Séance du 17 novembre 1998







M. le président. La séance est reprise.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Monsieur le président, je tiens à répondre à M. Fischer.
Ou bien il est d'accord avec le projet de loi présenté par le Gouvernement ou bien il ne l'est pas.
M. Guy Fischer. Ou bien il n'est pas tout à fait d'accord !
M. Charles Descours, rapporteur. Depuis le début de cette discussion, à de très nombreuses reprises, il a invoqué les responsabilités de la majorité sénatoriale, de la droite. Je me permets de lui rappeler que, depuis maintenant plus de dix-huit mois, il fait partie de la majorité gouvernementale. Qu'il soit donc cohérent et arrête de faire le grand écart !
Soit les projets de loi présentés par le Gouvernement lui conviennent et il les vote et reste dans la majorité, soit ils ne lui conviennent pas et il ne les vote pas et sort de la majorité.
M. Guy Fischer. Ça, c'est nous qui en déciderons !
M. Charles Descours, rapporteur. En vérité, je me demande si, depuis le début de cette discussion, le groupe le plus sévère à l'égard de ce projet de loi n'a pas été le groupe communiste républicain et citoyen. Pourtant, il vote contre les amendements que nous avons déposés et vote les articles qui ne sont pas modifiés par la majorité sénatoriale !
Si l'on n'est pas satisfait par un projet de loi, on vote contre, mais on ne dit pas que l'on est contre pour, ensuite, voter le projet de loi et soutenir le Gouvernement.
Les critiques que vous avez formulées sur ce texte, mon cher collègue, étaient des critiques de fond et je suis extraordinairement étonné que, pour justifier vos critiques de fond, vous ayez besoin du secours, en sous-main, de la majorité sénatoriale ou de la droite.
Puisque ce projet de loi est présenté par un gouvernement que vous soutenez, assumez vos responsabilités jusqu'au bout !
M. Guy Fischer. Ce qui est certain, c'est que nous voterons contre le projet tel qu'il a été modifié par le Sénat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Moi aussi, monsieur le président, je souhaite répondre à l'intervention de M. Fischer, qui fait d'ailleurs suite à une discussion que nous menons depuis quelques mois.
On ne peut pas à la fois s'intéresser au sort de l'Ile-de-France dans son ensemble, à celui de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris et à celui de tous les autres hôpitaux, qui sont tout de même très nombreux, situés en dehors de ces territoires que l'on peut considérer comme privilégiés. Bien sûr, les hôpitaux d'Ile-de-France sont confrontés à des situations difficiles et doivent faire face à des pathologies lourdes, mais ils sont privilégiés au regard des dotations antérieures.
Certes, il est toujours possible d'améliorer le fonctionnement d'un hôpital, de renouveler une partie de son matériel, de faire en sorte que l'accueil y soit plus satisfaisant, de mieux aménager les urgences - et je le sais bien, pour les visiter régulièrement - ou les locaux en général, d'accroître la compétence du personnel... Cependant, il faut comparer ce qui est comparable !
Nous avons trouvé des différences terribles à l'intérieur des régions et entre les régions. Un rééquilibrage est nécessaire : il faudrait au moins que les trois régions les moins bien dotées - Poitou-Charentes, Picardie et Nord-Pas-de-Calais - puissent rattraper en cinq ans, c'est-à-dire la durée des schémas régionaux d'organisation sanitaire n° 2, la région immédiatement supérieure, à savoir l'Alsace. Et il n'est même pas sûr que nous parviendrons à ce résultat.
En Ile-de-France, la dotation des établissements de Paris extra-muros augmentera de 1 %. Vous me direz que ce n'est pas beaucoup. Certes, mais il faut mettre cela en regard de la situation d'autres régions. Et, si nous procédions autrement, on nous le reprocherait.
D'ailleurs, il suffit de se rendre dans certains établissements pour constater qu'il est légitime d'effectuer un rééquilibrage, en termes de locaux, d'équipements et de facilités pour les patients, car les fonds ont été jusqu'à présent très injustement répartis sur notre territoire. La péréquation, qui était établie en termes pseudo-scientifiques, ne tenait aucun compte des pathologies régionales et des différences entre les populations.
L'année dernière, il nous a fallu trouver, de façon extrêmement pragmatique et dans la hâte, je le reconnais, un équilibre plus juste. Les dispositifs actuels vont se prolonger et, je l'espère, être plus précis que par le passé. Ils devraient nous permettre de trouver un meilleur équilibre.
Je dirai un dernier mot sur l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, que je révère parce que j'y ai passé de nombreuses années. Le mode de gestion de ce noble assemblage d'hôpitaux est très particulier. Y participe désormais, outre les ministères des finances, de l'intérieur et de la santé, le directeur de l'agence régionale d'hospitalisation. C'est une amélioration, car le directeur de l'agence régionale d'hospitalisation doit prendre en compte l'ensemble de l'Ile-de-France, où un problème de rééquilibrage se pose également.
