Séance du 29 juin 1998







M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Souplet, pour explication de vote.
M. Michel Souplet. Compte tenu du fait que le couperet de l'article 40 est tombé, je n'ai pas pu m'exprimer sur l'article 10 comme je le souhaitais, notamment au travers des deux amendements que j'avais déposés.
Madame le ministre, puisque vous avez reconnu qu'il devrait y avoir effectivement indemnisation, vous reconnaissez donc par la même qu'à terme, et même à court terme, il sera nécessaire de budgétiser pour indemniser. Vous avez même évoqué le risque d'indemnisations relativement importantes. Je regrette donc que vous ayez invoqué l'article 40, mais c'était votre droit le plus strict de le faire.
J'avais plusieurs raisons de déposer des amendements. S'agissant, notamment, de l'indemnisation de préjudices prévisibles à court terme, vous avez vous-même reconnu qu'il y avait des rémunérations de services rendus. Je craignais, moi, que ne soient exclus de la discussion les risques à long terme, par exemple en ce qui concerne la croissance des forêts ou des événements climatiques importants qui peuvent se produire et pour lesquels rien n'était prévu.
Cela étant, j'indique que le groupe de l'Union centriste votera, bien entendu, la proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger. La discussion n'a pas apporté d'éléments bien nouveaux.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Oh !
M. Jacques Bellanger. Mais je veux tout de même remercier M. Vasselle d'avoir confirmé ce que je disais d'entrée. Vraiment, il m'avait mal compris ! En effet, je n'ai jamais dit que les élus locaux et le monde rural ne s'étaient pas concertés : ils se sont concertés en l'absence de réaction du Gouvernement et c'est bien cela qui est à l'origine de cette lame de fond ; j'en suis bien d'accord.
L'article 10 a été déclaré irrecevable. Je m'étonne toujours que l'on n'appréhende le développement durable et la conservation que sous l'angle de leur coût alors qu'il peut en résulter des développements économiques particulièrement intéressants. Les exemples sont nombreux de redémarrages d'activités agricoles ou d'élevage grâce à l'aide de parcs nationaux ou régionaux.
Je m'élève contre cette idée, ancrée dans les esprits, selon laquelle toute action de caractère écologique ou en matière de développement durable entraînerait un préjudice. Certes, cela arrive mais, en contrepartie, il y a un enrichissement par la création de ces réserves et de ce nouveau mode de développement.
Pourquoi, monsieur le rapporteur, ai-je dit que ce débat avait apporté peu d'éléments nouveaux ? J'ai cru un moment que vous ouvriez une porte, que cette proposition de loi s'inscrivait dans la concertation. Dans ce cas, je l'aurais trouvé intéressante, d'autant que le Parlement était enfin associé à cette concertation. Mais ce n'est pas le cas.
Nous allons donc maintenir notre position, car nous croyons vraiment que le Gouvernement a engagé une véritable concertation qui a des chances d'aboutir. Le moment est donc mal choisi d'y mettre fin avant terme. De nombreux aspects de la proposition de loi sont intéressants. Pour ma part, je suis persuadé que le Gouvernement en tiendra compte et c'est la raison pour laquelle notre groupe s'abstiendra sur ce texte.
M. le président. La parole est à M. Flandre.
M. Hilaire Flandre. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous avons examiné ce soir reprend les dispositions essentielles des principales recommandations du rapport d'information de la commission des affaires économiques et du Plan intitulé : Natura 2000 : de la difficulté à mettre en oeuvre une directive européenne.
Ce rapport, adopté à l'unanimité, tend à clarifier les procédures d'application de la directive du 21 mars 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que la faune et la flore sauvages.
Le dispositif que nous allons adopter renforce la concertation à tous les niveaux, non seulement lors de l'élaboration des propositions nationales, mais également à l'occasion de la rédaction des cahiers d'objectifs et tend ainsi à combler l'absence de législation nationale mettant en oeuvre la directive.
En outre, ce texte comprend des dispositions tendant à garantir les droits des propriétaires et des gestionnaires des sites proposés pour être intégrés dans le réseau écologique européen. Mme la ministre nous a certes opposé l'article 40, mais il conviendra, en tout état de cause, de prévoir ce genre d'indemnités.
