M. le président. La parole est à M. Demerliat, auteur de la question n° 243, adressée à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.
M. Jean-Pierre Demerliat. Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite attirer votre attention sur la situation de la Compagnie générale d'électrolyse du Palais-sur-Vienne, la CGEP, société du groupe Pechiney. Ce dernier veut supprimer les activités de raffinage de cette entreprise, entraînant ainsi la suppression de 200 emplois sur 250.
La CGEP est aujourd'hui, en France, la seule raffinerie de cuivre par électrolyse.
Son expérience et son savoir-faire lui assurent une reconnaissance nationale et européenne pour la qualité de ses produits, que ce soit pour la production de ses cathodes ou de ses billettes.
Depuis quelques années déjà, le problème essentiel que rencontre la CGEP se situe au niveau des approvisionnements.
Pour faire face à cette difficulté, l'entreprise avait lancé, en 1992, un plan d'investissement de grande ampleur de 60 millions de francs. Cet investissement avait pour objet de doter la CGEP d'un équipement industriel capable de traiter des déchets cuivreux à basse teneur pour palier le manque de blisters - cuivre de première fusion - dont le marché est de plus en plus restreint.
Cet investissement auquel les pouvoirs publics - Etat et région Limousin - ont participé à hauteur de 10 millions de francs, a été présenté comme nécessaire au maintien de l'emploi et indispensable à la pérennisation du site du Palais-sur-Vienne.
Depuis septembre 1997, ce nouveau four, qui est capable de traiter des déchets métalliques en récupérant leurs faibles teneurs en cuivre et qui a permis à l'entreprise du Palais-sur-Vienne de se positionner sur le créneau de la dépollution et du recyclage, est arrêté, faute de rentabilité, selon la direction.
Pourtant, dans le domaine du recyclage, les installations de la CGEP pourraient très certainement traiter des déchets qu'il ne sera bientôt plus possible de mettre en décharge.
Il importe dès lors que toutes les études nécessaires soient menées à bien pour permettre une diversification de l'activité de l'entreprise.
De même, des études sérieuses sur les possibilités d'approvisionnement en déchets cuivreux doivent être faites.
Il n'est pas acceptable que l'utilisation de fonds plublics importants perçus au titre « recyclage et création d'emplois » mène au déclin de l'entreprise, alors que ces fonds devaient en assurer la pérennité.
Mais peut-être la décision d'abandonner les activités de raffinage est-elle due aux pressions exercées par l'Union minière belge, actionnaire minoritaire certes, mais important, qui possède, en Belgique, une unité directement concurrente.
Je sais bien, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'Etat n'a pas vocation à se substituer aux entrepreneurs privés défaillants, qui, trop souvent, ne s'intéressent qu'à leurs actionnaires et non aux éventuels champs de ruines qu'ils pourraient laisser derrière eux ; mais lorsque ces mêmes entrepreneurs privés se sont nourris d'argent public, il est normal, à mon sens, qu'on leur demande des comptes, et il serait moral que l'on puisse les obliger à tenir les promesses faites en contrepartie des aides considérables reçues. M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Monsieur le sénateur, vous posez une question importante et grave sur une entreprise qui ne manque pas non plus d'importance si l'on veut bien considérer que la Compagnie générale d'électrolyse du Palais est présente sur ce site depuis plus de soixante-dix ans. Comme vous l'avez indiqué, cette entreprise raffine du cuivre à partir de déchets cuivrés. Son activité peut être considérée comme peu fréquente ; elle présente, par ailleurs, un très grand intérêt du point de vue de l'environnement et de sa protection.
En effet, le groupe Pechiney a annoncé, le 27 mars dernier, un projet de restructuration de l'entreprise dont il est actionnaire à hauteur de 57 %. Ce projet entraînerait - je parle au conditionnel mais, hélas ! les chiffres sont inquiétants - la suppression, dans les dix-huit prochains mois, de 200 emplois sur les 244 que compte actuellement le site. Seule l'activité de fonderie serait conservée sur place.
Dans la situation très difficile de l'emploi industriel en Haute-Vienne, cette nouvelle brutale a choqué.
