M. le président. « Art. 7 ter. - Dans la loi n° 93-980 du 4 août 1993 précitée, il est inséré un article 20-1 ainsi rédigé :
« Art. 20-1. - Les succursales de la Banque de France participent à l'exercice des missions de la banque. Elles concourent à l'entretien de la monnaie fiduciaire et à l'exécution des paiements scripturaux. Elles contribuent à la connaissance du tissu économique local et à la diffusion des informations monétaires et financières. Elles assurent la gestion et le suivi des dossiers de surendettement dans les conditions prévues à l'article 15 de la présente loi.
« Elles entretiennent des relations, pour exercer leurs missions, avec les banques, les entreprises, les organismes consulaires, les collectivités locales et les services extérieurs de l'Etat de leur rayon d'action. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 20 rectifié, MM. Lambert et Badré, au nom de la commission, proposent de rédiger ainsi le texte présenté par cet article pour l'article 20-1 de la loi n° 93-980 du 4 août 1993 :
« Art. 20-1. - La Banque de France accomplit ses missions et activités en s'appuyant sur un réseau de succursales. »
Par amendement n° 15, M. Delfau et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de compléter in fine le texte présenté par l'article 7 ter pour l'article 20-1 de la loi n° 93-980 du 4 août 1993 par un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« La création ou la fermeture de succursales de la Banque de France est décidée par décret sur proposition du conseil général de la Banque, après consultation des collectivités locales du rayon d'action. »
La parole est à M. Badré, pour défendre l'amendement n° 20 rectifié.
M. Denis Badré. J'ai annoncé, lors de mon intervention dans la discussion générale, que je défendrai un amendement concernant l'existence des succursales de la Banque de France, dont nous connaissons tous le rôle et l'importance. Voilà cet amendement.
Vous noterez qu'il est concis. C'est d'abord parce que nous voulons lui donner plus de force et, ensuite, parce que nous pensons qu'il faut faire dire par la loi tout ce qu'elle peut dire, mais rien que ce qu'elle peut dire.
Enfin, non par un libéralisme systématique, comme dirait Mme Beaudeau, mais plutôt en décentralisateur convaincu, je préfère que la loi affirme l'existence des succursales et qu'elle laisse la Banque de France s'organiser comme elle l'entend, en tout cas maîtriser son organisation. Elle le fera mieux que nous ne pourrions le faire et elle pourra veiller à ce que cette organisation évolue en fonction des nécessités du moment.
M. Charles Pasqua. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Delfau, pour défendre l'amendement n° 15.
M. Gérard Delfau. L'article 7 ter a été introduit par l'Assemblée nationale, qui a tenu à préciser les missions des succursales de la Banque de France. A la lecture de cet article, nous nous rendons compte combien ces missions sont à la fois nombreuses et conformes à l'intérêt général.
Je ne prendrai qu'un exemple.
Le secrétariat de la commission du surendettement qu'assure chaque succursale de la Banque de France est une mission que l'on peut qualifier de « service public », et chaque élu local sait à quel point le rôle de l'établissement public est irremplaçable en la matière.
Au passage, je voudrais vous faire part, monsieur le ministre, des doléances de nos concitoyens confrontés à des situations difficiles, quant aux délais qui s'écoulent entre le dépôt du dossier de surendettement et son traitement, délais qui atteignent entre trois et huit mois. Manifestement, il y a un phénomène d'engorgement.
Dans ces conditions, il conviendrait non pas de supprimer constamment des emplois mais de mieux utiliser le potentiel actuel que constituent les salariés, tout à fait dévoués à la cause publique, qui sont prêts à faciliter les procédures dont la société, en plus des personnes en difficulté, a besoin.
On pourrait dire beaucoup de choses sur les missions des succursales. J'apporterai simplement une précision.
L'intérêt de l'énumération qui figure dans l'article est de montrer que la Banque de France constitue un réseau de succursales réparties dans nos départements et n'est pas seulement un organisme central. C'est la raison pour laquelle je ne peux pas être d'accord avec M. Badré pour traiter de ces succursales à la sauvette - qu'il me permette l'expression - sans leur accorder l'importance qu'elles méritent.
Evoquer le réseau des succursales, c'est revenir au plan de réduction drastique des caisses que propose le gouverneur, plan que je dénonçais tout à l'heure au nom du groupe socialiste. Je n'en reprendrai pas l'énumération.
