Séance du 27 novembre 1998







M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant l'éducation nationale, la recherche et la technologie : I.- Enseignement scolaire.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Philippe Lachenaud, en remplacement de M. Jacques Delong, rapporteur spécial de la commission des finances,du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, pour la première fois, et en remplacement de M. Delong, retenu pour cause de maladie - je prie la Haute Assemblée de bien vouloir l'excuser et je lui souhaite un complet rétablissement - il me revient l'honneur de présenter le budget de l'éducation nationale pour sa partie enseignement scolaire.
Le budget de l'enseignement scolaire est le premier budget de la nation avec 297,74 milliards de francs, une croissance de 4,13 %, ce qui représente une progression de 11,8 milliards de francs pour l'année 1999.
Il s'agit d'un budget extrêmement rigide du fait de sa contexture puisque 82 % des dépenses sont des dépenses de personnel : 767 000 enseignants pour 12 600 000 élèves - je ne sais pas si j'ai bien fait le compte en relisant les tableaux d'effectifs de l'enseignement élémentaire et secondaire.
C'est donc le premier budget de la nation que nous examinons, dans un contexte très difficile à apprécier.
Votre tâche n'est pas commode, monsieur le ministre. En effet, il y a un contraste saisissant entre la qualité et le bon fonctionnement reconnus au niveau national et international de l'appareil éducatif d'une part, un malaise récurrent, des dysfonctionnements évidents et constatés, d'autre part.
La situation est difficile à apprécier également en raison de ce que j'appellerai une « instabilité réformatrice » qui dure depuis des années, gouvernement après gouvernement.
Le contexte est aussi marqué par une baisse importante, durable, continue, à moyen terme des effectifs scolaires, baisse qui est loin d'être non significative puisque, pour l'année qui vient, ce sont 67 900 élèves de moins qui seront scolarisés.
Dans ce contexte difficile à apprécier, il est évident, et je tiens à le souligner, que de très nombreux aspects positifs de votre politique se trouvent traduits dans le projet de budget. Il en est ainsi des incidences financières des actions positives pour l'accès à l'école, pour l'égalité de cet accès, pour la qualité de l'enseignement, pour la réforme de l'administration et de la gestion, et toute une série de réformes que je vais très rapidement énumérer.
Elles ont un aspect positif. Leur incidence financière a été bien mesurée et elle est inscrite dans le projet de budget pour 1999, que nous examinons aujourd'hui.
Je citerai la réévaluation des zones d'éducation prioritaire, les ZEP ; la réforme des bourses des collèges ; l'aide à la scolarité ; le fonds social collégien, qui continue ; le fonds social pour les cantines, qui est mis en place ; l'apprentissage des langues étrangères, auquel nous tenons beaucoup.
La généralisation de cet apprentissage aux enfants de CM2 va concerner 636 000 élèves. C'est un chiffre important, qui correspond à une ambition, une vocation européenne principalement affirmée pour l'éducation, pour les jeunes et les enfants.
De même, le plan de lutte contre la violence, fondé sur une approche de coopération entre tous les partenaires et tous les acteurs locaux qui peuvent essayer de réduire la violence à l'école, est un élément positif, comme l'est l'introduction des nouvelles technologies.
Si l'on passe du domaine de la qualité, de l'accès pédagogique aux problèmes d'organisation et d'action administrative, on peut noter, de manière positive, la réforme de l'administration centrale, de même que l'amorce courageuse mise en place par circulaire de la déconcentration, qui permettra, nous l'espérons, de rationaliser la mobilité et le mouvement des enseignants.
Je ne suis pas en train de juger la copie du ministre de l'éducation nationale et du ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire. Ce n'est pas du tout mon objectif, mais, puisque je parle au nom de la commission des finances, je voulais indiquer que ces actions positives trouvaient leur traduction dans le projet de budget et que les incidences y étaient inscrites et bien mesurées.
Tout cela va vers l'égalité des chances, vers l'école républicaine, ainsi que vers une meilleure rationalisation et une meilleure qualité de la gestion de l'appareil important de l'éducation nationale. Nous l'apprécions et le trouvons positif.
