Séance du 23 novembre 1998







M. le président. Par amendement n° I-80, M. Grignon et les membres du groupe de l'Union centriste proposent d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le I de l'article 219 du code général des impôts est complété par les dispositions suivantes :
« g) Les sociétés mentionnées aux 1 à 3 de l'article 206, soumises à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun, autres que les sociétés à capital variable et celles mentionnées à l'article 238 bis HE, peuvent bénéficier d'un taux de 19 %, à hauteur de la fraction de leurs résultats comptables qu'elles incorporent à un compte de réserve spéciale d'investissement destiné à financer l'acquisition et la création d'immobilisations strictement nécessaires à l'activité de l'entreprise.
« Les dispositions du premier alinéa s'appliquent si les conditions suivantes sont remplies :
« 1° La société a réalisé un chiffre d'affaires de moins de 50 millions de francs et n'est pas mère d'un groupe mentionné à l'article 223 A, au cours de l'exercice pour lequel le bénéfice du taux réduit est demandé ;
« 2° Le capital de la société, entièrement libéré, est détenu de manière continue, pour 75 % au moins par des personnes physiques ou par une société répondant aux conditions visées au 1° dont le capital est détenu, pour 75 % au moins, par des personnes physiques. Pour la détermination de ce pourcentage, les participations des sociétés de capital-risque, des fonds communs de placement à risques, des sociétés de développement régional et des sociétés financières d'innovation ne sont pas prises en compte à la condition qu'il n'existe pas de lien de dépendance au sens du 1 bis de l'article 39 terdecies entre la société en cause et ces dernières sociétés ou ces fonds.
« Lorsque la société n'a pas dressé de bilan au cours d'un exercice, le bénéfice imposé provisoirement en application du deuxième alinéa de l'article 37 ne peut être soumis au taux réduit ; lorsqu'elle a dressé plusieurs bilans successifs au cours d'une même année, seule la fraction du bénéfice du dernier exercice clos au cours de ladite année est soumise aux dispositions du présent g.
« 3° Si les sommes affectées à ce compte ne sont pas utilisées, pour l'acquisition ou la création d'immobilisations strictement nécessaires à l'activité de l'entreprise, au cours de l'exercice suivant celui de la réalisation du bénéfice, la société acquitte dans les trois mois suivant la clôture de l'exercice au cours duquel elle aurait dû procéder à cet investissement, l'impôt au taux normal sur la fraction de résultat de l'exercice qui a été soumise au taux réduit, diminué de l'impôt payé à ce titre, majoré de l'intérêt de retard mentionné à l'article 1727.
« Les conditions d'application du présent g ainsi que les obligations déclaratives qui en découlent sont fixées par décret. »
« II. - Après l'article 39 octodecies, il est inséré dans le code général des impôts un article ainsi rédigé :
« Art. ... - La part du bénéfice imposable incorporée à un compte de réserve spéciale d'investissement destiné à financer l'acquisition et la création d'immobilisations strictement nécessaires à l'activité de l'entreprise, fait l'objet d'une imposition séparée au taux de 19 %.
« Les entreprises peuvent opter pour les dispositions du premier alinéa si les conditions suivantes sont remplies :
« 1° L'entreprise a réalisé un chiffre d'affaires de moins de 50 millions de francs ;
« 2° Si les sommes affectées à ce compte ne sont pas utilisées, pour l'acquisition ou la création d'immobilisations strictement nécessaires à l'activité de l'entreprise, au cours de l'exercice suivant celui de leur affectation, l'entreprise acquitte, dans les trois mois suivant la clôture de l'exercice au cours duquel elle aurait dû procéder à cet investissement, l'impôt au taux normal sur la fraction de résultat de l'exercice qui a été soumise au taux spécifique du présent article, diminué de l'impôt payé à ce titre, majoré de l'intérêt de retard mentionné à l'article 1527.