M. Charles Pasqua. Pourquoi ?
M. Gérard Delfau. Chacun l'a en tête. Vous avez reçu comme moi les salariés. Vous connaissez la situation.
Je dirai simplement que, si l'on veut - et il me semble que le Sénat devrait nous suivre sur ce point - aboutir à une modernisation du réseau, à son adaptation nécessaire, il est logique de promouvoir la concertation, la négociation, dit M. le ministre, et il a raison, entre les salariés et la direction -, à condition toutefois, monsieur le ministre - que la direction fasse le nécessaire pour entrer vraiment en négociation. Il est logique, et c'est le sens de notre amendement, de prévoir la consultation des collectivités locales concernées. Qui peut prétendre que nous ne sommes pas, Haute Assemblée, dans notre rôle en préconisant cette disposition ?
Je dis bien - pour que l'on ne me prête pas des intentions qui ne sont pas les miennes - « après consultation », et non « pour décision ».
Enfin, mes chers collègues, nous sommes tous ou presque maires, on le lit dans la presse sans arrêt,...
M. Yann Gaillard. Pas pour longtemps ! (Sourires.)
M. Philippe Marini. Nous sommes tous des anomalies !
M. Gérard Delfau. Pas pour longtemps peut-être, effectivement, mais c'est une autre affaire, c'est un autre débat.
M. Philippe Marini. Vous n'êtes pas tout à fait dans la ligne de M. le Premier ministre !
M. Gérard Delfau. Nous sommes encore maires pour longtemps peut-être. On ne sait pas. On verra.
M. Philippe Marini. Assumez vos contradictions.
M. Gérard Delfau. Nous le faisons beaucoup moins difficilement que vous, monsieur Marini. M. le ministre vous en a tout à l'heure administré la démonstration !
M. Philippe Marini. M. le ministre caricature facilement !
M. Gérard Delfau. Soyons sérieux, et revenons à notre sujet.
Je crois qu'adopter l'amendement n° 15 que nous proposons serait de bonne méthode et faciliterait la négociation nécessaire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 15 ?
M. Charles Pasqua. Un élément qui figure dans l'amendement n° 15 devrait être précisé : que veut dire « rayon d'action » ?
M. le président. Monsieur le rapporteur, vous avez la parole.
M. Alain Lambert, rapporteur. J'ai cosigné l'amendement présenté par M. Badré, mais je tiens à lui en rendre la paternité.
Il s'agit, peut-on dire, d'un amendement de sagesse sénatoriale.
M. Henri de Raincourt. C'est sûr !
M. Alain Lambert, rapporteur. Il correspond, à l'évidence, à ce qu'il est permis à la loi de dire ; il ne faut pas lui en faire dire davantage, car nous ne sommes vraiment pas dans le domaine de la loi.
M. Michel Sergent. C'est le service minimum !
M. Denis Badré. On ne rendrait pas service à la Banque de France en procédant autrement.
M. Alain Lambert, rapporteur. Ce n'est pas le service minimum, c'est éviter ce que M. Delfau nous propose. Je le lui dis sans vouloir polémiquer, mais, quelles que soient les explications orales qu'il vient de nous donner, je ne crois pas que décider par décret des fermetures de succursale soit vraiment la meilleure manière de gérer la Banque de France, dans le souci de l'intérêt général.
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 15.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 20 rectifié et 15 ?
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. J'estime que le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale qui décrivait les missions des succursales n'était pas mauvais. Si la commission veut l'abréger, je m'en remettrai à ce qu'elle propose, mais il me semble que c'est un peu dommage et que l'on pourrait maintenir la description proposée. En tout cas, ce qui est important, c'est que, le rôle des succursales soit affirmé, et il l'est même si l'on supprime les détails. Je crois cependant que ceux-ci n'étaient pas inutiles.
En revanche, je dois dire à mon grand regret à M. Delfau que je ne peux pas accepter l'amendement n° 15, car on peut difficilement envisager d'en revenir à une situation où la liste des succursales serait fixée par décret.
Je voudrais rappeler que la Banque de France est une entreprise publique, et l'on voit mal pourquoi, alors que tout à l'heure, en raison de ce fait même, on refusait légitimement que ses deux sous-gouverneurs soient nommés par une autre instance que l'exécutif, elle serait traitée autrement que les autres entreprises publiques.
Prenez le cas d'EDF : on voit mal que la liste des agents d'EDF soit fixée par décret ; il en va de l'autonomie de gestion de l'entreprise. En l'occurrence, fixer par décret la liste des succursales serait contraire à tous les textes sur l'autonomie de gestion des entreprises publiques.
