Séance du 21 octobre 1998






COMMUNICATION DU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle une communication de M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
En application de l'article 39, alinéa 3, de notre règlement, cette communication ouvre un droit de réponse de cinq minutes pour un seul sénateur de chaque groupe.
Je voudrais présenter mes excuses à M. le ministre de l'intérieur par intérim, ainsi qu'à vous tous, mes chers collègues, pour avoir été conduit à modifier l'ordre du jour de nos travaux. Mais j'ai jugé utile et important que nous puissions entendre M. Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, qui a présenté ce matin en conseil des ministres son plan d'action pour les lycées et qui vient, à l'Assemblée nationale, de répondre à une question qui lui était posée sur ce sujet.
En accord avec M. Claude Allègre, j'ai considéré qu'il était souhaitable qu'il vienne le même jour devant le Sénat présenter son plan afin que nous n'ayons pas à en apprendre le détail par d'autres voies.
Je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, d'avoir accepté l'invitation que je vous ai faite ; j'y suis très sensible.
Je vois dans votre disponibilité à l'égard du Sénat le gage de votre attachement républicain au bicamérisme, auquel, pour ma part, je suis très attaché également. (Applaudissements sur l'ensemble des travées.)
Vous avez la parole, monsieur le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai en effet été amené tout à l'heure à annoncer à l'Assemblée nationale le plan d'action immédiat pour l'avenir des lycées que le Gouvernement a décidé d'engager en réponse aux événements de ces derniers jours.
Il nous a semblé important que le Sénat soit quasi simultanément informé,...
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. ... quitte à nous contraindre, les uns et les autres, à bousculer nos emplois du temps.
Après la consultation Meirieu et le succès du colloque de Lyon, après les débats devant les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat, les lycéens ont dit clairement qu'ils voulaient que la réforme des lycées se mette en place au plus vite.
Ils veulent un meilleur lycée.
Tout en rappelant que le grand rendez-vous de la réforme sera la rentrée 1999, car l'on ne peut pas violer les lois qui régissent l'éducation nationale dans le domaine des programmes, nous mettons en place, dès à présent, des mesures qualitatives et quantitatives destinées à répondre aux problèmes posés.
Tout à l'heure, quelqu'un me disait que les manifestations avaient en général pour objet de s'opposer à une réforme. On a là l'exemple d'une manifestation qui tend à accélérer une réforme. Personnellement, je trouve cette forme d'action plus sympathique que la première !
Première action : faire avancer la démocratie lycéenne.
Les textes de 1990 ont constitué une étape fondamentale. Ils ont reconnu des droits nouveaux et une place nouvelle aux lycéens. Ces textes ne sont pas appliqués ; ils doivent l'être. Mais il nous faut aussi aller plus loin.
Nous proposons la diffusion dans tous les lycées d'une charte contenant l'ensemble des droits et des libertés reconnus aux lycéens.
Un sénateur du RPR. Et les devoirs ?
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Nous proposons encore la mise à la disposition des délégués élus des élèves d'instruments de travail et de moyens de communication pour qu'ils puissent préparer leurs conseils, l'affirmation du droit d'affichage et la mise en place, dans chaque établissement, de panneaux réservés aux lycéens, sous réserve que les tracts et les affiches soient signés.
M. René-Georges Lorrain. Ça va être bien !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Nous proposons aussi le soutien à la presse lycéenne, la cogestion par les lycéens des fonds lycéens - fonds qui, vous le savez sans doute, mesdames, messieurs les sénateurs, ne sont actuellement pas totalement dépensés -,...
Un sénateur socialiste. C'est exact !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. ... le doublement des crédits du fonds de la vie lycéenne, la participation renforcée des lycéens aux divers conseils, l'extension à deux ans des mandats des représentants des lycéens, avec un binôme titulaire-suppléant, et, enfin, l'organisation d'une journée lycéenne dans tous les établissements.
Toutes ces mesures ne sont pas nouvelles. Ce qui est nouveau, c'est que nous avons décidé qu'un décret en Conseil d'Etat ferait obligation à tous les lycées de les faire entrer en application dans un délai de deux mois.
Deuxième action : mieux vivre au lycée.
Les besoins en matière d'accueil, de surveillance et d'animation ne sont pas suffisamment pris en compte. La qualité du travail et la vie de chacun au lycée en souffrent.
Nous proposons d'introduire 14 000 adultes supplémentaires dans les lycées pour aider à l'animation des lieux de vie lycéens, et ce par le recrutement de 3 000 surveillants, la mise à la disposition des lycées de 10 000 emplois-jeunes et de 1 000 appelés du contingent, ces derniers étant destinés à accomplir des missions d'animation et de surveillance.
Troisième action : construire le lycée de l'avenir.
Les collectivités territoriales ont, depuis les lois de décentralisation, la responsabilité des locaux et de l'entretien des lycées. Les conseils régionaux ont accompli un effort important, auquel le Gouvernement veut rendre hommage. Il faut, avec eux, construire le lycée de l'avenir, en fonction des nouveaux besoins qui se sont exprimés.
