Séance du 26 novembre 1998







M. le président. « Art. 36 bis . _ Le deuxième alinéa de l'article 31 du code minier est complété par les mots : ", à l'exception de la zone économique exclusive française autour de Saint-Pierre-et-Miquelon où la collectivité territoriale est compétente conformément à la loi n° 85-595 du 11 juin 1985 relative au statut de l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon". »
Par amendement n° I-206, M. Reux propose de rédiger ainsi cet article :
« Le deuxième alinéa de l'article 31 du code minier est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Pour la zone économique exclusive française en mer au large de Saint-Pierre-et-Miquelon, une redevance spécifique, au bénéfice de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, est établie et appliquée, conformément aux compétences qui lui sont conférées par la loi n° 85-595 du 11 juin 1985 relative au statut de l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon. »
La parole est à M. Reux.
M. Victor Reux. L'amendement que j'ai déposé vise à compléter l'article 31 du code minier par l'inclusion de la zone économique exclusive de Saint-Pierre-et-Miquelon dans le champ de la redevance sur les concessions de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux.
Il faut savoir que la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon se trouve géographiquement située au centre d'une région où l'exploitation pétrolière sous-marine est en route. Avec, à l'ouest, les plates-formes Hibernia implantée depuis 1997, et Terra-Nova, qui sera opérationnelle dans deux ans, avec, à l'est, le gisement de gaz de l'île des Sables, qui produira dès l'an prochain, les Canadiens vont extraire du sol sous-marin des quantités considérables de produits pétroliers.
Une de leurs compagnies, Gulf Canada, est détentrice d'un permis exclusif de recherches que lui a délivré notre Gouvernement. Elle a déjà effectué une campagne d'exploration cette année et elle prévoit le forage du premier puits en l'an 2000.
Les perspectives dont font état les experts américano-canadiens du pétrole offshore sont impressionnantes, puisqu'ils entrevoient qu'une douzaine de puits pourraient être en exploitation dans ce secteur d'ici à une quinzaine d'années. Huit plates-formes sont déjà prévues et précisément nommées.
La toute récente conférence internationale qui vient de se tenir à Saint-Jean-de-Terre-Neuve qui a réuni une quinzaine de pays intéressés par le pétrole offshore est significative de l'intérêt qui s'est développé au cours des dernières années pour cette industrie dans cette partie nord-ouest de l'Atlantique.
Or, dans l'état actuel de notre droit, précisément depuis 1993, nous pourrions être confrontés à une situation paradoxale inouïe, qui consisterait à voir une compagnie étrangère, canadienne au demeurant, forer, puis exploiter gratuitement un gisement pétrolier sous-marin situé en zone française, tandis qu'elle paierait une redevance aux provinces de son propre pays, sur la base d'un régime fiscal spécifique déjà bien établi.
Cet état de chose ne peut perdurer car il en va de la sauvegarde bien comprise des intérêts de la France vis-à-vis des ressources naturelles que recèlent ses fonds marins dans ses diverses zones économiques exclusives.
En conséquence, il en va des intérêts de ses divers territoires ultramarins, dont Saint-Pierre-et-Miquelon.
Vous savez, comme nous, les difficultés auxquelles notre archipel a été confronté lors du contentieux avec nos voisins canadiens dans le domaine de la pêche. Notre industrie traditionnelle de pêche séculaire s'est effondrée et, avec elle, notre taux de couverture, qui est passé d'environ 50 % à 3 %.
Moribonde depuis 1992, notre économie locale ne peut survivre que grâce à la perfusion continuelle de la solidarité nationale. Peut-être sommes-nous à l'aube d'une ère de renouveau économique où prendrait place, cette fois, une ressource autre que le poisson et susceptible de créer des emplois et de la richesse.
Gouverner, c'est prévoir, dit-on. Aussi, compte tenu de tous les aspects de la situation concernant les ressources pétrolières à proximité de la zone française, qui dépasse largement les eaux territoriales puisqu'elle a 200 miles marins de long, point n'est besoin d'attendre le jaillissement du pétrole ou du gaz dans notre zone pour mettre en place les textes fixant le principe d'une redevance spécifique à payer par les compagnies venant exploiter les gisements miniers qui s'y trouvent.
Le premier puits sera pour l'an 2000, c'est-à-dire pour demain.
Mon amendement vient donc à son heure, en prévision du succès des campagnes d'exploration entreprises, lesquelles sont porteuses d'espoir pour la collectivité dont je défends les intérêts.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Notre collègue M. Reux souhaite préciser certains aspects d'un texte issu d'un amendement voté à l'Assemblée nationale sur l'initiative du député de Saint-Pierre-et-Miquelon, M. Gérard Grignon.
L'article 36 bis ainsi précisé conformément aux propositions de M. Reux permettrait de dissiper un certain nombre d'ambiguïtés. L'objectif visé par notre collègue est notamment de s'assurer que le bénéficiaire de la redevance est effectivement la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Vous prévoyez donc, cher collègue, l'instauration d'une redevance spécifique au profit de cette collectivité territoriale.
Du point de vue de la commission des finances, une telle redevance serait conforme à l'autonomie fiscale dont bénéficie l'archipel depuis la loi statutaire de 1985. Il resterait à définir - en accord avec l'Etat ou, en tout cas, conformément au code minier - les taux de cette redevance.
En outre, monsieur le secrétaire d'Etat, il serait souhaitable - et je voulais vous interroger sur ce point - que paraisse dès que possible le décret d'application prévu par l'article 27 de la loi statutaire de 1985, article 27 qui a été modifié par l'article 49 de la loi du 4 janvier 1993. C'est en effet à partir de ce texte qu'a été transmis à la collectivité territoriale l'exercice des compétences de l'Etat « en matière d'exploration et d'exploitation des ressources naturelles, biologiques et non biologiques, du fond de la mer, de son sous-sol et des eaux surjacentes ».
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. C'est très beau !
