Séance du 12 juin 1998







M. le président. « Art. 44. - I. - Le quatrième alinéa de l'article L. 331-3 du code de la consommation est ainsi rédigé :
« Le débiteur est entendu à sa demande par la commission. Celle-ci peut également entendre toute personne dont l'audition lui paraît utile, sous réserve que celle-ci intervienne à titre gratuit. »
« II. - Après le cinquième alinéa du même article, il est inséré deux alinéas ainsi rédigés :
« Après avoir été informés par la commission de l'état du passif déclaré par le débiteur, les créanciers disposent d'un délai de trente jours pour fournir, en cas de désaccord sur cet état, les justifications de leurs créances en principal, intérêts et accessoires. A défaut, la créance est prise en compte par la commission au vu des seuls éléments fournis par le débiteur.
« Les créanciers doivent alors indiquer si les créances en cause ont donné lieu à une caution et si celle-ci a été actionnée. »
Par amendement n° 315, Mmes Derycke, Dieulangard, Printz, MM. Huguet, Vezinhet, Autain et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, avant le paragraphe I de cet article, d'ajouter un paragraphe nouveau ainsi rédigé :
« ... - La seconde phrase du deuxième alinéa de l'article L. 331-3 du code de la consommation est ainsi rédigée :
« Celui-ci est tenu de lui déclarer les éléments actifs de son patrimoine ainsi que l'identité de ses créanciers pour que la commission puisse établir les éléments passifs. »
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Les associations présentes au sein des commissions de surendettement ont démontré la nécessité d'une vérification systématique des créances dues par les surendettés.
De l'analyse de 182 jugements statuant sur contestations de recommandations émises par 34 commissions de surendettement, entre 1996 et 1997, il est ressorti la nécessité d'une vérification systématique des créances.
En effet, cette étude a apporté la preuve irréfutable de l'existence d'un risque sérieux de présence de sommes indues dans les recommandations et a fortiori dans les plans des débiteurs surendettés.
Dans le texte actuel, inchangé par le projet de loi, les commissions de surendettement devront se fonder sur les déclarations du débiteur afin de dresser l'état du passif, sauf contestation dûment justifiée de la part du débiteur dans un délai de 30 jours.
Or, les surendettés sont souvent dans l'incapacité de retrouver les pièces leur permettant de reconstituer leurs versements, d'établir à un instant précis le montant exact des sommes restant dues à tel ou tel créancier et de calculer exactement ces sommes. L'enjeu financier de la vérification des créances peut être pourtant majeur.
Pour remédier à cet état de fait, nous proposons de prévoir que la commission sollicite du débiteur l'identité de ses créanciers et exige de ces derniers la communication des pièces justifiant le bien-fondé de la créance.
Je rappelle que la loi de 1985, modifiée en 1994, sur le règlement des procédures collectives respecte le même schéma.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Cet amendement vise à ce que le débiteur déclare à la commission l'état de son patrimoine et l'identité de ses créanciers.
Une telle disposition a semblé inutile à la commission des affaires sociales puisque la commission de surendettement dispose déjà des moyens suffisants pour établir le passif du débiteur : possibilité d'audition, possibilité de publier un appel aux créanciers.
Elle a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Il est difficile pour le Gouvernement de donner un avis sur cet amendement. Celui-ci nous semble redondant par rapport à la seconde phrase du troisième alinéa de l'article L. 331-3 du code de la consommation qui permet d'avoir connaissance à la fois de l'actif et du passif. Si l'on considérait que cet amendement apporte une précision supplémentaire concernant l'identité des créanciers, il se concevrait peut-être. Mais, honnêtement, je ne comprends pas bien la motivation qui le sous-tend. Je m'en remets donc à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. L'amendement n° 315 est-il maintenu, madame Derycke ?
Mme Dinah Derycke. Oui, monsieur le président.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 315, repoussé par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Toujours sur l'article 44, je suis maintenant saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 159 est présenté par M. Paul Girod, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° 255 est déposé par M. Loridant, au nom de la commission des finances.
Tous deux tendent, à la fin de la seconde phrase du texte proposé par le paragraphe I de l'article 44 pour le quatrième alinéa de l'article L. 331-3 du code de la consommation, à supprimer les mots : « sous réserve que celle-ci intervienne à titre gratuit ».