Un fonds exceptionnel d'aménagement des lycées est créé, afin de pouvoir accorder en quatre ans 4 milliards de francs de prêts à taux zéro aux régions pour : construire ou aménager, dans chaque lycée, des lieux de vie pour les lycéens ; construire ou aménager dans chaque lycée de grandes salles afin de donner à la vie culturelle et sociale les moyens de se développer ; permettre un meilleur accès aux centres de documentation, à des laboratoires de langues modernes et à de nouveaux outils de travail ; achever la remise aux normes, en matière de sécurité, des équipements des lycées professionnels et de ceux qui sont destinés aux enseignements technologiques ; enfin, construire ou aménager, dans chaque lycée, des bureaux pour les enseignants, afin que ceux-ci puissent travailler dans de meilleures conditions et, surtout, recevoir les élèves ou leurs parents.
Le ministre de l'éducation nationale et l'association des présidents de conseils régionaux vont engager immédiatement des discussions pour trouver, ensemble, des solutions permettant d'assurer de meilleures conditions de vie scolaire - restauration et internats - un meilleur entretien des bâtiments, des locaux et du matériel, notamment du matériel informatique. Il faudra que tous ensemble nous contribuions à cet effort.
Quatrième action : engager les réformes pédagogiques.
Les véritables réformes attendues, celles qui se sont dégagées des colloques et des consultations nationales, ne pourront voir le jour qu'en septembre.
En attendant, et en accord avec le Conseil national des programmes et les associations de spécialistes de l'enseignement secondaire, des allègements de programme seront effectués.
D'ici à la fin du mois d'octobre, une circulaire d'instructions émanant du ministère permettra des allègements de programmes dès cette année scolaire. Pour autant, aucune option ne sera supprimée, je tiens à le préciser.
Une concertation avec les enseignants des lycées professionnels va s'engager immédiatement afin d'alléger les horaires des élèves qui se révèleront excessifs et d'aménager les horaires des enseignants.
Je rappelle qu'au cours des événements qui viennent de se dérouler ont été mis en évidence des emplois du temps imposant 45 heures de présence au lycée. Aussi certains lycéens ne réclament-ils pas les 35 heures, mais les 39 heures !
Cinquième action : assurer l'égalité face aux études.
Il est incontestable que les événements ont également mis en évidence des disparités et des lacunes. Nous avons donc décidé d'ouvrir immédiatement des listes complémentaires aux concours de recrutement des disciplines présentant des déficits d'enseignants ainsi qu'aux concours de documentalistes et de conseillers principaux d'éducation.
Nous avons encore décidé la mise à disposition d'enseignants appelés au service national dans les disciplines et les académies déficitaires, la priorité au remplacement dans les classes conduisant à un examen en fin d'année, la mise en place de 1 000 lecteurs étrangers pour faciliter la pratique des langues étrangères. Cette dernière mesure s'inscrit dans un programme que je compte développer dans les années à venir ; il s'agit d'utiliser beaucoup plus de « locuteurs natifs » dans les lycées pour favoriser l'enseignement des langues.
M. Claude Estier. Très bien !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. En règle générale, dès 1999, aucune classe de baccalauréat ne devra dépasser trente-cinq élèves. Un plan pluriannuel de réduction des effectifs par classe tendant à réduire les inégalités entre les académies et les départements sera mis en chantier. Nous en rendrons compte tous les ans au Parlement.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales mesures que je propose, mesures qui, vous pouvez le constater, répondent à des demandes urgentes. Elles préfigurent la réforme profonde que nous voulons mettre en oeuvre pour édifier un lycée faisant plus appel à la formation intellectuelle qu'au bachotage, pour dispenser des aides individualisées et, bien sûr, mettre en place une gestion déconcentrée. Au sujet de cette dernière, les premiers décrets sont parus, mais il faudra aller plus loin.
Vous savez très bien, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'en complément de la décentralisation seule la déconcentration permettra de gérer au mieux les moyens de l'éducation nationale.
Je le répète, pendant des années, on a eu tendance à vouloir toujours plus pour l'éducation nationale. Or, j'ai pu me rendre compte, depuis mon arrivée rue de Grenelle, que le premier devoir d'un membre du Gouvernement était non pas de réclamer tous les ans des milliards de francs supplémentaires...
M. Josselin de Rohan. Ce que vous faites, pourtant !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. ... mais de gérer d'une manière satisfaisante l'enveloppe dont il disposait.
Visant la déconcentration, j'en reviens, je l'ai déjà dit, à l'esprit de l'école républicaine de Jules Ferry, qui avait fait le choix de l'école déconcentrée en créant des écoles normales dans chaque académie, ce qui permettait d'assurer une véritable égalité des chances. Si, à l'époque, les lycées n'avaient pas été déconcentrés, c'est parce qu'ils n'étaient qu'une dizaine. Aujourd'hui, on en compte quelques milliers !
Il faut en revenir à l'esprit qui a prévalu au départ et rapprocher l'école de la République du citoyen. C'est ainsi qu'elle sera appréciée et défendue. C'est à cette tâche que je me suis attelé. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Cabanel, pour cinq minutes.
