Séance du 26 novembre 1998







M. le président. Nous avons terminé l'examen des articles constituant la première partie du projet de loi de finances pour 1999.
Le débat a été enrichissant et très intéressant ; chacun a pu très librement s'exprimer et faire connaître son sentiment sur les différents articles de ce projet de loi. Nous pouvons nous en féliciter : c'est un plus pour la démocratie.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la première partie, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui me l'ont demandée pour expliquer leur vote.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat, décidée le 3 novembre 1998 par la conférence des présidents, chacun des groupes dispose de dix minutes au maximum - ce qui ne veut pas dire qu'il a obligation de les consommer - pour ces explications de vote, à l'exception de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, qui ne dispose que de cinq minutes.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Qu'il me soit permis de remercier tout d'abord le président de la commission des finances, M. Alain Lambert, qui a donné l'impulsion nécessaire aussi bien à notre commission qu'au Sénat tout entier. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RPR.)
Je remercie mes collègues membres de la commission des finances qui, au cours de cet exercice, nous ont beaucoup aidés l'un et l'autre, car, en amont de la séance, chacun sait que beaucoup de travail a été accompli en commission.
Je vous remercie également, monsieur le secrétaire d'Etat, de votre courtoisie et du sérieux de vos réponses, même si, parfois, quelques propos ont pu excéder votre pensée.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Ce n'est pas sûr !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous avez notamment constaté que, lorsque vous aviez employé le terme « bricolage », pour qualifier des amendements pourtant très « fouillés », vous aviez heurté la susceptibilité bien compréhensible des membres de cette assemblée ; mais notre dialogue a été fructueux, républicain et constructif.
Je remercie la majorité sénatoriale de son soutien et de son adhésion à la stratégie de responsabilité et de confiance que nous avions mise au point ensemble, ce qui ne va pas de soi et ce qui est parfois ingrat, notamment, comme nous avons pu le constater, lors du débat sur les taux de TVA : il a fallu que, les uns et les autres, nous fassions preuve de discipline dans le cadre que nous nous étions nous-mêmes fixé.
Je n'omettrai pas, dans ces remerciements, l'opposition sénatoriale, qui, sur nombre de points, est intervenue avec sérieux tout en marquant ses différences légitimes, et a donc contribué, dans la tradition de cette assemblée, à la bonne tenue de nos débats.
Je dirai maintenant quelques mots sur les principales avancées que nous avons ainsi réalisées.
Nous avons démontré qu'il est possible, dans notre pays, de mener une politique budgétaire différente de celle qui nous est proposée en ce qui concerne l'endettement, le déficit et l'évolution de la dépense publique.
Nous avons collectivement fait preuve d'esprit de responsabilité, notamment en ce qui concerne un certain nombre de sujets de nature fiscale.
A cet égard, monsieur le secrétaire d'Etat, lorsque je réagissais voilà un instant en qualifiant de caricaturales certaines de vos appréciations, je me référais notamment à nos positions en matière de fiscalité du patrimoine car, à la vérité, et vous ne l'avez pas dit, nous avons accepté un grand nombre de propositions présentées en ce domaine.
Le Sénat a soutenu vos efforts en matière de lutte contre l'évasion fiscale, mais il a veillé au respect des droits des contribuables et des impératifs de la procédure contradictoire.
Il a, par ailleurs, refusé certaines dispositions qui auraient pu avoir des effets pervers sur le plan économique.
Il ne faut pas confondre le travail accompli par le Sénat avec ce qu'on attendrait qu'il fasse ou avec une sorte de présentation « politiquement correcte » de ce qu'il est censé dire ou faire.
Nous avons refusé les aspects les plus contestables des aménagements fiscaux de votre projet mais nous avons accepté, par exemple, la nouvelle tranche de l'ISF et une grande partie des mesures de lutte contre l'évasion fiscale. Nous avons quand même rappelé qu'il y a aussi les procédures d'abus de droit et qu'il ne faut pas légiférer sur mesure uniquement pour traiter des cas limites.
Nous avons marqué, mes chers collègues, notre préférence pour l'entreprise et pour l'emploi.
Oui, nous avons refusé d'alourdir la fiscalité des sociétés.
Oui, nous avons rejeté certains aspects très contestables de la prétendue réforme de la taxe professionnelle.
Oui, nous avons refusé les prélèvements supplémentaires sur les commerces et les locaux de stockage en Ile-de-France.
Oui, nous avons été fidèles à notre mission traditionnelle et constitutionnelle de défense des collectivités territoriales et de leur autonomie.
