Séance du 17 novembre 1998







M. le président. « Art. 31. - I. - Le titre VI du livre IV du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa de l'article L. 461-1, les mots : "la date de la première constatation médicale de la maladie" sont remplacés par les mots : "la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle" et les mots : ", sous réserve des dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 461-2" sont supprimés ;
« 2° A l'avant-dernier alinéa de l'article L. 461-2, les mots : "Par dérogation aux dispositions de l'article L. 461-1" sont remplacés par les mots : "Par dérogation aux dispositions du dernier alinéa du présent article" ;
« 3° Au dernier alinéa de l'article L. 461-2, les mots : "que pendant le délai" sont remplacés par les mots : "que si la première constatation médicale intervient pendant le délai" ;
« 4° Au premier alinéa de l'article L. 461-3, les mots : "aux dispositions de l'article L. 461-1" sont remplacés par les mots : "aux dispositions du dernier alinéa de l'article L. 461-2" ;
« 5° Le dernier alinéa de l'article L. 461-5 est ainsi rédigé :
« Sans préjudice des dispositions du premier alinéa de l'article L. 461-1, le délai de prescription prévu à l'article L. 431-2 court à compter de la cessation du travail. »
« II. - Par dérogation aux dispositions des articles L. 431-2 et L. 461-5 du code de la sécurité sociale, les droits aux prestations et indemnités dont les organismes de sécurité sociale ont la charge en vertu des dispositions du livre IV dudit code ainsi qu'en vertu des articles 1148 et 1170 du code rural, au profit des victimes d'affections professionnelles consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante ou provoquées par elles, et ceux de leurs ayants droit, sont rouverts dès lors qu'ils ont fait l'objet d'une première constatation médicale entre le 1er janvier 1947 et la date d'entrée en vigueur de la présente loi.
« III. - Les victimes ou leurs ayants droit peuvent demander le bénéfice des dispositions du II dans les deux ans qui suivent la publication de la présente loi.
« Les droits qui résultent des dispositions du II prennent effet de la date du dépôt de la demande sans que les prestations, indemnités et rentes puissent avoir un effet antérieur au dépôt de celle-ci.
« Ces prestations, indemnités et rentes se substituent pour l'avenir aux autres avantages accordés à la victime pour la même maladie au titre des assurances sociales. En outre, il sera tenu compte, dans les conditions fixées par le décret en Conseil d'Etat pris pour l'application de l'article L. 461-2 du code de la sécurité sociale, des réparations accordées au titre du droit commun.
« IV. - La branche accidents du travail-maladies professionnelles du régime général de sécurité sociale et celle du régime des salariés agricoles supportent définitivement, chacune pour ce qui la concerne, la charge imputable aux II et III du présent article, selon des modalités fixées par décret. »
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je ne reviendrai pas, monsieur le secrétaire d'Etat, sur l'analyse que j'ai faite en intervenant sur l'article 15. Je veux simplement compléter ma réflexion en posant le problème de l'indemnisation des maladies et accidents professionnels.
L'accès aux campagnes médiatiques, comme je l'ai dit à propos de l'amiante, détermine trop souvent la prise en compte des dossiers par les gouvernements. L'espoir de sortir de cette situation résidait dans la tenue des états généraux, qui aurait dû constituer la réflexion préalable à cette loi de financement et qui a été regrettablement retardée. Je vous avais demandé, monsieur le secrétaire d'Etat à la santé, que la question de la santé au travail soit intégrée au travail de ces états généraux. A ce jour, je ne connais toujours pas votre réponse. Si cette question était absente ou si elle était traitée simplement comme un aspect de l'environnement sanitaire, l'intérêt des états généraux en serait singulièrement réduit, d'autant que nous nous trouvons là au coeur du problème du financement de la sécurité sociale.
M. le Premier ministre a déclaré, devant 15 000 personnes souffrant de handicaps, à l'occasion d'une manifestation organisée par la Fédération nationale des accidentés du travail et handicapés, le 3 octobre dernier : « C'est bien l'entreprise qui crée le risque qui a l'obligation de le réparer. » Ces judicieux propos ont suscité l'espoir, d'autant qu'ils étaient suivis par un discours ferme de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, dont je me permets d'ailleurs d'approuver pleinement les termes.
Or, je ne vois pas la traduction de cette déclaration dans les dispositions proposées à l'article 31, alors que la seule façon d'engager les entreprises à mener de vraies politiques de prévention des risques est de leur faire payer les conséquences de ces risques.
Le rapport Deniel a amplement montré que les entreprises faisaient supporter à l'assurance maladie des milliards de francs de coût d'indemnisation des maladies et accidents professionnels dont elles sont responsables. Cette situation dispense le patronat de développer la prévention dans le respect du code du travail.
En 1993, Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité avait ainsi évalué à 10 000 le nombre de cancers professionnels indûment pris en charge par l'assurance maladie, pour laquelle la dépense s'établit à 30 milliards de francs, soit une somme correspondant à la majeure partie du déficit de la sécurité sociale pour les dernières années !