La parole est à M. Loridant, rapporteur pour avis, pour défendre ces deux amendements.
M. Paul Loridant, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à supprimer la référence à la gratuité de l'audition de toute personne dont le témoignage peut paraître utile à la commission de surendettement.
Afin de pouvoir élaborer un plan de redressement, la commission doit connaître exactement la situation financière des débiteurs. Aussi, elle dresse l'état de leur endettement à partir du dossier qu'ils ont déposé auprès de la Banque de France.
Toutefois, la commission peut quelquefois avoir besoin de renseignements supplémentaires qu'elle peut obtenir soit des créanciers, soit du travailleur social qui suit le débiteur, soit encore - mais cette liste n'est pas exhaustive - du débiteur lui-même.
Le quatrième alinéa de l'article L. 331-3 dispose ainsi que la commission « peut entendre toutes les personnes dont l'audition lui paraît utile ».
A cet égard, l'Assemblée nationale a voté une disposition qui précise que toutes les auditions se font à titre gratuit. Elle a ainsi voulu éviter que la situation du débiteur ne soit encore aggravée par la nécessité de payer la personne choisie par lui pour l'accompagner.
Or, si l'intention de l'Assemblée nationale est louable, cette disposition se révèle soit inutile, soit dangereuse.
Elle est inutile à chaque fois que la commission entend un travailleur social, un établissement de crédit ou encore le débiteur lui-même, puisqu'il ne viendrait pas à l'idée de ces derniers de se faire rémunérer.
En outre, elle est dangereuse dans la mesure où elle empêche et le débiteur et les créanciers de rémunérer la personne de leur choix pour se faire représenter devant la commission. En pratique, cela signifie que la plupart des avocats refuseront d'intervenir, ce qui se retournera non seulement contre les créanciers, mais également contre les débiteurs que cette disposition est censée protéger.
C'est pourquoi, en accord avec la commission des lois, je vous propose de supprimer cette disposition.
Mes chers collègues, au demeurant, je vous rappelle que nous avons voté, avant l'article 42, un amendement qui nous paraît répondre à la préoccupation qui avait été affichée par l'Assemblée nationale. Nous vous invitons donc à voter les amendements identiques n°s 159 et 255.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques n°s 159 et 255 ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement retient en particulier le dernier argument : le Sénat, au début de cette séance, a adopté les amendements identiques n°s 154 et 152, qui répondent déjà à cette préoccupation.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis favorable sur les amendements identiques n°s 159 et 255.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 159 et 255, acceptés par la commission et par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 362, Mme Terrade, M. Fischer, Mme Borvo, MM. Minetti, Lefebvre, Pagès, Duffour, Dérian, Mmes Beaudeau, Bidard-Reydet, MM. Renar, Bécart, Mme Luc, M. Ralite, proposent de rédiger comme suit le premier alinéa du texte présenté par le paragraphe II de l'article 44 pour être inséré après le cinquième alinéa de l'article L. 331-3 du code de la consommation :
« Après avoir été informés par la commission de l'état du passif déclaré par le débiteur, les créanciers doivent fournir dans un délai de trente jour les justifications de leurs créances en principal, intérêts et accessoires. »
Par amendement n° 316, Mmes Derycke, Dieulangard, Printz, MM. Huguet, Vezinhet, Autain et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent ; dans la première phrase du premier alinéa du texte présenté par le paragraphe II de l'article 44 pour insérer deux alinéas après le cinquième alinéa de l'article L. 331-3 du code de la consommation, de remplacer les mots : « trente jours » par les mots : « vingt jours ».
La parole est à Mme Terrade, pour défendre l'amendement n° 362.
Mme Odette Terrade. L'amendement que nous vous soumettons vise à rendre obligatoire pour le créancier les justifications de ses créances devant la commission de surendettement.
L'article 44, tel qu'il est rédigé, considère cette procédure comme une possibilité offerte au créancier seulement dans l'éventualité d'un désaccord sur l'état de la dette.
Or, pour que la commission dispose, en toutes circonstances, de l'ensemble des éléments lui permettant d'édifier un plan amiable qui soit juste et équitable, il nous paraît légitime que les deux parties, débiteur et créancier, soient en mesure de déclarer le montant de la dette en cause.
En effet, le débiteur, bien qu'il soit de bonne foi, peut avoir des difficultés à dresser l'inventaire de son passif, eu égard à la complexité et à la diversité de la gestion des crédits auquel il a pu avoir recours.