En cette fin d'année 1998, à la veille de l'année 1999 - il est toujours un peu difficile d'examiner les projets de budgets de l'éducation nationale parce que cette période est « à cheval » sur deux années scolaires - nous éprouvons certaines inquiétudes en ce qui concerne la politique éducative. Nous souhaiterions que vous nous apportiez des réponses à certaines incertitudes qui se sont manifestées soit au sein de la commission des affaires culturelles, que préside mon collègue M. Gouteyron, soit au sein de la commission des finances.
La première question porte sur l'avenir des écoles rurales.
Il reste 7 780 écoles uniques en France. Nous sortons du moratoire. Celui-ci a permis, à peu près au rythme de 400 par an, de maintenir les écoles dans le milieu rural.
Vous connaissez l'importance de la présence de l'école en milieu rural et vous savez combien les sénateurs sont particulièrement attachés à son maintien.
Nous estimons que la mise en place des regroupements pédagogiques intercommunaux concentrés ou dispersés - personnellement, j'ai contribué à les mettre en place, avec tout l'environnement périscolaire nécessaire, dans le département du Val-d'Oise, qui n'est certes pas la Lozère, ni un autre département à vocation plus rurale - est une bonne chose. Qu'en est-il ? Quels sont vos objectifs ? Comment comptez-vous poursuivre cet effort ?
La deuxième incertitude porte sur l'expérimentation du temps de travail.
Monsieur le ministre, vous avez fait une déclaration à ce sujet, il y a quelque temps ; nous avons compris par la suite que nous avions mal interprété votre déclaration : nous avions cru que l'expérimentation des écoles en matière d'aménagement du temps de travail, expérimentation qui devait être lancée avec l'institut pédagogique et devait porter sur 2 000 écoles, était abandonnée. Maintenant, il semblerait qu'au contraire elle soit étendue à un plus grand nombre d'écoles, avec une perspective plus large de mise en application, en tenant compte des perspectives et des volontés des acteurs pédagogiques, des enseignants et d'une meilleure adaptation aux circonstances locales. Qu'en est-il exactement ? Quels sont vos objectifs ?
Comment comptez-vous appliquer la charte pour bâtir l'école du xxie siècle ? Les crédits sont-ils bien en place ? Quel en sera le coût ? Voilà un élément d'évolution pédagogique sur lequel nous n'avons pas trouvé dans le budget, ce qui est tout à fait normal puisqu'il a été élaboré au mois de mars, de réponse à nos questions.
Ma troisième question est d'ordre pédagogique, mais elle a une incidence financière majeure. Qu'en est-il du rapport Meirieu et de la réforme des lycées ?
J'en viens, enfin, aux aspects ayant une incidence financière majeure, sur lesquels je vous poserai cinq questions.
La première concerne le financement de l'introduction des nouvelles technologies, à laquelle nous sommes favorables, à concurrence de 65 millions de francs. Un mécanisme original de 500 millions de francs de prêts est mis en place par l'intermédiaire de la Caisse des dépôts et consignations. Pensez-vous vraiment que ces crédits sont suffisants dans la mesure où il faut renouveler sans cesse les matériels et les logiciels, pour en prévenir l'obsolescence, et former les enseignants, faute de quoi l'opération serait vouée à l'échec ? Qu'en est-il, donc, du financement de cette vaste entreprise d'introduction des nouvelles technologies ?
Ma deuxième question porte sur le financement de ce qu'on a appelé le « plan Allègre pour les lycées », qui crée 10 000 emplois et représente 431 millions de francs ; c'est du moins ce qui figure dans le budget. Nous avons cru comprendre que le coût de ce plan, en fait, se chiffrait à 800 millions de francs. S'agit-il donc de 431 millions de francs ou de 800 millions de francs, somme comportant sans doute une part de redéploiements ? Bref, qu'en est-il exactement du coût du plan Allègre et de son financement ?
