Séance du 16 novembre 1998







M. le président. Par amendement n° 75, Mme Borvo, MM. Fischer, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer avant l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« A compter du 1er janvier 1999, il est mis en oeuvre une réforme du mode de calcul des cotisations dues en application de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale.
« Les entreprises seront catégoriées en fonction de leur secteur d'activité.
« Les cotisations seront modulées selon l'évolution du rapport entre masse salariale et valeur ajoutée globale tel que ressortant de l'analyse des comptes sociaux de chaque entreprise au dernier exercice clos avant le 1er janvier 1999. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement a trait à l'une des questions essentielles qui nous sont posées quant au devenir de la protection sociale : celle de la définition des meilleurs outils de financement de notre régime général de sécurité sociale.
Comment ne pas souligner que cette donnée essentielle fait encore défaut dans le projet de loi de financement qui nous est soumis et que la nécessaire réforme des cotisations sociales acquittées par les entreprises n'est évoquée que dans le rapport annexé au présent texte ?
Le débat reste, à ce sujet, tout à fait ouvert, et cela indépendamment du constat de la situation actuelle, caractérisée par la fragilité de l'équilibre retrouvé des comptes sociaux. Cet équilibre n'est que la traduction de la pleine application des mesures de fiscalisation de la protection sociale qui ont été prises par le passé.
Le mode actuel de calcul des cotisations n'est rien moins que satisfaisant, même s'il n'est pas, à nos yeux, opportun d'y renoncer sous prétexte de modernité.
Selon nous, le financement de la protection sociale doit essentiellement reposer sur l'utilisation de la richesse créée dans les entreprises. Autrement dit, nous devons réaffirmer que le lieu naturel de financement est le lieu de travail et d'activité.
Cette remarque préliminaire conserve d'autant plus sa portée que le processus de fiscalisation entamé voilà plusieurs années ne peut suffire à assurer le financement de cette importante fonction collective qu'est la protection sociale.
Devons-nous nous satisfaire d'une démarche qui laisserait entendre que la contribution des entreprises ne peut être accrue sans risque pour l'emploi, avec tout ce que cela peut impliquer comme coûts sociaux ?
On dit ici et là que le travail serait trop taxé. Peut-être, mais c'est en comparaison du traitement dont bénéficient les comportements de gestion d'entreprise qui ignorent la rémunération du travail au profit de la recherche de la rentabilité financière ou des gains de productivité par substitution du capital au travail.
Faut-il pour autant se contenter de concevoir une taxation de la valeur ajoutée au titre de la protection sociale ? Dieu merci, avec un taux normal de 20,6 %, cette valeur ajoutée est déjà largement mise à contribution !
Cela étant, le nécessaire développement de la solidarité entre les générations implique de ne pas perdre de vue que les conditions de la production de biens et de services ont profondément changé depuis la naissance de la sécurité sociale : les solutions durables et équilibrées de financement de la protection sociale doivent en tenir compte.
Notre démarche est relativement simple.
On ne peut, objectivement, maintenir les choses en l'état, attendu que la perspective est, qu'on le veuille ou non, celle d'une réduction progressive des garanties proposées par le régime général ou, à défaut, d'un accroissement de la charge du financement pour les ménages et les salariés.
Il nous semble donc nécessaire d'opter pour un financement de la protection sociale qui interpelle la gestion d'entreprise et pénalise des choix aujourd'hui encore trop souvent opérés contre l'emploi.
Nous proposons de maintenir la retenue sur rémunérations comme socle de financement de la protection sociale et de procéder à une répartition équilibrée de la charge du financement, prenant en compte les spécificités des différents secteurs d'activité économique.
La contribution des entreprises serait alors profondément modifiée, selon leurs choix de gestion. Ainsi, la cotisation due serait majorée dès lors que seraient privilégiés les investissements spéculatifs ou l'utilisation de la richesse créée par le travail à des placements financiers divers, au détriment de l'emploi et des salaires, c'est-à-dire de la base naturelle du financement de la protection sociale.
Nous proposons par ailleurs de retenir une conception élargie de la valeur ajoutée au regard de celle qui ressort des déclarations de TVA des entreprises, la valeur ajoutée devant notamment intégrer le produit d'une utilisation strictement financière des richesses créées.