Dans l'hypothèse où le débiteur, malgré sa bonne foi, sous-évalue le niveau de son endettement devant la commission, le créancier peut contester et opposer sa propre évaluation de la dette.
En revanche, si le débiteur a malencontreusement surévalué l'état de son passif, le créancier n'aura aucun intérêt à contester la parole du débiteur. Dans le cas présent, le plan amiable aura abouti, certes, mais sera objectivement défavorable au débiteur.
C'est pourquoi nous préconisons que l'état du passif, d'un côté, et l'état des créances, de l'autre, puissent être confrontés l'un et l'autre devant la commission dans un souci de justice.
Par ailleurs, il ne nous paraît pas fortuit de contraindre les créanciers à justifier de leurs créances. Cela ne peut que contribuer à responsabiliser davantage certains établissements de crédit.
J'ai bien conscience que cet amendement aura pour conséquence d'alourdir la procédure là où il serait nécessaire d'introduire plus de souplesse.
Cela nous paraît pourtant indispensable pour conforter la crédibilité des décisions de la commission et pour traiter de la même façon débiteurs et créanciers.
C'est pourquoi nous vous proposons d'adopter cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Derycke, pour défendre l'amendement n° 316.
Mme Dinah Derycke. Afin de réduire efficacement les délais de procédure sans toutefois léser chacune des parties, l'amendement n° 316 vise à ramener le délai de contestation des créanciers à vingt jours, ce qui aurait par ailleurs pour conséquence d'harmoniser ce délai avec le délai de contestation des débiteurs.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 362 et 316 ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. L'amendement n° 362 vise à rendre obligatoire pour le créancier la justification de ses créances.
La rédaction actuelle du projet de loi nous paraît préférable : elle prévoit que les créanciers disposent d'un délai de trente jours pour justifier de leurs créances en cas de désaccord. A défaut, la créance est prise en compte au seul vu des éléments fournis par le débiteur. Cela nous semble suffisant, et la commission émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 362.
Elle est également défavorable à l'amendement n° 316. Le débat en première lecture à l'Assemblée nationale a déjà fait baisser ce délai de quarante-cinq à trente jours.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Si le Gouvernement comprend le souci des auteurs de l'amendement n° 362, il considère néanmoins qu'il faut aussi prendre en compte la façon dont travaillent les commissions de surendettement.
Une discussion est intervenue sur ce point à l'Assemblée nationale. Il a été estimé que la demande de pièces supplémentaires de ce type, en phase amiable, alourdirait la procédure.
Par conséquent, le Gouvernement, pour des raisons d'efficacité et de respect de la phase amiable de la commission de surendettement, émet un avis défavorable sur l'amendement n° 362.
J'en viens à l'amendement n° 316. Le Gouvernement avait proposé, dans le projet de loi initial, un délai de quarante-cinq jours, que l'Assemblée nationale a ramené à trente jours. Compte tenu de la difficulté qu'il y a à fournir les pièces, de l'ensemble des démarches à accomplir et des avis sur ce point des commissions de surendettement, le délai de trente jours paraît raisonnable. Le Gouvernement préférerait en rester là. Il émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 316.
M. le président. Madame Terrade, l'amendement n° 362 est-il maintenu ?
Mme Odette Terrade. Je suis sensible à l'argument de Mme la secrétaire d'Etat, que j'avais moi-même évoqué dans mon intervention : cette disposition risquerait d'alourdir la procédure.
Dans le même temps, les arguments avancés par rapport au créancier sont aussi à prendre en compte.
Mais dans le souci d'une mise en oeuvre rapide de cette loi, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 362 est retiré.
Madame Derycke, l'amendement n° 316 est-il maintenu ?
Mme Dinah Derycke. Je le retire.
M. le président. L'amendement n° 316 est retiré.
Par amendement n° 160, M. Paul Girod, au nom de la commission des lois, propose, dans le second alinéa du texte présenté par le II de l'article 44 pour être inséré après le cinquième alinéa de l'article L. 331-3 du code de la consommation de remplacer les mots : « doivent alors indiquer » par le mot : « indiquent ».
La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Il s'agit d'un amendement purement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 160, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 44, modifié.

(L'article 44 est adopté.)

Article additionnel après l'article 44