Nous nous interrogeons également - c'est la troisième question - sur le rythme et le coût de l'intégration des maîtres auxiliaires ainsi que sur l'application du statut de professeur d'école aux instituteurs. Nous sommes plutôt favorables à ces deux dispositions. Toutefois, nous mesurons l'incidence financière de cette intégration et nous avons cru observer une augmentation, puis une réduction du nombre des maîtres auxiliaires. Pourriez-vous faire le point sur la situation actuelle de l'intégration des maîtres auxiliaires et sur l'application du statut de professeur d'école aux instituteurs ? Où en sommes-nous ? Où allez-vous ? Combien cela coûte-t-il ?
La quatrième question revêt encore plus d'importance. Elle a trait à l'adéquation entre le nombre et la répartition géographique des enseignants, en tenant compte des différentes disciplines, et l'évolution des effectifs scolaires, aussi bien dans les collèges que dans les lycées.
Ainsi que vous le savez, le Sénat a décidé de constituer une commission d'enquête sur ce sujet très difficile. Elle est présidée par notre collègue M. Adrien Gouteyron.
Monsieur le ministre, vous avez souvent déclaré que les enseignants devaient être devant les élèves : déclaration de bon sens à laquelle nous ne pouvons qu'adhérer. Vous avez souvent indiqué que c'était peut-être plus facile à dire qu'à faire et que cela méritait un examen approfondi de la situation réelle, des modalités administratives de mutation, de déplacement, d'affectation, une définition exacte des emplois, des horaires et des spécialités enseignées tant dans les collèges que dans les lycées.
Nous souhaitons améliorer la gestion de la ressource humaine exceptionnelle qui relève du ministère de l'éducation nationale. Nous voulons vous aider et nous vous demandons de nous aider à voir clair sur ce sujet majeur pour l'avenir de l'appareil éducatif.
En formulant ma cinquième et dernière question, je sais que je vais m'attirer, comme l'an passé, vos foudres, monsieur le ministre. Vous allez me dire : « Vous êtes favorable au développement éducatif. Vous considérez bien que c'est un investissement, et vous nous proposez des amendements tendant à réduire les crédits. »
M. Jean-Louis Carrère. C'est de la démagogie !
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Non, monsieur Carrère, ce n'est pas de la démagogie ! C'est de la responsabilité !
Quand vous serez, demain, dans l'opposition, vous serez les premiers à proposer des contre-budgets et des budgets alternatifs !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Après-demain !
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. J'espère que ce sera bien demain et non pas après-demain !
M. Ivan Renar. En tout cas, ce sera après Noël ! (Sourires.)
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Il y a des marges de manoeuvre, des options, des choix. Nous le reconnaissons, ces choix se situent plutôt au niveau du budget d'ensemble de la nation.
La discussion de la première partie du projet de loi de finances que nous avons menée nous a permis d'indiquer au Gouvernement qu'il fallait réduire les déficits, que le budget n'était pas adapté à la conjoncture actuelle, qu'il fallait le réviser ; la lecture de la presse de ce matin le confirme d'ailleurs une nouvelle fois. Bref, nous avons voulu inciter le Gouvernement, sans nous substituer à lui, à effectuer des économies et à ralentir les dépenses.
Nous proposerons donc, au titre de la contribution à la maîtrise des dépenses publiques, une réduction globale des crédits de l'enseignement.
Pour donner un exemple, sur les 297 milliards de francs de votre budget, la simple revalorisation des rémunérations des enseignants au même rythme que la revalorisation de celles de l'ensemble des fonctionnaires représente près de 6 milliards de francs.
Vous avez par ailleurs montré, monsieur le ministre, que vous étiez en mesure de réaliser des redéploiements. Vous avez pris une mesure concernant, par exemple, les heures supplémentaires, mesure que nous avons soutenue.
M. Jean-Louis Carrère. Oh !
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Si, monsieur Carrère, nous l'avons soutenue, mais pas trop, pour éviter que le ministre ne nous dise : « Ne me soutenez pas trop dans cette affaire difficile. » Car, monsieur le ministre, vous avez dit également qu'on ne vous y reprendrait plus et que, franchement, c'était la dernière fois que vous feriez une économie de ce type, ce que nous comprenons.