M. Guy Cabanel. Ce fut pour nous un grand coup au coeur que de voir, lors de cette rentrée, nos enfants et petits-enfants manifester dans la rue alors que, depuis des mois, monsieur le ministre, vous prépariez une réforme. Sans doute cette réforme n'a-t-elle pas été bien expliquée, sans doute n'a-t-elle pas exactement répondu aux doléances des lycéens.
Aujourd'hui, vous venez exposer votre plan. J'espère qu'il permettra un retour au calme. Je l'espère du fond du coeur parce que ces manifestations de lycéens sont particulièrement difficiles à accepter et qu'il est pénible de voir les forces de police imposer l'ordre aux lycéens et à ceux qui infiltrent leurs rangs.
Vous vous proposez d'inscrire les mesures que vous nous communiquez aujourd'hui dans votre plan de réforme. Sur ce point, on ne peut que vous féliciter car rien n'aurait été plus fâcheux que d'improviser une nouvelle politique face aux manifestations.
Vous entendez compléter cette réforme par des dispositions de nature à permettre une vie lycéenne plus active. Les mesures que vous avez énoncées me font un peu penser à celles qui ont été mises en oeuvre dans l'université au lendemain de 1968.
Pour avoir assuré la direction d'un établissement universitaire dans les années soixante-dix, je peux vous dire que ce que vous proposez, en matière de droit d'affichage, de publication, va entraîner bien des difficultés de gestion et sera source de travail supplémentaire pour les chefs d'établissement.
Il faudra veiller à ce que cela n'engendre pas désordre et trouble à l'intérieur des établissements.
Vous souhaitez favoriser une rénovation des lycées, voire leur faire subir une véritable cure de jouvence. Il faut reconnaître que les régions, depuis qu'elles ont la responsabilité des lycées de par les lois de décentralisation, ont accompli un énorme effort. Cependant, tous les établissements vieillissent ou sont dépassés par la technologie. Certains lycées ne disposent pas des câblages nécessaires aux installations informatiques ; dans d'autres, construits à la hâte. il pleut dans les classes, comme nous l'ont dit certains jeunes, et les conditions de vie y sont difficiles.
Vous faites une offre inespérée : vous proposez d'accorder aux régions, sur quatre ans, 4 milliards de francs de prêts à taux zéro. Cela signifie - j'en prends à témoin tous mes collègues présidents de région qui siègent dans cet hémicycle - que les régions seront, elles aussi, sollicitées et qu'un effort sera exigé des collectivités locales, donc de l'impôt local ; je pense que personne ne refusera d'y souscrire.
Mais c'est votre décret de déconcentration qui nous apparaît comme la clé d'une gestion plus ordonnée et plus efficace de l'éducation nationale.
Vous avez parfois dit que vous alliez « dégraisser le mammouth ». Le véritable mammouth, c'est à Montrouge qu'il se trouve : il s'agit de l'ordinateur qui centralisait tous les mouvements de personnels, toutes les nominations, qui digérait les voeux venus de toute la France pour ensuite diffuser à travers le pays des décisions qui, bien souvent, ne donnaient pas satisfaction aux demandeurs.
Aussi le décret de déconcentration nous paraît-il absolument nécessaire. C'est un préalable à une modernisation en profondeur de notre système éducatif.
Je crois que le plus grand service que l'on pourrait vous rendre, monsieur le ministre, c'est d'accompagner votre action. Après tout, peut-être le Sénat aurait-il intérêt à lancer une enquête permettant de mieux connaître les personnels, enseignants et non enseignants, placés sous votre autorité.
M. Christian Demuynck. Bonne idée !
M. Guy Cabanel. Nous avons reçu des informations tellement divergentes sur le nombre total d'enseignants, sur le nombre d'enseignants affectés dans les lycées. On nous a affirmé qu'il y aurait un enseignant pour dix élèves, alors même que nous entendions parler de classes surchargées et d'enseignements non assurés.
Dès lors, je crois vraiment que la création par le Sénat d'une mission d'information ou d'une commission d'enquête serait la bienvenue.
M. Christian Demuynck. Très bien !
M. Guy Cabanel. En ce qui concerne la pédagogie, si j'ai bien compris, deux mesures sont prévues : l'une, immédiate, qui porte sur l'allégement, vise en quelque sorte à calmer les esprits ; l'autre tend à lancer une réflexion en profondeur pour offrir enfin à nos jeunes une vraie pédagogie, favoriser leurs capacités créatives, plutôt que de leur infliger un bourrage de crâne qui est souvent source de difficultés.
Parce qu'il s'agit de nos enfants, de nos petits-enfants, parce qu'il s'agit de l'avenir de la France, monsieur le ministre, nous ne pouvons pas refuser d'accompagner votre action. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées socialistes.)
(M. Paul Girod remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président

M. le président. La parole est à M. Valade.
M. Jacques Valade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après l'intervention que nous venons d'entendre, l'opinion que je vais exprimer va paraître passablement discordante.
Monsieur le ministre, vous venez de présenter au Sénat - et celui-ci vous est reconnaissant - un plan d'action immédiat. Qui dit plan d'action immédiat dit urgence et réponse à des difficultés tenant aux circonstances.