Si ces cancers avaient été reconnus de nature professionnelle, les victimes auraient été mieux indemnisées et le coût aurait été supporté par les entreprises. Celles-ci auraient été incitées, par exemple, à supprimer sur les postes de travail les expositions dangereuses en s'équipant de systèmes d'aspiration, ce qui serait, à notre avis, un bon moyen de lutter contre le cancer en milieu professionnel.
Dans l'immédiat, il faut mettre un terme aux tricheries du patronat. Elles sont loin d'ailleurs de s'arrêter là. Péchiney vient, par exemple, de faire pression sur l'Institut national de la recherche scientifique pour qu'un rapport accablant sur la dangerosité de l'aluminium soit allégé, ce qui semble avoir été fait.
Je souhaiterais également savoir pourquoi le transfert de 1 milliard de francs des excédents de la caisse des accidents du travail et maladies professionnelles sur l'assurance maladie n'a pas été reconduit cette année ? Les excédents de la caisse des accidents du travail et des maladies professionnelles ne proviennent pas, monsieur le secrétaire d'Etat, d'une bonne gestion. Ils sont le résultat d'une gestion visant à faire le maximum d'économies contre la santé des travailleurs. Ces excédents proviennent aussi de tous les équipements de sécurité qui n'ont pas été installés sur les postes de travail, de toutes les pensions qui ne sont pas payées. Ils découlent des appels téléphoniques effectués au domicile des accidentés pour les menacer au cas où ils se déclareraient en accident du travail. Ne se composent-ils pas aussi de tous ces rapports modérés, de toutes ces conclusions sous-évaluées obtenus par pressions sur les épidémiologistes, parfois - et je pèse mes mots - menacés de perdre leur emploi. Ces excédents sont en fait des sommes détournées ; il doivent être transférés intégralement pour dédommagement à l'assurance maladie, en attendant qu'ils soient rendus impossibles.
M. Charles Descours, rapporteur. Que fait le Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Monsieur le rapporteur, le Gouvernement va répondre à Mme Beaudeau, même si ce sera, hélas !, de façon sommaire.
En ce qui concerne les états généraux, madame, je peux vous dire qu'ils sont lancés, même s'ils ne sont pas accompagnés de campagne d'affichage ou de grand tintamarre médiatique.
En effet, nous avons déjà organisé quarante-cinq réunions - ce qui est mieux, je pense, que ce qu'avaient fait nos prédécesseurs ; il y en aura cinquante avant la fin du mois de novembre, et j'espère que des centaines de réunions se tiendront au total. A ce moment-là, il sera temps de faire une campagne d'affichage, de rédiger un questionnaire, comme je vous l'ai dit.
Dans chacune des régions, des comités de pilotage se sont constitués autour de la DRASS et un certain nombre de thèmes ont été proposés à l'étude, dont les accidents du travail. Il est donc tout à fait loisible aux associations, aux responsables, aux élus et aux syndicats d'organiser, avec l'aide du comité de pilotage régional, toutes les réunions qu'ils souhaitent sur ce thème en particulier, en invitant les experts concernés.
Parmi les experts traitant plus particulièrement de la qualité des soins, je citerai M. Claude Got, qui, vous le savez, après M. Deniel, a rédigé un rapport sur l'amiante. Il me semble que le problème de l'amiante est un bon exemple de ce que nous avons fait pour rattraper le temps qui avait très largement été perdu auparavant. Les indignations que vous avez exprimées - et que je partage - ont été largement prises en compte. Ce fut un parcours du combattant que de faire reconnaître cette maladie professionnelle ; je pense que c'est en bonne voie. Les dossiers sont rouverts, en tenant compte - hélas ! trop tard pour certaines victimes - de la pénibilité du travail et des facteurs de risque accumulés.
A propos de la santé au travail, je rappelle que l'institut de veille sanitaire va également être chargé de veiller à la santé au travail. Voilà une manifestation supplémentaire de notre intérêt pour le sujet que vous aves parfaitement illustré, madame Beaudeau.
Nous tirerons les conséquences qui s'imposent en matière de maladies professionnelles, notamment en matière de cancers liés au milieu professionnel. Il reste que la distinction est difficile à opérer entre les cancers manifestement d'origine professionnelle et les autres. Comment faire la part des choses entre les manifestations secondaires liées à l'imprégnation amiantique et les imprégnations secondaires liées au tabac ? C'est difficile, mais il faut bien essayer de le faire.
S'agissant de l'aluminium, ce fut une erreur que d'essayer de masquer les choses - c'est toujours une erreur d'ailleurs de masquer les choses parce qu'elles apparaissent ultérieurement et qu'en matière de santé publique il faut être transparent. L'erreur est reconnue maintenant mais, de toute façon, le problème n'est pas nouveau : depuis vingt-cinq ans, nous nous interrogeons tous, la communauté scientifique, les chercheurs tout particulièrement, sur les rapports entre les maladies neurodégénératives et l'aluminium. Un travail présenté à Bordeaux sur ce sujet va nous parvenir bientôt. Pour le moment, rien n'est significatif, mais ce n'est pas une raison pour ne pas continuer à chercher, au contraire.
Enfin, madame, le milliard de francs que vous souhaitez voir transférer des accidents du travail à l'assurance maladie le sera effectivement cette année encore puisque, dans les ordonnances de 1997, ce transfert était prévu pour trois années : 1997, 1998 et 1999.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 31.

(L'article 31 est adopté.)

Section 5

Objectifs de dépenses par branche

Article 32