Il est vrai qu'ayant obtenu une réduction de 631 millions de francs au titre des heures supplémentaires, qui représentent globalement - j'attire l'attention de mes collègues sur ce point - un montant supérieur à 6 milliards de francs, vous avez montré que des sources de redéploiement existaient.
Quoi qu'il en soit, il faut que le budget de l'éducation nationale, premier budget de la nation, contribue aussi, pour sa part, à l'effort de maîtrise des dépenses publiques. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Bernadaux, rapporteur pour avis.
M. Jean Bernadaux, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour l'enseignement scolaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, avec 297,7 milliards de francs, le projet de budget de l'enseignement scolaire pour 1999 progresse de 4,1 %, cette augmentation non négligeable résultant pour une grande part de la revalorisation des dépenses de personnel, qui représentent à elles seules 93 % du budget.
Quelles en sont les principales caractéristiques ?
Ses crédits devraient permettre de créer 3 050 emplois d'enseignant du second degré, 250 emplois de conseiller principal d'éducation et 616 emplois de personnel non enseignant, dont 400 dans le secteur de la santé scolaire. Ces emplois seront financés par un redéploiement des moyens existants.
J'indiquerai ensuite que un milliard de francs seront affectés au financement des 60 000 emplois-jeunes de l'éducation nationale, en rappelant que 20 000 de ces emplois ont été créés à la rentrée de 1998.
Par ailleurs, 58 millions de francs seront consacrés au recrutement de 1 000 assistants étrangers de langue dans le premier degré. L'intégration des instituteurs dans le corps des professeurs d'école sera accélérée pour achever le plan d'intégration en 2007 au lieu de 2011. Le dispositif indemnitaire des personnels exerçant dans les zones d'éducation prioritaires, les ZEP, sera rendu plus incitatif.
J'ajoute que 215 millions de francs seront consacrés à la mise en oeuvre du plan de développement des nouvelles technologies à l'école ; ces crédits s'ajouteront à l'enveloppe de 500 millions de francs de prêts à taux zéro qui est destinée à soutenir l'effort des collectivités locales pour équiper les écoles et les établissements en matériels informatiques.
Enfin, 800 millions de francs seront affectés au rétablissement des bourses, de collège et à la création d'un troisième taux de bourse plus avantageux pour les élèves les plus défavorisés.
J'évoquerai maintenant le problème complexe de l'adaptation des moyens de l'éducation nationale aux besoins des élèves.
Comme vous le savez, les moyens considérables affectés à l'enseignement scolaire doivent être appréciés dans un contexte de décroissance désormais continue des effectifs : l'enseignement scolaire a encore perdu, en effet, 65 000 élèves à la rentrée de 1998, dont la plus grande part dans le premier degré.
Je rappelle à cet égard que l'enseignement primaire a perdu 161 000 élèves entre 1994 et 1997.
Il nous faut également constater que cette forte décroissance des effectifs ne s'accompagnera en 1999 d'aucune suppression d'emplois dans le premier degré et que le second degré bénéficiera, comme il a été vu, de la création de 3 050 emplois. Sur une plus longue période, il faut le rappeler, 40 000 emplois supplémentaires d'enseignants ont été créés depuis dix ans dans l'enseignement secondaire.
Ces créations d'emplois se justifient, certes, par les besoins de recrutement induits par les départs naturels en retraite, qui peuvent être estimés à 13 800 chaque année. Ils résultent aussi de recrutements de précaution, engagés depuis plusieurs années, pour pourvoir les postes qui se libéreront en raison des départs massifs d'enseignants nés dans les années d'après-guerre.
On peut cependant regretter que ces recrutements de précaution n'aient pas été davantage ciblés sur les disciplines dont les postes se libéreront en 2005.
La commission des affaires culturelles ne peut donc que relever le défaut d'adaptation de ces recrutements aux besoins disciplinaires et stigmatiser l'absence d'une programmation véritable des concours dans l'enseignement secondaire.