En effet, les différentes propositions que vous faites sont indubitablement des réponses à des demandes urgentes, mais celles-ci sont formulées actuellement dans la rue. (Très bien ! sur les travées du RPR.) S'il n'y avait pas eu ces manifestations de lycéens, il est bien clair que vous ne seriez pas venu aujourd'hui nous présenter ces mesures, qui sont prises dans la plus totale improvisation. (Très bien ! sur les mêmes travées.)
Nous vous donnons donc acte de ces propositions, mais nous condamnons la façon dont elles sont présentées. (Très bien ! sur les mêmes travées.)
Vous dites qu'il faut établir l'égalité des chances. Mais quel ministre de l'éducation nationale, sous quelque gouvernement que ce soit, n'a pas évoqué cette nécessité ?
Au demeurant, il me paraît paradoxal, venant de vous, que cette égalité des chances soit fondée sur une discrimination géographique puisqu'on va donner aux uns ou aux autres la possibilité d'installer dans leur établissement un enseignement local, au lieu d'envisager l'enseignement républicain auquel vous faisiez pourtant allusion.
Mais faut-il vraiment s'étonner de ce paradoxe, monsieur le ministre ? Car il est parfois difficile de vous suivre à la trace, tant votre pensée est foisonnante et ne permet pas toujours de savoir exactement ce que vous souhaitez au fond.
Quelle est, en vérité, la situation ? Il y a une totale inadéquation entre la réalité quotidienne de la vie scolaire dans les lycées et les principes directeurs qui sont édictés par le ministère de l'éducation nationale.
M. Alain Gournac. Tout à fait !
M. Jacques Valade. C'est tellement vrai que, lorsque les lycéens sont dans la rue, tout le monde considère qu'ils ont raison. Vous-même, ministre de l'éducation nationale, déclarez : « Ces enfants ont tout à fait raison de protester. » Dans une certaine mesure, c'est d'ailleurs le sens de la première série des mesures que vous proposez puisque vous voulez associer les lycéens à une tentative de définition de la situation telle qu'elle devrait être afin qu'ils soient non plus dans la rue mais dans les établissements.
Monsieur le ministre, par expérience - chacun de nous a son expérience - nous savons qu'il est relativement facile de faire sortir les lycéens ou les étudiants de leur lycée ou de leur université. Le plus difficile, c'est de les y faire revenir !
Au fond, que cherchons-nous ? Nous cherchons à avoir les meilleurs établissements possible. Nous voulons offrir aux jeunes les meilleures études possible. Bien entendu, il n'est pas question de leur demander de se plier systématiquement au « bachotage » que, de manière un peu trop facile, vous avez évoqué. Lequel d'entre nous n'a pas dû, à un moment ou à un autre de ses études, « bachoter » ? De toute façon, on ne « bachote » que si l'on a, auparavant, vraiment étudié.
Nous voulons donc de bons établissements, avec de bons professeurs. Quant aux élèves, ils ne demandent qu'à être bons : il suffit de les entendre, tout au moins ceux qui ne sont pas trop excités. C'est pourquoi ils souhaitent disposer de structures d'accueil satisfaisantes.
Monsieur le ministre, vous venez de déclarer à l'Assemblée nationale que l'élève était au centre du système éducatif.
M. Alain Gournac. Ce sont plutôt les syndicats !
M. Jacques Valade. Si l'élève n'était pas au centre du système éducatif, on pourrait se demander pour quelle raison la nation investit autant d'argent dans ce système !
Quoi qu'il en soit, sous le bénéfice de cette évidence, vous proposez de favoriser le développement d'une vie lycéenne plus active.
Nous savons les uns et les autres combien il est difficile de maîtriser les lycéens lorsqu'ils sont dans cette structure, qui leur est familière et dans laquelle ils passent une grande partie de leur temps.
Etendre leurs possibilités d'affichage, leur permettre de s'exprimer davantage, soutenir la presse lycéenne, ce sont des choses que la plupart des proviseurs savent faire !
Est-ce la présence de 14 000 adultes supplémentaires qui permettra de « mieux vivre au lycée » ? Ce n'est pas cela que les lycéens demandent. Ils demandent des professeurs, et des professeurs plus disponibles.
M. Alain Gournac. Exactement !
M. Philippe Marini. Et de bons professeurs !
M. Jacques Valade. Ils demandent des classes dans lesquelles ils puissent travailler plus facilement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Que ne l'avez-vous fait vous-même lorsque vous étiez au pouvoir ?
Mme Hélène Luc. Vous avez été longtemps membre du Gouvernement, monsieur Valade. Il fallait les prendre alors, ces mesures !
M. Jacques Valade. En ce qui concerne les réformes pédagogiques,...
M. le président. Mon cher collègue, je dois vous demander de vous acheminer vers votre conclusion.
M. Jacques Valade. Je vais conclure, monsieur le président.
En ce qui concerne les réformes pédagogiques, vous nous dites qu'elles seront arrêtées ultérieurement.