Cela dit, au-delà de l'excellence d'un certain nombre d'établissements, nous observons des redondances. Je ne citerai qu'un exemple : à ma connaissance, il existe quarante-deux services de chirurgie digestive dans cet ensemble d'hôpitaux. N'est-ce pas un peu excessif ?
Vous le savez bien, quand des hôpitaux sont nouvellement bâtis, et qu'il s'agit d'y installer des services, certaines pressions, pour employer un terme pudique, s'exercent, qui correspondent plus à l'esprit de corps médical qu'à la nécessité médicale.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous me contraignez à prendre part au débat : parler d'hôpitaux privilégiés pour l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris c'est un peu excessif !
Vous avez mis en avant les dépenses d'équipement, mais ce sont surtout les dépenses de personnel qui pèsent sur les hôpitaux.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Tout à fait !
M. Jean Chérioux. Or le personnel doit être fonction des missions. Je me permets de vous rappeler tout de même - mais vous le savez mieux que quiconque, pas seulement parce que vous avez travaillé à l'AP-HP, mais aussi compte tenu des fonctions que vous avez occupées et que vous occupez encore - que les missions de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris dépassent largement celles d'un CHR normal.
L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris assume, en effet, à la fois des missions internationales du fait de la qualité de la médecine et de la chirurgie qu'elle dispense, et des missions nationales, comme cela a été indiqué tout à l'heure par M. Fischer.
A l'évidence, pour faire face à de telles missions, des services souvent hyperspécialisés sont nécessaires. Or les services hyperspécialisés sont forcément coûteux et si spécifiques que l'on peut difficilement les comparer aux autres.
Qu'on ne parle pas, dans ces conditions, de privilèges. L'AP-HP a peut-être, c'est vrai, des moyens dont ne disposent pas certains CHR de province, mais on ne peut pas non plus comparer ce qui n'est pas comparable.
Vous avez dit qu'il y avait quarante-deux services de chirurgie digestive, et il est vrai qu'il y a parfois des services en surnombre. Cependant, l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris en est consciente, et si elle a donné l'exemple, c'est bien celui de la restructuration et, cela, vous ne le dites pas. Voyez l'hôpital européen Georges-Pompidou, et la suppression de 450 lits !
Pour permettre à l'Assistance publique de mener toutes ces actions, il faut lui en donner les moyens ! (M. Christian de La Malène applaudit.)
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Monsieur Chérioux, reconnaissez que j'ai parlé aussi d'excellence. Simplement, dans cette péréquation, il faut tenir compte des autres régions.
Je ne dis pas que l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris ne remplit pas des missions locales, nationales et internationales, mais je rappelle que les autres le font aussi, et il faut tenir compte de la présence, sur tout le territoire, de pôles d'excellence comparables et, dans bien des régions, largements comparables.
Je sais la charge qui pèse sur l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, notamment pour ce qui est des personnels mais, ailleurs, les mêmes problèmes se posent. Ce n'est donc pas au nom de la spécificité des missions ou de l'excellence de certains services que l'on doit négliger la qualité et les missions des autres. Voilà tout notre problème. Croyez bien que nous serions ravis de donner aux hôpitaux de quoi encore mieux faire face.
M. le président. Nous vous remercions, monsieur le secrétaire d'Etat, d'avoir rétabli la dimension nationale de ce secteur d'activité !
Par amendement n° 35, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose, dans le premier alinéa de l'article 33, de remplacer la somme : « 629,8 milliards de francs » par la somme : « 628,8 milliards de francs ».
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Pour éviter tout nouveau procès d'intention - mais M. Fischer n'avait sans doute pas très bien saisi l'objet de notre précédent amendement - je voudrais rappeler que l'article 25 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, présentée par l'actuel gouvernement, a constitué, pour une durée de cinq ans, un fonds d'accompagnement social pour la modernisation des établissements de santé, le FASMO, qui est géré par la Caisse des dépôts et consignations.
Ce fonds doit être financé par la prise en charge d'aides destinées à favoriser la mobilité et l'adaptation des personnes, ainsi que l'accompagnement social des opérations de modernisation des établissements publics de santé. La discussion précédente sur l'AP-HP prouve que, si ces opérations de modernisation sont nécessaires, elles ont aussi un coût.
L'article 25 de la loi prévoyait que les ressources du fonds seraient constituées par une contribution des régimes obligatoires d'assurance maladie et que seraient éligibles aux aides du fonds les opérations agréées par le directeur de l'ARH compétent.
Lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, notre commission avait adhéré à la démarche conduisant à l'institution de ce fonds, tout en regrettant, toutefois, le faible montant - 300 milions de francs - qui lui serait alloué ; c'était l'année dernière.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Eh oui !
