Séance du 28 mai 1998







M. le président. « Art. 5. - Tout sportif participant à des compétitions organisées ou agréées par les fédérations sportives doit faire état de sa qualité lors de toute consultation médicale qui donne lieu à prescription thérapeutique.
« Si le praticien estime indispensable, à des fins thérapeutiques, de prescrire l'une des substances ou procédés qui figurent comme interdits sur la liste publiée en application de la convention du Conseil de l'Europe signée à Strasbourg le 16 novembre 1989, il doit informer l'intéressé de l'incompatibilité avec la pratique sportive qui en découle.
« Toutefois, la prescription de l'une des substances ou procédés, autorisés mais soumis à une notification écrite, qui figurent sur la liste visée à l'alinéa précédent, est compatible avec la pratique sportive. Le praticien informe l'intéressé de la nature de cette prescription et de l'obligation qui lui est faite de présenter l'acte de prescription à tout contrôle. »
Par amendement n° 4, M. Lesein, au nom de la commission, propose, à la fin du premier alinéa de cet article, de supprimer le mot : « thérapeuthique ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Lesein, rapporteur. L'adjectif « thérapeutique » paraît tout à fait superflu, car on comprend bien qu'il ne peut s'agir ici que d'une prescription médicale.
En outre, il pourrait se révéler restrictif : une prescription, un traitement peuvent être préventifs et non pas forcément seulement thérapeutiques.
Vous le savez, il s'est, hélas ! quelquefois trouvé des médecins pour soutenir qu'on pouvait prescrire des produits dopants à des sportifs pour les préparer à la compétition ou pour prévenir des déséquilibres hormonaux consécutifs à leur activité. Je crois donc qu'il faut éviter toute ambiguïté et viser ici toutes les prescriptions médicales.
M. le président. Merci, docteur Lesein ! (Sourires.)
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. A la sagesse des médecins ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 4.
M. Franck Sérusclat. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat. En m'exprimant contre l'amendement n° 4, j'anticipe sur l'exposé de mon sous-amendement n° 31 rectifié, qui vise, précisément, à rétablir la notion de fins thérapeutiques.
Eliminer le mot « thérapeutique » signifie qu'un médecin pourrait prescrire selon son bon plaisir : « Il n'y a pas d'indication thérapeutique ? Tant pis, je prescris. »
Nous vivons dans un monde où les pressions, qu'elles soient financières ou d'une autre nature, sont fortes. Le médecin peut se trouver confronté à un sportif qui veut absolument gagner et qui a derrière lui toute une équipe qui veut, par tous les moyens, le faire gagner. Il peut alors se laisser aller à prescrire !
Il est, dans la profession de médecin comme dans toute profession, je l'ai dit ce matin, des gens fragiles qui ont tendance à céder. Etre dans l'obligation de donner une indication thérapeutique, qu'il faudra démontrer le cas échéant, cela permet de ne pas prescrire n'importe quoi.
Supprimer le mot « thérapeutique », c'est faire courir un risque à quiconque est en situation d'être fragilisé par l'argent, par les médias, par la tentation de gagner.
Je suis assez ferme sur ce point et je ne comprends pas que l'on hésite à imposer au médecin de ne prescrire ces substances que s'il a des raisons thérapeutiques pour le faire.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 5, M. Lesein, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le deuxième alinéa de cet article :
« Si le praticien estime indispensable de prescrire des substances ou des procédés dont l'utilisation est interdite en application de l'arrêté prévu à l'article 11, il informe l'intéressé de l'incompatibilité avec la pratique sportive qui en résulte. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 31 rectifié, présenté par MM. Estier, Sérusclat et les membres du groupe socialiste et apparentés et tendant, dans le texte proposé par l'amendement n° 5 pour le deuxième alinéa de cet article, après les mots : « Si le praticien estime indispensable », à insérer les mots : « à des fins thérapeutiques ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 5.
M. François Lesein, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer, par coordination avec l'amendement précédent, une autre référence à la thérapeutique.
Mais son objet essentiel est de renvoyer à l'article 11, où elle a mieux sa place, la définition du produit dopant : nous vous proposerons qu'elle soit fixée, comme actuellement, par un arrêté.
M. le président. La parole est à M. Sérusclat, pour défendre le sous-amendement n° 31 rectifié.