Nous avons été exigeants s'agissant du prélèvement de taxe professionnelle que nous préférons infiniment à la compensation complexe et quelque peu perverse qui nous était proposée.
Oui, nous avons majoré la prise en compte de la croissance dans le calcul des concours de l'Etat aux collectivités territoriales. Il nous semble important que ces dernières bénéficient mieux de la croissance afin de développer leurs investissements.
Enfin, mes chers collègues, sur bien des points, nous avons accompli un travail constructif et même consensuel.
Cela a été le cas lors de l'examen de l'article 27 bis concernant la TVA sur les terrains à bâtir : nous avons trouvé un système qui satisfait tout le monde dans le respect de l'intention initiale.
Cela a été vrai aussi lors du débat complexe relatif aux droits de succession en Corse. Un consensus quasi général au sein de cette assemblée s'est dégagé pour affirmer un cap, celui de la légalité républicaine, pour se donner le temps d'y parvenir et de mener les concertations nécessaires.
Pour conclure cet inventaire qui ne saurait être exhaustif, compte tenu du temps dont je dispose, j'ajoute que nous avons adopté plus de quinze amendements en dehors de ceux de la commission, ce dont il faut remercier les auteurs.
Tel fut le cas, par exemple, du financement des associations humanitaires, de l'accès au fonds de compensation de la TVA pour des constructions de casernes de gendarmerie, de l'exclusion des bureaux vacants de la taxe sur les bureaux.
Nous avons par ailleurs réfléchi sur des sujets qui sentent bon les odeurs de nos terroirs, comme les biens de section dans la Creuse ou les salines des bords de mer en Vendée. (Sourires.)
Mes chers collègues, nous avons été fidèles à la tradition sénatoriale. Nous avons fait du bon travail auquel il convient d'associer et de remercier tout particulièrement nos collaborateurs, qui, comme toujours, travaillent, dans l'urgence et dans la tension, de façon remarquable, de même que les vôtres, monsieur le secrétaire d'Etat. Ces remerciements sont traditionnels à ce moment de la discussion du projet de loi de finances. (Applaudissements.)
M. le président. La présidence s'associe aux remerciements adressés par M. le rapporteur général aux collaborateurs tant de M. le secrétaire d'Etat que de la commission des finances, qui font toujours preuve d'une grande disponibilité. Ils n'appliquent pas les trente-cinq heures... (Sourires.)
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Si, deux fois ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission.. Je sais qu'on attend de moi d'être rapide et concis, j'essaierai de l'être.
Oui, monsieur le président du Sénat, cette discussion a honoré la Haute Assemblée. Elle a confirmé sa place irremplaçable dans le paysage institutionnel de notre pays.
Oui, monsieur le secrétaire d'Etat, le Sénat participe au premier rang à l'élaboration d'une norme législative claire, lisible, facilement applicable, qui ne porte aucune insécurité juridique et fiscale.
Au Sénat, mes chers collègues, nous oublions jamais que les hommes ne sont pas faits pour les lois mais que les lois doivent être faites pour les hommes. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Oui, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cette oeuvre législative faite d'expérience et de continuité illustre l'apport irremplaçable du Sénat sur tous les sujets que M. le rapporteur général a évoqués et sur lesquels je ne reviens pas, sauf pour lui présenter, au nom de notre assemblée, tous nos compliments pour la qualité du travail qu'il a mené tout au long de cette discussion. (Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.)
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous avons beaucoup apprécié l'intégrité intellectuelle qui est la vôtre. Il est vrai que vos réponses étaient empreintes à chaque fois d'une exquise courtoisie. Elles étaient fortes de conviction et elles suscitaient inévitablement des réponses fortes de conviction. Mais tout cela était destiné à éclairer le mieux possible le Sénat.
Monsieur le président, le Sénat a été fidèle à sa mission de gardien de la bonne législation sous le regard de Portalis que j'évoque si souvent.
Mes chers collègues, je voudrais vous dire que le Sénat peut être fier de son budget alternatif pour 1999.
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas l'avis de tout le monde !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Le Sénat délivre le message de courage et d'espoir que la nation attend !
M. Gérard Braun. Très bien !
Mme Hélène Luc. Non !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Oui, l'Etat doit apprendre à dépenser moins. J'ai compris, monsieur le rapporteur général, que le Sénat l'y aidait car les dépenses seront réduites de 26 milliards de francs.
Oui, l'Etat doit prélever moins d'impôts. Le Sénat l'y aide : 12 milliards de francs de moins. Ainsi la compétitivité de la France sera améliorée.
