Séance du 12 juin 1998







M. le président. « Art. 39. - Après l'article L. 711-7 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 711-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 711-7-1 . - Dans le cadre des programmes régionaux pour l'accès à la prévention et aux soins prévus à l'article 37 de la loi n° du d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, les établissements publics de santé et les établissements de santé privés participant au service public hospitalier mettent en place des permanences d'accès aux soins de santé adaptées aux personnes en situation de précarité, visant à faciliter leur accès au système de santé et à les accompagner dans les démarches nécessaires à la reconnaissance de leurs droits. Ils concluent avec l'Etat des conventions prévoyant, en cas de nécessité, la prise en charge des consultations externes, des actes diagnostiques et thérapeutiques ainsi que des traitements qui sont délivrés gratuitement à ces personnes. »
Par amendement n° 310, Mme Derycke, M. Autain, Mme Dieulangard et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans la première phrase du texte présenté par l'article 39 pour l'article L. 711-7-1 à insérer dans le code de la santé publique, après les mots : « des permanences d'accès aux soins de santé », d'insérer les mots : « , qui comprennent notamment des permanences d'orthogénie, ».
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Aujourd'hui, un nombre croissant de femmes, isolées ou non, se trouvent dans une situation d'exclusion.
En effet, 41 % des familles exclues ou en grande précarité sont monoparentales et, dans 90 % des cas, ce sont des femmes qui assument ces lourdes charges.
Par ailleurs, de plus en plus de jeunes femmes et de jeunes filles, voire de très jeunes filles, vivent des situations d'exclusion et sont dans le plus grand désarroi affectif et moral. Elles sont tellement perdues qu'elles se persuadent parfois que seule la maternité leur permettra d'exister et leur redonnera une identité. Les résultats sont souvent désastreux.
Certes, des dispositifs existent, le réseau des centres de protection maternelle et infantile, les centres de planification familiale notamment, mais ils ne suffisent pas à répondre à la totalité des besoins et des situations ; je pense notamment aux jeunes femmes victimes de violences, y compris parfois dans leur propre foyer, ou aux jeunes femmes toxicomanes.
La nouvelle mission sociale qui est confiée à l'hôpital doit prendre en compte cette dimension.
Pour qualifier les permanences qui devraient assumer cette mission, j'ai utilisé le terme « orthogénie ». Je n'ai pas trouvé d'autre mot. On aurait pu décrire la totalité de leur activité, mais cela aurait été un peu long.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. En commission, nous avions proposé à ses auteurs de rectifier l'amendement, car le terme « orthogénie », qui ne correspond pas à une spécialité médicale, est en outre peu compréhensible pour les personnes défavorisées qui seraient les bénéficiaires des services de ces permanences.
Je ne crois pas, personnellement, que ce terme soit appelé à un grand avenir, surtout si on devait lui donner son sens étymologique.
Cette rectification n'ayant pas été effectuée, la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. J'ai été très sensible aux arguments développés par Mme Derycke. Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 310, accepté par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 472, M. Autain, Mmes Derycke et Dieulangard et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger ainsi la dernière phrase du texte proposé par l'article 39 pour l'article 711-7-1 du code de la santé publique : « Ils concluent avec l'Etat et la Caisse nationale d'assurance maladie des conventions prévoyant la prise en charge des consultations externes, des actes diagnostiques et thérapeutiques, des traitements qui sont délivrés gratuitement à ces personnes ainsi que de toutes les charges supplémentaires résultant de la mise en place des permanences d'accès aux soins. »
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Cet amendement tend à généraliser l'implantation des cellules d'accueil dans les hôpitaux, que l'on appelle aujourd'hui les « permanences d'accès aux soins de santé », les PASS.
Les PASS offriront des consultations de médecine générale et organiseront des consultations sociales permettant d'accompagner les personnes démunies dans leurs démarches. Ils proposeront des actions de dépistage et de prévention en cas de nécessité, délivreront gratuitement des examens et des médicaments et, depuis le vote intervenu voilà quelques instants - j'en remercie d'ailleurs mes collègues - organiseront aussi des permanences d'orthogénie.
Un financement spécifique de 61 millions de francs par an est prévu de 1998 à 2 000. Des conventions spécifiques seront passées entre l'Etat et ces établissements pour soutenir financièrement le développement et l'application de ce dispositif.