En cela, nous sommes relativement proches de la conception défendue l'an dernier par M. Chadelat dans son rapport sur le devenir de la protection sociale. Nous reconnaissons être, en revanche, un peu éloignés des conclusion de M. Malinvaud.
En fait, nous sommes plutôt partisans d'une modulation traitant la valeur ajoutée comme une variable d'ajustement de la contribution des entreprises.
Cette proposition est à verser au débat sur le devenir de la protection sociale. Elle constitue en quelque sorte notre apport à ce débat, que la nation entière doit mener et qui s'ouvrira, madame la ministre, au cours du premier semestre 1999.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie. Cet amendement vise à mettre en oeuvre une réforme de l'application des règles du financement de la sécurité sociale en ce qui concerne les entreprises.
Sur le fond, la réforme de l'assiette des cotisations patronales est légitime. On en parle depuis longtemps. Deux rapports ont été consacrés à ce sujet, celui de M. Chadelat et celui de M. Malinvaud, que nous avons tous deux entendus en commission.
Toutefois, d'après ce que j'ai lu dans la presse, cette réforme de l'assiette des cotisations patronales semble avoir donné lieu à un débat au sein du Gouvernement. J'imagine qu'il en a été de même au sein de la majorité plurielle. Dès lors, les membres du groupe communiste républicain et citoyen sont effectivement plutôt mieux placés que nous pour obtenir de telles modifications dans le projet de loi. (Sourires.)
Lorsque la réforme de l'assiette des cotisations patronales nous sera présentée par le Gouvernement, nous dirons ce que nous en pensons. Je note simplement, monsieur Fischer que vous faites des reproches à un gouvernement que vous soutenez par ailleurs.
J'en viens à la forme. A cet égard, le dispositif que vous proposez est techniquement complexe et pratiquement inapplicable. C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Effectivement, monsieur le rapporteur, le groupe communiste républicain et citoyen est mieux placé pour influencer le Gouvernement que vous-même. Mais nous serions tout de même ravis de trouver un large accord sur une réforme des cotisations patronales.
Comme j'ai été amenée à le dire dans mon intervention liminaire, nous devons procéder à cette réforme des cotisations patronales, et y procéder promptement, non seulement parce qu'il faut asseoir la sécurité sociale sur une base pérenne plus juste, mais aussi parce que c'est un élément essentiel pour favoriser l'emploi dans notre pays.
Il est clair que la question d'une cotisation assise sur la valeur ajoutée fait partie du débat, même si, après le rapport Malinvaud, beaucoup s'accordent à considérer qu'un abandon total de l'assiette salaires au profit d'une assiette valeur ajoutée poserait des problèmes ou aurait des effets pervers. Ce n'est d'ailleurs pas ce vous proposez aujourd'hui, monsieur Fischer. Vous optez pour une formule assez proche de ce que suggérait M. Chadelat.
Celle-ci pose toutefois deux types de problèmes, ce qui ne veut pas dire que l'idée qui la sous-tend doive être écartée d'emblée.
Tout d'abord, elle fixe des taux de cotisation différents selon le rapport entre masse salariale et valeur ajoutée. Or la Commission européenne considère, semble-t-il, que cela entraîne des aides différenciées selon les secteurs, ce qui produirait les mêmes difficultés que celles que nous avons rencontrées avec l'aide au secteur textile.
Ensuite, cette formule prend en compte l'évolution de la valeur ajoutée ; or c'est un élément que nous ne connaissons que très tardivement.
Bien sûr, la valeur ajoutée est l'ensemble des éléments sur lesquels repose la richesse de l'entreprise. Par conséquent, c'est sans doute un des critères susceptibles d'être pris en compte. Toutefois, je ne suis pas sûre que ce soit exactement cette formule qu'il faille retenir.
Quoi qu'il en soit, nous y réfléchissons et nous y travaillons. Le Gouvernement s'est engagé à déposer un projet de loi au premier semestre 1999, car cette réforme doit s'intégrer dans l'ensemble de nos dispositifs visant à rendre la croissance plus riche en emplois. Nous devrions, à ce moment-là, parvenir à un accord sur les modalités, étant donné que nous sommes d'accord sur le fond.
Dans ces conditions, monsieur Fischer, je serais heureuse que vous acceptiez de retirer cet amendement.
M. le président. Monsieur Fischer, l'amendement est-il maintenu ?
M. Guy Fischer. Oui, monsieur le président.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Dans ces conditions, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 75.