Le Gouvernement comprend et partage la véritable émotion locale, l'inquiétude des salariés, de la population et des élus après cette annonce.
Monsieur le sénateur, depuis plusieurs semaines, vous êtes en liaison à cet égard avec mes services, et je vous en remercie. Je tiens à saluer devant le Sénat la détermination avec laquelle vous défendez à la fois l'avenir économique régional et la CGEP.
J'ai pris contact personnellement avec le groupe Pechiney. Celui-ci met en avant trois considérations.
La première est la difficulté - réelle, certes - d'approvisionnement en déchets de cuivre. La deuxième est le coût de fonctionnement de l'installation : selon le groupe Pechiney, les investissements importants - à hauteur de 60 millions de francs - consentis en 1992 sur le four électrique n'ont pas permis la rentabilisation et le retour à l'équilibre.
La troisième considération est d'ordre financier : l'entreprise a perdu 75 millions de francs sur les quatre dernières années. La faiblesse du cours du cuivre depuis quelque temps ne permet pas, d'après Pechiney, de maintenir l'activité de raffinage.
J'ai donc demandé à mes services d'étudier avec le plus grand soin les arguments - de mauvaises langues diraient peut-être « les prétextes » - avancés par l'entreprise.
En tout état de cause, l'avenir de chacun des salariés concernés et l'activité économique sur le territoire de la commune du Palais-sur-Vienne, qui sont au coeur du problème, doivent être envisagés avec la plus grande rigueur et avec détermination. Le Gouvernement ne comprendrait pas que Pechiney n'apporte pas de réponses satisfaisantes à ces questions. Je vais suivre avec attention l'évolution du problème, avec vous et avec d'autres élus qui, comme M. le député-maire de Limoges, m'ont déjà contacté à l'Assemblée nationale.
On ne peut éluder la responsabilité en termes économique, social et, en l'occurrence, industriel des grands groupes implantés depuis des décennies et des décennies dans certaines régions où ils ont tiré le meilleur du savoir-faire des salariés, le meilleur de l'environnement économique qui leur a été prodigué, et, parfois - vous l'avez dit, monsieur le sénateur - le meilleur des fonds publics qui leur ont été dispensés.
Ces groupes ne peuvent pas se désengager sans apporter à chaque salarié, à chaque collectivité locale - il s'agit, en l'occurrence, d'une petite commune - et à la région où ils ont opéré pendant nombre d'années - dans ce cas particulier, pendant soixante-dix ans - des réponses satisfaisantes en termes d'activité nouvelle et de situation sociale.
Il faut donc affirmer à nouveau la responsabilité des grands groupes s'agissant de l'aménagement du territoire dans lequel ils ont opéré pendant nombre d'années. Le Gouvernement, les élus locaux, les élus nationaux doivent donc grouper leurs forces pour trouver et imposer, si la négociation le permet, des solutions positives afin de faire naître un second souffle économique sur ces sites.
Soyez certain, monsieur le sénateur, que je serai attentif à faire en sorte que votre région ne subisse pas de manière trop insupportable et injuste les conséquences de cette décision.
M. Jean-Pierre Demerliat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre détermination et de celle du Gouvernement.
L'émotion est grande dans la région, d'autant que personne ne s'attendait à cette fermeture brutale, dans la mesure où l'ancien président de Pechiney, M. Jean Gandois, avait tenu, voilà cinq ans, des propos très rassurants sur la pérennité du site.
Je dois ajouter que nous avons appris ces derniers temps d'autres mauvaises nouvelles économiques concernant le département. Ainsi, des menaces planent sur l'usine Renault véhicules industriels de Limoges ; France Télécom ferme son centre d'approvisionnement à Limoges également, supprimant ainsi 150 emplois, et la COGEMA fermera à l'horizon 2000 le site de Jouac, conduisant à la disparition de près de 200 emplois.
Près d'un millier d'emplois supprimés en quelques mois dans un petit département peu peuplé, voilà qui fait beaucoup ! Nous comptons donc sur les pouvoirs publics pour nous aider à franchir cette mauvaise passe, monsieur le secrétaire d'Etat.

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