M. le président. Par amendement n° 27, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose d'insérer, après l'article 33 bis, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le quatrième alinéa de l'article 355-1 de la loi 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales est ainsi rédigé :
« - lorsqu'elle détermine en fait, seule ou de concert, les principales décisions prises par l'assemblée générale. »
La parole est à M. Marini, rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Je n'aurais pas pris l'initiative de présenter cet amendement si l'Assemblée nationale n'avait pas introduit l'article additionnel que nous avons voté voilà quelques instants, et relatif aux franchissements de seuils.
En effet, nous avons pris là une initiative significative en matière de droit boursier et nous avons abordé un domaine particulièrement important et vital pour un grand nombre de sociétés. Or un problème d'appréciation, fréquemment commenté ces dernières semaines, porte sur les conditions dans lesquelles on peut évaluer un changement de contrôle d'une société.
Je rappelle que la cour d'appel de Paris a tranché, dans un sens assez surprenant, une situation bien connue de la presse financière et du public relative au groupe Havas.
En substance, un actionnaire a été en mesure de modifier complètement la stratégie d'un groupe ; il a renouvelé l'intégralité du conseil d'administration ; il a obtenu la désignation d'un nouveau président-directeur général ; il a fait appliquer une stratége d'intégration à son propre groupe.
Après un recours contentieux, la cour d'appel de Paris a considéré que le changement de contrôle n'avait pas eu lieu, ce qui heurte évidemment le bon sens.
Il s'agit d'une part, d'une jurisprudence qui n'est peut-être pas encore établie, car la Cour de cassation se prononcera un jour sur ce sujet, d'autre part et surtout, sur le fond des choses, d'un écart surprenant entre la loi sur les sociétés commerciales en ce qu'elle concerne les questions boursières et d'autres dispositions propres au droit des sociétés.
Pour être synthétique, j'en viens à l'amendement visant à modifier la rédaction de l'article 355-1 de la loi sur les sociétés commerciales s'agissant de la définition du contrôle de fait.
Dans la définition actuelle du contrôle de fait, on ne prend en compte qu'un investisseur. Or il semblerait équitable de prendre en compte un investisseur et les autres actionnaires agissant de concert avec lui, le concert étant défini très rigoureusement par un autre article de la même loi. Lorsqu'une société détermine en fait, seule ou de concert, les principales décisions prises par l'assemblée générale d'une autre société, elle doit être considérée comme exerçant le contrôle de fait de celle-ci. A ce propos, lorsque une situation irréversible se produit lors d'une assemblée générale, comme par exemple le renversement d'une majorité ou le remplacement du président de la société, il n'est pas utile de s'en remettre à la constatation de ce qui aura pu être décidé par plusieurs assemblées générales successives, comme conduirait à le faire une application littérale du quatrième alinéa de l'article 355-1 de la loi sur les sociétés commerciales.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission vous propose cette innovation.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Nous sommes là dans une situation relativement grave, car cet amendement s'appuie d'une façon que je considère hâtive sur les conclusions d'une récente décision de la cour d'appel de Paris, dans l'affaire Havas.
Ainsi, à partir d'une décision d'une cour d'appel, la commission des finances du Sénat propose une réforme substantielle du droit des sociétés qui aurait des conséquences extrêmement importantes dans la vie de l'ensemble des entreprises, qu'elles soient cotées ou non.
Je crois dangereux de procéder de telle façon, sans qu'aucune évaluation sérieuse des conséquences juridiques, fiscales et comptables d'une telle modification ait pu être menée.
Je l'ai dit, le Gouvernement réfléchit en s'entourant des meilleurs avis à la réforme du droit des sociétés. Je fais appel au sang-froid et à la sagesse de la Haute-Assemblée pour ne pas prendre, dans un domaine aussi sensible et aussi grave, de décisions qui, à mon avis, ne sont pas suffisamment réfléchies.
Je demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 27, repoussé par le Gouvernement.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 33 bis.

Section 10

Entrée en vigueur

Article 34