Vous nous indiquez aussi que les concours seront ouverts plus largement et que pourront ainsi être recrutés des enseignants, des cadres administratifs et des personnels d'encadrement pédagogique supplémentaires. Je vous mets en garde contre une ouverture trop massive de ces concours qui se ferait naturellement au détriment de la qualité.
M. le président. Monsieur Valade, je vous prie maintenant de conclure.
M. Jacques Valade. Monsieur le ministre, nous sommes stupéfaits...
M. Alain Gournac. Oui, stupéfaits !
M. Jacques Valade. ... devant l'improvisation dans laquelle ces mesures nous sont annoncées et sont proposées au monde étudiant et au monde lycéen. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir informé le Sénat en même temps que l'Assemblée nationale.
Les mesures que vous annoncez font suite au puissant mouvement des lycéens qui, partout en France et par centaines de milliers, ont manifesté pour demander aux responsables politiques de se préoccuper de leur avenir ; c'est une première réponse.
Les lycéens veulent tout simplement étudier dans des conditions dignes de notre époque, animés qu'ils sont par une formidable volonté de réussir, d'acquérir des savoirs et qualifications et d'être considérés comme des citoyens responsables et adultes.
C'est donc la question de la qualité de l'enseignement qui est posée, en même temps que celle des conditions de travail.
Les premières mesures que vous annoncez et dont nous prenons acte portent sur les locaux et la présence d'adultes non enseignants en plus grand nombre. Elles confirment l'interdépendance entre les moyens octroyés et la qualité du service public.
Les lycéens vous ont demandé, avec raison, du « concret », et cela pour chaque lycée. C'est donc avant tout eux-mêmes et la communauté éducative dans son ensemble qui sont à même de juger sur pièces, de dire si vos mesures répondent à leurs besoins cruciaux.
Les lycéens demandent la création de dizaines de milliers de postes. De la petite ouverture que vous venez de faire avec les listes complémentaires à cette exigence, il y a une grande marge. Les lycéens apprécieront !
Pour notre part, nous proposons, premièrement, un contrôle de l'évolution de la mise en place de l'égalité des chances.
Deuxièmement, nous demandons la mise en place d'un plan pluriannuel d'emplois d'enseignant, afin de parvenir, dans un délai très court, à des classes de 25 élèves et, dès les jours à venir, à un maximum de 35 élèves par classe.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. C'est ce qui est prévu.
Mme Hélène Luc. Si cela se vérifie, nous en serons très heureux !
Nous proposons, troisièmement, le lancement d'un nouveau partenariat entre l'Etat et les régions en vue de la rénovation des établissements. Mais les discussions doivent associer l'Etat et les régions elles-mêmes, et non pas seulement les représentants des présidents des conseils régionaux, j'insiste sur ce point.
Quatrièmement, enfin, nous demandons que soient élus et installés des conseils de lycée dotés de locaux et de moyens adéquats, dans l'esprit des conseils consultatifs de la jeunesse.
M. Josselin de Rohan. Des soviets ! (Sourires.)
Mme Hélène Luc. Monsieur le ministre, il faut rester à l'écoute des lycéens et intégrer, dans le projet de budget qui est en cours d'examen, les dispositions qui font encore défaut.
Pour notre part, avec les différents acteurs, avec la majorité plurielle et le Gouvernement, nous nous y emploierons, suivant une démarche constructive et volontaire, en espérant bien que nous y parviendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat. A mon tour, monsieur le ministre, je veux vous remercier d'être venu aujourd'hui informer le Sénat de vos décisions.
Contrairement à ce que j'ai entendu tout à l'heure, il ne s'agit nullement de mesures que vous prenez à l'improviste. (Exclamations et rires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.) En effet, ces manifestations de lycéens ne font que confirmer votre propre analyse, qui a d'ailleurs provoqué, notamment à Saint-Fons, la réunion d'un colloque important sur l'avenir des lycées.
Les lycéens manifestent surtout leur impatience et démontrent ainsi la justesse de votre analyse, tant il est vrai qu'au cours des quatre dernières années, sous votre prédécesseur, l'évolution des lycées s'est faite de manière singulièrement ralentie.
On pourrait presque se réjouir de cette conjonction d'événements qui vous permet aujourd'hui de réclamer plus tôt et plus vite les moyens propres à apporter des solutions immédiates, en particulier au regard de ce besoin de citoyenneté au sein du lycée, de ce désir d'apprendre dans des conditions confortables, de cette aspiration au bonheur d'apprendre.
En définitive, monsieur le ministre, dans la mesure où vous y étiez parfaitement préparé, il est heureux que cette situation se soit révélée à l'ensemble du pays, en particulier à tous les partenaires de votre action ; je pense ici, notamment, aux parlementaires, qui devraient être des partenaires et d'appuyer votre démarche.
Je me permettrai de formuler une simple remarque. Vous avez beaucoup insisté sur la nécessité d'une ouverture à la citoyenneté mondiale, et d'abord européenne, à laquelle nous aspirons tous. Je pense qu'une large utilisation de l'ordinateur et du réseau Internet - cela peut se faire relativement vite, vous le savez - contribuerait grandement à une telle ouverture.