« Les conditions d'application du présent article ainsi que les obligations déclaratives qui en découlent sont fixées par décret. »
« III. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant de l'application des I et II ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, je pense que cet amendement trouvera mieux sa place dans la deuxième partie du projet de loi de finances. Dès lors, à ce stade, je le retire.
M. le président. L'amendement n° I-80 est retiré.
Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-104 rectifié, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les septième, huitième et neuvième alinéas de l'article 223 septies du code général des impôts sont ainsi rédigés :
« 80 000 francs pour les personnes morales dont le chiffre d'affaires est compris entre 50 000 000 francs et 100 000 000 francs ;
« 120 000 francs pour les personnes morales dont le chiffre d'affaires est compris entre 100 000 000 francs et 500 000 000 francs ;
« 360 000 francs pour les personnes morales dont le chiffre d'affaires est égal ou supérieur à 500 000 000 francs. »
Par amendement n° I-266, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« A l'article 223 septies du code général des impôts, les montants : "50 000 francs", "75 000 francs" et "150 000 francs" sont remplacés respectivement par les montants : "100 000 francs", "125 000 francs" et "200 000 francs". »
La parole est à M. Loridant, pour défendre l'amendement n° I-104 rectifié.
M. Paul Loridant. L'imposition forfaitaire annuelle des entreprises donne lieu aujourd'hui au recouvrement d'un peu plus de 6,6 milliards de francs de recettes fiscales, soit environ 3 % du montant de l'impôt sur les sociétés. Cet amendement vise à majorer le montant des sommes perçues au titre de l'imposition forfaitaire d'environ 5 % à 6 %, ce qui procurerait un rendement supplémentaire d'environ 400 millions de francs.
On ne peut, dans ce débat, que soulever une nouvelle fois la question de l'impôt sur les sociétés, dont l'architecture n'est aujourd'hui ni pleinement satisfaisante ni parfaitement représentative de la réalité économique.
A titre d'exemple, je rappellerai que la croissance économique que nous avons connue en 1997 n'a pas provoqué un surplus spectaculaire dans le rendement de l'impôt sur les sociétés.
En effet, le principe du report en arrière des déficits, celui de l'imputation des avoir fiscaux ou encore le développement de la procédure des comptes consolidés sont autant de moyens de dégager des moins-values fiscales.
C'est pourquoi nous estimons que l'imposition forfaitaire annuelle, dont la progression a été naturellement moindre que celle de l'impôt sur les sociétés en 1997 - elle n'était pas majorée, en effet, par la contribution supplémentaire votée avec la loi portant diverses mesures d'urgence d'ordre fiscal et financier - doit être modifiée dans son essence et dans son rendement.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat, pour présenter l'amendement n° I-266.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Cet amendement a en fait le même objectif que l'amendement n° I-104 rectifié, qui vient d'être présenté par M. Loridant.
Le Gouvernement propose simplement de limiter l'augmentation de l'imposition forfaitaire annuelle des entreprises à celles-là seules dont le chiffre d'affaires est supérieur ou égal à 50 millions de francs. Il y a là une position constante du Gouvernement puisque, dans les mesures d'urgence à caractère fiscal et financier, contrairement à ce qui avait été fait deux années auparavant, nous n'avons demandé d'effort fiscal qu'aux entreprises ayant un chiffre d'affaires de plus de 50 millions de francs.
Nous voulions en effet - et je pense que la Haute Assemblée sera d'accord - épargner les petites et moyennes entreprises, qui sont à l'origine de la plupart des créations d'emplois.
Le Gouvernement propose donc de relever seulement les trois dernières des six tranches de l'imposition forfaitaire annuelle, de sorte que les entreprises dont le chiffre d'affaires est compris entre 50 millions et 100 millions de francs acquittent une cotisation de 100 000 francs, celles dont le chiffre d'affaires est compris entre 100 millions et 500 millions de francs, une cotisation de 125 000 francs et celles dont le chiffre d'affaires dépasse 500 millions de francs, une cotisation minimale de 200 000 francs.
