Séance du 20 octobre 1998







M. le président. La parole est à M. Richert, auteur de la question n° 296, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Philippe Richert. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, par cette question déposée en mai 1998 - je précise la date car, malheureusement, un délai important s'est écoulé depuis - je souhaite réitérer une interrogation que j'avais déjà adressée au Gouvernement lors de la discussion du dernier projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, ou DDOEF.
Cette question concerne le dispositif de prime à l'embauche d'apprentis dans le secteur public, prévu par la loi n° 97-940 du 16 octobre 1997 relative au développement d'activités pour l'emploi des jeunes : l'article 13 de cette loi prévoit l'octroi d'une prime de 6 000 francs pour toute signature de contrat entre une collectivité et un apprenti à compter du 1er octobre 1997. Or, nous le savons, la scolarité, dans la plupart des établissements scolaires d'apprentissage, démarre dans le courant du mois de septembre, et il est donc nécessaire que les contrats d'apprentissage soient signés durant ce même mois.
Nombreuses sont donc les collectivités qui n'ont pas pu ou qui ne peuvent pas bénéficier de cette prime à l'embauche d'apprentis du fait de cette question juridique de date. Les dispositions de ce texte censé favoriser l'embauche d'apprentis produisent donc des effets contraires à ceux que prévoyait la loi. En tout cas, certaines communes qui auraient pu bénéficier de cette aide en ont été privées.
Interrogé au cours de la discussion du DDOEF, M. le ministre de l'économie et des finances a reconnu, à l'époque, l'intérêt de la question, mais il n'a pas voulu prendre d'engagement en séance.
Aussi, je voudrais savoir si Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité envisage de rectifier cette anomalie juridique.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat à la formation professionnelle. Monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur la possibilité d'étendre aux contrats d'apprentissage conclus en septembre 1997 dans le secteur public non industriel et commercial l'aide forfaitaire à l'embauche introduite, vous l'avez rappelé, par l'article 13 de la loi du 16 octobre 1997 relative au développement d'activités pour l'emploi des jeunes. Cette prime, d'un montant de 6 000 francs, est versée pour les seuls contrats conclus à compter du 1er octobre 1997.
Il est vrai que les cycles de formation en matière d'apprentissage débutent, en règle générale, en septembre. Dès lors, la date du 1er octobre 1997 paraît peu pertinente, puisqu'elle écarte du bénéfice de l'aide les collectivités territoriales et les établissements publics ayant accueilli des apprentis avant cette date.
D'après les informations qui m'ont été communiquées, ces dispositions résultent d'un amendement déposé, au nom de la commission des affaires sociales du Sénat, par M. Souvet lors de la discussion du projet de loi relatif au développement d'activités pour l'emploi des jeunes. Le Gouvernement a accepté le dispositif sans y apporter de modification et il comportait bien la date du 1er octobre pour l'octroi de ces aides, qui sont le pendant des aides forfaitaires à l'embauche d'apprentis qui prévalent dans le secteur privé.
Dans un second temps, m'a-t-on indiqué - je reste prudente - vous vous étiez rangé à l'avis du rapporteur lors du débat sur le projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier en retirant votre propre amendement, dont l'objet était de fixer au 1er octobre 1997 la prise d'effet de la prime à l'embauche des apprentis dans le secteur public.
A cette occasion, M. Lambert, rapporteur général, avait fait valoir qu'une modification législative n'aurait que peu de conséquences pratiques sur les contrats déjà signés, point qui avait été réaffirmé par le secrétaire d'Etat au budget.
J'ajoute que, à la fin septembre 1998, soit douze mois après l'entrée en vigueur de cette mesure, 3,4 millions de francs, correspondant à 567 contrats d'apprentissage, ont été versés sous forme de primes à l'embauche.
Il convient donc de relativiser la portée de cette disposition dont sont exclus les contrats d'apprentissage conclus par l'Etat, administrations centrales et services déconcentrés, en application du principe selon lequel l'Etat ne peut se verser à lui-même des subventions.
Au-delà de la question précise que vous posez, je souhaite vous donner quelques brèves informations sur la politique gouvernementale en matière d'apprentissage.