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Nous sommes particulièrement attachés à un certain nombre d'amendements de fond que nous avons déposés au fil du texte et qui visent à conforter d'éventuelles décisions que Mme la ministre pourrait prendre au cours des prochains mois. Certes, nous ne demandons pas à la majorité du Sénat de nous appuyer - nous sommes sans illusions - mais nous souhaitons que le Parlement se fasse aujourd'hui l'écho des problèmes posés par le devenir de notre régime de protection sociale. C'est pourquoi nous entendons débattre et poursuivre le dialogue.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Monsieur Fischer, n'interpellez pas la majorité du Sénat : c'est le Gouvernement qui s'oppose à votre amendement !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Mais nous sommes ici au Parlement, et dans notre rôle de parlementaires !
M. Charles Descours, rapporteur. Et puisque, comme vous l'avez déclaré, il s'agit pour vous d'un amendement de fond, qui ne reçoit pas le soutien du Gouvernement, j'espère que vous ne voterez pas le projet de loi !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Vous verrez en temps voulu ce que nous ferons !
M. Alain Gournac. On vous attend, les communistes !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Ce qui est sûr, c'est que nous ne voterons pas le texte de la majorité sénatoriale !
M. Guy Fischer. Nous ne nous faisons pas d'illusions à votre égard !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 75, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 76, Mme Borvo, MM. Fischer, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le premier alinéa du I de l'article 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale est complété in fine par les mots : "ainsi qu'à l'exception des revenus d'activité et de remplacement des travailleurs frontaliers, conformément à l'article 13, chapitre 2, du règlement de la CEE 1408/71".
« II. - Le taux de la contribution visée à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale est relevé à due concurrence. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Les travailleurs frontaliers non soumis à la législation relative au financement de la sécurité sociale française sont tout de même assujettis à la contribution au remboursement de la dette sociale prévue par la loi du 24 janvier 1996. En les exonérant de ce prélèvement, notre amendement mettrait fin à une situation injuste et juridiquement contraire à la législation européenne.
En effet, selon le règlement CEE n° 1408/71 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté européenne, la contribution au remboursement de la dette sociale doit être considérée comme une cotisation sociale et non comme un impôt.
L'article 13 du deuxième paragraphe du règlement précité dispose qu'elle ne peut être prélevée sur les revenus d'activité ou de remplacement des travailleurs qui échappent à la législation française relative au financement de la sécurité sociale.
Nous avions déjà déposé cet amendement ; si nous le présentons de nouveau, c'est afin que, au-delà des divergences de points de vue, le débat puisse être définitivement clos sur ce point.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Une fois n'est pas coutume, les membres du groupe communiste républicain et citoyen sont les plus européens de cet hémicycle ! (Sourires.) Nous en prenons acte.
Sur le fond, et pour éviter tout contresens, rappelons que la contribution au remboursement de la dette sociale, qui est un impôt, n'est pas appelée à financer les régimes de sécurité sociale. Son produit est en effet affecté à la Caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES, qui est non pas un organisme de sécurité sociale - elle ne sert donc aucune prestation - mais un établissement public chargé d'apurer la dette sociale en émettant des emprunts sur les marchés financiers. On ne voit donc pas très bien comment, d'exonération en exonération, la CADES pourra finalement rembourser les emprunts qu'elle lève sur les marchés.
En conséquence, nous ne partageons pas l'analyse de la Commission européenne, qui assimile ce prélèvement fiscal à une cotisation de sécurité sociale relevant du champ matériel du règlement CEE n° 1408/71.
La CRDS est un impôt auquel sont assujetties, notamment sur leur revenu d'activité et de remplacement, et indépendamment de leur qualité éventuelle d'assuré social, les personnes domiciliées fiscalement en France, le cas échéant en application de conventions fiscales. C'est normalement le cas des travailleurs frontaliers considérés comme fiscalement domiciliés dans l'Etat de résidence et non dans l'Etat d'emploi, qui se trouvent donc redevables de cette contribution.
Par ailleurs, le gage proposé n'est pas pertinent dans la mesure où il tendrait à faire croire que la CRDS est une contribution sociale. Or, il est important d'insister sur ce point : son produit est affecté non pas aux régimes sociaux mais à la CADES.
L'amendement n'est pas plus acceptable sur le fond, puisque sa mise en oeuvre tendrait à alourdir le taux de la CSG pesant sur les revenus du patrimoine.