Sous le bénéfice de cette suggestion, que nous n'avons pas le temps de développer en cet instant, je conclurai en indiquant que vos propositions immédiates ouvrent la bonne route et que nous sommes prêts à nous y engager avec vous. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Arthuis.
M. Jean Arthuis. Je voudrais vous remercier à mon tour, monsieur le ministre de l'éducation nationale, d'être venu nous présenter, en temps réel en quelque sorte, les dispositions que vient d'arrêter le Gouvernement pour apaiser la révolte des lycéens.
Vous avez déclaré que les lycéens poussaient à la réforme. Faut-il en conclure qu'il a fallu au Gouvernement attendre d'être confronté à l'expression du dysfonctionnement des lycées pour se résoudre enfin à enclencher un processus de déconcentration et de décentralisation ?
Les commentaires laudatifs entendus au moment de la rentrée scolaire laissaient à penser que tout s'était remarquablement déroulé sous votre autorité...
M. Alain Gournac. Tout à fait !
M. Jean Arthuis. Il a fallu que, dans la France entière, les lycéens manifestent pour que le Gouvernement prenne conscience de la nécessité de la réforme.
La communication que vous venez de faire accrédite l'idée selon laquelle vous attendiez ces manifestations pour agir. A croire qu'au sein du Gouvernement une certaine confrontation des points de vue retenait votre action !
Comment pourrions-nous ne pas souscrire aux principes que vous avez énoncés ? Il s'agit non pas de dépenser des milliards de francs supplémentaires, mais de mieux utiliser les crédits publics.
Puis-je toutefois vous faire observer que la réalisation de votre plan, qui prévoit la création de 3 000 postes de surveillants supplémentaires et de 10 000 emplois-jeunes, exige probablement un peu plus qu'un surcroît de crédits d'un milliard de francs ?
Il règne sur les effectifs de l'éducation nationale une sorte d'opacité. La majorité sénatoriale va donc venir à vos côtés pour vous soulager de ce souci et pour vous apporter le soutien dont vous avez sans doute besoin pour faire la lumière sur ces effectifs. (Très bien ! sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et indépentants.)
La majorité sénatoriale va en effet soumettre au Sénat une proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête pour que soit dressé un tableau de la situation et de la gestion des effectifs salariés - enseignants et non-enseignants - de l'éducation nationale. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et indépendants.)
Des statistiques dont il est régulièrement fait état naît un doute : des collaborateurs seraient-ils rémunérés par l'éducation nationale sans être confrontés aux élèves ? Sachez que le Sénat sera à vos côtés pour faire justice de ces suspicions, de ces rumeurs et de ces doutes ! Il nous revient de satisfaire à une exigence de transparence pour que l'affectation des ressources humaines répondre aux nécessités.
M. Christian Demuynck. Voilà !
M. James Bordas. Très bien !
Mme Hélène Luc. Vous auriez pu le faire avant !
M. Jean Arthuis. Si la déconcentration est engagée depuis plusieurs années, c'est pourtant toute une culture qu'il reste à bousculer ! Compte tenu du poids des traditions et de l'existence d'une sorte de cogestion, les textes ne sauraient suffire.
Pour certains, la cogestion n'atteindrait son efficacité optimale que lorsqu'elle s'exerce à l'échelon national. Il faut donc se diriger résolument vers la déconcentration.
Ce matin, j'entendais sur les ondes d'une radio périphérique le témoignage d'un proviseur de lycée qui disait que, pour obtenir les quelques heures qui lui manquaient dans telle discipline, il avait fait une demande ; cette dernière aurait dû transiter par l'inspection académique, puis par le rectorat et sans doute enfin par le ministère. Il concluait qu'un tel parcours exige six mois avant d'obtenir une réponse.
Eh bien, c'est probablement là que résident le mal et la difficulté. Monsieur le ministre, faites donc confiance aux responsables de vos établissements : laissez-leur prendre en conscience, et en concertation avec les équipes pédagogiques, les dispositions qui s'imposent pour répondre aux besoins des établissements dont ils ont la charge.
Evoquant par ailleurs une charte lycéenne, vous avez, monsieur le ministre, fait allusion aux droits des lycéens. Nous nous situons ici au coeur des valeurs républicaines : pourquoi donc n'avez-vous pas mentionné les devoirs des lycéens ? (Eh oui ! sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.) Le civisme, l'éducation civique, qui doivent fédérer tous les membres de la communauté nationale, exigent de nous une reconnaissance des droits et des devoirs. (Applaudissements sur les mêmes travées.) Il s'agit de préparer la France de demain et de permettre à des jeunes de devenir des citoyens à part entière.
Mme Hélène Luc. Vous l'avez bien mal préparée, la jeunesse !
M. Jean Arthuis. Alors, de grâce, que l'on veuille bien reconnaître que les citoyens ont certes des droits, mais aussi des devoirs !
Voilà en quelques mots ce que je souhaitais dire au nom des membres du groupe de l'Union centriste. Nous serons à vos côtés, monsieur le ministre, pour faire vivre la déconcentration. Vous savez cependant qu'en politique toute la difficulté consiste à passer de l'incantation à l'action. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Marchons, marchons !