Je reconnais que l'intention est louable, mais proposer que ce soit un décret qui fixe la liste des succursales n'est pas raisonnable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 20 rectifié.
M. Philippe Marini. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Monsieur le ministre, une fois n'est pas coutume, j'adhère bien volontiers à votre raisonnement quand vous répondez à M. Delfau. Reste que je ne comprends pas du tout ce qui anime, à certains moments, nos collègues socialistes !
Ou bien ils sont favorables à l'euro, ils en assument toutes les conséquences et, par conséquent, ils ne vont pas raconter aux syndicats de la Banque de Fance que tout va continuer comme auparavant partout, que l'organisation actuelle des caisses et des succursales sera conservée telle quelle. Ou bien ils estiment que ce mouvement de restructuration doit être géré par l'Etat dans une logique différente de celle à laquelle nous conduisent les évolutions actuelles. En tout cas, il faut choisir : on ne peut pas être en même temps d'un côté et de l'autre ; on ne peut accepter le principe et en refuser les conséquences.
Dans cette affaire des succursales, on doit tenir un langage clair et net. Il est clair - et tout le monde le reconnaît - que ce réseau présente une grande utilité pour l'économie locale et régionale ; mais il est non moins clair que la Banque de France doit s'adapter comme toute entreprise et que ce serait mentir à son environnement social que de laisser croire que tout restera éternellement à l'identique. On ne peut vendre une telle illusion.
Par ailleurs, il me semble que la commission des finances a tout à fait raison de proposer une version allégée.
En effet, le rôle de la loi est non pas de décrire mais d'affirmer des normes et des règles de droit. C'est bien ce que la commission nous propose de faire en réduisant la rédaction de l'Assemblée nationale, que je trouvais, pour ma part, quelque peu démagogique et contradictoire au regard de la démarche que le Gouvernement lui-même nous engage à adopter.
M. Christian Poncelet, président de la commission. Amendement démagogique pour se donner une bonne conscience politique !
M. Gérard Delfau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. J'ai l'impression que notre collègue M. Marini n'a pas suivi tout à fait notre argumentation.
D'abord, nous parlons des succursales. Or les succursales n'ont rien à faire avec la mise en place du Système européen de banques centrales. Rien, strictement rien !
M. Philippe Marini. Si.
M. Gérard Delfau. Non, rien ! (M. le ministre opine.)
Ensuite, notre collègue Marini paraît ne pas savoir - ce qui m'étonne quand même un peu ! - que l'introduction de l'euro - qui n'est pas une entité abstraite : c'est de la monnaie - va précisément accroître la circulation fiduciaire en France. Par conséquent, je suis parfaitement fondé, au nom de la mise en place du Système européen de banques centrales, à vouloir renforcer les succursales puisqu'il y aura davantage d'activités à assumer ; sinon, ces activités seront assumées, et mal assumées, par le secteur privé, et la fausse monnaie se développera, avec les dégâts que nous connaissons.
Enfin, en poussant les choses un peu plus loin, il faut considérer que l'objectif n'est pas de maintenir à tout prix une caisse ou une succursale qui ne fonctionne pas. Tout doit se faire dans un esprit de concertation et, de ce point de vue, monsieur le président, je souhaiterais rectifier mon amendement n° 15 pour dire simplement : « La création ou la fermeture de succursales de la Banque de France est décidée par le conseil général de la Banque » - cela va de soi - « après consultation des collectivités locales du rayon d'action. »
Ainsi tombe l'argument complètement fondé de M. le ministre des finances, et je crois que nous pouvons tous être d'accord sur cette nouvelle rédaction.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 15 rectifié, présenté par M. Delfau et les membres du groupe socialiste et apparentés, et visant à compléter in fine le texte proposé par l'article 7 ter pour l'article 20-1 de la loi n° 93-980 du 4 août 1993, par un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« La création ou la fermeture de succursales de la Banque de France est décidée par le conseil général de la Banque, après consultation des collectivités locales du rayon d'action. »
Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement n° 15 rectifié ?
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. La rédaction finalement retenue par M. Delfau recueille l'avis favorable du Gouvernement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 20 rectifié, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 15 rectifié n'a plus d'objet.
M. Gérard Delfau. Mais, monsieur le président, les deux amendements peuvent se compléter !
M. le président. Mon cher collègue, les deux amendements étaient en discussion commune. Dès lors que le premier, qui visait à proposer une nouvelle rédaction, a été adopté, on ne peut plus modifier cette rédaction.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 7 ter , modifié.

(L'article 7 ter est adopté.)

Article additionnel après l'article 7 ter