M. le président. La parole est à Mme Borvo, auteur de la question n° 160, adressée à M. le secrétaire d'Etat aux anciens combattants.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cinquante-trois ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale les « déportés du travail », comme les appelle le langage courant, restent les seuls, parmi les victimes de ce conflit, à ne pas être dotés d'un titre officiel qualifiant véritablement les épreuves qu'ils ont subi. Parmi eux se trouvent, évidemment, ceux qui ont été raflés par représailles et qui ont obtenu, après de multiples initiatives, une carte de patriote transféré en Allemagne.
Cette situation est injuste car ceux qui ont été victimes de la déportation du travail et emmenés de force en Allemagne ont été effectivement victimes du nazisme.
Depuis 1950, la discussion se poursuit sur le point de savoir comment ces personnes doivent être dénommées officiellement.
Pourtant, la déportation du travail est un phénomène historique. Elle engendra d'innombrables drames familiaux, sociaux et patriotiques. Elle s'inscrit dans les sombres pages de l'histoire de la France, nées de la défaite de 1940 et de l'occupation nazie qui s'ensuivit.
Les victimes de la déportation du travail ont payé un lourd tribut : 60 000 d'entre elles trouvèrent la mort dans le pays où elles furent déportées et 15 000 furent assassinées pour actes de résistance caractérisée. De surcroît, 50 000 de ces déportés du travail étaient minés par la turberculose. Aux intéressés eux-mêmes, il faut ajouter les veuves et les orphelins.
Pour toutes ces raisons, les parlementaires communistes déposent une proposition de loi qui tend à consacrer le titre de « victimes de la déportation du travail ».
D'ailleurs, les responsables de la déportation du travail ont été jugés très sévèrement par le tribunal de Nuremberg et le juge américain Jackson a parlé, à l'époque, de « ce qui a peut-être été l'entreprise d'esclavage la plus étendue et la plus terrible qui se soit jamais vue dans l'histoire ».
Je crois savoir, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'une commission d'histoire serait en train d'étudier cette question. Pourriez-vous me préciser quand elle sera susceptible de rendre ses conclusions ?
Par ailleurs, pourriez-vous m'indiquer si le Gouvernement compte mettre en discussion cette proposition de loi ou faire un geste envers ces personnes ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants. Madame le sénateur, la question que vous posez revient assez régulièrement depuis plus de cinquante ans. Elle n'est donc pas nouvelle ! Ne voyez pas là une critique mais un simple constat.
Cela signifie que, depuis cinquante ans, un certain nombre de dossiers sont ouverts entre le monde ancien combattant, en tout cas les ressortissants du département ministériel des anciens combattants, et les pouvoirs publics.
Vous évoquez le cas des « déportés du travail » en Allemagne. Deux catégories de nos compatriotes sont concernées par cette appellation : tout d'abord, ceux qui ont été requis dans le cadre du service obligatoire, le STO ; ensuite, ceux qui ont été victimes de rafles opérées par l'ennemi, notamment dans l'Est de la France, à l'automne 1944, du côté de Belfort, de la Haute-Saône et des Vosges.
S'agissant de cette dernière catégorie huit mille, personnes ont été raflées collectivement, conduites en Allemagne et contraintes à travailler dans des conditions souvent très pénibles. Elles ont obtenu, vous l'avez indiqué, une carte de patriote transféré en Allemagne. Il existe donc un statut qui reconnaît leur spécificité, notamment avec le concept de patriote, et leur donne un certain nombre de droits : d'abord, le droit à la reconnaissance, au travers de la délivrance d'une carte ; ensuite, le droit à réparation, puisque ces personnes ont droit à une pension si elles démontrent que leurs difficultés physiques résultent directement des conditions de travail subies à cette occasion. En outre, on tient compte du temps passé en Allemagne pour le calcul de la retraite.
Il reste la question des personnes qui ont été requises dans le cadre du STO. Vous avez évoqué l'appellation de « déportés du travail ». Cela a fait l'objet de contentieux. Des jugements ont été rendus par les plus hautes autorités judiciaires de notre pays et la justice française a considéré que les personnes qui avaient été requises dans le cadre du service du travail obligatoire ne pouvaient pas prétendre à l'appellation de « déportés du travail », le concept de « déporté » étant réservé aux déportés résistants et aux déportés politiques.
Honnêtement, il me paraît très difficile d'évoluer sur le champ de ce concept, car cela remettrait en cause l'équilibre de l'ensemble des statuts qui ont été élaborés depuis cinquante ans, notamment pour les personnes qui ont connu ces situations, qu'il sagisse des déportés résistants, des déportés politiques ou des déportés du travail obligatoire.
En revanche, comme vous l'avez indiqué, j'ai mis en place une commission de réflexion. En effet, puisque la question est posée, elle mérite nécessairement d'être étudiée. Je vous garantis que cette réflexion sera achevée pour le 15 mai prochain. Je ne peux pas vous dire encore à quoi elle va aboutir, d'abord parce que je suis tenu par le travail de cette commission, qui n'est pas terminé ; mais j'ai essayé d'établir un cadre dans lequel il faudra s'insérer.
Par conséquent, tant que cette commission n'aura pas rendu ses conclusions, je ne prendrai pas d'initiatives. Mais je vous promets que, à la date du 15 mai, date ultime à laquelle les conclusions de ses travaux devront m'être rendues, nous prendrons une décision. A ce moment-là, je vous en ferai part. Nous nous retrouverons peut-être autour d'une table de travail pour examiner cette question et déterminer s'il est possible de donner suite à l'initiative, notamment, des parlementaires communistes, et la façon dont nous pouvons y parvenir.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse.
Si j'approuve en grande partie largement ce que vous avez dit, je remarque que, en Belgique, où la même question se pose, le titre de travailleurs déportés a été attribué. Par ailleurs, la Cour de cassation, qui a demandé la cassation des arrêts, a proposé qu'un débat sur ce sujet ait lieu au Parlement.
Par conséquent, j'espère qu'une fois rendues les conclusions de la commission, ce problème pourra être évoqué dans la sérénité et que l'on aboutira à une solution.

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