Dans la mesure où cet amendement suit, me semble-t-il la même inspiration que l'amendement n° I-104 rectifié, je pense que ce dernier est satisfait. Je demanderai donc à M. Loridant de bien vouloir le retirer.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Philippe Marini, rapporteur. L'amendement n° I-104 rectifié appelle un avis défavorable de la commission.
S'agissant de l'amendement n° I-266, celle-ci s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Monsieur Loridant, maintenez-vous l'amendement n° I-104 rectifié ?
M. Paul Loridant. J'ai bien entendu l'appel du Gouvernement.
Il reste, monsieur le secrétaire d'Etat, que notre amendement était susceptible de vous apporter quelques recettes supplémentaires... (Sourires.) Cela dit, je me rallie à l'amendement du Gouvernement et je retire le mien.
M. le président. L'amendement n° I-104 rectifié est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-266, pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 5.
Par amendement n° I-105, Mme Beaudeau, MM. Loridant et Foucaud, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans l'article 1679 A du code général des impôts, la somme : "28 000 francs" est remplacée par la somme : "40 000 francs" ».
« II. - Le taux d'imposition de la dernière tranche de l'impôt de solidarité sur la fortune est relevé à due concurrence de l'application du I ci-dessus. »
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Ce que l'on appelle le tiers secteur économique, qui n'est pas soumis aux strictes exigences de la rentabilité financière et qui comprend en particulier les associations, constitue un important vecteur d'emplois et un terreau d'innovation sociale.
Dans le passé, les structures associatives - rappelons ici que notre pays compte plus de 2 500 000 associations déclarées - ont ainsi été mises à contribution pour la réalisation d'un certain nombre de processus d'insertion sociale et professionnelle. Les associations ont, en particulier, participé à la mise en place des travaux d'utilité collective, puis au dispositif des contrats de solidarité.
Elles sont aujourd'hui parties prenantes de la mise en oeuvre du plan emplois-jeunes. Elles peuvent objectivement jouer un rôle moteur dans ce que ce plan emplois-jeunes peut fournir à la fois comme solutions au problème d'emploi des jeunes et comme réponses à des besoins collectifs encore insuffisamment pris en compte.
Leur statut fiscal a connu une évolution importante, d'autant qu'il présente certaines caractéristiques assez préoccupantes.
Ainsi, on ne peut oublier que les associations, de par leur raison sociale, si l'on peut dire, sont susceptibles d'être assujetties non pas à la taxe sur la valeur ajoutée, mais plutôt à la taxe sur les salaires, alors même qu'elles sont, en quelque sorte, des consommateurs finaux en termes de TVA.
Que la législation fiscale ait connu une évolution en créant une franchise de taxe sur les salaires ne nous semble donc pas superflu.
Le coût de la mesure s'avère d'ailleurs relativement modique puisque le document portant évaluation des voies et moyens le fixe à un peu plus de 1,2 milliard de francs.
Dans les faits, la mesure que nous préconisons et qui tend à relever ce seuil ne devrait pas entraîner de surcoût de dépense fiscale et correspondrait plus précisément à un certain nombre d'exigences. En effet, l'article 1679 A du code général des impôts vise expressément les associations employant moins de trente salariés.
Compte tenu des règles de calcul de la taxe sur les salaires, on peut fort bien concevoir que le relèvement de la franchise aura comme effet de cadrer plus précisément avec les possibilités de rémunération offertes à un nombre de salariés proche de cette limite posée par l'article 1679 A.
Notre proposition aura pour effet d'éviter, par exemple, que la décision de renforcer l'équipe de travail d'une association n'ait une incidence fiscale défavorable, renchérissant le coût de la décision d'embauche.
Cela permettra, notamment, d'envisager une tranformation ultérieure, sans incidence fiscale, des contrats emplois-jeunes conclus récemment et, dès lors, d'assurer une permanence des actions menées dans le cadre de ce plan emplois-jeunes par le secteur associatif.
