M. le président. La parole est à M. Gournac, auteur de la question n° 238, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Alain Gournac. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme le garde des sceaux.
Permettez-moi d'attirer votre attention, madame le ministre, sur la situation inacceptable faite à des enfants obligés, semble-t-il, de mendier tous les jours dans les rues de la capitale, dans nos villes, dans le métro et dans le RER.
La France est la patrie des Droits de l'homme. Elle a, par ailleurs, ratifié en 1990 la convention internationale des droits de l'enfant. Chaque année, le 20 novembre, est célébrée la journée internationale des droits de l'enfant. Malgré ces engagements qui, en aucun cas, ne peuvent être de simples engagements de principe, des enfants de tout âge mendient quotidiennement sur la voie publique et dans les transports en commun. Tous les jours, des jeunes femmes allaitant des bébés mendient par tous les temps, assises par terre, entourées d'enfants dont les plus âgés n'ont guère plus d'une dizaine d'années.
La France étant le deuxième pays au monde pour l'aide au développement, il est d'autant plus choquant que sur notre propre territoire des enfants soient laissés dans le plus extrême dénuement.
Je vous rappelle, madame le ministre, que, aux termes des articles 24 et 28 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, les Etats parties reconnaissent à l'enfant le droit de jouir du meilleur état de santé possible et de bénéficier de services médicaux. Ils doivent, de ce fait, lui assurer l'assistance médicale et les soins de santé nécessaires, l'accent devant être mis sur le développement des soins de santé primaires.
Par ailleurs, les Etats signataires de cette convention s'engagent à rendre l'enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous.
Je vous demande donc, madame le ministre, de bien vouloir me donner des informations à ce sujet et de me préciser les actions que vous envisagez de mettre en oeuvre pour que cesse ce qui apparaît bien comme une utilisation des enfants, et même des jeunes enfants.
Il me semble, madame le ministre, que le cent cinquantième anniversaire de l'abolition de l'esclavage, que nous avons commencé à célébrer, dans mon département, à Houilles, où Victor Schoelcher est décédé, devrait être l'occasion de remédier à cette situation, dont il est immoral que nous puissions nous accommoder.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, vous avez tout à fait raison d'attirer l'attention de la Haute Assemblée sur ce problème, ainsi que de vous insurger et de vous indigner de l'état dans lequel se trouvent, en effet, certains enfants, du fait des agissements que vous dénoncez.
Je suis moi aussi particulièrement attentive à ce phénomène, car il signifie - et vous l'avez très justement souligné dans votre question - qu'un certain nombre de mineurs, et même d'enfants en très bas âge, demeurent privés des droits qui leur sont reconnus par la convention internationale des droits de l'enfant, dans notre pays qui est, comme vous l'avez rappelé, le pionnier des droits de l'homme et qui est de surcroît signataire de cette convention.
Je veux souligner que, face à cette situation, la législation de notre pays comporte des dispositions susceptibles de s'appliquer et je vais maintenant vous dire quelles sont justement, sur la base de ces dispositions, les lignes d'action que le Gouvernement entend privilégier.
Comme pour tout enfant en danger dans son milieu naturel, le juge des enfants peut décider d'une mesure d'assistance éducative appropriée, par exemple suivi en milieu ouvert ou placement, ou encore obligation faite aux parents de permettre à leur enfant de fréquenter un établissement scolaire ou un établissement de soins.
S'agissant de la législation pénale, si la mendicité comme la vagabondage ne sont plus des infractions en tant que telles depuis l'entrée en vigueur, en 1994, du nouveau code pénal, ce dernier a prévu plusieurs infractions à l'encontre des adultes qui utilisent des mineurs pour récupérer de l'argent à moindre risque. En particulier, l'article 227-20 du code pénal incrimine la provocation directe d'un mineur à la mendicité et l'article 227-15 du même code sanctionne le fait de priver de soins un mineur de moins de quinze ans au point de compromettre sa santé, en le laissant, par exemple, pendant des heures exposé aux intempéries ou aux émanations de gaz d'échappement des voitures. En ce sens, il est vrai que le nouveau code pénal se préoccupe moins de la mendicité que des mineurs.