Oui, mes chers collègues, notre génération ne peut pas compromettre l'avenir des générations futures. Elle doit cesser d'emprunter en leur nom. Elle doit cesser de leur faire supporter nos dépenses courantes. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Grâce au budget proposé par M. le rapporteur général, grâce aux crédits inscrits en première partie, le Sénat stabilisera la part de la dette dans le PIB.
Tel est le message du Sénat.
Oui, la France a besoin de liberté dans une économie mondialisée.
Oui, il faut que l'égalité des chances des jeunes Français soit garantie par rapport aux jeunes des autres pays qui sont nos concurrents.
Oui, il faut une fraternité, cette fraternité faite d'harmonie sociale qui, seule, sera possible grâce à l'efficacité de notre pays.
Telles sont les raisons pour lesquelles, monsieur le rapporteur général, le budget de responsabilité et de confiance que vous proposez au Sénat est nécessaire à la France. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. A ce stade, il serait discourtois que j'intervienne sur le fond.
Qu'il me suffise de dire que j'ai vécu durant cette semaine de débat sur la première partie du budget un dialogue républicain de haute qualité, au cours duquel nous avons échangé des arguments, chacun, avec ses propres convictions, certains défendant une politique pour l'emploi et pour la justice sociale, d'autres défendant une politique alternative.
Je tiens à remercier particulièrement, outre vous-même, monsieur le président du Sénat, les présidents de séance qui ont dirigé ces débats.
J'adresse une mention particulière à M. le président de la commission des finances et à M. le rapporteur général qui n'ont pas manqué d'apporter leur contribution à ce dialogue républicain.
Je voudrais saluer à la fois les valeureux sénateurs de la minorité sénatoriale et les courtois sénateurs de la majorité sénatoriale.
Je remercie enfin les services du Sénat qui nous ont permis de débattre durant de longues heures pour l'avenir de notre pays en 1999. (Applaudissements.)
M. Michel Charasse. Sans oublier le cabinet du ministre !
M. le président. Monsieur le secrétaire d'Etat, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, vos propos témoignent qu'au Sénat on sait débattre dans la sérénité, démocratiquement et courtoisement, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.
Cela dit, mes chers collègues, nous en venons aux explications de vote, ce qui représente plus d'une heure de temps de parole. Or nous devons impérativement suspendre nos travaux à treize heures pour les reprendre à quinze heures, avec les questions d'actualité au Gouvernement. Il nous reste donc un quart d'heure à peine, soit le temps d'entendre deux intervenants.
Monsieur le président de la commission, entamons-nous dès maintenant les explications de vote pour les reprendre à seize heures, après les questions d'actualité au Gouvernement, ou maintenons-nous la cohésion du débat, en les reportant à seize heures ?
M. Michel Charasse. Suspendons !
M. Denis Badré. Continuons !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je pense que le Sénat doit poursuivre ses débats, sinon nous risquons de prendre du retard et de renvoyer la discussion de certains budgets à dimanche matin, il faut en être bien conscients.
M. Claude Estier. Attendons seize heures !
M. le président. C'est le président de la commission des finances qui mène le débat budgétaire. Puisqu'il le souhaite, nous allons commencer les explications de vote dès maintenant.
La parole est à M. Bimbenet.
M. Jacques Bimbenet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le moment est venu pour nous de porter un jugement objectif sur la première partie du projet de loi de finances pour 1999.
Ce projet de budget s'inscrit dans un contexte international et européen plutôt favorable, réserve faite des éventuelles conséquences de la crise financière en Asie et en Russie. Bon nombre d'observateurs et de conjoncturistes nous rappellent régulièrement qu'au sein de l'Union européenne la situation économique s'améliore peu à peu, confortant l'espoir d'une croissance plus soutenue et pariant sur un bon départ dans la zone euro.
Pourtant, tout en adoptant une certaine prudence à l'égard des dépenses publiques, le budget proposé par le Gouvernement ne renonce malheureusement pas à leur limitation systématique et ne comporte pas de mesures significatives permettant une relance de l'investissement privé.
C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, je reste persuadé que le Gouvernement nous propose là un budget qui aura du mal à endiguer le flot de dépenses publiques toujours plus fortes, impuissant dans la maîtrise de la dette et inopérant dans la relance globale de la consommation sans laquelle on ne peut lutter efficacement contre un chômage endémique ni mener une politique sociale ambitieuse.
