Séance du 4 juin 1998







M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous franchissons donc aujourd'hui, du moins pour ce qui concerne le Sénat, l'ultime étape de la discussion de ce texte. Si j'en juge par les interventions de M. le secrétaire d'Etat et de M. le rapporteur, c'est avec un sentiment de satisfaction. Je crois pouvoir dire que ce sentiment est partagé.
En effet, la sécurité sanitaire de nos concitoyens devrait se trouver ainsi mieux garantie, grâce à la mise en place d'un dispositif institutionnel assurant une plus grande indépendance et une meilleure efficacité du contrôle des produits destinés à l'homme.
La satisfaction tient aussi au fait que ce progrès résulte d'une initiative parlementaire. Sans doute n'est-il pas inutile, d'ailleurs, de rappeler qu'il s'agit même d'une initiative du Sénat.
Voilà maintenant plus de six ans que la commission des affaires sociales, unanime sur les objectifs et aussi consensuelle que possible quant à la définition des moyens, a engagé cette oeuvre législative, que nous sommes heureux de voir aboutir aujourd'hui.
On peut également relever avec satisfaction que cette initiative a résisté au changement de gouvernement. C'est à M. le Premier ministre que nous le devons d'abord puisque, dès sa prise de fonctions, il a fait du renforcement de la sécurité sanitaire l'une de ses priorités. Mais nous le devons aussi à vous, monsieur le secrétaire d'Etat, et aux autres membres du Gouvernement qui nous ont aidés, même si des désaccords ont quelquefois surgi, sur tel ou tel point, avec certains d'entre eux.
Il s'agit donc d'un travail qui me paraît à tous égards exemplaire, sur le fond comme sur la forme, et je rends ici hommage à M. le rapporteur ainsi qu'à M. le président de la commission, dont l'action a permis, notamment en commission mixte paritaire, d'aboutir à un texte commun.
Cela dit, sans vouloir diminuer leurs mérites, cet accord ne semblait pas trop difficile à trouver, car les oppositions, il faut bien le reconnaître, n'étaient pas très fortes.
C'est ainsi que, sur l'un des trois points importants de nos discussions, l'Assemblée nationale s'est rendue à nos raisons en acceptant que le régime d'autorisation de mise sur le marché des médicaments vétérinaires garantisse que ces autorisations seront délivrées en fonction des seules considérations de sécurité sanitaire.
Il reste que, sur les deux autres points importants d'opposition entre les deux assemblées, il y avait véritablement divergence dans l'analyse. Au demeurant, malgré l'accord intervenu en commission mixte paritaire, cette divergence subsiste.
Ma préférence allait à la création d'une agence unique, et je rappelle que, dans son discours d'investiture, M. le Premier ministre avait indiqué qu'il était lui-même favorable à cette option. Je persiste à penser que l'avenir est à la mise en place d'une agence unique. Si nous nous sommes finalement ralliés à la création de deux agences, seule solution susceptible, en l'état actuel des choses, de dégager un consensus, nous aurions évidemment souhaité que, au-delà de la différence concernant les champs d'intervention - seule justification de cette dualité - leurs compétences et leurs prérogatives fussent identiques.
Malheureusement, sur ce point, nous n'avons pu obtenir satisfaction. Je ne peux que souhaiter une fois de plus que le temps nous donne raison. Sachons, pour l'heure, bénéficier de tous les avantages de l'étape décisive que nous franchissons aujourd'hui, avantages qui sont loin d'être nuls.
Je suis heureux que la commission mixte paritaire ait finalement décidé de permettre à l'Agence de sécurité alimentaire de recourir, en tant que de besoin, aux laboratoires publics de référence qui agissent dans son champ de compétence. Je rappelle qu'une telle faculté s'accompagne de celle, offerte au Gouvernement, de procéder par voie réglementaire au transfert des laboratoires qui lui paraissent devoir être rattachés à l'agence. Il conviendra, monsieur le secrétaire d'Etat, de faire l'inventaire de ces laboratoires, afin de mieux fédérer les efforts et de bien redéployer les moyens.
Quant au pouvoir de police sanitaire confié à l'agence, le compromis finalement retenu est aussi satisfaisant que possible.
Telles étaient, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les remarques que me paraissait appeler le texte aujourd'hui soumis à notre examen.
Une fois que l'Assemblée nationale aura adopté ce texte, à la fin de ce mois, selon ce que vous nous avez annoncé, monsieur le secrétaire d'Etat, il vous restera à faire en sorte que la mise en oeuvre réglementaire de cette nouvelle organisation sanitaire soit réalisée au plus vite, tant il est vrai que l'initiative parlementaire n'est vraiment couronnée de succès qu'au moment où le Gouvernement en tire les conséquences.
Mes chers collègues, poursuivons ensemble nos efforts pour que nos objectifs soient parfaitement atteints. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous arrivons donc au terme de la discussion de cette proposition de loi visant à renforcer la veille et la sécurité sanitaires, un objectif qui, je pense, nous est commun.
Lors des débats, nous avons pu constater que, pour tous, au-delà des appartenances politiques, le risque zéro n'existait pas, ce qui ne nous empêche pas de reconnaître la nécessité d'assurer le mieux possible la sécurité sanitaire de nos concitoyens.
La discussion, engagée depuis maintenant un an, a permis des avancées sur un certain nombre de points ; j'ai d'ailleurs beaucoup appris dans ce débat.
La commission mixte paritaire a adopté une rédaction proche de celle du texte issu des travaux de l'Assemblée nationale en ce qui concerne deux points sur lesquels le désaccord restait fort entre les deux chambres. Pour ma part, je souhaitais que la position de l'Assemblée nationale prévale.
