblée.
L'informatisation du secteur de la santé engagée par les gouvernements successifs est une nécessité, et je souscris pleinement aux objectifs affichés, car il s'agit de moderniser un secteur essentiel, dont l'importance économique et sociale est bien connue. Le thème est d'ailleurs d'actualité puisque, si mes sources sont exactes, une importante convention est en cours de signature.
Permettez-moi à ce sujet de présenter deux remarques.
Premièrement, la formation et l'information nécessaires du corps médical sont-elles suffisamment larges et précises ? Les médecins, en particulier les médecins de ville, comprennent-ils ce qui leur sera demandé ? Savent-ils comment s'équiper en matériel et en logiciels ? Ne conviendrait-il pas, compte tenu de l'insuffisance de cette formation et de cette information, de retarder jusqu'au 30 juin la date limite de dépôt des demandes d'aide à l'informatisation ?
Deuxièmement, vous avez décidé de développer l'utilisation des cartes SESAME VITALE 1 dans une partie du territoire d'abord puis sur l'ensemble du territoire. Ne serait-il pas souhaitable en même temps d'expérimenter le système SESAME VITALE 2, dont le contenu médical, simple mais évolutif, intéresserait probablement beaucoup plus l'ensemble du corps médical ? Je crains en effet que le système SESAME VITALE 1, qui contient essentiellement des renseignements d'ordre administratif, certes utiles pour les caisses primaires d'assurance maladie, soit ressenti comme moins positif par le corps médical.
Je ne voudrais pas que, compte tenu de la modification des habitudes qu'implique l'informatisation, le corps médical se sente un peu frustré. En effet, ce qui l'intéresse vraiment, c'est le contenu médical. Or ce contenu me semble trop complexe pour être prédéfini par une structure administrative, aussi compétente soit-elle, sans expérimentation préalable.
M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Le département des Alpes-Maritimes souhaiterait, compte tenu de son dynamisme et de ses réalisations en matière d'informatique et de télécommunications, conduire une telle expérimentation, en accord avec la caisse primaire d'assurance maladie, les médecins hospitaliers et les médecins libéraux. Accepteriez-vous que nous pratiquions un tel test, madame le ministre ?
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le sénateur, votre question me permet de faire le point sur l'informatisation du système de santé.
J'ai eu à m'en occuper dès mon arrivée au ministère et j'ai eu alors le sentiment, sentiment que vous semblez partager, que ce dossier avait été pris à l'envers et qu'il accusait beaucoup de retard.
En effet, on a expliqué aux médecins qu'ils devaient s'informatiser pour transmettre, par le système SESAME VITALE 1, leurs ordonnances à la Caisse nationale de l'assurance maladie, laquelle pourrait ainsi contrôler les prescriptions et les honoraires. Les médecins ont donc considéré l'informatisation d'abord comme un outil de coercition et de contrôle, alors qu'elle doit être beaucoup plus.
Elle doit d'abord - c'est l'objet de la carte SESAME VITALE 2 - offrir la possibilité de suivre le malade. En effet, cette carte permettra, en toute sécurité, de conserver la mention des examens de santé et des bilans préalables, donc d'éviter les doubles examens, mais aussi de mieux comprendre le passé médical du malade.
Elle donnera également la possibilité - c'est tout l'enjeu du réseau de santé sociale que nous mettons en place - de transmettre aux médecins des éléments d'aide au diagnostic, d'aide aux protocoles, pour les rendre à la fois moins coûteux et plus efficaces, mais aussi elle facilitera la détection des épidémies, pour y porter remède au plus vite. Voilà l'enjeu de l'informatisation.
Quand nous sommes arrivés au Gouvernement, nous avons trouvé un corps médical complètement bloqué contre l'informatisation, ce qui fait que l'aide décidée par la CNAM de 9 000 francs par médecin, qui devait être versée avant le 31 décembre, n'avait donné lieu qu'à très peu de demandes de la part des médecins, tant ils redoutaient cet outil de coercition.
Nous avons d'ores et déjà repoussé le délai à mars 1998. En outre, avec Bernard Kouchner, nous avons décidé de charger une personnalité, M. Joël Renaudin, de s'occuper de l'ensemble du dossier d'informatisation dans ses volets médical, hospitalier et de liaison avec la caisse nationale de l'assurance maladie.
Parallèlement, j'ai mis en place un groupe de médecins destiné à faire comprendre à l'ensemble du corps médical que le partage de l'information doit avant tout aider à l'amélioration de la politique de santé, que la maîtrise des dépenses de santé n'est qu'un aspect second du problème et que, d'ailleurs, elle sera favorisée plus par l'absence de doublon en termes d'examen ou par l'établissement de protocoles plus fins et meilleurs pour les malades que par l'utilisation d'un outil de coercition technocratique et centralisé, comme cela avait été prévu. (Protestations sur les travées du RPR.)
Si, il a été conçu comme cela, et il y a des centaines de milliers de médecins dans ce pays...
M. Charles Descours. Vous ne les avez pas encore convaincus !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... qui ne se sont pas informatisés parce qu'ils ont eu peur des contrôles,...
M. Charles Descours. Ils ont toujours peur !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... alors que l'informatisation est un outil formidable d'amélioration du système de santé !
A force de vouloir faire peur, au lieu d'inciter l'ensemble des professionnels de santé à participer à l'amélioration de ce système, on en arrive à des blocages qui sont dignes du xixe siècle !
M. Charles Descours. Tout à fait !
M. le président. Veuillez conclure, madame le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Les choses évoluent, et je m'en réjouis : ainsi, SESAME VITALE 1 sera, comme prévu, expérimenté en Bretagne dès le mois d'avril, mais je suis d'accord avec vous pour estimer que c'est SESAME VITALE 2, déjà expérimenté à Nantes, qui constitue l'élément essentiel du dispositif, grâce aux informations que nous pourrons soumettre aux médecins et à la participation de ceux-ci aux programmes de santé, à la connaissance des épidémies, par le biais du réseau « Santé sociale ». Nous négocions actuellement un contrat avec un organisme qui mettra en place ce grand réseau.
J'espère que les médecins comprendront l'enjeu de l'informatisation et qu'ils s'équiperont dans un bref délai. Pour cela, il faut que la CNAM fixe très rapidement les normes, afin que nous rattrapions notre retard et que nous disposions d'un outil essentiel à la politique générale de santé. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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