Certes, le pari était difficile à relever, car il consistait à tenir compte des critères d'une croissance estimée au début à 2,8 % puis revue à la baisse, mais aussi à lutter contre le chômage, en particulier celui des jeunes et des travailleurs de plus de cinquante ans. Le Gouvernement et la commission des finances ont adopté des attitudes différentes sur les moyens mis en oeuvre pour répondre au défi majeur du chômage, au poids des prélèvements obligatoires et à une nécessaire politique de solidarité. Face à cette dure réalité, on ne peut nier que la démarche économico-financière du Gouvernement et celle de la commission des finances ne concordent pas. Cette opposition de conception explique le désaccord constaté tout au long des discussions en séance publique. Mais le débat budgétaire a été vif, respectueux des arguments d'autrui, donc constructif.
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ma position demeure sans ambiguïté : elle exprime une volonté sans faille de baisser l'ensemble des taux des prélèvements obligatoires, anti-économiques, confiscatoires et improductifs, et de poursuivre une véritable politique de diminution des dépenses publiques. Il s'agit non pas de prendre le contre-pied du projet gouvernemental, mais de favoriser son adaptation aux impératifs économiques.
Pour soutenir davantage la croissance, le Gouvernement devrait infléchir sa politique financière par un mouvement d'allégement de la fiscalité et, je dirai même plus, par une réforme générale de l'impôt sur le revenu, en instaurant un véritable impôt universel, à l'assiette généralisée et au taux unique. Il me semble que seule une politique de cette nature peut rendre à nos concitoyens l'esprit de création de richesses.
Ce changement de mentalité est indispensable si l'on veut créer les conditions propices d'une croissance durable et d'une reprise solide de l'emploi. En ayant conscience de l'impérieuse nécessité de maintenir la compétitivité de leurs entreprises dans une économie mondialisée, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont tiré profit de la prise en compte de cette réalité.
Monsieur le secrétaire d'Etat, les membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen se partagent en deux courants : d'un côté, ceux qui entendent donner la priorité aux options gouvernementales ; de l'autre côté, ceux qui préfèrent suivre les orientations de la commission des finances.
Pour ma part, comme la majorité de mon groupe, j'approuve la démarche de la commission des finances, tant pour ce qui concerne l'impôt sur le revenu que pour ce qui touche à la fiscalité des entreprises, du patrimoine, de l'énergie, des collectivités locales, de la taxe professionnelle et de la TVA. Et je rends hommage ici à M. le président de la commission des finances et à M. le rapporteur général.
Telles sont, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les réflexions que m'inspire la première partie du projet de loi de finances pour 1999.
Je conclurai en soulignant le caractère sérieux, motivé et respectueux des débats budgétaires, qui, une fois de plus, renforce notre confiance dans le rôle joué par le Sénat lors de l'élaboration du budget de la nation. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Braun.
M. Gérard Braun. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous voilà parvenus à la fin du volet recettes du projet de loi de finances soumis à notre examen par le Gouvernement. Le texte qui résulte de nos travaux traduit la volonté exprimée par la majorité sénatoriale d'élaborer un budget de responsabilité et de progrès, afin de montrer qu'une autre politique peut être menée en France.
Nous tenons à adresser nos plus vives félicitations à notre rapporteur général, dont c'était le premier budget, et qui a su, par la qualité de son travail et de ses propositions, mener notre réflexion tout au long de nos débats, sous la haute autorité du président de notre commission des finances.
Les dispositions relatives à l'impôt sur le revenu ont démontré, s'il en était encore besoin, à quel point notre vision de la fiscalité directe des personnes et celle du Gouvernement et de sa majorité divergeaient. Nous considérons qu'il convient de reprendre de façon urgente la baisse du barème et les mesures d'accompagnement engagées par le précédent gouvernement.
Les propositions du Gouvernement n'ont pas reçu l'accord du Sénat. Ainsi, la réduction du plafond du quotient familial ne pouvait qu'être supprimée, comme l'a proposé mon collègue M. Alain Vasselle. La justification du Gouvernement, qui nous a déclaré que cette réduction venait en contrepartie de l'abandon de la mise sous condition de ressources des allocations familiales, est irrecevable.
En raisonnant ainsi, on veut mettre sur le même niveau une allocation et une notion fiscale, ce qui est totalement différent. Nos collègues socialistes nous ont même expliqué que cette mesure touchant au quotient familial était équilibrée. Je suis persuadé pour ma part que les familles n'ayant qu'un enfant, qui ne touchent donc pas d'allocations familiales, et qui verront leur impôt augmenté à cause de la réduction du plafond du quotient familial trouveront cette mesure plus confiscatoire qu'équilibrée.