M. Charles Descours, rapporteur. Or, un an après l'examen de ce projet de loi par le Sénat, aucun crédit n'a pu être engagé, aucune aide financière accordée, et Mme le ministre, au cours de la discussion générale, répondant à la remarque que nous avions formulée dans le rapport présenté par notre président, M. Delaneau, a, semble-t-il, confondu un peu les fonds. Je ne crois pas qu'elle l'ait fait sciemment, mais il reste que les décrets et arrêtés nécessaires à la mise en place de ce fonds - décret en Conseil d'Etat relatif à l'organisation et au fonctionnement, décret relatif aux missions, décret instituant une indemnité de départ volontaire - n'ont toujours pas été publiés.
Tout se passe donc comme si, en préparant le projet de loi de financement de la sécurité sociale - pour 1999 cette fois - le Gouvernement s'était souvenu de la création de ce fonds !
Les projets de textes réglementaires correspondants n'ont été examinés par le Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière que le 27 juillet dernier. Seul un décret relatif au financement du Fonds a été publié dernièrement, le 27 octobre, dont la disposition essentielle prévoit, à titre dérogatoire, le versement des contributions des régimes au plus tard le 31 décembre 1998.
Pour 1999, mes chers collègues, la commission des affaires sociales renouvelle la critique formulée l'an dernier : les 300 millions de francs nouveaux prévus pour l'année prochaine sont insuffisants au regard de l'ampleur des enjeux de la modernisation de l'hôpital public.
Nous savons bien - la Fédération hospitalière de France le dit elle-même - qu'il faut restructurer. Les cliniques privées l'ont fait ; les hôpitaux publics l'ont fait, mais de manière très insuffisante. Encore faudrait-il en effet leur en donner les moyens ! Ces 300 millions de francs sont dérisoires en regard de l'ampleur des restructurations nécessaires.
Nous proposons donc une diminution de l'ONDAM, pas du tout pour le plaisir de le priver de un milliard de francs, mais à la demande du conseil d'administration de la CNAM, parce que les marges disponibles doivent être utilisées non pas pour accompagner l'évolution des dépenses mais pour favoriser le bon déroulement des opérations de restructuration.
C'est pourquoi, par un artifice comptable, car le total reste le même, puisque ce fonds est prévu hors ONDAM, nous prélevons 1 milliard de francs sur l'ONDAM pour mieux doter le Fonds d'accompagnement social pour la modernisation des hôpitaux.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement ne pense pas de mal de cet amendement, mais il lui semble inutile.
Vous avez raison, monsieur le rapporteur, un seul des décrets a été publié et l'on en attend un autre. Il est vrai que, compte tenu de la charge de travail qui a été la nôtre, la concertation avec les syndicats, au reste tout à fait nécessaire avant la parution des décrets, a sans doute été trop longue. Mais c'est ainsi !
Cela étant, vous proposez d'augmenter de un milliard de francs supplémentaire la dotation de ce fonds. Pour le moment, monsieur le rapporteur, je vous rappelle que sept projets nous ont été proposés, qu'il s'agisse d'aides à la mobilité géographique, d'indemnités de départ volontaire, d'actions de reconversion, de formation, ou de primes à l'embauche, et les besoins, calculés par nos soins, ne dépassent pas 210 millions de francs. Pour sept projets seulement, les 300 millions de francs ne me semblent pas devoir être abondés de un milliard de francs supplémentaire.
Je suis donc défavorable à cet amendement, même s'il n'y a pas de divergences de fond entre nous, monsieur le rapporteur.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 35, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 36, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose de compléter l'article 33 par un alinéa ainsi rédigé :
« L'annexe prévue au c de l'article L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale précise l'impact prévisionnel des différentes mesures du projet de loi de financement de la sécurité sociale sur les comptes, d'une part, du régime général et, d'autre part, des autres régimes obligatoires de base mentionnés au c de l'article L.O. 111-4 précité ainsi que sur l'objectif national de dépenses d'assurance maladie. »
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Le Gouvernement ne pourra pas être défavorable à cet amendement, puisqu'il s'agit d'améliorer l'information du Parlement.
Le Gouvernement, dans les annexes au projet de loi, n'a communiqué l'impact prévisionnel que pour certaines mesures et pour le seul régime général. Cet amendement a donc pour objet de faire préciser l'impact prévisionnel des différentes mesures sur les comptes, non seulement du régime général, mais aussi des autres régimes obligatoires de base ainsi que sur l'objectif national de dépenses d'assurance maladie.
Le Gouvernement acceptera, je pense, de suivre la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement suit le rapporteur, seulement voilà : cet amendement est inconstitutionnel...
M. Charles Descours, rapporteur. Allons bon !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. ... en ce qu'il tend à compléter une loi organique par le biais d'une loi ordinaire. Sinon, en effet, sur le fond, le Gouvernement n'est pas du tout hostile à cet amendement.
M. le président. Monsieur le rapporteur, votre amendement est-il maintenu ?
M. Charles Descours, rapporteur. Monsieur le secrétaire d'Etat, nous ne nous mettrons pas d'accord en commission mixte paritaire et le Conseil constitutionnel sera probablement saisi. Aussi, je maintiens mon amendement, et nous verrons bien ce que le Conseil constitutionnel en fera !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 36, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 33, modifié.

(L'article 33 est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Paul Girod.)