M. Philippe Marini, rapporteur général. J'ai cité le texte de la loi tel qu'il est gravé dans notre législation !
Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaiterais donc que vous puissiez nous donner toutes les assurances nécessaires quant au délai de parution de ce décret d'application.
Bien entendu, la commission des finances est favorable à l'amendement présenté par notre collègue.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. M. Reux souhaite corriger certaines imperfections techniques qui figurent dans l'article, adopté en première lecture à l'Assemblée nationale, sur l'initiative de M. Gérard Grignon.
Il s'agit de prévoir que, à l'inverse de ce qui se passe pour les autres gisements en mer, les résultats de l'exploitation des gisements d'hydrocarbures situés dans la zone économique de Saint-Pierre-et-Miquelon soient assujettis à la redevance sur les mines d'hydrocarbures prévue à l'article 31 du code minier. Je ne peux, monsieur Reux, que respecter cette volonté d'améliorer le texte.
Vous souhaitez, de plus, que cette redevance, dont vous ne contestez pas le principe, au lieu d'être affectée à l'Etat, comme le code minier en pose la règle, soit spécifiquement affectée à la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon. Je rejoins sur ce point le rapporteur général, mais je n'en tire pas les mêmes conclusions : si l'on veut s'engager dans cette voie, il faut définir, classiquement, l'assiette de cette redevance, son taux, ses modalités de recouvrement,...
M. Michel Charasse. Exactement !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... tout cela s'insérant dans le statut spécifique dont a parlé M. le rapporteur général et qui est défini par la loi du 11 juin 1985.
Le Gouvernement, sensible à la démarche, va charger un groupe de travail interministériel de réfléchir aux questions posées, qui sont de bonnes questions. Plutôt que d'improviser, comme nous sommes en train de le faire - mais ce n'est pas un reproche, car ces matières sont très complexes ! - en discutant un amendement que je prends comme un amendement d'appel, il me semble préférable de remette à plus tard la recherche du meilleur dispositif, recherche à laquelle nous pourrons travailler tous ensemble, groupe de travail interministériel et commissions des finances.
Votre appel ayant été entendu, je souhaite que vous retiriez votre amendement, sinon je serai obligé de m'y opposer car, d'un point de vue technique, il n'est pas tout à fait parfait.
M. le président. Monsieur Reux, l'amendement est-il maintenu ?
M. Victor Reux. Monsieur le président, je ne retire pas mon amendement, car je ne pense pas qu'il y ait improvisation.
Je ne suis absolument pas opposé à une concertation mais je tiens à ce que soit fixé un principe.
Au demeurant, ceux qui travaillent actuellement dans la zone française s'attendent bien à payer une redevance puisqu'ils l'ont intégrée dans leur projet.
Il s'agit donc de poser un principe et d'essayer de prévoir l'avenir.
Je me permets d'insister : l'économie de Saint-Pierre-et-Miquelon est véritablement moribonde. En posant le principe de cette redevance, nous ouvrons la possibilité de percevoir des recettes, et celles-ci nous permettront d'ailleurs de demander moins au budget national.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le secrétaire d'Etat, êtes-vous en mesure de me dire quand paraîtra le décret d'application ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur le rapporteur général, dès que le groupe interministériel présentera ses conclusions, le décret auquel vous faites allusion pourra être publié.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-206.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication du vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le secrétaire d'Etat, si je comprends bien, pour l'instant, à Saint-Pierre-et-Miquelon, il n'y a pas de redevance pour l'exploitation de gisements d'hydrocarbures en mer, mais l'Assemblée nationale a décidé qu'il pourrait y en avoir une.
Dans le texte actuel de l'article 36 bis , il est dit que la collectivité territoriale est compétente pour établir cette redevance. Mais M. Reux, lui, écrit noir sur blanc que la redevance sera établie par la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Entre le fait de dire que la collectivité est compétente en vertu de sa loi statutaire - c'est l'amendement de M. Grignon, qui a été adopté par l'Assemblée nationale - et le fait de dire que la collectivité l'établira - c'est l'amendement de M. Reux - il n'y a pas une très grande différence.
Mais je continue à m'interroger, comme vous l'avez fait dans votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat. Qui déterminera l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement de cette redevance ?
Que je sache, la collectivité territoriale a un certain nombre de compétences mais elle ne peut pas se substituer au Parlement en la matière. Or vous demandez le rejet de l'amendement de M. Reux. Si cet amendement est repoussé, l'article 36 bis sera voté conforme et nous retrouvons alors le même défaut.
Dans ces conditions, si vous demandez au Sénat de repousser cet amendement en promettant d'étudier la situation, vous devez aussi nous demander de repousser l'article 36 bis , afin de laisser la porte ouverte à la discussion.
Comme l'ensemble de mon groupe, je vais voter contre l'amendement de M. Reux, mais aussi contre l'article 36 bis au cas où l'amendement serait repoussé, car l'adoption conforme de l'article 36 bis ne serait pas une meilleure solution.
M. Victor Reux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Reux.
M. Victor Reux. Nous voulons poser le principe du paiement d'une redevance au profit de la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon parce que l'article 21 du statut nous le permet.
Quant à l'établissement de la redevance elle-même, il est bien évident que nous n'y procéderons pas seuls. Pour la mise en oeuvre des dédouanements dans les eaux territoriales de Saint-Pierre-et-Miquelon, nous avons demandé l'aide de la direction générale des douanes. Nous comptons faire de même pour la redevance sur les hydrocarbures.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-206, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 36 bis est ainsi rédigé :

II. - RESSOURCES AFFECTÉES

Article 37