En conséquence, nous préférons à une directive mal connue et mal interprétée une véritable règle du jeu clarifiant la procédure d'application en totale concertation avec tous les acteurs socio-économiques du monde rural.
Pour toutes ces raisons, le groupe du Rassemblement pour la République votera ce texte.
Je souhaite en outre rappeler, madame la ministre, que le Parlement est souverain et que ses décisions doivent être appliquées. Certaines déclarations récentes que vous avez faites à la suite du vote d'un texte qui ne vous convenait pas nous ont surpris et émus. Allez-vous tenir de nouveau les mêmes propos si ce texte est adopté, ce dont je ne doute pas ? Pouvez-vous nous donner l'assurance que le vote souverain du Parlement sera respecté ?
M. le président. La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis. Je voudrais répondre brièvement à notre collègue M. Bellanger sur la question du préjudice et du développement durable.
Effectivement, il peut y avoir préjudice ou il peut ne pas y en avoir. Mais ce dont il faut être conscient, c'est que la création des richesses qui peut résulter du développement durable - nous l'appelons tous de nos voeux - ne bénéficie pas toujours aux victimes du préjudice.
Par exemple, la réalisation d'une autoroute nécessite des expropriations, mais c'est dans l'intérêt général, pour assurer une meilleure desserte de telle ou telle région. D'un côté, il y a des propriétaires, notamment des exploitants agricoles, qui subissent un préjudice - je connais bien ce problème pour m'en être occupée pendant de nombreuses années - et de l'autre côté il y a l'intérêt général au nom duquel on exproprie ou on impose des contraintes à certaines personnes. On ne peut négliger aucun de ces deux aspects du problème, car, en définitive, dans la plupart des cas, les bénéficiaires ne sont jamais ceux qui subissent le préjudice.
M. le président. La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi a simplement comme objet d'apporter une contribution à l'application de la directive Natura 2000 et de promouvoir une meilleure concertation. Elle est complémentaire de Natura 2000, je l'ai dit : elle ne va pas contre elle, bien au contraire. Nous essayons d'aider à sa mise en oeuvre. Le groupe des Républicains et des Indépendants votera donc ce texte.
S'agissant de la régionalisation, je ne voudrais pas laisser penser que, dans mon esprit, il y a un conflit entre régionalisation et départementalisation. Le département est, dans ce cas-là, l'espace le plus pertinent. N'oublions pas qu'il s'agit, certes, de l'aménagement du territoire, mais aussi et avant tout de l'aménagement de l'espace rural. Ce dernier doit être traité au plus près des citoyens, c'est-à-dire à l'échelon départemental.
Dans son ensemble, cette proposition de loi correspond tout à fait à ce que nous souhaitons les uns et les autres : la réussite de Natura 2000.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Je serai bref. Je tiens tout d'abord à remercier mes collègues qui, nombreux, ont participé à ce débat jusqu'à cette heure tardive et un jour qui n'était peut-être pas le plus approprié. Madame la ministre, cela prouve l'intérêt qu'ils portent à ce sujet.
Monsieur Bellanger, contrairement à vous, j'ai le sentiment que cette proposition de loi ouvre largement la porte à la concertation ; elle l'inscrit d'ailleurs dans le marbre de la loi. Votre observation m'étonne donc un peu, mais je vous connais suffisamment pour ne pas vous en tenir grief.
Je rappelle que le rapport que j'ai eu l'honneur de présenter devant la commission des affaires économiques et du Plan, voilà un an, comme la proposition de loi qui a été déposée au mois de décembre 1997 ont fait l'objet d'une large concertation qui a regroupé l'ensemble des partenaires - je vous l'ai dit tout à l'heure, madame la ministre - à l'exception des randonneurs, et je les ai priés de m'en excuser.
Madame la ministre, je me dois de reprendre l'un de vos propos. Vous souhaitez privilégier la démarche contractuelle. Je suis prêt à supprimer la première partie de l'article 10 si vous en acceptez la seconde, qui prévoit la contractualisation.
Votre refus m'étonne et je m'inquiète pour la suite. Vous me dites que vous êtes en train d'organiser la concertation la plus large, que vous envisagez un certain nombre de mesures, mais, en même temps, vous refusez les solutions que nous vous proposons.
