Séance du 18 juin 1998







M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Pagès, pour explication de vote.
M. Robert Pagès. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme je l'avais indiqué au cours de la discussion générale, notre appréciation sur le projet de loi était quelque peu mitigée. Nous sommes en effet favorables au développement des alternatives aux poursuites pénales, mais à la condition expresse que ni le principe du contradictoire ni la présomption d'innocence ne soient mis en cause.
Or, la présente procédure, assimilable au plaidé coupable anglo-saxon, comporte ce risque en ce qu'elle renforce considérablement le rôle du parquet. Nous regrettons tout particulièrement l'instauration d'une indemnité compensatrice, qui introduit, qu'on le veuille ou non, des rapports d'argent dans le rendu même de la justice.
La modification, adoptée par le Sénat, consistant à élever le montant de cette indemnité à 50 000 francs, nous fait évoluer de l'hésitation vers l'hostilité à l'encontre de cette mesure.
Un aspect du projet de loi nous paraissait particulièrement positif : la restauration partielle, très partielle, même, mais réelle des compétences de la formation collégiale.
La majorité sénatoriale a maintenu le concept de juge unique. Depuis des années, nous avons contesté cette évolution, fondée sur le souci des restrictions budgétaires, en démontrant ses dangers pour la qualité de la justice et l'égalité devant elle.
Ces deux remarques, qui portent sur les points essentiels du projet de loi et sa discussion ici même, expliquent notre abstention.
Souhaitons, madame la ministre, que la navette parlementaire permettra de revenir sur les reculs votés ici par la majorité sénatoriale et d'améliorer encore le texte initial !
Je suis persuadé que vous aurez à coeur d'oeuvrer en ce sens, en poursuivant l'importante réforme de la justice, si nécessaire et que vous avez vigoureusement mise en oeuvre.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Le groupe socialiste, unanime, votera avec plaisir le texte qui résulte de nos travaux.
Un certain nombre d'orateurs avaient remarqué la diversité de son contenu. C'est vrai que son unité profonde, je la vois surtout dans la volonté, que nous saluons et que nous soutiendrons, de Mme la garde des sceaux de faire progresser l'institution judiciaire, qu'il s'agisse de son fonctionnement ou des garanties des justiciables !
J'ai eu le sentiment - je le lui dis avec toute l'amitié et l'admiration que je lui porte - qu'elle était peut-être quelque peu heurtée par l'accumulation des termes, la mosaïque, « le patchwork », la diversité, que sais-je encore ! Non, madame la garde des sceaux, ne le soyez pas !
D'abord, c'est vrai que la procédure offre tant d'aspects qu'il est difficile de ne pas les réunir en un faisceau que vous liez par votre volonté.
Et puis, très franchement, parmi les meilleurs poèmes que nous connaissons, l' Inventaire de Prévert n'est-il pas ravissant ? Je vous laisse le soin de trouver le raton-laveur de ce texte ! (Sourires. - Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Souplet.
M. Michel Souplet. Le groupe de l'Union centriste votera ce texte, car des avancées très sérieuses ont été faites.
Avant-hier, alors que nous évoquions ce débat au sein de notre groupe, l'un de mes amis m'a dit qu'en fait nous n'allions entendre que les avocats. C'est un peu vrai, on a beaucoup entendu les avocats. Mais, j'en suis ravi ; j'aimerais avoir les mêmes facilités d'expression qu'eux pour défendre mes thèses quand j'ai à le faire !
Madame le ministre, j'ai un peu l'impression de m'exprimer au nom d'une grande majorité de Français, qui, parce qu'ils croient en leur justice, souhaitent qu'elle soit effectivement plus rapide.
Un de mes amis conciliateur à Compiègne me disait récemment qu'en général on lui confie - est-ce le président du tribunal, est-ce le procureur : je ne sais pas ? - une vingtaine de litiges à régler par semaine ; 90 % de ces litiges sont réglés et n'encombrent donc plus la justice.
Ne pourrait-on augmenter cette possibilité offerte de « soulager » les tribunaux de petits dossiers qui pourraient être assez facilement réglés ? En effet, il suffit parfois que des hommes se rencontrent pour que les choses s'en trouvent facilitées. C'est, en tout cas, un souhait que j'exprime.
M. le président. La parole est à M. Robert.
M. Jean-Jacques Robert. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur ce qui s'est passé ce matin. Je ferai simplement remarquer que, de ce fait, les amendements de MM. Haenel et Pluchet n'ont pas pu être défendus, ce qui a nui à l'évolution du texte et, par la même, à sa qualité.
Pour ma part, je ne parlerai pas de patchwork. Je dirai plutôt que nous avons fait un travail de fourmi qui était utile parce que nécessaire.
Pour les personnes intéressées, nos concitoyens, ce travail a tendu à rendre plus simples certain actes, certaines procédures, certaines démarches, c'est-à-dire le fonctionnement de notre justice.
Je veux saluer le travail de notre rapporteur, M. Fauchon, et sa volonté marquée d'améliorer ce texte.
Je joins ma voix à celle de M. Hyest pour déplorer que l'intervention de M. Millaud sur la situation des TOM soit restée sans réponse. Cette réponse, il faudra la lui apporter.
En ce qui les concerne, les membres du groupe du RPR voteront ce texte.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

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