Compte tenu de cette inadaptation des moyens aux besoins, l'éducation nationale est traditionnellement contrainte de recourir à des variables d'ajustement, c'est-à-dire, pour l'essentiel, aux heures supplémentaires, aux maîtres auxiliaires, voire aux emplois-jeunes, même si ceux-ci, pour l'instant, ne sont pas affectés directement à des activités pédagogiques.
Il convient d'indiquer que la réduction sensible du volant considérable des heures supplémentaires, qui est d'ailleurs souhaitable, et la réduction de leur rémunération, qui a suscité la réprobation des enseignants, ont permis de financer une partie du coût des emplois-jeunes affectés dans l'éducation nationale : un milliard de francs de mesures nouvelles devraient être affectés en 1999 au financement des 20 % de leur rémunération qui est assuré par l'éducation nationale.
Votre commission s'est par ailleurs inquiétée, je crois à juste titre, de la montée en puissance du dispositif des emplois-jeunes, de son coût croissant, du devenir professionnel de ces aides-éducateurs au terme de leur contrat de cinq ans et, surtout, de leurs perspectives éventuelles d'intégration dans la fonction publique, ou de prise en charge par les collectivités locales, notamment dans le cadre d'un nouvel aménagement des rythmes scolaires.
S'agissant des maîtres auxiliaires, leurs effectifs sont à nouveau en augmentation sensible. Comme vous le savez, 27 000 maîtres auxiliaires ont été réemployés à la rentrée 1997. Mais ce réemploi n'a pas pour autant permis de remédier aux vacances de postes constatées dans certaines disciplines.
En outre, cette mesure générale a contribué à accroître le nombre de maîtres auxiliaires en surnombre dans d'autres disciplines, ce qui a conduit les recteurs à recruter quelque 1 000 nouveaux maîtres auxiliaires au cours de la dernière année scolaire.
Parmi les moyens préconisés pour mieux adapter les moyens de l'éducation nationale aux besoins des élèves, il est vraisemblable que la déconcentration du mouvement des enseignants du secondaire et une amélioration du système de remplacement devraient contribuer à réduire les dysfonctionnements constatés depuis plusieurs rentrées scolaires dans de nombreux établissements.
La commission d'enquête qui vient d'être constituée sur la gestion des personnels de l'éducation nationale, ainsi que la mise en oeuvre du nouveau mouvement qui devrait intervenir en 1999, devraient fournir des éléments d'appréciation sur le bien-fondé de ces réformes.
J'ajouterai que le taux d'absentéisme des enseignants paraît être moins en cause que le fonctionnement de leur système de remplacement, notamment dans le secondaire. Ce système devrait être prochainement aménagé à partir des propositions formulées par le recteur Bloch.
J'aborderai ensuite les réponses apportées par l'éducation nationale aux inégalités sociales et à la violence en milieu scolaire. S'agissant des ZEP, il faut bien constater que ce dispositif, déjà ancien, présente un bilan mitigé, notamment au regard des performances des élèves. Le plan de relance engagé en 1997 devra s'efforcer de compenser la dégradation continue de ces zones prioritaires.
Quant au plan de prévention de la violence scolaire, qui a été expérimenté dans quelques sites sensibles à la rentrée de 1997, s'il a permis d'enregistrer des résultats notables aux abords des établissements, du fait de l'utilisation des aides-éducateurs et des adjoints de sécurité, il n'a pas permis d'empêcher la montée de la violence dans les établissements et dans les classes. Le malheureux incident qui a défrayé la chronique hier ne peut que nous interpeller tous.
Ce plan devait être étendu à l'ensemble des établissements à la rentrée de 1998 dans le cadre des contrats locaux de sécurité, tandis que le nombre des classes-relais, qui sont destinées à accueillir des jeunes refusant l'institution scolaire, devrait passer de 100 à 250 à la rentrée de 1999.
