M. le président. Par amendement n° 123, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 60, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans la liste annexée à l'article 2 de la loi n° 93-923 du 19 juillet 1993 de privatisation, la mention : "CNP Assurances" est supprimée. »
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Avec cet amendement, nous abordons le statut de la Caisse nationale de prévoyance.
Notre groupe est extrêmement préoccupé par le devenir du secteur public et semi-public financier dont la Caisse nationale de prévoyance est un élément non négligeable.
La Caisse nationale de prévoyance est en effet un instrument parmi d'autres de l'intervention publique sur les marchés financiers, mais surtout de l'intervention publique en un domaine important pour la vie économique et sociale de la nation, celui de l'assurance.
La caisse a jadis été, et pour tout dire jusqu'en 1992, un établissement public à caractère industriel et commercial, obéissant aux règles propres de fonctionnement des EPIC, c'est-à-dire aux règles établies de longue date par la voie réglementaire.
Elle a connu en 1992 une évolution sensible de son statut, passant de la situation d'EPIC à celle de société anonyme, situation qu'ont connue d'autres établissements publics.
Elle a ainsi été en quelque sorte banalisée, même si son réseau présente un caractère particulier, puisque les produits de la caisse demeurent diffusés dans les bureaux de poste ou les bureaux du Trésor et que, de fait, la caisse est partie intégrante du groupe Caisse des dépôts et consignations.
Elle gère en effet un encours important d'assurance vie - 15 % du marché - qui est fondamentalement placé par CDC Gestion.
La banalisation de 1992, si elle a coupé le lien existant entre les activités de la caisse et l'Etat, a cependant conduit à la mise en oeuvre d'un double statut des personnels, puisque cohabitent désormais dans l'établissement, d'une part des fonctionnaires, mis à la disposition de la caisse par la Caisse des dépôts et consignations, d'autre part, des agents de droit privé, embauchés depuis la constitution de la société anonyme.
Les problèmes se trouvent par ailleurs compliqués, si l'on peut dire, par le fait que la caisse a été placée sur la liste des entreprises privatisables au titre de la loi de juillet 1993 dont nous avons eu, lors de sa discussion, l'occasion de souligner le caractère pour le moins discutable.
Il nous semble donc, en tout état de cause, que la situation de la Caisse nationale de prévoyance doit être clarifiée.
Nous ne pouvons, en particulier, admettre que l'on remette au lendemain des questions fondamentales sur le devenir de cet établissement et les missions que la puissance publique peut être amenée à lui confier, en gardant inscrite parmi toutes autres perspectives celle de la privatisation.
Il existe en effet à la Caisse nationale de prévoyance une véritable culture de service public qu'il nous semble important de préserver et de développer.
Clarifier la situation de la Caisse nationale de prévoyance implique donc de sortir l'établissement de la liste des entreprises publiques privatisables en vertu des dispositions de la loi de juillet 1993.
Cela permettra ensuite de poser la question du devenir de l'établissement, notamment de sa place originale dans le domaine de l'assurance, secteur où la stricte application de la loi du marché n'a pas produit que des effets positifs.
Enfin, soulignons également que l'existence d'une compagnie d'assurance de caractère public peut se révéler importante, alors même que nous sommes confrontés à la gestion d'une dette publique dont l'encours n'est pas encore tout à fait orienté à la baisse et que la maîtrise d'une part de cet encours par un établissement public peut présenter quelques avantages sur sa durée.
C'est sous le bénéfice de ces observations que je vous invite, mes chers collègues, à adopter l'amendement n° 123.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je veux rassurer une nouvelle fois M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, auquel il appartient. Le Gouvernement a déjà indiqué, à plusieurs reprises, que la CNP resterait dans le secteur public. C'est dans ce cadre qu'elle peut bien travailler en relation avec La Poste, les services du Trésor et les caisses d'épargne.
Le Gouvernement exclut, en toute hypothèse, de privatiser cette entreprise, et cet engagement formel - c'est là l'essentiel, monsieur Loridant - ne nécessite pas de traduction législative dans la mesure où l'article 3 de la loi du 16 juillet 1992 portant adaptation au marché unique européen de la législation en matière d'assurance et de crédit dispose que la CNP appartient au secteur public. C'est dans le cadre de la loi de 1992 que s'insère l'action du Gouvernement qui n'est pas engagé, en la matière, par les dispositions de la loi de juillet 1993.
J'espère que vous êtes pleinement rassuré, monsieur Loridant, et que vous allez retirer votre amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 123, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles 60 et 61