Séance du 8 juillet 1998







M. le président. « Art. 30. - L'article 232 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Art. 232. - I. - Il est institué, à compter du 1er janvier 1999, une taxe annuelle sur les logements vacants dans les communes appartenant à des zones d'urbanisation continue de plus de deux cent mille habitants où existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements, au détriment des personnes à revenus modestes et des personnes défavorisées, qui se concrétise par le nombre élevé de demandeurs de logement par rapport au parc locatif et la proportion anormalement élevée de logements vacants par rapport au parc immobilier existant. Un décret fixe la liste des communes où la taxe est instituée.
« II. - La taxe est due pour chaque logement vacant depuis au moins deux années consécutives, au 1er janvier de l'année d'imposition, à l'exception des logements détenus par les organismes d'habitations à loyer modéré et les sociétés d'économie mixte et destinés à être attribués sous conditions de ressources.
« III. - La taxe est acquittée par le propriétaire, l'usufruitier, le preneur à bail à construction ou à réhabilitation ou l'emphytéote qui dispose du logement depuis le début de la période de vacance mentionnée au II.
« IV. - L'assiette de la taxe est constituée par la valeur locative du logement mentionnée à l'article 1409. Son taux est fixé à 10 % la première année d'imposition, 12,5 % la deuxième année et 15 % à compter de la troisième année.
« V. - Pour l'application de la taxe, n'est pas considéré comme vacant un logement dont la durée d'occupation est supérieure à trente jours consécutifs au cours de chacune des deux années de la période de référence définie au II.
« VI. - La taxe n'est pas due en cas de vacance indépendante de la volonté du contribuable.
« VII. - Le contrôle, le recouvrement, le contentieux, les garanties et les sanctions de la taxe sont régis comme en matière de taxe foncière sur les propriétés bâties.
« VIII. - Le produit net de la taxe est versé à l'agence nationale pour l'amélioration de l'habitat. »
Sur l'article, la parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. En proposant à nouveau de supprimer l'article 30, la majorité sénatoriale ne s'y est pas trompée : cet article constitue l'un des éléments clés du projet de loi relatif à la lutte contre les exclusions puisqu'il institue une taxe sur la vacance des logements du parc privé.
M. Jean Chérioux. Ça, c'est bien vu !
Mme Odette Terrade. M. Seillier avait tenté, en première lecture, d'établir une analogie de situation entre le secteur privé et le secteur social, cette analogie devant induire une similitude de traitement. Or, je tiens à le rappeler, le secteur privé est beaucoup moins sollicité pour le logement des personnes défavorisées que ne l'est le secteur social. Il faut également rappeler que le parc privé sollicite davantage le FSL que le parc social, alors qu'il n'y abonde pas.
Le nouveau dépôt de cet amendement de suppression nous conduit à répéter les chiffres qui révèlent une réalité dramatique que certains semblaient ignorer : 100 000 personnes vivent dans des logements transitoires, 200 000 personnes sont sans abri et 2 000 000 sont considérées comme mal logées. Face à cette demande sociale forte et urgente, 400 000 logements sont vacants.
Comment, dans ces conditions, ne pas entendre les associations qui apprécient très positivement le principe d'une taxe sur la vacance des logements ?
Avec l'instauration de cette taxe sur la vacance et son renforcement, nous ne souhaitons pas porter préjudice aux petits propriétaires d'un ou deux logements, qui, du reste, ne seront pas touchés par cette taxation dès lors qu'ils prouveront qu'ils ne sont pas responsables de la vacance de leurs logements. Je l'ai déjà dit en première lecture et je le répète : cette taxe s'adresse aux multipropriétaires qui détiennent la majorité du parc privé et qui font le choix de spéculer sur les logements vides.
Quoiqu'en aient dit les rapporteurs des commissions, au Sénat en première lecture, les bailleurs sociaux ne spéculent pas sur les logements vides. La plupart des logements vides du parc social le sont du fait des difficultés de plus en plus grandes à trouver des candidats pour se loger dans des quartiers-ghettos où plus personne ne veut aller.
Contrairement à la majorité sénatoriale, nous sommes favorables à une taxe sur la vacance plus dissuasive. Nous avions d'ailleurs proposé en première lecture un amendement visant à modifier le taux de cette taxe.
Nous aurions également préféré que le seuil d'agglomération pris en compte soit ramené à 100 000 habitants, au lieu de 200 000.
Enfin, nous aurions souhaité que le produit de la taxe sur la vacance alimente le Fonds de solidarité pour le logement.
Il n'en demeure pas moins que nous apprécions l'article 30 comme une première avancée, inscrivant dans la loi un principe qui nous paraît juste même s'il n'a valeur que de symbole.
A la lueur des arguments que je viens de développer, le groupe communiste républicain et citoyen s'oppose avec vigueur à la suppression de l'article 30.
Ces propositions que nous avions déjà formulées en première lecture nous semblent toujours, bien entendu, aller dans le sens de l'amélioration du texte.
