Séance du 5 novembre 1998







M. le président. La parole est à M. Gérard.
M. Alain Gérard. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
La production porcine française est aujourd'hui dans la tourmente d'une crise grave et douloureuse.
Une crise grave, car l'Europe vit une période de surproduction. Les cours les plus bas ont été enregistrés depuis la création du marché au Cadran de Plérin, qui, vous le savez, est le marché de référence. Ces cours sont aujourd'hui à moins de 5,20 francs, c'est-à-dire à plus de 4 francs en dessous du seuil de rentabilité. Pis encore, on annonce que le seuil des 5 francs pourrait être franchi dans les semaines à venir.
Une crise douloureuse, car sont affectés non seulement les jeunes producteurs et les récents investisseurs mais aussi, et surtout, l'ensemble de la filière porcine française. Sur l'ensemble de la Bretagne, près de 40 % des 8 000 éleveurs risquent la cessation d'activité, et la perte financière, sur un an, est estimée aujourd'hui à 3,2 milliards de francs.
Face à l'ampleur de cette crise, l'action du Gouvernement est inadaptée.
L'urgence, aujourd'hui, c'est la mise en oeuvre d'une politique axée sur la gestion du marché et le soutien aux éleveurs.
S'agissant de la gestion du marché, il est impératif que les acteurs économiques européens de la production, de la transformation et de la distribution puissent définir au plus vite les conditions d'une organisation maîtrisée du marché et d'une régulation des conditions d'ajustement quantitative et qualitative de l'offre.
S'agissant du soutien aux éleveurs, un effort doit être mis en oeuvre en direction des récents investisseurs, avec l'octroi de prêts bonifiés de trésorerie et le report des échéances sociales et fiscales.
Monsieur le ministre - j'associe à ma question tous les élus de Bretagne, et tout particulièrement le président de la région, M. Josselin de Rohan, qui suit ce dossier avec la plus grande attention - quelles dispositions envisagez-vous pour mettre un terme à cette crise sans précédent et, de façon immédiate, quelles mesures envisagez-vous de prendre pour permettre aux éleveurs de faire face à cette période extrêmement difficile, de manière à assurer la pérennité de leur activité ?
Plusieurs sénateurs socialistes. C'est long !
!
M. Alain Gérard. A l'échelon européen, quelles actions allez-vous engager pour défendre avec détermination l'intérêt de la filière porcine afin, notamment, de faire face à l'offensive des Etats-Unis et du Canada, dont la volonté délibérée est de conquérir les marchés mondiaux ?
Il est bien évident que l'enveloppe financière que vous comptez adresser aux éleveurs les plus touchés ne répondra pas aux attentes de toute une profession.
Allez-vous défendre le modèle français agricole à Bruxelles, modèle qui a permis à la France d'être aujourd'hui le deuxième pays exportateur mondial de produits agricoles ? Pouvez-vous nous indiquer précisément quand et comment vous envisagez de le faire ? (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Plusieurs sénateurs socialistes. Trop long !
M. le président. Mes chers collègues, l'orateur n'a dépassé le temps qui lui était imparti que de quelques secondes.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, aurait aimé vous répondre lui-même ; mais, vous le savez, il accompagne M. le Président de la République à Fontainebleau pour le cinquantième anniversaire de l'Union mondiale pour la nature. Il m'a donc demandé de vous apporter les réponses attendues. J'ajoute que, ce matin, lors de son audition devant la commission des affaires économiques et du Plan de votre assemblée, il a eu l'occasion de faire le point sur l'état actuel de ce dossier.
La raison de la détérioration des cours en 1998 est connue : c'est la reprise du cycle de la production communautaire. Cette crise sera donc sévère et longue, il est inutile de se le cacher.
Le ministre de l'agriculture souhaite, en premier lieu, privilégier les instruments de gestion communautaire du marché de la viande porcine, tant il est vrai que cette crise est européenne. C'est pourquoi il a demandé à ses services de se mobiliser pour que soit mise en oeuvre très rapidement une opération spéciale d'exportation vers la Russie, qui permettrait de dégager le marché européen.
Mais, en attendant, il est indispensable d'aider tout spécialement, et en priorité, les éleveurs les plus fragiles à faire face à la dégradation des cours.
La gestion de la crise ne doit pas nous faire oublier l'avenir de cette production. Nous devons aussi réfléchir ensemble sur les moyens d'assurer durablement la stabilité du marché du porc.
C'est pourquoi le ministre de l'agriculture et de la pêche, M. Jean Glavany, a reçu, le 3 novembre 1998, une délégation d'éleveurs de porcs de la Fédération nationale porcine, la FNP, conduite par son président, M. Lemaître.
Le ministre de l'agriculture a réaffirmé, obtenant l'accord de la délégation de la FNP, la nécessité de continuer à privilégier les outils de gestion communautaire du marché.
C'est ainsi qu'il s'entretiendra, dès le début de la semaine prochaine, avec le commissaire européen chargé de l'agriculture, M. Fischler, afin qu'une opération spéciale d'exportation de viande porcine vers la Russie soit mise en oeuvre dans les semaines qui viennent. Il rappellera tout particulièrement à la Commission l'importance qu'il attache à ce que les travaux communautaires progressent sur les mesures de réduction de l'offre concernant cheptel et carcasses. La première réunion d'un groupe de travail à Bruxelles est prévue le 4 novembre.
Le ministre de l'agriculture a donc souhaité répondre le plus efficacement possible à l'inquiétude de nombreux éleveurs qui souffrent de la crise. Il a ainsi annoncé le déblocage d'une enveloppe supplémentaire de 150 millions de francs, dégagée en urgence par le Gouvernement et destinée à soulager la trésorerie des élevages les plus fragiles.
Voilà, monsieur le président,...
M. le président. Je vous remercie, monsieur le ministre. (Murmures sur les travées socialistes.)

AFFAIRE BUNEL