L'objet de cet amendement est de généraliser ces conventions et de faire en sorte qu'elles prennent en considération l'ensemble des charges consécutives à cette nouvelle mission. Il n'est pas question de demander un financement supplémentaire à l'Etat mais, comme nous connaissons tous l'étroitesse des budgets hospitaliers et les difficultés financières que subissent les hôpitaux, il nous a semblé indispensable de rendre ces conventions automatiques et de faire en sorte qu'elles prennent en compte toutes les dépenses induites par cette nouvelle mission.
En fait, cet amendement a pour objet de compléter le dispositif mis en place.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Nous partageons le souci des auteurs de l'amendement. S'il est légitime que l'assurance maladie finance des soins et des médicaments, toutes les charges supplémentaires relatives à l'organisation de permanences, c'est-à-dire en fait tout le volet social, doivent être financées par l'Etat.
A cet égard, nous aimerions que le Gouvernement soit plus clair dans l'exposé du financement du dispositif. En effet, le tableau de financement qui nous a été transmis ne mentionne que les 61 millions de francs imputables sur l'enveloppe de l'ONDAM. Quelle est la part qui reviendra à l'Etat dans le financement de ces mesures ? J'aimerais connaître la réponse de M. le secrétaire d'Etat sur cette question avant de donner l'avis de la commission sur l'amendement.
M. le président. Quel est, donc, l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement, et ce pour une raison extrêmement simple : nous ne souhaitons pas que soient modifiées les règles de financement prévues dans cet article, s'agissant des PASS et des conventions.
Les conventions passées par l'Etat pour les consultations externes et la délivrance de médicaments et d'actes diagnostiques ou thérapeutiques relèvent de la solidarité nationale ; elles doivent donc être financées par le budget de l'Etat.
On évalue le nombre de conventions à 300 en 1998, pour un coût maximal potentiel de 9 millions de francs, et à 900 en l'an 2000, pour un coût maximal potentiel de 24 millions de francs. Je vous rappelle que le coût de chaque convention devrait se réduire après la mise en place de la couverture maladie universelle.
A l'inverse, les permanences d'accès aux soins de santé, qui recouvrent essentiellement des frais de personnel, permettent aux établissements de santé de mener à bien cette mission sociale de l'hôpital que le projet de loi en discussion leur demande d'assurer. A ce titre, elles doivent être comprises dans le budget de ces établissements et relèvent, par conséquent, de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie, voté chaque année à l'automne par le Parlement.
Le coût des PASS passera de 50 millions de francs en 1998 à 75 millions de francs en l'an 2000.
Vous comprendrez, madame Derycke, qu'il n'est pas envisageable, pour des raisons de transparence financière, d'imputer sur le budget de l'Etat les charges d'une des missions de l'hôpital. C'est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
J'ai bien compris que vous souhaitiez voir ces missions sociales constituer, en quelque sorte, des missions naturelles de l'hôpital. Dès lors, il faut qu'elles soient prises en charge par le budget hospitalier.
Ainsi que je l'ai indiqué tout à l'heure à Mme Borvo, on ne peut pas en permanence demander à l'Etat d'intervenir financièrement pour compléter ce qui relève normalement de l'assurance maladie. On ne peut pas jouer sur une élasticité des budgets, alors que celle-ci demeure extrêmement modérée.
Nous avons le sentiment que les PASS correspondent à une mission de santé publique indispensable et que celle-ci deviendra naturelle pour les hôpitaux.
Cela étant, certaines évolutions dans diverses pathologies sont susceptibles d'engendrer des économies. Ainsi, la pérennité de ces mesures sera assurée.
M. le président. Quel est, maintenant, l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Je fais toute confiance à l'engagement pris par M. le secrétaire d'Etat sur les chiffres qu'il a cités concernant le financement de ces mesures. Toutefois, j'observe qu'il ne correspondent à aucun de ceux qui figurent dans le programme de prévention et de lutte contre les exclusions.
Néanmoins, la commission suivra l'avis du Gouvernement sur cet amendement, dont elle demande également le retrait.
M. le président. Votre amendement est-il maintenu, madame Derycke ?
Mme Dinah Derycke. Non, monsieur le président. Je le retire.
M. le président. L'amendement n° 472 est retiré.
Par amendement n° 360, Mme Nicole Borvo, M. Guy Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter le texte présenté par l'article 39 pour l'article L. 711-7-1 à insérer dans le code de la santé publique par un alinéa ainsi rédigé :
« Afin de mettre en place un dispositif identique de proximité pour l'accès à la prévention et aux soins, les dispositions du présent article peuvent être étendues aux centres de santé. Une négociation préalable comprenant les professionnels de santé et organismes gestionnaires de centres de santé, l'Etat et la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, en fixera les termes dans le cadre de la convention nationale des centres de santé. »
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Cet amendement vise à permettre à toutes les personnes en grande difficulté et marginalisées d'accéder effectivement aux soins en étendant le conventionnement des structures d'accueil prévu pour les hôpitaux à la médecine de ville, c'est-à-dire aux centres de santé et aux professionnels libéraux volontaires.