M. le président. Par amendement n° 8, M. Seillier, au nom de la commission, propose de supprimer l'article 30.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Cette question a déjà fait l'objet d'un large débat.
L'amendement n° 8 tend à supprimer la fameuse taxe et sera complété tout à l'heure par un amendement visant à rétablir le mécanisme incitatif concernant l'assurance contre les loyers impayés.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Pour faire gagner du temps à la Haute Assemblée, le Gouvernement se réjouit de dire qu'il adhère très largement aux propos que vient de tenir Mme Terrade.
M. Alain Gournac. Elle veut plus, elle vient de le dire !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Je parle de l'argumentation de Mme Terrade, monsieur le sénateur.
M. Alain Gournac. Ah bon !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement croit à l'équilibre de son dispositif, qu'il estime nécessaire pour aider à une prise de conscience citoyenne de la part de nombre de nos compatriotes effectivement propriétaires d'un logement qu'ils n'utilisent pas sans toujours percevoir la gravité des conséquences de la rétention qui en résulte.
Nous souhaitons, à travers cette prise de conscience, mobiliser un gisement disponible, que les personnes qui n'ont pas de toit considèrent comme une sorte de provocation à leur endroit.
Ce sera, bien sûr, l'occasion pour le Gouvernement - je tiens à le dire à M. Braun puisqu'il est intervenu sur ce point dans la discussion générale - d'accompagner la mise en oeuvre de cette mesure d'une campagne de popularisation de l'ensemble des mesures incitatives qui existent et qu'il faut mieux faire connaître.
Certes, de nombreux efforts ont déjà été faits en ce sens par l'UNPI - Union nationale de la propriété immobilière - les ADIL - associations départementales pour l'information sur le logement - et le CALPACT - centre d'amélioration du logement, propagande et action contre le taudis. Toutefois, à l'occasion de l'instauration de cette taxe, des esprits seront plus réceptifs au message de ces organismes, dont nous renforcerons en tout cas les moyens pour qu'ils puissent procéder à une information très large, afin de ne plus légitimer cette rétention lorsque le logement est habitable et est situé dans une zone où la demande est forte.
Tel est l'objet de l'article 30, dont le Gouvernement souhaite, bien sûr, le maintien. Aussi, il demande au Sénat de rejeter l'amendement de suppression dudit article.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 8.
Mme Dinah Derycke. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. S'agissant de cette taxe sur la vacance des logements, je ne peux que regretter que la position de la majorité sénatoriale n'ait pas évolué, en dépit des larges explications du Gouvernement en première lecture, et qu'il vient de réitérer. Je déplore qu'elle n'ait pas évolué malgré les demandes unanimes et répétées de l'ensemble du milieu associatif, y compris après le vote en première lecture au Sénat, ces associations ayant alors réaffirmé la nécessité de rétablir cette taxe afin que des logements soient remis sur le marché de la location.
Je l'ai dit dans la discussion générale et je le répète : les conditions de taxation prévues ne sont excessives ni dans leur montant, ni dans leurs modalités.
Comme M. le secrétaire d'Etat vient de le dire, il s'agit d'une mesure de prise de conscience citoyenne. J'ai dit au cours de la discussion générale que cette mesure, qui est réellement incitative, peut conduire des propriétaires à louer leurs logements.
Dans ces conditions nous voterons contre cet amendement.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je dois rappeler au Sénat qu'il s'agit du point sur lequel la commission mixte paritaire a échoué, et ce en dépit d'une proposition de notre ami M. Braun. En effet, pour essayer d'atténuer les conséquences de la mesure - mais tout en acceptant cette dernière - celui-ci avait suggéré de n'appliquer cette taxe qu'aux propriétaires ayant au moins deux logements à mettre en location. Cela permettait d'exonérer les petits propriétaires qui n'ont qu'un logement à louer.
Nous nous sommes heurtés à une intransigeance. On nous a expliqué que cette proposition n'était pas sérieuse et qu'il convenait de donner un signal fort à l'intention des propriétaires négligents.
M. Alain Gournac. Qui a dit tout cela ?
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Nous pensons, nous, qu'un propriétaire qui ne loue pas pour des raisons parfaitement valables n'est pas négligent et qu'il n'appartient pas au législateur de donner un signal fort à l'égard des propriétaires considérés comme négligents.
Nous préférons - c'est la raison pour laquelle nous avons déposé un second amendement sur ce point - une incitation positive, afin que les propriétaires qui n'ont pas mis leur appartement en location le louent. A cet effet, nous proposons de leur permettre de déduire de leurs charges fiscales le coût de l'assurance en cas de défaut de paiement des loyers, ce qui paraît bien supérieur à la crainte d'une taxe. Autrement dit, nous préférons la carotte au bâton, car nous considérons que, en l'occurrence, le bâton n'est pas acceptable.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. C'est pourquoi, malgré votre demande, monsieur le secrétaire d'Etat, nous maintenons l'amendement de la commission.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 30 est supprimé.

Article 30 bis