J'évoquerai ensuite rapidement les perspectives de réforme de l'enseignement scolaire. S'agissant du primaire, la charte de l'école du xxie siècle s'ordonne autour de trois priorités : recentrage des programmes sur les apprentissages fondamentaux, mise en place de nouveaux rythmes scolaires, rénovation du métier du professeur d'école. Pour m'en tenir à l'essentiel, je dirai qu'il convient d'engager sans tarder une véritable politique de la lecture, afin de prévenir le développement de l'illettrisme. Je crois, madame la ministre, que l'ère des colloques et des assises est aujourd'hui révolue en ce domaine et que l'attentisme n'est plus de mise.
La commission ne peut, par ailleurs, que se féliciter du recrutement de 1 000 assistants étrangers pour étendre l'enseignement des langues vivantes en CM 2, à la rentrée de 1998, et en CM 1, à la rentrée de 1999, ainsi que de votre souci de sensibiliser les familles à la nécessité d'une diversification des langues enseignées.
Quant à l'aménagement des rythmes scolaires dans le cadre du seul contrat éducatif total, le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ne peut que regretter qu'il n'ait pas été tenu suffisamment compte des multiples expériences engagées depuis 1984 et s'inquiéter de la part qui reviendra aux collectivités locales dans l'organisation et le fonctionnement des activités péri et extrascolaires. La commission souhaiterait également obtenir des précisions sur les modalités de mise en oeuvre ou d'expérimentation de ce nouvel aménagement des rythmes scolaires.
Je dirai ensuite quelques mots du collège, pour regretter que ce maillon le plus fragile de notre système éducatif ne suscite pas, pour l'instant, de propositions de réforme claires, alors qu'il concentre aujourd'hui l'essentiel des difficultés : la violence comme l'échec scolaire.
Le temps n'est-il pas venu de reconsidérer le principe même du collège unique en prenant acte du fait que la majorité des collégiens sont actuellement scolarisés dans des classes plus ou moins clandestinement hiérarchisées ?
S'agissant du lycée, était-il nécessaire d'engager prioritairement une réforme aussi profonde qui risque d'entraîner, à très court terme, une baisse des exigences jusqu'alors requises des lycéens ?
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Sûrement !
M. Jean Bernadaux, rapporteur pour avis. Je rappellerai à cet égard une évidence : la fonction du lycée est d'abord de dispenser des savoirs et de permettre à tous ses élèves de suivre des parcours de réussite.
Je terminerai en évoquant les mesures annoncées le 21 octobre dernier dans le cadre du plan d'urgence pour les lycées : ses incidences financières devraient rester modestes pour l'Etat, l'essentiel de l'effort devant, une fois de plus, être supporté par les régions pour aménager les locaux des lycées.
Quel sera le coût de ce plan pour l'Etat, monsieur le ministre ? On a parlé de 865 millions de francs, mais je ne trouve trace que de 431 millions de francs !
Compte tenu de ces observations et de ces réserves que peut susciter ce projet de budget, la commission a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat pour l'adoption ou le rejet des crédits de l'enseignement scolaire pour 1999.
M. le président. La parole est à Mme Luc, rapporteur pour avis.
Mme Hélène Luc, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour l'enseignement technique. Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord rendre hommage à mon prédécesseur, M. Jean-Louis Carrère, qui, pendant plusieurs années, a rapporté avec la compétence et la conviction que nous lui connaissons le budget de l'enseignement technique. (Marques d'approbation sur les travées socialistes.)
Je dresserai d'abord un premier constat en exprimant un regret : l'enseignement technologique et professionnel n'a pas fait l'objet d'un intérêt prioritaire des gouvernements successifs depuis la loi de programmation de 1985.
Force est de constater, en effet, que l'augmentation de sa dotation budgétaire, depuis plusieurs années, résulte pour l'essentiel de la revalorisation des dépenses de personnel, que les emplois sont en stagnation, que la précarisation des enseignants s'est plutôt développée, que certaines formations - obsolètes ou non - se sont vidées de leurs élèves et, surtout, que le détestable système d'orientation par l'échec vers l'enseignement professionnel s'est perpétué. C'est, globalement, ce que vous dites, monsieur le ministre !