Vous avez insisté sur votre tranquillité d'esprit et sur votre bonne foi. Je vous donne acte pour la bonne foi : l'esprit militant, c'est normal, un jour ou l'autre, prend le dessus. Mais pour ce qui est de la tranquillité d'esprit, je ne suis pas sûr de pouvoir vous en donner acte. En effet, vous n'avez pas répondu comme il le fallait à la proposition que je vous ai faite. Mais cela étant, c'est votre affaire, ce n'est pas la mienne.
En ce qui concerne le développement durable, dont un de mes collègues a parlé, sachez que la quasi-totalité de ceux qui siègent dans cette assemblée sont convaincus qu'il constitue un enjeu de société.
Qu'est ce que le développement durable ? Le développement durable, c'est un triangle. A un sommet, il y a les préoccupations économiques ; à un autre sommet, il y a les préoccupations sociopolitiques et, au troisième sommet, il y a l'environnement. Le triangle équilatéral, c'est le développement durable.
Vous me dites que l'on peut abandonner un certain nombre de choses, que les contraintes peuvent être acceptées, que l'on peut apprécier des services rendus comme étant rendus sans compensation. Ce n'est pas vrai ! Si vous n'amenez pas les gens à être vertueux, vous les laisserez dans leurs cercles différents. Il faut développer des cercles vertueux pour sortir des cercles vicieux. C'est par la contractualisation, par l'entraînement, par l'effet pédagogique et en y mettant quelque argent, même si cela doit coûter, même si, comme vous l'avez dit, madame la ministre, c'est une charge pour l'Etat, que l'on y parviendra. Mais à quoi sert donc l'Etat, s'il n'est pas capable de prendre en charge quelques dépenses, à partir du moment où ce sont des enjeux de société ?
C'est la raison pour laquelle, madame la ministre, je regrette que vous n'ayez pas cru bon de comprendre cette proposition de loi sur le fond. Je suis néanmoins persuadé, puisque vous être en train de développer la concertation, qu'à l'automne vous ferez en sorte que ce texte vienne en discussion à l'Assemblée nationale. Cela vous permettra, pour tenir compte de la concertation que vous avez organisée, de le faire amender. Cela vous permettra également de répondre à l'attente de nos concitoyens.
Une telle attitude est nécessaire car, pour l'instant, la directive Natura 2000 fait plutôt hurler, fait plutôt peur, au lieu de contribuer à faire progresser le dossier.
L'état d'esprit qui règne actuellement doit cesser, ne serait-ce que dans l'intérêt supérieur de notre pays. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le rapporteur, les choses sont relativement claires de mon point de vue.
Si Natura 2000 a fait hurler, si Natura 2000 a fait peur, c'est essentiellement parce que les ragots les plus divers ont été colportés par des personnes qui entretenaient la confusion entre des dispositions et une directive tout à fait différentes.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Absolument ! Et j'en suis bien d'accord !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. On n'en est plus là. Et ceux qui, aujourd'hui, nous décrivent un paysage d'apocalypse devraient savoir que, au sein du Comité national de suivi, tout se passe bien.
Plus aucune catégorie socioprofessionnelle n'ose désormais dire qu'elle est hostile par principe à Natura 2000. Chacun est maintenant prêt à travailler sur les modalités de gestion des sites et sur la mise en oeuvre des nouveaux dispositifs.
La semaine dernière, une façon plutôt originale de légiférer a été adoptée : d'abord, on a voté une loi ; ensuite, on a proposé de reprendre la concertation. Ne faisons pas la même erreur. Ce n'est pas en votant aujourd'hui que l'on pourra le mieux mener la concertation demain.
J'ai souhaité associer les membres du Comité national de suivi à la discussion sur la transcription en droit français de la directive communautaire Natura 2000. J'ai donné ma parole qu'un temps suffisant serait laissé à cette concertation. Peut-être serons-nous amenés, à l'automne, à amender la proposition de loi qui est soumise au vote du Sénat. Je ne sais.
En tout cas, d'une part, ma tranquillité d'esprit est totale et, d'autre part, je sais que la qualité de notre travail ultérieur sera à la hauteur. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe des Républicains et Indépendants.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 112:

Nombre de votants 317
Nombre de suffrages exprimés 221
Majorité absolue des suffrages 111
Pour l'adoption 221

M. le président. Mes chers collègues, avant d'aborder le point suivant de l'ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures cinquante, est reprise à vingt-trois heures cinquante-cinq.)