Séance du 15 octobre 1998







M. le président. La parole est à M. Hugot.
M. Jean-Paul Hugot. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
Depuis plus d'un an, partout dans notre pays, les agriculteurs et les acteurs du monde rural manifestent leur inquiétude face aux propositions faites par la Commission européenne pour la réforme de la politique agricole commune, la PAC.
Après avoir, le 18 mars dernier, proposé qu'un pourcentage d'aides européennes - environ 30 % du total - soit attribué directement par les Etats membres, les instances communautaires confirment aujourd'hui cette renationalisation partielle de la PAC afin de diminuer le montant de ce poste, qui représente près de la moitié du budget communautaire.
Cette proposition, à l'instar de votre projet d'instauration d'un contrat territorial d'exploitation, monsieur le ministre, peut non seulement être considérée comme l'indice d'une fonctionnarisation de notre agriculture, mais aussi, je le crains, comme un frein à la mutation d'un modèle agricole, le nôtre, qui doit impérativement conforter la place éminente qu'il a conquise sur les marchés extérieurs.
En outre, certains de nos partenaires européens, dont l'Allemagne, veulent réduire leur contribution au budget communautaire.
Quant à lui - c'est sur ce point que je vous interroge, monsieur le ministre - le Gouvernement français a déclaré, par la voix de son ministre des affaires européennes, le 15 septembre dernier, que la contribution nette de la France au budget de l'Union européenne était trop modeste au regard, notamment, de celle de l'Allemagne. Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que cette déclaration de M. Moscovici tend à affaiblir la position de la France à la veille d'un combat probablement rude au sein des instances européennes, au moment où va être définie une nouvelle PAC pour les cinq ans à venir et, au-delà, alors que se profilent de futures négociations dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce ? Conformément à la volonté du Président de la République, il me paraît vital de nous donner les moyens de défendre notre modèle agricole, tant au plan national qu'aux plans européen et international. Notre agriculture doit en effet à la fois réaffirmer sa vocation exportatrice en refusant le déclin auquel aboutirait le repli sur soi, mais également, nous en sommes tous d'accord, valoriser l'ensemble du territoire, qui constitue l'un des atouts essentiels de notre nation.
En conclusion, je vous demande, monsieur le ministre, de nous préciser votre position sur ce sujet, qui concerne la place de notre modèle agricole au sein de l'Union européenne. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je donne maintenant la parole à M. le ministre de l'agriculture, à qui j'adresse, au nom de tous mes collègues, nos compliments pour sa récente élection au Sénat. Nous serons heureux de l'accueillir parmi nous... mais, bien sûr, la décision lui appartient !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Il a un mois pour choisir !
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je vous remercie, monsieur le président. Cela étant, bien évidemment, je suppose que vous allez décompter ces compliments du temps de parole qui m'est imparti ! (Sourires.)
Monsieur le sénateur, je n'ai cessé, comme tous nos agriculteurs, de manifester mes craintes et mon inquiétude à l'égard des propositions de la Commission sur la réforme de la politique agricole commune, et je l'ai fait en plein accord avec le Président de la République.
Je veux vous confirmer l'hostilité du Gouvernement à un éventuel cofinancement des aides comme à tout ce qui pourrait ressembler ou conduire à une renationalisation de la politique agricole commune. Le Premier ministre l'a d'ailleurs indiqué mardi dernier sans équivoque devant la Commission, à Bruxelles.
Je précise cependant qu'il ne s'agit là en rien d'une proposition de la Commission, même si nous pouvons regretter que cette dernière ait examiné cette éventualité, parmi d'autres, dans son rapport sur le financement de l'Union.
C'est par la maîtrise de la dépense communautaire que nous répondrons aux inquiétudes des contributeurs au budget communautaire, parmi lesquels figure la France.
Nous ne pouvons feindre par ailleurs d'ignorer les inquiétudes allemandes, qui devront être traitées dans le cadre communautaire, si nous voulons - comme le Premier ministre et le Chef de l'Etat l'ont affirmé - relancer l'axe franco-allemand.
Vous pouvez en tout cas compter sur la détermination du Gouvernement dans son ensemble pour défendre les intérêts nationaux dans ces négociations. Le débat sur la loi d'orientation agricole, qui viendra prochainement devant vous, renforcera d'ailleurs notre position dans les négociations en marquant d'un signe fort notre refus de la baisse généralisée des prix, notre volonté de rémunérer toutes les activités des agriculteurs et de préparer de manière offensive les négociations de l'Organisation mondiale du commerce.
Enfin, le contrat territorial d'exploitation, adopté cette semaine par l'Assemblée nationale, s'appliquera à des agriculteurs non pas transformés en fonctionnaires mais reconnus dans la diversité de leurs fonctions. Ce contrat évoque ainsi, dans son article 1er, le renforcement de la capacité exportatrice agricole et agro-alimentaire de la France vers l'Europe et les marchés solvables, mais aussi une agriculture harmonieusement répartie sur le territoire. Il s'agit là non pas seulement de mots, mais de fortes convictions qui fondent la démarche du Gouvernement.
Voilà qui devrait apporter, monsieur Hugot, quelques apaisements à vos appréhensions. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen et sur certaines travées du RDSE. - M. Henri de Raincourt applaudit également.)

CONTRATS EMPLOI-SOLIDARITÉ