J'ajouterai que les dispositions prévues par la loi quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle sont restées quasiment lettre morte et que, à l'exception du baccalauréat professionnel, qui constitue l'une des réussites de ces dernières années dans le secteur éducatif, et des formations répondant à une forte offre d'emploi, l'enseignement professionnel ne peut globalement être considéré actuellement comme satisfaisant.
La commission des affaires culturelles ne peut donc que se féliciter du discours novateur aujourd'hui tenu par le ministre de l'éducation nationale, qui traduit son souci de faire de l'enseignement professionnel la « priorité des priorités ».
Le temps est désormais venu de faire de l'enseignement professionnel une véritable voie de réussite, aussi bien dans le domaine de l'orientation des élèves que des formations. Le contenu de celles-ci doit être en permanence rénové pour intégrer l'évolution des connaissances et les technologies nouvelles, afin de déboucher sur une insertion professionnelle satisfaisante et favoriser l'adaptabilité aux inéluctables évolutions de l'emploi et des métiers. Cet enseignement doit également continuer à valoriser sa vocation promotionnelle, en permettant toujours mieux la poursuite d'études ultérieures.
S'agissant des crédits, l'enseignement technique bénéficiera, en 1999, de 37,1 milliards de francs, soit une faible progression de 1,63 % : elle est inférieure à celle de 1998 et à celle qui est observée pour l'enseignement scolaire.
A l'évidence, la stagnation des emplois constatée depuis plusieurs années est directement à l'origine de nombreuses vacances de postes constatées dans certaines disciplines, ce qui a conduit les lycéens professionnels à jouer un rôle actif dans le récent mouvement lycéen.
Par ailleurs, je rappellerai que le manque de places dans un certain nombre de sections de BEP, de baccalauréat ou de classes passerelles oblige de nombreux élèves, soit à redoubler la classe de troisième, soit à être affectés dans une spécialité qu'ils ne demandent pas, soit encore à se tourner, sans l'avoir souhaité, vers l'apprentissage, ce qui est dommage.
Ces carences ont d'ailleurs conduit certains départements, comme le Val-de-Marne et la Seine-Saint-Denis, à mettre en place des dispositifs de type « SOS rentrée », avec succès d'ailleurs.
J'insisterai ensuite sur le développement de la précarisation de l'emploi dans les lycées professionnels.
Qu'y constate-t-on ? Un recours de plus en plus important aux maîtres auxiliaires - 8 400 sont désormais employés dans l'enseignement professionnel - mais aussi aux personnels contractuels et vacataires et aux stagiaires des IUFM qui sont affectés de plus en plus sur des postes de responsabilité pédagogique laissés vacants par les professeurs de lycée professionnel.
J'indiquerai cependant que les crédits prévus pour 1999 permettront de transformer cinq mille emplois de PLP 1 en emplois de PLP 2 et que la disparition attendue du premier grade des professeurs de lycée professionnel permettra, enfin, de revaloriser la pension des PLP retraités et de satisfaire une revendication légitime.
S'agissant de l'évolution des effectifs, il nous faut constater que le nombre des élèves de la voie professionnelle s'est stabilisé autour de 815 000, alors que celui des élèves du second cycle général et technologique est orienté à la baisse.
Je remarquerai également que les diplômes professionnels conduisent plus sûrement à l'emploi que les formations générales, dont ce n'est cependant pas la vocation première, et que la filière professionnelle a joué un rôle décisif dans le mouvement de réduction du nombre des sorties de formation sans diplôme : nul doute qu'une réactivation du dispositif d'insertion de l'éducation nationale et que le développement d'une école de la deuxième chance, telle que celle-ci est expérimentée çà et là, devraient permettre de réduire encore le nombre trop élevé de ces sorties sans qualification qui alimentent le vivier de l'exclusion sociale.
J'évoquerai ensuite quelques-uns des problèmes non résolus des voies technologiques et professionnelles et, d'abord, celui de la sécurité des établissements et de leurs équipements.