M. Franck Sérusclat. Permettez-moi de relire l'amendement de la commission : « Si le praticien estime indispensable de prescrire des substances ou des procédés dont l'utilisation est interdite en application de l'arrêté prévu à l'article 11, il informe l'intéressé de l'incompatibilité avec la pratique sportive qui en résulte. »
Si la prescription n'est pas d'ordre thérapeutique, prescrire ces substances ou ces procédés s'inscrit dans une contradiction qui finit par confiner - excusez-moi de la vivacité de mon propos - à l'absurde ! Le médecin devrait prévenir le sportif qu'il existe une incomptatibilité avec la pratique sportive, mais il ne lui dirait pas pourquoi ?
S'il existe une raison thérapeutique, qu'il la communique ! Sinon, encore une fois, l'imprécision sera telle qu'on laissera le champ libre à toutes sortes de raisons inavouées de transgresser la règle. Imagine-t-on un médecin prescrire un médicament dangereux pour celui à qui il le donne et lui dire de le prendre quand même ?
Je considère que nous faisons ici une erreur majeure. Le législateur ne devrait pas introduire dans un texte de loi des situations si ambiguës qu'en définitive les intéressés pourront faire ce qu'ils voudront.
En l'occurrence, la loi ne servira pratiquement à rien car il sera possible de prescrire, sans expliquer pourquoi, des médicaments dopants.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 31 rectifié ?
M. François Lesein, rapporteur. Je ne reprendrai pas ici toute une discussion qui a déjà eu lieu en commission. Je rappellerai simplement à notre collègue M. Sérusclat qu'il existe une déontologie médicale : on ne prescrit pas pour nuire. Lorsque le médecin estime qu'il y a lieu de prescrire, il doit prévenir son patient des risques encourus. On ne peut pas, à l'avance, dire au médecin qu'il va examiner telle personne et qu'il va devoir lui appliquer telle thérapeutique : le médecin en décidera lui-même, la prescription n'est pas obligatoire.
Notre collègue Franck Sérusclat s'attaque donc à la déontologie médicale, au libre exercice de la médecine et au colloque particulier entre le médecin et son malade. Le médecin est libre arbitre !
La commission est donc défavorable au sous-amendement n° 31 rectifié.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 5 et sur le sous-amendement n° 31 rectifié ?
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Je suis favorable à l'amendement n° 5 et, sur le sous-amendement n° 31 rectifié, je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 31 rectifié.
M. Franck Sérusclat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat. Je suis un peu ennuyé d'insister !
Bien sûr, la déontologie est la règle, mais il s'agit ici, justement, de situations où la règle n'est pas observée. N'évoquez pas, alors, la déontologie ! Il est vrai que, dans ce cas, le médecin ne fera pas son métier correctement, ni le sportif, d'ailleurs, parce qu'il aura demandé à être dopé. C'est comme si je ne sais quel personnage acceptait de payer des salaires pour des emplois fictifs ! N'évoquez pas la déontologie alors qu'on sait qu'elle ne sera pas respectée !
Certes, il n'y aurait pas de problème - c'est évident - si tout le monde respectait la déontologie dans tous les domaines : le sportif ne demanderait pas à être dopé, le médecin n'aurait pas à prendre une décision pour le doper.
Voilà pourquoi j'insiste sur la nécessité d'une prescription thérapeutique. Cela ne rompt en rien le colloque singulier entre le médecin et le patient ! Ce n'est pas parce que la prescription sera obligatoirement thérapeutique que le monde entier saura pour quelle raison le malade aura été soigné ! Sinon, le simple fait de transmettre à un pharmacien l'ordonnance de son médecin serait susceptible de rompre ce colloque singulier !
N'évoquez pas des obligations qui sont réelles mais qui ne seraient pas prises en compte dans certaines situations.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 31 rectifié, repoussé par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 6, M. Lesein, au nom de la commission, propose de remplacer la première phrase et le début de la seconde du dernier alinéa de cet article par les mots suivants :
« S'il prescrit des substances ou des procédés dont l'utilisation est, aux termes du même arrêté, compatible sous certaines conditions avec la pratique sportive, le praticien... »
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Lesein, rapporteur. C'est la conséquence de l'adoption de l'amendement n° 5.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5, modifié.

(L'article 5 est adopté.)

Article 6