Séance du 5 novembre 1998







M. le président. La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Le mois dernier, à la suite de l'annonce faite, en termes d'ailleurs assez vagues, par le gouvernement allemand d'une volonté de sortir du nucléaire, vous avez eu l'occasion d'affirmer qu'il n'y avait pas d'ambiguïté dans la politique énergétique française et que notre choix restera longtemps celui du nucléaire, ce dont je me réjouis.
Depuis, une polémique s'est développée sur le sort des déchets nucléaires, notamment sur leur retour dans leur pays d'origine imposé par la loi du 30 novembre 1991, dite « loi Bataille ».
Six pays, dont l'Allemagne, ont envoyé en France pour retraitement environ 8 000 tonnes de combustibles irradiés.
Ces pays se sont engagés, par contrats sécurisés par des accords intergouvernementaux, à récupérer ces déchets, dont le volume est réduit dans la proportion de dix à un après retraitement.
Pouvez-vous, au-delà des déclarations de principe, faire respecter par nos partenaire étrangers les engagements pris par eux de récupérer leurs déchets ?
Etes-vous en mesure de faciliter les retours, en dépit des actions menées par des organisations écologico-médiatiques, qui ne craignent pas à la fois de s'indigner des stockages en France et de monter des opérations d'obstruction chaque fois qu'un convoi doit acheminer des déchets retraités vers leur pays d'origine ? Etes-vous décidé à imposer vos choix à vos amis « verts » ?
M. Pierret affirme que les retours n'ont pas encore atteint leur rythme de croissance, ce qui n'est pas satisfaisant, alors qu'ils sont techniquement prêts et que leur réalisation relève de décisions politiques qui manifesteront, je l'espère, la volonté de pérenniser la filière et non de la stopper.
N'y a-t-il pas, en effet, un double langage entre l'affirmation de nos choix énergétiques faisant une large place au nucléaire et une certaine inertie au niveau du retour des déchets ? Existe-t-il déjà un plan de mise en oeuvre de ces contrats, avec un agenda des échelonnements de dates de retour vers les pays concernés ? (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. Madame le sénateur, M. Strauss-Kahn étant retenu par des obligations internationales, je réponds à sa place à votre question.
La loi du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs précise, en son article 3, que « le stockage en France de déchets radioactifs importés, même si leur retraitement a été effectué sur le territoire national, est interdit au-delà des délais techniques imposés par le retraitement ».
En fait, depuis 1977, les contrats de retraitement signés par la COGEMA avec des compagnies d'électricité japonaises, belges, allemandes, suisses et néerlandaises prévoient le retour dans leur pays d'origine des résidus ultimes issus du retraitement des combustibles irradiés, conditionnés sous une forme permettant d'assurer leur transport et leur entreposage ou leur stockage de façon sûre et respectueuse de l'environnement.
Ces contrats, vous l'avez dit, ont donné lieu à des échanges de lettres avec les gouvernements concernés, de façon à consolider leur force juridique.
Les résidus en question sont de deux catégories. Il s'agit, d'une part, des déchets directement issus du combustible irradié et, d'autre part, des déchets issus de l'exploitation des installations de retraitement.
Les résidus ultimes font l'objet d'une comptabilité très précise de la part de la COGEMA, qui permet d'affecter à chaque client les déchets correspondants. Ce système fait l'objet d'un contrôle par un audit indépendant, qui donne toutes garanties.
Pour vous répondre d'une façon précise, madame le sénateur, les opérations de retour qui ont déjà été effectuées portent toutes sur des déchets vitrifiés, c'est-à-dire ceux qui relèvent de la première catégorie. En effet, ils concentrent 99 % de la radioactivité ; c'est pourquoi leur rapatriement est prioritaire.
Cinq opérations de retour ont été organisées à ce jour : trois vers le Japon et deux vers l'Allemagne. D'autres opérations de retour sont en cours de préparation. Le rythme des retours, M. Pierret l'a dit, n'a cependant pas encore atteint son rythme de croisière, en particulier du fait de l'opposition d'organisations antinucléaires qui veulent simultanément que les déchets ne soient pas stockés en France et qu'ils ne repartent pas à l'étranger.
M. Jean Chérioux. C'est logique !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement français s'emploie donc à ce que cette situation soit corrigée en établissant, avec les gouvernements étrangers et les industriels, des procédures régulières de retour. Je peux vous indiquer que le retour des résidus vitrifiés issus du retraitement des combustibles usés déjà livrés devrait être achevé vers 2006.
S'agissant des autres catégories de déchets, qui représentent environ 1 % de la radioactivité totale, les clients de la COGEMA souhaitent qu'ils leur soient rendus sous la forme la plus compacte possible. Un atelier de compactage est prévu par la COGEMA et commencera à fonctionner en 2001.
J'espère vous avoir convaincue, madame, que la politique du Gouvernement est inchangée en la matière et que l'on appliquera la loi du 30 décembre 1991 dans son esprit et dans sa lettre. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR