Séance du 17 novembre 1998







M. le président. « Art. 29. - I. - L'article L. 351-11 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 351-11 . - Un arrêté interministériel fixe :
« 1° Le coefficient de majoration applicable aux salaires et aux cotisations servant de base au calcul des pensions ou rentes ;
« 2° Le coefficient de revalorisation applicable aux pensions déjà liquidées.
« Ces coefficients sont fixés conformément au taux prévisionnel d'évolution en moyenne annuelle des prix à la consommation de tous les ménages hors les prix du tabac, qui est prévu, pour l'année civile considérée, dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances. »
« II. - L'article L. 341-6 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 341-6 . - Les salaires servant de base au calcul des pensions et les pensions déjà liquidées sont revalorisés dans les conditions fixées à l'article L. 351-11. »
« III. - Les dispositions de l'article L. 357-4-1 et du premier alinéa de l'article L. 357-6 restent inchangées.
« IV. - A l'article L. 434-17, les mots : "par les arrêtés pris" sont supprimés.
« V. - Les dispositions du I ci-dessus sont applicables pour l'année 1999. »
Sur l'article, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais à nouveau attirer votre attention sur la date à laquelle la Caisse nationale d'assurance vieillesse est autorisée à donner l'ordre de paiement des retraites et pensions aux institutions postales ou bancaires.
Cette date est fixée au 10 du mois suivant, je vous le rappelle, par arrêté ministériel du 11 août 1986.
Les retraités et les pensionnés doivent donc attendre le 10 du mois suivant en métropole ; plus tard dans les départements d'outre-mer, par exemple le 15 du mois suivant à la Réunion.
Il y a là, monsieur le secrétaire d'Etat, une anomalie. Impôts, factures d'électricité et de téléphone, loyer, souvent prélevés d'ailleurs, doivent être acquittés généralement en fin de mois.
A une question que j'avais posée à l'automne 1997 à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, celle-ci m'avait répondu : « Le versement de ces pensions plus tôt dans le mois, voire avant la date légale d'échéance, n'est pas envisageable du fait des contraintes de trésorerie. » Cette attitude était déjà celle du Gouvernement lorsque les pensions étaient versées trimestriellement. Les contraintes ont été levées lorsque la mensualisation est intervenue et c'est tant mieux. Voilà donc bien un cas où la volonté a compté dans la prise de décision.
Je vous demande aujourd'hui de franchir une nouvelle étape et de prendre l'engagement que cette revendication, émanant de tous les syndicats mais également des associations de personnes âgées, soit examinée dans les mois qui viennent et qu'une mesure soit prise rapidement.
A un moment où les retraités et les pensionnés voient supprimer un certain nombre de leurs acquis, ils considéreraient l'avancement de la date de paiement de leur pension comme une marque d'intérêt et de reconnaissance des efforts qui leur sont imposés, sans oublier par ailleurs la perte continue du pouvoir d'achat de ces pensions, ainsi que la stagnation du taux de pension de reversion. A ce propos, monsieur le secrétaire d'Etat, il faudra bien un jour fixer le taux des pensions de reversion à 60 %, comme cela a été promis dès 1981.
Je reviens sur les paiements tardifs. Vous le comprenez, monsieur le secrétaire d'Etat, ils mettent en difficulté les retraités, notamment ceux qui touchent des retraites modestes et qui n'ont pas les moyens de réaliser les quelques économies susceptibles de leur permettre de faire face à des échéances qui doivent être honorées au début du mois.
Voilà, monsieur le secrétaire d'Etat, ce que je souhaitais vous dire au moment où nous abordons la discussion de l'article 29 relatif à la branche vieillesse, en espérant que le paiement intervienne le 30 du mois, au moment de l'échéance mensuelle de la pension.

M. le président. Par amendement n° 82, Mme Borvo, MM. Fischer, Vergès, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent :
A. - De rédiger comme suit le dernier alinéa du texte présenté par le I de l'article 29 pour l'article L. 351-11 du code de la sécurité sociale :
« Ces coefficients sont fixés conformément à l'évolution moyenne du salaire brut horaire ouvrier. »

B. - Après le I de cet article, d'insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... Les pertes de recettes résultant de la fixation des coefficients visés à l'article L. 351-11 du code de la sécurité sociale conformément à l'évolution moyenne du salaire brut horaire ouvrier sont compensées à due concurrence par le relèvement du taux de la contribution visé à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement porte sur les conditions d'évolution du pouvoir d'achat des retraites et pensions. C'est une question importante.
Il nous semble, en effet, que se pose depuis plusieurs années la question de savoir si la situation des retraités et pensionnés de notre pays peut motiver que ces conditions d'évolution plus limitée que par le passé leur soient imposées.
Depuis la réforme de 1993, le niveau de progression des retraites a, en effet, été décroché de sa référence traditionnelle, celle de l'évolution des rémunérations, au nom de la recherche de l'équilibre des comptes sociaux.
Un examen plus attentif de la situation permet cependant de dire que rien, dans les faits, ne justifie la prolongation d'une telle orientation. Le niveau moyen des retraites dans notre pays demeure, en effet, particulièrement faible, même si le nombre de pensionnés et retraités ayant accompli une carrière complète est en progression constante et même si ce niveau moyen a pu connaître, avant 1993, une évolution régulière à la hausse.
On observera d'ailleurs que, dès l'adoption de la loi de 1993 et son application au 1er janvier 1994, la progression du niveau des retraites s'est trouvée ralentie.
Comment d'ailleurs pourrait-il en être autrement, dès lors que le nombre d'annuités nécessaire à la constitution d'une retraite complète a été accru et que le salaire de référence servant à la définition du montant de la pension s'est trouvé modifié ?
On pourra trouver témoignage de cette situation des retraités et pensionnés en observant qu'une grande part d'entre eux demeurent aujourd'hui non imposables au titre de l'impôt sur le revenu, même si la presse écrite et audiovisuelle tend assez régulièrement à faire croire que la situation des jeunes actifs est moins favorable que celle de leurs aînés.
Pour ce qui nous concerne, nous estimons nécessaire de revenir sur le dispositif ouvert en 1993, et ce pour plusieurs raisons.
La première est la nécessité de replacer le financement des retraites dans le cadre même de l'activité sociale et économique.
L'essentiel des pensions et retraites étant en effet un salaire différé, il n'est pas anormal que ces revenus connaissent d'une certaine façon une évolution proche de celle qui affecte les revenus salariaux de façon générale et singulièrement le salaire ouvrier, en ce sens que la progression de ce dernier est liée au partage de la croissance et de la richesse créée.
La deuxième raison est que le gain de pouvoir d'achat qui en résultera sera, à sa façon, et d'une manière certaine, un puissant vecteur de la croissance économique en elle-même.
Il est, en effet, plus que temps de cesser de considérer les prestations sociales comme une sorte de poids mort ou de charge pour la collectivité et de les concevoir comme ce qu'elles ont toujours été, c'est-à-dire des éléments fondamentaux du revenu des ménages et donc de leur capacité à consommer, à épargner, à investir au besoin, ou encore à établir une solidarité entre générations.
Enfin, la troisième raison qui guide notre démarche est tout simplement de reconnaître à nos aînés le droit à des prestations réprésentatives de l'effort qu'ils ont pu, dans le passé, accomplir pour que notre pays connaisse, comme il l'a connu, développement et modernisation.
L'un des éléments de cette modernité réside, de manière incontestable, dans la fixation de pensions et de retraites à la hauteur des exigences de notre époque.
C'est sous le bénéfice de ces observations que je vous invite à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Depuis le début de la discussion de ce projet de loi, nous mesurons que le problème du financement des retraites n'est pas réglé. Il sera très difficile, quel que soit le gouvernement en place, de faire face aux conséquences de l'évolution démographique à partir des années 2005-2010, notamment pour les retraites du secteur public, qui n'ont pas été réformées.
Les chiffres cités par M. Vasselle sont éloquents, et les décisions qui devront être prises seront douloureuses.
J'ai voté la réforme proposée par M. Balladur en 1993 concernant les retraites du secteur privé. Un de ses éléments importants était l'indexation des retraites sur les prix et non plus sur les salaires. Quoi qu'il en soit, la route est encore longue. Il ne faut donc pas revenir en arrière.
Il ne s'agit pas d'un stupide acharnement contre les personnes âgées. Mais il faut regarder en face la réalité démographique. Agir autrement, monsieur Fischer, serait faire preuve d'irresponsabilité.
C'est la raison pour laquelle la commission des affaires sociales est contre l'amendement n° 82 que vous avez déposé.
M. Guy Fischer. Certains font preuve d'irresponsabilité dans d'autres secteurs !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement n° 82.
Comme vous le savez, monsieur Fischer, le Gouvernement a pour objectif prioritaire de consolider et de pérenniser notre système de retraite par répartition, qui est, de notre point de vue, un gage de solidarité entre les générations.
Ce système sera confronté, nul ne peut le nier, à une évolution considérable de ses paramètres, notamment sociologiques, démographiques à partir de 2005-2010. Il devra donc être adapté afin de maintenir un équilibre intergénérationnel et la parité du pouvoir d'achat entre actifs et retraités. Je partage votre sentiment sur le fond, bien entendu.
Pour cela, nous avons confié au Commissariat général du Plan, une mission d'analyse de notre système de retraite lui-même. Dans l'attente de ses conclusions, qui seront prêtes au premier trimestre de 1999, il serait prématuré de fixer une règle pérenne de revalorisation.
En ce qui concerne l'année 1999, monsieur Fischer, je vous rappelle que le Gouvernement a souhaité faire participer les retraités aux fruits de la croissance : en revalorisant les pensions au 1er janvier 1999 de 1,2 %, alors que l'application des dispositions d'indexation fixées par la loi de 1993 n'aurait conduit qu'à une revalorisation de 0,7 %.
On assistera donc à une consolidation du pouvoir d'achat des retraités sur la base de 0,5 %. Elle représentera un effort en faveur des retraités de 1,7 milliard de francs et de 3 milliards de francs si l'on tient compte de l'ensemble des prestations dont la revalorisation est actuellement définie par rapport à celle des pensions du régime général.
Un effort supérieur sera fait pour les retraités les plus modestes, les bénéficiaires du minimum vieillesse et du minimum de réversion, dont les pensions seront revalorisées de 2 %. Ainsi, 1,5 million de personnes bénéficieront de cet effort supplémentaire.
C'est pourquoi, tout en partageant, sur le fond votre position, je pense qu'une évolution est nécessaire, mais qu'il serait prématuré de la décider avant le rapport du Commissariat général du Plan.
Madame Beaudeau, il est important que les pensions soient versées à date fixe. L'Etat verse les pensions le 8 du mois. Si elles ne sont encaissées que le 15 du mois ou après, c'est le problème des banques, sur lesquelles nous avons fort peu de pouvoir.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 82.
M. Yann Gaillard. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. J'aurais dû dès le début de ce débat évoquer, au nom de la commission des finances, l'exception d'irrecevabilité à l'encontre de cet amendement au titre de l'article 40 de la Constitution.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. En effet !
M. Yann Gaillard. La discussion était intéressante, aussi je ne l'ai pas fait. Mais je crois que cela va de soi.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?
Je mets aux voix l'amendement n° 82, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 29.

(L'article 29 est adopté.)

Article 29 bis