Enfin, nous ne pouvons négliger le fait que le secteur associatif dispose d'un certain nombre de préjugés favorables dans la jeunesse et qu'il doit pouvoir, sans trop de risques, faire la démonstration de sa capacité créatrice d'emplois.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mon cher collègue, la commission comprend bien l'objectif poursuivi. Tout à l'heure, nous avons évoqué assez longuement le statut fiscal des associations et la taxe sur les salaires. Cette mesure pourra peut-être s'appliquer un jour, mais le gage que vous proposez ne correspond pas au voeu de la majorité de la commission des finances. Par conséquent, elle émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Nous avons déjà débattu de la fiscalité des associations. Il est clair que ce secteur est un employeur considérable dans notre pays : 1 300 000 salariés.
A l'heure actuelle, la taxe sur les salaires bénéficie d'une exonération dans la limite de six salariés occupés à plein temps, dans l'hypothèse où ils seraient payés au SMIC.
Puisque vous avez évoqué les contrats-jeunes, monsieur le sénateur, je souhaite vous rappeler que les contrats emplois-solidarité, les contrats emplois-consolidés et les contrats emplois-jeunes sont exonérés de la taxe sur les salaires.
Par conséquent, la législation actuelle vous donne déjà très largement satisfaction, me semble-t-il. Certes, nous pourrions faire mieux et aller plus loin ; je comprends tout à fait votre souhait dans ce domaine. Toutefois, les associations bénéficient d'ores et déjà d'un dispositif fiscal attractif pour les créations d'emplois : je pense notamment aux contrats emplois-jeunes, sur lesquels vous avez insisté à juste titre.
Aussi, après vous avoir montré que de nombreuses mesures avaient déjà été prises en faveur des associations, je vous suggère de retirer votre amendement, monsieur Renar. A défaut, je demanderai son rejet, car son coût, - 290 millions de francs - n'est pas compatible avec le respect de l'équilibre budgétaire.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Renar ?
M. Ivan Renar. J'ai entendu les arguments de M. le secrétaire d'Etat. J'ai bien conscience que, si cet amendement n'a pas de prix, il a un coût. Je souhaite néanmoins le maintenir.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-105, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° I-106, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le plafond de versement des livrets CODEVI est porté à 40 000 francs.
« II. - Il est institué au sein de l'encours de la collecte CODEVI, une ligne prioritaire égale à 25 % du montant de celui-ci.
« Cette ligne est destinée à financer les investissements des entreprises répondant aux critères suivants :
« 1° La société a réalisé un chiffre d'affaires de moins de 50 millions de francs et n'est pas mère d'un groupe mentionné à l'article 223 A.
« 2° Le capital de la société, entièrement libéré, est détenu de manière continue, pour 75 % au moins par des personnes physiques ou par une société répondant aux conditions visées au 1° dont le capital est détenu, pour 75 % au moins, par des personnes physiques.
« Le taux d'intérêt des emprunts accordés sur cette ligne prioritaire est égal au taux de rémunération des livrets CODEVI en vigueur au jour d'émission.
« III. - Les taux de prélèvement libératoires prévus au paragraphe III bis de l'article 125 A du code général des impôts sont relevés à due concurrence de l'application des I et II ci-dessus. »
La parole et à M. Renar.
M. Ivan Renar. L'optimisation fiscale ou l'allégement des cotisations sociales étant loin de constituer le seul moyen de favoriser le développement des entreprises de notre pays, nous invitons le Sénat, comme en d'autres années, à examiner cet amendement de notre groupe portant sur le régime des prêts CODEVI.
On ne s'étonnera pas outre mesure que nous proposions cette disposition juste après l'examen de l'article 5, attendu que nous estimons autrement plus productif de répondre aux besoins naturels de financement des entreprises par la voie de l'allégement du coût de la ressource plutôt que par celle de la suppression des obligations fiscales.