Sur l'initiative de la commission des finances, le Sénat a reporté d'une année la disparition progressive des déductions supplémentaires pour frais professionnels. L'année 1999 permettra de mettre en place une véritable concertation avec l'ensemble des professions concernées, ce qui n'a pas été fait en 1998 de façon sérieuse. Le texte proposé par le Gouvernement ne résolvait rien et faisait courir un risque d'inconstitutionnalité en ne visant qu'une seule profession.
Nous avons pris bonne note de ce que l'examen des articles non rattachés de la deuxième partie sera l'occasion de revoir l'ensemble des dispositions réformant l'impôt sur le revenu.
Le Sénat a supprimé l'extension du régime de la micro-entreprise proposée par le Gouvernement. Le dispositif soumis à notre examen était non seulement complexe, mais à l'évidence toutes les conséquences de cet élargissement n'avaient pas été prises en compte par le Gouvernement. Notre groupe rappelle qu'il a demandé que soit maintenu le régime d'imposition simplifiée pour les agriculteurs percevant des recettes provenant d'activités annexes accessoires.
Sur l'ISF, la majorité sénatoriale a tenu, ce qui nous semble logique, à réévaluer les tranches du barème de cet impôt dans les mêmes conditions que l'impôt sur le revenu. Fidèles à la position que nous avions adoptée en 1996, nous nous félicitons de la suppression de la limitation des effets du « plafonnement du plafonnement » de l'ISF. Par ailleurs, le Sénat a refusé l'imposition à l'ISF des biens ou droits dont la propriété est démembrée, parce qu'il serait très pénalisant pour le mécénat.
Nous nous félicitons de ce que le Sénat ait souhaité accélérer la réduction de l'écart de taxation sur le gazole et le carburant sans plomb afin de rejoindre la moyenne européenne en cinq ans au lieu de sept.
Les débats qui nous ont retenus durant une journée entière sur les dispositions relevant de la fiscalité locale, ont permis au Sénat de s'acquitter pleinement de son rôle de haut conseil des communes de France, si cher à M. le président du Sénat.
Sur la suppression de la taxe régionale sur les cessions d'immeubles, notre groupe se réjouit du choix qui a été fait de préférer le système du dégrèvement qu'il proposait pour compenser les pertes des régions.
Le Sénat a fait la preuve, à l'occasion de l'examen de l'article exonérant de TVA les achats de terrains à bâtir par des particuliers, qu'il était utile - et à quel point - de prendre en compte l'ensemble des conséquences d'un dispositif présenté au vote du Parlement, ce qui ne fut pas le cas de cet article à l'Assemblée nationale. Rarement un amendement insérant un article additionnel dans une loi de finances aura été aussi mal préparé et rédigé. L'article 27 bis modifié par nos travaux est devenu applicable et il règle le problème des collectivités locales ayant aménagé un terrain avant de le vendre à des personnes physiques.
Sur la taxe professionnelle, le Sénat a préféré un système de dégrèvement à un système de compensation proposé par le Gouvernement, qui portait en lui une remise en cause de l'autonomie politique des communes, comme l'a dit mon collègue M. Robert Calméjane.
Sur l'initiative de notre collègue M. Jacques Oudin et de la commission des finances, les professions libérales bénéficieront des mêmes avantages que ceux qui résultent pour les entreprises de la réforme de la taxe professionnelle.
L'évolution des concours de l'Etat aux collectivités locales proposée par la commission des finances nous semble plus à même de permettre aux collectivités locales de bénéficier des fruits de la croissance dans les années à venir.
Nous avons eu un long débat sur des propositions de baisses ciblées de TVA ayant en commun la volonté de faire bénéficier nos concitoyens de véritables allégements de prélèvements plus significatifs que les demi-mesures du Gouvernement sur les abonnements au gaz et à l'électricité qui représentent dix francs d'économie, par mois et par foyer.
Certes, nos engagements européens s'imposent à nous, mais l'ensemble de ces débats a le mérite d'avoir indiqué dans quelles directions il fallait ouvrir des négociations au plan communautaire.
Nous nous félicitons enfin de la suppression de la taxe générale sur les activités polluantes dont le Sénat a refusé les effets particulièrement négatifs pour l'eau. De même la limitation de l'assiette de la taxe devant alimenter le FARIF, le fonds pour l'aménagement de la région d'Ile-de-France, va dans le bon sens et les inquiétudes nées de cette malheureuse initiative seront apaisées.
Le groupe du Rassemblement pour la République se félicite de la qualité du texte qui résulte des travaux du Sénat. Nous tenons le cap de l'exercice courageux décidé par la majorité sénatoriale pour élaborer un autre budget, qui baisse les prélèvements obligatoires. Dans ces conditions, notre groupe votera le texte qui résulte de nos travaux. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures.)