M. Josselin de Rohan. Et vive Mme Vuaillat !
M. le président. La parole est à M. Bordas.
M. James Bordas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le plan qui vient de nous être présenté repose à notre avis essentiellement sur un effort de 4 milliards de francs demandé aux régions sous la forme d'un emprunt sur quatre ans à taux zéro.
Ce geste, qu'un de mes collègues a qualifié de « symbolique » et de « cosmétique », ne coûte presque rien à l'Etat, puisqu'il n'aura qu'à payer les intérêts !
Nous abordons là un problème que j'ai déjà évoqué lors du débat sur l'éducation organisé ici même la semaine dernière.
La multiplication et l'ampleur des manifestations lycéennes depuis le début du mois d'octobre, qui nous interpellent directement, illustrent, à mon sens, le décalage entre le discours gouvernemental et la réalité.
La consultation nationale a laissé beaucoup espérer aux lycéens. Aujourd'hui, enseignants, lycéens et parents d'élèves constatent pourtant l'absence de progrès significatifs.
Nous devons répondre à leurs préoccupations de manière directe et ne pas nous voiler la face en refusant de voir les vrais problèmes, qui dépassent amplement, monsieur le ministre, la « charte des droits » - je me range ici à l'avis de l'orateur précédent - les panneaux d'affichage... ou autres journées lycéennes.
Je crains fort que le plan annoncé n'aille pas dans le bon sens.
Rien n'est pire que les programmes non finalisés, qui voient leur mise en place retardée, leur ambition révisée à la baisse, ou qui se réduisent à l'envoi de nouvelles circulaires aux chefs d'établissement.
Aujourd'hui, le Gouvernement franchit une nouvelle étape en promettant de l'argent qui n'est pas le sien, sans avoir ouvert de véritables négociations avec les régions, qui, elles, devront payer !
Ce n'est ni une bonne méthode ni une bonne politique.
Monsieur le ministre, je ne néglige ni l'arrivée de 14 000 adultes supplémentaires dans les lycées pour renforcer l'encadrement, ni la mise à disposition des enseignants appelés au service national.
Je constate seulement que la mesure en faveur de la démocratie lycéenne, annoncée aujourd'hui comme « nouvelle », l'était déjà la semaine dernière !
Je constate également que l'accélération de l'allégement des programmes que vous évoquez n'est, en réalité, que le rattrapage des retards accumulés depuis quatorze mois dans ce domaine.
M. Claude Estier. Sans compter les quatre années précédentes !
M. James Bordas. Monsieur le ministre, si, comme j'ai déjà eu l'occasion de vous le dire, il nous arrive d'être d'accord sur certains principes, je vous mets néanmoins en garde : les annonces fracassantes et les campagnes médiatiques ne font pas une politique.
M. Josselin de Rohan. Absolument !
M. Georges Mazars. Et Bayrou, qu'est-ce qu'il a fait ?
M. James Bordas. Beaucoup de vos promesses ont suscité de réels espoirs. A terme, et même déjà, je le crains, elles risquent de décevoir encore ces jeunes qui ont défilé dans nos villes.
Ne vous retranchez pas aujourd'hui derrière les régions après l'avoir fait hier derrière les enseignants et permettez-moi de vous demander, ainsi qu'au Gouvernement tout entier, de prendre vos responsabilités ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je veux d'abord remercier le Sénat, et en particulier les orateurs qui ont participé à ce débat.
Peut-être n'ai-je pas été suffisamment explicite puisque j'ai entendu certaines inexactitudes que je souhaite corriger pour permettre aux différences d'opinion, qui sont naturelles en démocratie, de se fonder sur des arguments précis.
On a dit : « Paroles !»
Mais les 20 000 maîtres auxiliaires embauchés, ce ne sont pas des paroles ! Les 40 000, bientôt 60 000 emplois-jeunes dans l'éducation nationale, ce ne sont pas des paroles ! Pour être sorties du chômage et avoir un emploi, les personnes concernées savent que ce ne sont pas des paroles ! (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Alain Gournac. Ce n'est pas le problème !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Les 5 000 enseignants-chercheurs qui ont été embauchés, alors que le précédent gouvernement arrivait péniblement à dépasser le chiffre de 1 200 par an, ce ne sont pas non plus des paroles !
M. Alain Gournac. Alors, pourquoi y a-t-il autant de monde dans la rue ?
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. J'ai rétabli des personnes qui avaient fait des études dans des postes qu'elles ont le droit d'occuper !
M. Franck Sérusclat. Bien !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Le plan social étudiant, ce ne sont pas non plus des paroles !
Savez-vous, messieurs les sénateurs, qu'entre 1988 et 1992 M. Lionel Jospin a fait passer le pourcentage de boursiers de 15 à 20 %, tandis qu'au cours des quatre années suivantes, alors que le ministère de l'éducation nationale ne changeait pas de titulaire, le pourcentage de boursiers évoluait seulement de 20 à 21 % ?
M. Christian Demuynck. Et pourquoi autant de monde dans la rue, alors ?
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Nous allons vers les 30 %. Je vous donne des faits.
