M. le président. « Art. 18 A. _ I. _ Dans la deuxième phrase de l'article 2-2 du code de procédure pénale, après les mots : "si celle-ci est mineure", sont insérés les mots : "âgée de moins de treize ans".
« II. _ Le même article est complété par les mots : "ou, à défaut celui du juge des tutelles saisi en application de l'article 389-3 du code civil. Cette condition n'est toutefois pas exigée lorsque les faits ont été commis à l'étranger et qu'il est fait application des dispositions des articles 222-22 (deuxième alinéa) et 227-27-1 du code pénal". »
Par amendement n° 16, M. Jolibois, au nom de la commission, propose :
A. - De supprimer le paragraphe I de cet article.
B. - En conséquence, au début du paragraphe II, de remplacer les mots : « II. - Le même article » par les mots : « L'article 2-2 du code de procédure pénale ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. L'article 2-2 du code de procédure pénale permet aux associations de lutte contre les violences sexuelles de se constituer partie civile mais exige, lorsque la victime est mineure, l'accord de son représentant légal.
Le paragraphe I de l'article 18 A, dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, substitue à cet accord celui du mineur lui-même dès lors que ce dernier est âgé de plus de treize ans.
La commission des lois m'a chargé de vous exposer les deux objections à laquelle se heurte, selon elle, cette modification.
Tout d'abord, l'accord du mineur, lorsqu'on le demande, remet en cause les fondements mêmes du droit civil des mineurs, qui sont, dans leur propre intérêt, juridiquement incapables.
Par ailleurs, le mineur pourrait, dans certains cas, être l'objet de pressions en vue d'obtenir son accord.
Nous avons introduit dans le texte un statut très protecteur des mineurs, avec la possibilité de nommer des tuteurs ad hoc dans certains cas. Restons prudents dans ce domaine extrêmement délicat et n'introduisons pas la possibilité de l'accord d'un mineur de plus de treize ans pour des cas aussi difficiles que ceux-là.
La commission des lois demande donc au Sénat d'en revenir au texte classique : c'est le représentant légal du mineur qui donne son accord.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement, monsieur le président.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 38,MM. Darniche, Berchet, Durand-Chastel, Eckenspieller, Habert, Joly, Moinard, Maman et Turk proposent de compléter l'article 18 A par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Il est inséré dans le même code, après l'article 2-16 un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... - Les associations familiales telles que définies par l'article 1er du code de la famille et de l'aide sociale régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile pour les infractions mentionnées aux articles 225-1 à 225-18 et 227 à 227-27 du code pénal.
« Toutefois, l'association ne sera recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l'accord de la victime ou, si celle-ci est mineure, celui du titulaire de l'exercice de l'autorité parentale ou du représentant légal. Cette condition n'est pas applicable lorsque la victime n'est pas identifiée. »
La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. L'ancien article 289 du code pénal ouvrait aux associations agréées la faculté d'agir en justice pour exercer l'action civile relative aux outrages aux bonnes moeurs.
C'est en vertu de ce même texte que plusieurs associations familiales ont obtenu de la Cour de cassation que l'exploitation d'une « messagerie rose » soit constitutive du délit d'incitation à la débauche.
Personne n'a oublié que, dans la célèbre affaire « Toro Bravo » de réseau pédophile sur Minitel, les messageries incriminées diffusaient des contacts à caractère sexuel et pédophile et que certains de leurs dirigeants ont pu être condamnés en vertu de cet article pour implication dans ces réseaux de pédophilie, grâce à l'action conjointe des associations familiales.
Or, cette faculté d'agir en justice pour les associations familiales, même lorsqu'elles sont reconnues d'utilité publique, a malheureusement disparu en 1994, lors de la réforme du code pénal.
Il importe donc de rétablir, après quatre années d'attente, cette recevabilité de la constitution de partie civile des associations familiales reconnues d'utilité publique et d'affirmer clairement cette faculté, au sein du chapitre II relatif aux « dispositions modifiant le code de procédure pénale et concernant la protection des mineurs ».
En effet, les actions concrètes, menées au quotidien par les associations familiales, ne sont plus à démontrer pour donner du poids aux dossiers de lutte et de prévention de la délinquance sexuelle ou même pour alerter l'opinion publique et faire appel à la vigilance de tous.
C'est le sens de cet amendement, qui vise simplement à prolonger l'action sociale quotidienne en restituant juridiquement aux associations familiales reconnues d'utilité publique la faculté d'agir en justice et d'exercer convenablement l'action civile relative aux faits portant atteinte à la dignité même de la personne ou mettant en péril les mineurs. Il s'agit des articles 225-1 à 225-18 et 227 à 227-27 du code pénal, auxquels il est fait spécifiquement référence dans le dernier paragraphe de l'amendement que je soumets à vos suffrages, mes chers collègues.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. Nous avons longuement débattu de cette très importante question.
Il nous faut resituer le débat dans son contexte tout à fait exact.
Conscient de l'importance de ce problème, je perçois l'objectif que poursuivent les auteurs de cet amendement. Je crois cependant que, mieux éclairés, ils comprendront la raison pour laquelle la commission estime qu'il ne faut pas les suivre.
Sur le plan pratique, il est faux de dire que les associations familiales se sont vu retirer leur pouvoir d'agir en justice puisque ce dernier leur est dévolu en matière d'agressions sexuelles par le code de procédure pénale en son article 2-2.
Par conséquent, la seule question qui pourrait être débattue à l'occasion de la discussion de cet amendement est de savoir s'il faut élargir le champ de l'intervention possible des associations familiales à un périmètre encore plus grand que celui des agressions sexuelles.
S'agissant des agressions sexuelles, nous avons estimé que, compte tenu de la spécificité de ces agressions et de l'environnement familial, un pouvoir particulier devait être donné aux associations, aux côtés du procureur de la République, ne serait-ce que parce que les associations familiales connaissent des choses ignorées de beaucoup d'autres. N'oublions pas cependant que, en droit français, la poursuite ne relève pas en principe des associations. Le parquet, en effet, doit faire son métier.
J'ajoute que nous sommes dans un contexte de judiciarisation, de multiplication de tous les procès, comme la succession des différentes associations lors de certaines audiences permet de s'en convaincre. Si les propos tenus ne sont pas inintéressants, le risque d'engorgement des audiences ne doit pas être oublié.
Par conséquent, mon cher collègue, tout en comprenant votre idée, je considère qu'il faut se satisfaire du pas important qui a été fait et ne pas changer une disposition qui, dans le code de procédure pénale, est limitée aux agressions sexuelles. En effet, ce point, qui peut bien sûr être intéressant, mériterait une longue discussion pour éviter des débordement lors des audiences.
Par conséquent, la commission, préférant en rester à la rédaction actuelle du code de procédure pénale, a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 38, après avoir examiné ce dernier avec la très grande attention qu'il méritait.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Comme la commission, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Monsieur Habert, l'amendement n° 38 est-il maintenu ?
M. Jacques Habert. Je remercie M. le rapporteur pour ses explications. L'assurance m'est donnée que les associations familiales ne sont pas privées de leur faculté d'agir en justice et peuvent toujours l'exercer dans le cadre des textes existants.
Je retire donc l'amendement n° 38.
M. le président. L'amendement n° 38 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 18 A, modifié.

(L'article 18 A est adopté.)

Article 18 ter