Pour ces raisons, je vous propose, mes chers collègues, de rejeter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Je sais qu'un différend nous oppose à la Commission européenne sur ce sujet, mais je partage l'avis de M. le rapporteur : il s'agit là d'un impôt et non d'une cotisation. Ce différend pourra nous amener devant la Cour de justice des Communautés européennes mais, en tout état de cause, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 76.
M. Jean-Louis Lorrain. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain. Mon collègue Guy Fischer a posé un vrai problème. Nous comprenons que le sujet n'a pas à entrer en ligne de compte dans la discussion, puisqu'il s'agit effectivement d'un impôt, mais le flou persistant et suscitant d'incessants conflits entre Paris et Bruxelles, il serait nécessaire que nos travailleurs frontaliers soient intégralement et définitivement informés sur leurs droits et devoirs.
M. Guy Fischer. Voilà !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?..
Je mets aux voix l'amendement n° 76, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 77, Mme Borvo, MM. Fischer, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale, il est créé une section 3 bis ainsi rédigée :
« Section 3 bis.
« De la contribution sociale sur les revenus du patrimoine et de placement des entreprises.
« Art. L. 136-7 bis I. - Les produits de placement et les revenus du patrimoine des entreprises assujetties à l'impôt sur les sociétés sont soumis à une contribution sociale.
« II. - L'assiette de cette contribution est constituée par l'ensemble des revenus fonciers, des revenus de capitaux mobiliers, des plus-values, des gains en capital et profits réalisés sur les marchés à terme d'investissements financiers et de marchandises, ainsi que sur les marchés d'options négociables.
« Elle est également constituée par l'ensemble des revenus tirés de placements sur les marchés obligataires et sur les titres inscrits à la cote officielle des bourses de valeurs.
« II. - Dans le I de l'article L. 136-8 du même code, après la référence : "L. 136-7" est insérée la référence : ", L. 136-7 bis ". »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. La mise en oeuvre de la réforme du financement de la protection sociale ne peut être considérée comme achevée et le débat qui est ouvert, notamment sur la réforme des cotisations patronales, en est l'illustration.
De la même façon que nous ne pouvons considérer comme clos le débat sur la participation des salariés et des ménages au financement de la protection sociale, au travers notamment de l'extension de la contribution sociale généralisée, nous ne pouvons considérer comme entièrement bouclé le débat sur la participation des entreprises au financement de la protection sociale.
Nous avons eu l'occasion de souligner à quel point il nous paraissait regrettable que la mise en oeuvre de la réforme des cotisations patronales soit en quelque sorte reportée.
Nous avons même un peu l'impression que l'apparence du redressement des comptes sociaux que laisse transparaître l'article d'équilibre du présent projet de loi de financement pourrait servir à justifier ce léger retard.
Nous sommes donc en quelque sorte contraints de rappeler quelques données fondamentales.
En l'état actuel de la législation fiscale et sociale, nous sommes en effet confrontés à quelques incohérences relatives.
S'agissant des ménages, ils sont aujourd'hui soumis à l'impôt sur le revenu, selon les formes que nous lui connaissons, notamment moyennant une large exonération des revenus non salariaux et, singulièrement, des revenus du capital et du patrimoine.
On sait en effet que la part relative des salaires, des traitements, des pensions et retraites dans l'assiette de l'impôt sur le revenu est plus importante qu'elle ne l'est en réalité dans le revenu moyen.
Cette égalité de traitement n'est d'ailleurs que dégagée imparfaitement dans le cadre de l'application de la contribution sociale généralisée, dont il convient d'observer qu'elle est aujourd'hui d'un rapport plus important que l'impôt sur le revenu, ce qui ne peut manquer de soulever des interrogations quant aux caractères de la redistribution à partir d'un impôt proportionnel...
S'agissant des entreprises, force est de constater que l'essentiel des prélèvements fiscaux et sociaux qui les concernent sont assis sur les salaires.
Les salaires, en l'occurrence, servent de référence pour le calcul des cotisations sociales, tandis que c'est l'activité elle-même de l'entreprise qui est prise en compte pour définir tant le résultat fiscal imposable au titre de l'impôt sur les sociétés que le montant de TVA collectée, comme de la TVA déductible.
La référence au salaire pour la définition des cotisations sociales a l'incontestable mérite de la lisibilité, y compris pour le salarié.
