Séance du 12 juin 1998







M. le président. « Art. 78 bis . - La lutte contre l'illettrisme constitue une priorité nationale. Cette priorité est prise en compte par le service public de l'éducation ainsi que par les personnes publiques et privées qui assurent une mission de formation ou d'action sociale. Tous les services publics contribuent de manière coordonnée à la lutte contre l'illettrisme dans leurs domaines d'action respectifs. »
Par amendement n° 393, Mme Luc, MM. Renar, Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans la première phrase de cet article, après les mots : « contre l'illettrisme », d'insérer les mots : « des jeunes en âge scolaire et des adultes ».
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Plus d'un siècle nous sépare de la loi Jules Ferry de 1882, qui rendait l'enseignement primaire obligatoire.
Un siècle après, 10 % des enfants entrant en sixième sont considérés comme étant en grande difficulté scolaire.
Sur 200 000 jeunes qui sortent du système éducatif sans formation, 80 000 sont concernés par l'illettrisme.
Au total, dans notre pays, près de 2,5 millions de personnes ont des difficultés à parler, à lire ou à écrire le français.
Près de la moitié de ces personnes sont des adultes de langue maternelle française.
Ces quelques chiffres révèlent à eux seuls l'importance de l'illettrisme et les exclusions qu'il génère.
Tout en reconnaissant le bien-fondé de l'inscription dans le projet de loi que nous examinons de la question de l'illettrisme comme priorité nationale, nous pensons qu'il nous faut aller plus loin en permettant au service public de l'éducation nationale d'oeuvrer tout aussi bien en direction des publics d'âge scolaire qu'en direction des adultes.
Combattre l'illettrisme, c'est permettre aux milliers de ceux qui sont rejetés par leur langue - peut-on concevoir pire exclusion ? - de retrouver une dignité inaccessible.
C'est rendre possible, enfin, l'accès à une réelle citoyenneté fondée sur une culture et une langue communes.
Pour l'ensemble de ces raisons, je vous invite à adopter notre amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission n'avait pas vu, a priori, la nécessité de cet amendement, mais je souhaiterais connaître la position du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement considère que le complément apporté par cet amendement est utile, et il est donc favorable à l'adoption de ce texte.
M. le président. Quel est, maintenant, l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Sagesse.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 393, accepté par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 451 rectifié, MM. Darniche et Maman proposent d'insérer, après la première phrase de l'article 78 bis , une phrase ainsi rédigée :
« Elle comprend la prévention dès l'enfance, la détection et la lutte contre la dyslexie et la dysphasie, la sensibilisation des familles. »
La parole est à M. Maman.
M. André Maman. Cet amendement a pour objet d'ériger la lutte contre l'illettrisme en une véritable priorité nationale exercée de manière coordonnée par l'ensemble des intervenants. Par rapport au projet initial, le présent amendement définit de manière précise les trois axes principaux et incontournables qui constituent les piliers d'une lutte efficace et en profondeur contre l'illettrisme en France.
L'illettrisme a souvent pour origine une dyslexie ou une dysphasie, à savoir le retard important et durable du langage chez l'enfant, non détectées ou mal rééduquées. Les conséquences de la dysphasie et de la dyslexie sont accentuées lorsqu'elles atteignent des enfants issus de milieurs défavorisés. Une prévention accrue de l'illettrisme passe donc également par une prise en compte précoce des troubles spécifiques d'apprentissage du langage écrit et oral.
Ce projet de loi doit par ailleurs affirmer que la prévention dès l'enfance, par l'intermédiaire du service public de l'éducation et de la formation, ainsi que la sensibilisation des familles constituent le point fort de cette « bataille nationale » en ce qu'ils interviennent en « amont », et donc en phase préventive, de ce terrible fléau social.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission avait été désolée de devoir émettre un avis défavorable à sur dispositions introduites à l'endroit du texte concernant la formation professionnelle des adultes. Je suis donc très heureux de voir proposer cet amendement maintenant, car il est utile et important de détailler ces questions qui expliquent souvent les causes de l'illettrisme.
La commission est donc favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Le point évoqué dans l'amendement que vient de défendre avec conviction M. Maman a fait l'objet d'une longue discussion à l'Assemblée nationale. A cette occasion, le ministre de l'éducation nationale, forcément plus compétent que moi en cette matière, a pu largement s'exprimer. Le point auquel nous sommes parvenus dans ce débat ne me permet pas de faire autre chose que de le mentionner pour que, éventuellement, vous puissiez vous reporter au Journal officiel .
Synthétiquement, le Gouvernement n'est pas favorable à l'adoption de cet amendement. Il redoute en effet que sa formulation n'enferme l'action contre l'illettrisme dans une approche trop médicalisée et trop restrictive. Aussi souhaite-t-il que son analyse soit comprise et partagée.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 451 rectifié.
Mme Hélène Luc. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. En vérité, je voudrais revenir sur l'amendement n° 391 relatif à l'allocation de rentrée scolaire pour dire à M. le secrétaire d'Etat qu'il s'agissait d'une bonne disposition et qu'on ne devrait pas opposer l'article 40 de la Constitution à un tel amendement.
Je vous demande, monsieur le secrétaire d'Etat, d'être notre interprète au sein du Gouvernement pour transmettre notre vif désir de voir la prime de rentrée scolaire augmentée comme l'année dernière, c'est-à-dire triplée par rapport à l'avant-dernière année.
M. Jean Chérioux. C'est l'avis de la gauche plurielle !
M. Jacques Habert. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Je voudrais tout d'abord remercier notre rapporteur et la commission d'avoir donné un avis favorable sur cet amendement dont M. Darniche est le premier signataire. Il est, en effet, important.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous savons bien qu'une longue discussion a eu lieu à l'Assemblée nationale sur ce sujet. Mais elle n'a débouché sur aucun texte, contrairement à ce qui s'était passé plus tôt pour l'illettrisme. Par conséquent, nous comblons là une lacune en proposant qu'un texte de quelques lignes soit inséré.
Je suis assez d'accord avec vous, monsieur le secrétaire d'Etat, sur le fait que cette proposition contient des termes peut-être trop techniques. Mais on peut la rédiger autrement ; nous vous en laissons le soin.
Vous avez dit vous-même qu'il fallait faire quelque chose. On peut parler de troubles spécifiques du langage si vous le voulez, ultérieurement ou maintenant. Mais le plus simple, je crois, puisque tout le monde a reconnu l'utilité de cet article, y compris le Gouvernement, serait que nous le votions et qu'à la faveur de la navette entre l'Assemblée et le Sénat nous en améliorions les termes si besoin est.
Mes chers collègues, j'espère vivement que, dans ces conditions, vous voterez cet amendement 451 rectifié, afin que ce court additif figure dans le texte. Il me paraît d'autant plus important que les troubles de langage ne sont pas suffisamment pris en compte dans notre éducation nationale, alors qu'à l'étranger, aux Etats-Unis notamment, on travaille sur le langage dès l'apparition des premiers troubles, ce qui permet à des enfants d'abord exclus des cours normaux en raison de problèmes parfois mineurs de se mettre rapidement à niveau. J'espère donc, mes chers collègues, que nous allons tous ensemble voter cet amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 451 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 78 bis , modifié.

(L'article 78 bis est adopté.)

Article additionnel après l'article 78 bis