Il s'agit d'abord, bien sûr, de l'atténuation du rôle de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, dont la mission scientifique ne doit pas se confondre avec celle des pouvoirs publics, auxquels il revient, en dernière instance, d'imposer les décisions et d'assumer les responsabilités afférentes.
Il s'agit, ensuite, de la modification apportée par les représentants des deux assemblées visant à mettre à disposition, en tant que de besoin, les laboratoires des services de l'Etat chargés du contrôle de la sécurité sanitaire des aliments et ceux qui leur sont rattachés.
Il s'agit d'un progrès par rapport au texte initial, mais qui ne lève que partiellement mes inquiétudes.
Je prends acte que le CNEVA a gardé son intégrité et que la rédaction actuelle du texte atténue le risque de démantèlement d'autres organismes de recherche prestigieux. Pour autant, cette rédaction ne me semble pas assez précise à cet égard.
En fait, mes interrogations sur la conception de l'organisation des services de sécurité sanitaire et alimentaire qui sous-tend ce texte subsistent.
Je constate, d'ailleurs, que des interrogations se sont exprimées lors des discussions parlementaires, par exemple sur l'organisation de la transfusion sanguine.
J'ajoute que je continue de croire que les affaires de la vache folle et du sang contaminé, qui ont ému, à juste titre, la population et qui ont été à l'origine d'une réflexion plus avancée sur la sécurité sanitaire, sont d'abord et surtout la concrétisation d'un conflit entre l'intérêt économique et l'intérêt de la population.
Bien entendu, aller à l'encontre de cette logique financière néfaste demeure essentiel.
Par ailleurs - j'ai eu l'occasion de le dire et je tiens à le redire ici - la compétence des fonctionnaires, dont le statut reste le meilleur atout d'indépendance et d'impartialité, y compris par rapport au pouvoir politique, ne saurait être mise en cause dans les dysfonctionnements réels en matière de sécurité sanitaire.
Je reste réservée quant à une réorganisation de l'Etat inspirée du modèle américain, qui institue de plus en plus d'agences au lieu de répondre aux questions fondamentales de la nécessaire modernisation de l'intervention de l'Etat et de ses administrations et, surtout, à celles des moyens qui doivent être dégagés.
Cela suppose que la réflexion sur ce sujet soit approfondie et qu'un véritable débat s'instaure, d'une part, sur les missions de santé publique de l'Etat, dont la sécurité sanitaire et alimentaire fait bien entendu partie, et, d'autre part, sur la cohérence des différents organismes chargés de diverses missions d'évaluation en matière de santé et de sécurité sanitaires.
En cohérence avec ces réserves, que j'ai déjà eu l'occasion d'exprimer lors des différentes lectures au Sénat et que je continuerai d'émettre, même si je partage, comme je l'ai dit au début de mon propos, les objectifs que chacun peut légitimement se fixer, je m'abstiendrai, en souhaitant que la mise en place du nouveau dispositif soit évaluée sur la base de l'expérience. Je ne demande qu'à me tromper !
M. le président. La parole est à M. de Bourgoing.
M. Philippe de Bourgoing. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le groupe des Républicains et Indépendants se félicite de l'accord auquel est parvenue la commission mixte paritaire. Il permettra de réaliser une réforme sans précédent de l'ensemble du mécanisme de sécurité sanitaire de notre pays, grâce à un décloisonnement et à une meilleure coordination des différents acteurs de la chaîne de santé.
Je suis heureux de constater que l'Assemblée nationale et le Gouvernement ont perçu tout l'enjeu et la portée de ce texte issu des travaux de nos excellents collègues Charles Descours et Claude Huriet, et que les députés se sont finalement rangés du côté des options choisies par la Haute Assemblée.
Ce succès est non pas le fait du hasard, mais le fruit du talent et de l'opiniâtreté du président de la commission des affaires sociales du Sénat,M. Jean-Pierre Fourcade, et de son rapporteur, M. Claude Huriet.
L'équilibre de cette ambitieuse réforme s'en trouve conforté, préservant ainsi les objectifs de transparence et de lisibilité auxquels nos concitoyens sont de plus en plus attachés.
Le texte élaboré par la commission mixte paritaire confère à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments le pouvoir de décision nécessaire à son action, notamment en matière de police sanitaire.
Cette agence retrouve donc toute la place qui lui était assignée dans l'architecture initiale d'une réforme qu'il paraît urgent, à présent, de mettre en oeuvre.
Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe des Républicains et Indépendants votera sans réserve ce texte tel qu'il résulte des travaux de la commission mixte paritaire.
Ainsi, cet après-midi du 4 juin est à marquer d'une pierre blanche puisque, coup sur coup, deux textes importants issus d'un accord en commission mixte paritaire ont été votés, qui tiennent un grand compte des travaux des commissions du Sénat et du Sénat lui-même. Cela a été souligné par les ministres successifs, ce à quoi nous sommes sensibles. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, ainsi que sur celles du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 93:

Nombre de votants 317
Nombre de suffrages exprimés 301
Majorité absolue des suffrages 151
Pour l'adoption 301

Je veux me réjouir, monsieur le secrétaire d'Etat, que deux commissions mixtes paritaires aient abouti. Cela prouve que le travail bicaméral est utile à la République !
M. Jacques Habert. Bravo !

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