En ce qui concerne les questions de santé, le dispositif français de santé publique permet un accès à l'aide médicale gratuite financée par l'Etat dès lors que l'enfant et ses représentants légaux sont sans domicile fixe. Par ailleurs, comme tous les enfants de moins de six ans, un mineur très jeune peut bénéficier de l'intervention du personnel de la protection maternelle et infantile. En pratique, là où se sont établis des campements de familles d'origine étrangère, notamment en banlieue, les services de protection maternelle et infantile se sont adaptés à ce nouveau public et effectuent désormais des déplacements sur site pour effectuer un dépistage des maladies et prévenir une dégradation de la santé des enfants.
S'agissant de l'accès de ces enfants à une scolarité, les difficultés résultent, d'une part, du manque de volonté des parents, d'autre part, des risques d'inadaptation de ces enfants à un système scolaire qu'ils ne connaissent pas. Ces enfants peuvent toutefois bénéficier du dispositif mis en place à l'égard des enfants des familles du voyage, qui leur permet d'accéder à une scolarité tenant compte de leurs fréquents déplacements géographiques. Par ailleurs, l'Office national d'information sur les enseignements et les professions, l'ONISEP, vient de lancer, en coopération avec le ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, une action d'information destinée notamment à porter à la connaissance des familles tsiganes et des gens du voyage l'offre de scolarisation, à valoriser l'école et à faire prendre conscience de toute son importance aux parents.
A côté de l'application de dispositions répressives indispensables lorsque les droits élémentaires des mineurs sont bafoués par les adultes et de la mise en oeuvre du dispositif de protection judiciaire de la jeunesse, la sensibilisation des familles aux besoins de leurs enfants se révèle indispensable pour que la situation de ces enfants s'améliore.
Tels sont les axes de l'action que le Gouvernement entend développer afin que, pour tous les mineurs résidant sur le sol français, la convention internationale des droits de l'enfant puisse être respectée.
M. Alain Gournac. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Alain Gournac. M. Alain Gournac. Je vous remercie, madame le ministre, d'avoir répondu de façon très précise à ma question.
Dans le département des Yvelines - je sais bien que celui-ci n'est pas toute la France - en tant que vice-président du conseil général chargé de l'action sanitaire et sociale, j'ai enquêté pour voir s'il y avait des contacts avec nos centres de PMI, dont je suis coresponsable, avec l'Etat. Eh bien, madame le ministre, je puis vous dire que, dans mon département, je le déclare ici solennellement, il n'y a aucun contact.
Nous avons procédé dans la ville de Saint-Germain-en-Laye à quelques contrôles concernant ces mendiantes, puisqu'il s'agit de femmes ; or celles-ci n'ont pas de contact avec la PMI. Bien sûr, j'ai pris des dispositions pour essayer de savoir où elles résidaient et c'est alors que j'ai constaté que ces femmes étaient « distribuées », j'insiste sur ce terme, en Mercedes immatriculées en Allemagne, en divers points de la ville ; j'ai d'ailleurs fait relever les numéros d'immatriculation des voitures en question. Mais nous n'avons pas réussi à connaître le lieu de résidence de ces enfants.
S'agissant des contacts éventuels de ces enfants et de leurs mères - bien souvent, elles allaitent devant les passants - avec le service de la PMI, je suis inquiet.
En ce qui concerne la scolarisation, la situation est difficile, vous l'avez dit, madame le ministre, car ces enfants ne sont pas du tout adaptés à notre système scolaire. En outre, le contact n'est pas facile car les mères de ces enfants, quand nous avons pu en rencontrer, ne parlent pas français. Pour ouvrir le dialogue, il faudrait donc aussi trouver des interprètes.
Un problème de santé publique se pose. Je vous demande donc, madame le ministre, non pas d'appliquer une politique répressive, mais de faire procéder à des contrôles pour déterminer l'endroit où résident ces familles, afin d'entrer en contact avec elles pour, justement, les sensibiliser aux problèmes de santé, à travers les PMI, et d'éducation de leurs enfants dans des établissements scolaires adaptés.
Je suis persuadé que vous être très attentive au problème que je viens de soulever, madame le ministre, et je vous en remercie.

REMBOURSEMENT DU CONTRACEPTIF
DIT DE « 3e GÉNÉRATION »