Séance du 29 juin 1998







M. le président. « Art. 6. - Le document d'objectifs est un document-cadre qui définit, pour chaque site, les orientations et les modalités de gestion liées à la conservation des habitats et des espèces d'intérêt communautaire. Il comporte également une évaluation de l'impact financier de ces dispositions, tant pour les collectivités publiques que pour les personnes privées. »
Par amendement n° 4 rectifié bis, MM. Vasselle, Martin et Grignon proposent, dans la première phrase de cet article, après le mot : « orientations », d'insérer les mots : « , les actions, les modalités financières ».
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. L'article 6 est sans aucun doute l'un des articles les plus importants de la présente proposition de loi. En effet, il définit les conditions dans lesquelles sera établi le document d'objectifs.
La grande préoccupation des acteurs locaux, qu'il s'agisse des représentants de l'agriculture, de la forêt, de la chasse, de la pêche, d'une manière générale de tous ceux qui jouent un rôle dans la nature ou près de la nature, au regard de la directive Natura 2000, c'est de connaître dans quelles conditions s'appliquera cette directive et seront gérés les sites protégés.
Dès 1992, nous avons organisé des réunions de concertation et d'information à l'échelon local avec les représentants de l'Etat, qu'il s'agisse du préfet ou des représentants de la direction départementale de l'agriculture. Au cours de la discussion générale, il a été dit qu'aucune action de concertation n'avait été lancée avec 1997. Je m'inscris en faux contre cette assertion. Il est vrai que la concertation n'était pas organisée de manière institutionnelle. Il est non moins vrai que les acteurs de la vie économique locale, préoccupés par les conséquences qui pourraient résulter du classement de certains sites, ont pris l'initiative de se réunir pour se concerter sur lesdites conséquences. Je peux en porter témoignage en qualité de président de l'association départementale des maires de l'Oise. M. Souplet et moi-même avons réuni, en présence de l'administration et du directeur départemental de l'agriculture, tous les futurs partenaires des sites Natura 2000.
En 1995, le Gouvernement s'est rendu compte de la réaction forte que suscitait ce classement. Le Premier ministre, M. Alain Juppé, a alors décidé de suspendre la procédure pour permettre à la concertation de se développer dans tous les départements. La concertation a commencé à partir de là.
Que vous ayez repris la concertation après les péripéties électorales que nous avons connues et qui ont peut-être conduit à suspendre l'ensemble de la procédure, nous vous en donnons acte et nous nous en réjouissons.
Pour autant, il ne faut pas donner aujourd'hui le sentiment de faire un procès d'intention à ceux qui ont travaillé sur le projet Natura 2000 et à ceux qui ont déposé la présente proposition de loi, qui vise, en fait, à conforter ce qui a été engagé antérieurement et à faire en sorte que l'on institutionnalise la procédure et la concertation qui avait été souhaitée par l'ensemble des acteurs locaux.
Par notre amendement, il s'agit de préciser les conditions dans lesquelles sera établi le document d'objectifs et d'aller plus loin que le simple niveau de la définition des orientations et des modalités de gestion. En effet, l'une des principales préoccupations des agriculteurs, des chasseurs et des représentants de la propriété forestière, c'est de connaître les conséquences financières des mesures de protection qui seront prises, les contraintes qu'ils devront subir, et donc leurs conséquences sur le plan économique.
Il est bien évident qu'ils attendent de la Communauté européenne et de l'Etat les compensations financières correspondantes. C'est ce qu'a certainement prévu M. le rapporteur dans l'article 10. Je propose que cela soit déjà prédéfini dans l'article 6.
Nous n'avons pas été en mesure d'obtenir, ni des représentants du Gouvernement sur le plan local, c'est-à-dire les représentants de l'Etat, ni de la Communauté européenne, des assurances quant aux compensations financières. Les premières informations que j'ai obtenues sont celles que j'ai entendues de votre part, madame le ministre. En effet, en répondant à M. le rapporteur, vous avez dit : « Nous prévoirons un dispositif financier qui se traduira par des compensations, des exonérations fiscales, etc. » Encore faut-il que cela apparaisse concrètement dans un certain nombre de textes, d'ordre réglementaire ou législatif. Or, pour le moment, nous sommes dans le brouillard le plus complet. En l'occurrence, nous avons besoin d'avoir des assurances fortes.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. La commission partage totalement les craintes de M. Vasselle et ne doute pas du bien-fondé de son intervention.