Le développement des formations en alternance dans le secteur privé constitue l'une des priorités du Gouvernement. A cet effet, le projet de budget de la formation professionnelle pour 1999 est bâti sur la base de 130 000 contrats de qualification et de 230 000 contrats d'apprentissage, pour des montants d'intervention respectifs de 2,95 milliards de francs, d'une part, et de 9,5 milliards de francs, d'autre part.
Cet effort témoigne de l'importance que j'accorde aux formations en alternance, qui constituent un dispositif efficace d'insertion des jeunes dans l'emploi.
Il n'est, pour s'en convaincre, que de mentionner les résultats d'une étude récente de la Direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, qui indique qu'au terme de leur contrat 61 % des jeunes obtiennent un diplôme ou une certification de leur formation et 66 % occupent un emploi.
Je reviens, en terminant, sur la question bien précise que vous m'avez posée pour vous dire que je me suis reportée, hier soir, au compte rendu de l'ensemble des deux débats que j'ai évoqués.
En relisant les interventions des uns et des autres dans le Journal officiel, j'avoue très franchement n'avoir pas trouvé d'explication au retrait de l'amendement qui tendait à maintenir la date du 1er octobre 1997.
Si donc vous pouviez me donner un élément qui m'a échappé, qui n'apparaît ni dans le Journal officiel ni dans la mémoire de l'administration, que j'ai également interrogée, sans doute serai-je en mesure ultérieurement de vous apporter une réponse plus précise.
M. Philippe Richert. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. Madame le secrétaire d'Etat, ce n'est, bien évidemment, pas moi qui vais vous contredire lorsque vous affirmez l'importance de la formation par alternance. Vous le savez, je viens d'Alsace, où un système de formation par alternance fonctionne relativement bien depuis longtemps.
Ce système a d'ailleurs parfois été combattu par l'éducation nationale, qui prétendait que c'était une formation secondaire qu'il fallait essayer de limiter, voire de diminuer. Aujourd'hui - je m'en félicite - il démontre son efficacité, et je suis très heureux que le Gouvernement consente des efforts importants pour le faire progresser.
La question que j'ai posée, et sur laquelle j'avais déjà eu l'occasion d'attirer l'attention du Gouvernement, est très simple.
Le texte présenté par notre collègue était, en fait, la reprise d'une disposition de la loi du 17 juillet 1992 qui avait offert, à titre expérimental, la possibilité pour le secteur public d'embaucher des apprentis. Cette mesure a été reprise ensuite, le 27 juillet 1993, dans le cadre du développement de l'apprentissage, où elle a été limitée dans le temps jusqu'au 31 décembre 1995, avant d'être prorogée ultérieurement à deux reprises pour six mois. Elle prenait donc fin le 31 décembre 1996.
Enfin, lors de la discussion de la loi du 16 octobre 1997 sur les emplois-jeunes, nous avons réintroduit cette disposition afin que les communes, notamment, puissent continuer à en bénéficier.
Vous l'avez dit, madame le secrétaire d'Etat, les sommes en jeu restent, pour l'ensemble du pays, relativement modestes puisqu'une commune qui embauche un jeune avec un contrat d'apprentissage touche 6 000 francs.
Le choix de la date du 1er octobre était toutefois surprenant puisque, à cette date, les élèves sont déjà en contrat d'apprentissage, soit dans les écoles pour suivre la formation théorique, soit dans les communes pour acquérir la formation pratique.
Sans doute n'avons-nous donc pas été assez vigilants, les uns et les autres, lors du vote du texte initial. Les communes concernées se sont en tout cas demandé si le Gouvernement et le Parlement ne se moquaient pas d'elles puisque choisir le 1er octobre revenait à rendre la mesure inapplicable.
Saisi de façon très concrète par des maires, je suis donc revenu à la charge, et j'ai déposé un amendement visant à modifier cette date. M. le rapporteur, vous l'avez rappelé, a fait valoir que se posait un problème de rétroactivité de la loi. J'ai donc demandé au ministre, lui-même convaincu de la réalité du problème, s'il était possible de remédier à cette situation.
Sans nouvelles depuis, j'ai décidé de déposer, en mai dernier, cette question, qui, malheureusement, compte tenu des délais, ne vient en discussion qu'aujourd'hui. Je le regrette vivement.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Philippe Richert. Il en ressort que, les uns et les autres, nous ne pensons pas toujours suffisamment, lorsque nous votons les lois, aux cas concrets qui se poseront lorsque nous devrons les appliquer.

FICHIERS MÉDICAUX