Cet amendement porte donc sur les comptes de développement industriel.
Il est connu de tous ici que la collecte de l'épargne est l'une des manières de favoriser le développement économique.
S'agissant du livret A de la Caisse d'épargne, dont nous aurons sans doute encore l'occasion de parler, on connaît son utilisation fondamentale : adosser les prêts consentis aux organismes d'HLM pour construire et réhabiliter des logements sociaux.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est la raison pour laquelle il faudrait baisser les taux !
M. Ivan Renar. En ce qui concerne les CODEVI, qui firent l'objet en leur temps d'un rapport sénatorial, on doit observer plusieurs données.
Destinés de façon prioritaire à financer les investissements des petites et moyennes entreprises, les comptes de développement industriel ont toutefois subi un certain nombre de déboires. Les établissements de crédit autorisés à les collecter ont, en effet, un peu tendance à les recycler dans les prêts accordés à leurs clients disons privilégiés.
Il est vrai que l'obligation d'affectation attachée à la distribution des prêts adossés sur CODEVI n'est véritablement une réalité que pour les établissements financiers investis de missions d'intérêt général.
Plus récemment, nous avions débattu, avant les échéances du printemps de 1997, de l'attribution d'une partie de la collecte CODEVI aux investissements réalisés par les collectivités territoriales.
Dans le présent amendement, la démarche est quelque peu différente.
Il s'agit, en fait, de rendre aux CODEVI toute leur spécificité, en créant une ligne prioritaire pour les entreprises les plus petites, en vue de répondre à une question assez fondamentale : l'inégalité d'accès au crédit continue d'affecter notre tissu économique, malgré la croissance et l'amélioration sensible des marges d'exploitation.
Ce n'est sans doute pas là la panacée universelle, celle-ci devant plutôt provenir, de notre point de vue, d'une forme d'intervention publique dans le domaine du crédit.
A cet égard, permettez-moi de souligner à quel point il nous semble important que des dispositions soient prises sur cette question, notamment à l'issue du débat qu'il est question d'organiser en janvier ou février prochain sur le devenir du secteur public et semi-public économique et financier.
Notre proposition vise donc à alléger le coût du crédit pour les petites et moyennes entreprises dont on sait qu'elles se voient souvent imposer des conditions moins favorables par les établissements bancaires que celles qui sont susceptibles d'être accordées aux plus grands groupes.
Son coût budgétaire est relativement limité. Il représente environ 400 millions de francs en coût d'exonération fiscale sur les intérêts et quelques centaines pour la bonification des emprunts, pour une capacité nouvelle de mobilisation d'un peu plus de 50 milliards de francs de ressources financières, dans l'absolu.
Le développement cohérent de notre tissu de PME-PMI est, de façon incontestable, l'un des outils de la croissance, donc l'un des moyens de répondre aux exigences de la création d'emplois dans notre pays.
On peut même penser que les investissements qui seront réalisés par les entreprises sur la ligne prioritaire que nous proposons d'inscrire seront susceptibles de générer à la fois des recettes fiscales nouvelles et des allégements de la charge publique.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission est constante dans ses positions. Comme l'a rappelé M. Renar, voilà quelques années, nous avions étudié plus particulièrement ce domaine des CODEVI et nous avions diffusé un rapport d'information, dont le principal auteur était M. Arthuis. Nous en restons à la même analyse et nous considérons qu'il serait regrettable de créer une tension supplémentaire à la hausse sur les taux d'intérêt, qui ne manquerait pas de résulter d'une augmentation du plafond des CODEVI.
L'heure n'est pas à l'accroissement des contingents d'épargne administrée, et nous nous permettons de vous renvoyer, monsieur Renar, aux discussions que nous aurons lorsque nous examinerons le projet de loi visant à adapter le statut des caisses d'épargne - les questions sont en effet voisines, puisqu'il s'agit, dans les deux cas, de produits d'épargne réglementée - texte qui sera probablement soumis à notre assemblée dans le courant du premier semestre de 1999.