Elle a, certes, un défaut, bien connu, celui de laisser croire que l'augmentation éventuelle des effectifs ou des rémunérations engendre naturellement une hausse des cotisations sociales des entreprises. Comme si, de manière à la fois proche et lointaine, cette augmentation des salaires et/ou des effectifs n'était pas productrice de valeur ajoutée complémentaire pour une entreprise. Proche, parce que cela motive une augmentation de la capacité de développement de l'entreprise, et lointaine, parce que cela participe du développement des débouchés de l'activité économique.
Il n'en demeure pas moins que les choix de gestion qui ont été faits, et ceux qui peuvent l'être encore aujourd'hui ou demain, par les entreprises, en faveur à la fois de la substitution du capital au travail ou de l'utilisation strictement financière de la valeur ajoutée créée par le travail, ne sont aujourd'hui pas le moins du monde pénalisés.
Combien d'entreprises ont pu, dans les années quatre-vingt et depuis le début des années quatre-vingt-dix, opter pour une majoration de leurs placements financiers, en vue d'équilibrer leurs propres comptes financiers et de dégager, notamment, les plus-values indispensables pour bonifier les emprunts contractés ?
De tels choix, dès lors que rien ne vient en dissuader ceux qui les font, peuvent continuer à peser dans la gestion et à s'imputer, en toute logique, sur le financement de la protection sociale.
Nous proposons donc que soit mise en oeuvre une contribution sociale des revenus du patrimoine et de placement des entreprises, contribution dont l'un des objectifs est de permettre un financement de la protection sociale et de dégager, notamment, des marges de manoeuvre nouvelles en faveur de l'emploi ou de l'allégement des cotisations assises sur le travail.
C'est le sens de cet amendement que je vous invite, mes chers collègues, à adopter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Nous n'avons pas encore commencé l'examen des articles du projet de loi présenté par le Gouvernement et voté par l'Assemblée nationale que le groupe communiste vient de faire part, à deux reprises, de son désaccord fondamental sur ce texte.
M. Guy Fischer. Non, c'est le point qui est fondamental !
M. Charles Descours, rapporteur. Le groupe communiste ayant déposé le même amendement à l'Assemblée nationale, mes chers collègues, je vais utiliser l'argumentaire que le rapporteur socialiste de l'Assemblée nationale a développé pour le rejeter.
Premièrement, la CSG est assise sur les personnes et non sur les entreprises.
M. Alain Gournac. Voilà !
M. Charles Descours, rapporteur. Deuxièmement, les revenus financiers des entreprises sont déjà pris en compte dans l'assiette de l'impôt sur les sociétés.
Troisièmement, la réforme des cotisations patronales ne peut aboutir dans le cadre d'un accroissement des prélèvements sur les entreprises, c'est-à-dire des prélèvements obligatoires.
L'avis de la commission est donc défavorable.
M. Alain Gournac. Bien !
M. Charles Descours, rapporteur. J'insiste sur le fait que le parti communiste, depuis vingt minutes, manifeste son total désaccord sur un projet de loi élaboré par un gouvernement qu'il soutient ! (Applaudissements sur les travées du RPR.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. C'est de la « politicaillerie » qui ne répond en rien sur le fond !
M. le président. Monsieur le rapporteur, il s'agit au Sénat du groupe communiste républicain et indépendant et non pas du parti communiste !
M. Charles Descours, rapporteur. Je n'ai toujours pas vu la différence !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le rapporteur, ne prenez pas vos désirs pour des réalités ! Vous verrez que nous sommes d'accord sur l'essentiel. Je constate que le groupe communiste républicain et citoyen se réfère au rapporteur socialiste de l'Assemblée nationale, preuve que tout cela évolue dans le bon sens !
Le problème de la taxation des dividendes et du patrimoine est bien évidemment l'un des éléments qui doivent s'inscrire dans la réflexion sur la réforme des cotisations patronales. L'année dernière, la réforme des cotisations salariales et le 1 % « allocations familiales » ont permis de prélever environ 48 milliards de francs sur les revenus de capitaux, dont 23 milliards de francs d'augmentation nette par le biais du transfert des cotisations sociales sur la CSG. Nous devons poursuivre, comme je l'ai dit tout à l'heure, la concertation et la réflexion avant de nous mettre d'accord sur un dispositif définitif, dont nous débattrons lors de l'examen du projet de loi qui sera déposé au premier semestre 1999.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 77, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 2