Je lui demanderai néanmoins de retirer cet amendement, pour une raison strictement technique. En effet, son souhait est satisfait par la rédaction actuelle de l'article 6, qui prévoit que le document d'objectifs comporte une évaluation de l'impact financier des dispositions arrêtées.
Pour le reste, l'article 10 prévoit un certain nombre de dispositions soit contractuelles, soit d'ordre indemnitaire, sur la base de l'évaluation de l'impact financier des dispositions, prévu à l'article 6 !
C'est la raison pour laquelle j'indique à M. Vasselle que, si j'approuve tout à fait ses propos, il n'en reste pas moins que l'article 6 répond à ses interrogations.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je regrette de ne pas avoir amené avec moi une pile de ces guides méthodologiques de documents d'objectifs Natura 2000 (Mme le ministre montre un document) , mais je me ferai un plaisir de vous les faire parvenir, mesdames, messieurs les sénateurs.
En effet, à la page 133 de ce document, dans le chapitre intitulé «Le coût et le financement des actions », on peut lire ceci : « La rédaction de cette partie est fondamentale à plusieurs titres. Le document d'objectifs a pour fonction, notamment, de répondre aux obligations de l'article 8 de la directive Habitats naturels : l'Etat doit fournir à la Commission européenne une estimation des coûts générés par l'obligation de maintien dans un état de conservation favorable des habitats et espèces prioritaires. En effet, un cofinancement communautaire est prévu pour ces dépenses... »
Il m'est donc tout à fait possible d'admettre l'amendement n° 4 rectifié bis, sur lequel je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. Monsieur Vasselle, l'amendement est-il maintenu ?
M. Alain Vasselle. Dans un souci de coopération et d'efficacité, et par solidarité avec la commission, j'accède à la demande de M. le rapporteur et je retire mon amendement, malgré l'avis de sagesse du Gouvernement, que je remercie d'avoir compris et partagé mes préoccupations. J'espère que tout cela deviendra très rapidement une réalité lors de la mise en place du dispositif !
M. le président. L'amendement n° 4 rectifié bis est retiré.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Je veux simplement remercier Mme la ministre, dont j'ai beaucoup apprécié les propos. Elle a justifié, en effet, l'inscription dans la loi de cet article 6, le guide méthodologique montrant bien qu'un certain nombre de mesures mériteraient compensation : lorsqu'on porte atteinte au régime du droit de propriété, il est nécessaire de prévoir une indemnisation dans la loi.
M. le président. Par amendement n° 11 rectifié, MM. Grignon et Vasselle proposent de compléter in fine la première phrase de l'article 6 par les mots suivants : « tout en tenant compte des exigences économiques, sociales, culturelles et régionales. »
La parole est à M. Grignon.
M. Francis Grignon. Cet article 6 est fondamental dans la mesure où il définit pour chaque site les orientations et les modalités de gestion.
C'est la raison pour laquelle il me semble important de rappeler, à la fin de cet article, les spécificités et l'objet de la directive européenne, qui doit tenir compte des exigences économiques, sociales, culturelles et régionales.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. La commission est totalement favorable à un amendement qui réalise, en fait, la transcription de la directive, laquelle prévoit dans ses premiers alinéas qu'il sera tenu compte des exigences économiques, sociales, culturelles et régionales.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. M. le rapporteur est en train de tester notre vigilance à cette heure déjà tardive !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Non ! Je ne me le permettrais pas !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. La directive fait en effet état des exigences économiques, sociales, « ainsi que des particularités culturelles et régionales ». Je ne sais pas bien ce que peuvent être les « exigences culturelles et régionales », il y a là un problème de formulation.
En tout cas, cet amendement ne fait que reprendre des modalités qui figurent dans la directive, et le Gouvernement y est favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11 rectifié, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 6, ainsi modifié.

(L'article 6 est adopté.)

Article 7