Quant à la déconcentration du mouvement, sachez, monsieur Arthuis, qu'elle est faite et qu'elle est irréversible. Il n'existe plus d'instrument de gestion du personnel au niveau national. Et nous n'avons pas attendu cette crise pour procéder de la sorte !
Nous avons mis au point un décret en conseil d'Etat qui a fait l'objet de huit mois de préparation et de négociations. Et je n'hésite pas à dire que les gens qui déconseillaient à M. Bayrou de le faire ne s'en sont pas particulièrement réjouis...
M. Josselin de Rohan. Mais M. Bayrou l'a fait !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Bien sûr que non il ne l'a pas fait !
Le décret vient de paraître ! Enfin, vous ne pouvez pas dire une chose et le contraire ! Après avoir reconnu que tout était géré depuis la rue de Grenelle, vous avez dit ensuite que la déconcentration était réalisée. Bien sûr que non, il n'en était rien !
Je tiens à répondre sur ce point car il s'agit d'une conception fondamentalement différente.
M. Josselin de Rohan. La déconcentration, c'est donc vous qui l'avez inventée ?
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je n'ai rien inventé, j'ai fait ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Mes chers collègues, s'il vous plaît, la parole est à M. le ministre.
Poursuivez, monsieur le ministre.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je disais donc que nous avons une conception fondamentalement autre.
Jadis, la gestion de l'éducation nationale prenait en compte deux types d'enseignants : d'une part, les nobles, c'est-à-dire les titulaires, ceux qui étaient gérés à l'échelon national, à l'échelon central, et qui étaient majoritaires ; d'autre part, les roturiers, autrement dit ceux qu'on pouvait mettre à la porte tous les ans et qu'on appelait les maîtres-auxiliaires. Tel fut le mode de gestion de l'éducation nationale.
C'est le sens du propos de M. Bayrou quand il dit que les recteurs disposaient d'un pouvoir effectif d'affectation. Ce qu'il faut comprendre, c'est que les recteurs pouvaient affecter des gens en l'absence de tout contrôle démocratique ou pédagogique. Ils les embauchaient, puis ils les jetaient !
Eh bien, nous avons rompu avec cette politique !
Ce que nous mettons en oeuvre, c'est une véritable déconcentration dans le cadre de la fonction publique. Elle est assortie de toutes les garanties : à l'égard des fonctionnaires, bien sûr, mais aussi et surtout en matière de qualité pédagogique.
Tels sont les faits. A partir de là, vous pouvez dire ce que vous voulez en guise de commentaire !
M. Alain Gournac. Cela fait quand même beaucoup de monde dans la rue !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Ecoutez, ils ont été encore plus nombreux quand vous avez voulu toucher à la loi Falloux...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Sans parler du passage de M. Monory rue de Grenelle !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Aujourd'hui, c'est une petite plaisanterie. Souvenez-vous de la loi Falloux ! Et quand les lycéens demandaient l'abolition de telle ou telle mesure. (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. le président. Mes chers collègues, laissez parler M. le ministre, je vous prie !
M. Claude Estier. Ils ne supportent pas qu'on leur parle ainsi !
M. le président. Veuillez poursuivre, je vous prie, monsieur le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie Je vais vous dire une chose : j'aime trop le débat démocratique pour laisser passer des contre-vérités... (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen) ... et, par conséquent, je dis les choses telles qu'elles sont. Chaque fois que vous voudrez un débat, vous me trouverez, mais attendez-vous à avoir des réponses !
M. Jean Arthuis. Excellent ! C'est un bon débat !
M. Josselin de Rohan. Dommage qu'il soit improvisé !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Non, rien n'est improvisé car nous n'aurions pas pu improviser si nous n'avions pas été prêts !
M. Jacques Valade. Mais si !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je vous le répète, monsieur Valade : je pense que rien n'est improvisé et que rien n'est fait qui n'entre dans un cadre général.
M. Georges Mazars. Et puis, on n'est pas à Bordeaux !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie Vous ne le croyez peut-être pas, mais les quatre milliards de francs sont destinés à aider les régions - je n'aurai pas la cruauté de parler de la région Aquitaine, notamment des problèmes de locaux qui y sont rencontrés...
Plusieurs sénateurs du RPR. Pourquoi ?
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Parce que j'ai décidé de ne pas accuser les régions !
M. Josselin de Rohan. Vous auriez eu à qui parler !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Les régions ont fait ce qu'elles ont pu. Nous mettons à leur disposition des moyens supplémentaires pour conduire des actions qui seront un plus pour les lycées.
M. Josselin de Rohan. Votre plan manque d'audace !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Peut-être, mais, monsieur le sénateur, il en va en la matière comme ce fut le cas pour la décentralisation : le général de Gaulle voulait la faire, M. Pompidou l'a enterrée...
M. Josselin de Rohan. Non !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. ... M. Giscard d'Estaing en a parlé, mais c'est François Mitterrand qui l'a faite. Eh bien, pour la déconcentration, c'est pareil ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie d'avoir participé à ce débat démocratique. Je vous remercie de m'avoir reçu. A la prochaine fois ! (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Josselin de Rohan. On se reverra !
(M. Jacques Valade remplace M. Paul Girod au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président
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