Dans cette attente, et compte tenu des observations de fond de la commission des finances, je ne peux qu'émettre un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. A propos de cet amendement relatif aux CODEVI, je souhaite évoquer une donnée de fait : actuellement, les ressources provenant des CODEVI sont très supérieures aux demandes des PME, c'est-à-dire, pour parler clair, que le total des soldes des livrets CODEVI est largement supérieur au montant des emprunts des PME.
Si l'investissement des entreprises petites et moyennes repart, depuis le début de l'année, c'est parce que de nombreuses PME ayant pignon sur rue trouvent, auprès du système bancaire, des prêts à des taux au moins aussi avantageux que les taux des CODEVI.
Il me semble donc, monsieur Renar, que le problème n'est pas d'accroître la ressource disponible pour les entreprises. La difficulté tient plutôt au fait que certaines de ces entreprises, petites et moyennes, sont fragiles ou paraissent fragiles aux banques et n'offrent pas des garanties suffisantes. Par conséquent, les banques éprouvent des réticences pour leur prêter de l'argent.
C'est pourquoi - et je suis sûr que vous approuverez ce type de dispositif - le Gouvernement donne la priorité aux mécanismes de type SOFARIS, société française pour l'assurance du capital-risque. Grâce à de tels dispositifs, les banques qui prêtent de l'argent aux PME ont l'assurance qu'elles seront remboursées, même si l'entreprise rencontrait des difficultés, ce qui, heureusement, n'est pas systématiquement le cas.
Je crois, monsieur Renar, que votre amendement est inspiré par la volonté d'apporter des moyens financiers aux entreprises petites et moyennes. Or l'argent existe ! Le vrai problème qui se pose aujourd'hui - ce n'était pas forcément le cas lorsque M. Arthuis a établi un rapport sur ce sujet - c'est que les PME qui ne peuvent pas apporter de garanties suffisantes aux banques, qui ont été échaudées par certaines opérations financières, éprouvent des difficultés à accéder au crédit. Il s'agit non pas d'une question de taux, mais d'un problème d'accès au crédit bancaire.
Par conséquent, la position du Gouvernement, qui insiste sur les garanties, va dans le bon sens et j'espère, monsieur Renar, qu'après ces explications vous retirerez votre amendement.
M. le président. Monsieur Renar, l'amendement n° I-106 est-il maintenu ?
M. Ivan Renar. Ce n'est pas par obstination « muletière », monsieur le président, mais je le maintiens.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-106.
M. Michel Charasse. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. En réalité, l'amendement de M. Renard concerne deux points différents : le plafond de versement des livrets CODEVI et l'utilisation de ces fonds. Si j'ai bien entendu M. le secrétaire d'Etat, il ne l'a pas relevé, ce qui me surprend.
En effet, s'agissant du plafond de versement, celui-ci relève du domaine de la loi en tant qu'il augmente le plafond de la déduction fiscale ou, plus exactement, des sommes dont les intérêts sont admis en déduction. Actuellement, le plafond de versement des livrets CODEVI s'élève à 30 000 francs et M. Renar nous propose de le porter à 40 000 francs. Mais M. le secrétaire d'Etat nous dit que cela ne sert à rien, puisque les fonds des livrets CODEVI sont excédentaires.
Toutefois, je souhaite attirer l'attention du Sénat sur la deuxième partie de l'amendement, qui, elle, relève du domaine réglementaire, puisque la politique du crédit, l'utilisation des fonds bancaires et la fixation des taux d'intérêt ne sont pas du domaine de la loi.
Si nous allions dans ce sens, nous créerions un précédent important qui viderait les limitations de l'article 34 de la Constitution et les prérogatives de l'article 37 d'une partie de leur substance.
C'est la raison pour laquelle, sans même aller au fond des choses, mais pour des raisons de forme, je ne peux pas voter cet amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-106, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 6