Vous le savez, en raison d'une désocialisation, comportement qui caractérise leur état de détresse psychologique et morale, ces personnes sont souvent réfractaires à l'accomplissement des démarches nécessaires au rétablissement de leurs droits. Cette attitude de renoncement aggrave encore la complexité des situations, d'autant que, dans la moitié des cas environ, les délais de résolution sont considérablement allongés du fait de la perte des documents personnels.
La simplification qui devrait être introduite par la future assurance maladie universelle ne saurait, en tout état de cause, remédier à tous ces maux. De ce fait, les consultations gratuites hospitalières vont continuer de remplir une mission particulièrement utile. Les consultations ont aussi le grand mérite d'amorcer ou d'accélérer la réintégration de ces malades dans leurs droits, à l'occasion de leur demande de soins. Mais leur point faible - et je n'ai pas entendu que les choses allaient considérablement changer - est de ne pas répondre ou de répondre de moins en moins au besoin de proximité, c'est-à-dire au besoin d'une prise en charge médicale plus rapide et plus large.
Cette insuffisance du dispositif explique, pour une part, qu'on rencontre dans ces structures d'accueil hospitalières autant de pathologies évoluées, avec les fâcheuses conséquences que l'on sait pour la santé des personnes concernées, pour la santé publique et pour les dépenses de santé.
C'est pourquoi nous proposons d'adopter cet amendement. Bien sûr, une négociation préalable réunissant tous les acteurs concernés fixerait les termes de la mise en place étendue de ces structures d'accueil, dans le cadre de la convention nationale des centres de santé.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission fait observer qu'un rapport de l'inspection générale des affaires sociales est en cours d'élaboration, qui porte précisément sur la législation relative aux centres de santé et sur leur financement. Elle s'interroge donc sur l'opportunité qu'il y aurait à modifier aujourd'hui cette législation alors que les conclusions de ce rapport sont attendues.
Avant de se prononcer sur cet amendement, elle souhaite connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement reconnaît qu'il est important que les centres de santé participent à la lutte contre les exclusions. Mais il est difficile de les mettre sur le même plan que l'hôpital, car ils ne peuvent pas remplir les mêmes fonctions.
A l'article précédent, nous avons d'ailleurs proposé que l'hôpital, afin de satisfaire les besoins en matière de soins de proximité, sorte lui-même de ses murs, et cela a été adopté. Toutefois, nous n'avons arrêté aucune modalité. En tout cas, nous souhaitons que les médecins libéraux et les médecins hospitaliers puissent aller consulter dans les quartiers difficiles.
Mais vous n'êtes pas sans savoir que la plupart des centres de santé rencontrent de réelles difficultés, alors même que ces centres constituent souvent un exemple, en particulier pour la rémunération des médecins. Mon cabinet, qui suit très attentivement le dossier des centres de santé, a eu l'occasion de s'entretenir de ce sujet avec de nombreux parlementaires, notamment les élus de la Seine-Saint-Denis.
Conscients de ces difficultés, nous avons confié à l'IGAS la mission d'examiner l'ensemble des problèmes posés par les centres de santé. Ses conclusions, qui devraient être rendues à l'automne, constitueront la base d'une négociation globale entre le ministère de la santé, les caisses nationales d'assurance maladie et les représentants des différents acteurs présents dans les centres de santé.
C'est donc à partir d'une analyse claire des missions que les centres de santé assument que, avec le Parlement, nous pourrons envisager d'adapter leurs règles de fonctionnement à leur spécificité.
Par ailleurs, cet amendement fait référence à une convention nationale des centres de santé qui n'existe pas.
En conséquence, madame le sénateur, tout en comprenant le souci qui vous anime, je ne peux que vous demander de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. Quel est, maintenant, l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Il est identique à celui du Gouvernement.
M. le président. Madame Borvo, maintenez-vous votre amendement ?
Mme Nicole Borvo. Je vais le retirer, monsieur le président, ayant bien entendu les propos de M. le secrétaire d'Etat. Je souhaite néanmoins que ma proposition soit effectivement étudiée lors des discussions qui s'engageront après que l'IGAS aura rendu ses conclusions.
M. le président. L'amendement n° 360 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 39, modifié.

(L'article 39 est adopté.)

Article 39 bis