Grâce aux efforts accomplis par les régions en 1996 et 1997, la plupart des machines dangereuses ont pu être remplacées et le taux de remise aux normes de sécurité est désormais de 66 %. Toutefois, je souhaite rappeler, monsieur le ministre, que l'Etat ne contribue à ces travaux qu'à hauteur de 20 %...
M. Christian Demuynck. Eh oui !
Mme Hélène Luc, rapporteur pour avis. ... et que les ressources des régions ne sont pas extensibles à l'infini : elles assurent déjà de lourdes charges pour l'entretien et la reconstruction de nombreux lycées professionnels. S'agissant de la violence en milieu scolaire, celle-ci se développe d'une manière spécifique et particulièrement préoccupante dans les lycées professionnels.
Comme vous le savez, mes chers collègues, l'expérimentation menée au titre du plan de prévention de la violence lancé à l'automne dernier a permis de mobiliser des moyens non négligeables au profit des lycées professionnels les plus sensibles. Vous y avez affecté, monsieur le ministre, 360 emplois-jeunes. C'est un élément positif, mais ne conviendrait-il pas également de renforcer l'encadrement de ces établissements grâce à des personnels adultes spécialement formés à cet effet ? Je veux citer, notamment, les personnels de la santé scolaires, médecins et infirmiers, les assistants sociaux, les conseillers d'orientation psychologues, les surveillants, les conseillers d'éducation et les ATOS, les personnels administratifs, techniciens, ouvriers et de service.
Je dirai également un mot de la situation précaire des personnels de la mission générale d'insertion de l'éducation nationale, la MIGEN. Comme vous le savez, monsieur le ministre, une proposition de loi visant à consolider leur statut a été déposée au Sénat, et j'ai cru comprendre que vous y seriez favorable. Pourriez-vous nous le confirmer ?
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous avez l'intention de développer l'enseignement par alternance en milieu scolaire. Je souhaiterais que vous précisiez votre conception de l'alternance - en matière de contenu, de suivi par les équipes pédagogiques et d'implication des entreprises - en indiquant le rôle qu'est appelé à y jouer l'apprentissage.
Enfin, après avoir souligné de nouveau la réussite des baccalauréats professionnels, je crois devoir dire qu'il serait souhaitable d'envisager la création d'un brevet professionnel supérieur pour ces bacheliers qui souhaiteraient poursuivre des études ultérieures et qui ne trouvent pas dans les établissements délivrant des diplômes d'études universitaires générales, DEUG, les sections de techniciens supérieurs, STS, et les instituts universitaires de technologie, IUT, des cursus adaptés à leur formation.
S'agissant de l'enseignement technologique, vous avez stigmatisé, monsieur le ministre, son caractère trop théorique et sa dérive vers l'enseignement général qui ne permettraient plus d'assurer à ces bacheliers la poursuite satisfaisante de leurs études ou une insertion professionnelle convenable.
Quant à la poursuite des études, est-ce bien la raison principale ? Ne serait-ce pas plutôt du fait de la position plus favorable des bacheliers généraux vis-à-vis de leurs homologues de l'enseignement technique ?
Pourriez-vous nous fournir des précisions supplémentaires sur vos intentions d'aménagement de la filière technologique et sur les objectifs de la mission qui a été confiée à cet effet au recteur Forestier ?
J'aborderai ensuite, rapidement, les perspectives prometteuses de réforme de l'enseignement professionnel.
Je rappellerai à cet égard que les conclusions de la table ronde que vous avez installée et qui est animée par le recteur Marois visent à promouvoir l'image de la voie professionnelle, à instaurer un partenariat plus étroit avec les entreprises et à améliorer la formation et le statut des personnels.
La réforme du lycée, devrait avoir pour conséquences, sur la voie professionnelle à la fois de permettre la poursuite d'études et l'entrée dans la vie professionnelle, d'assurer une qualification attestée à tous les élèves, de contribuer à la cohésion sociale des futurs citoyens en leur dispensant une formation générale et professionnelle équilibrée et, enfin, j'allais dire surtout, d'autoriser une orientation progressive, positive et réversible des élèves.
Dans le même sens, le plan d'urgence des lycées annoncé le 21 octobre dernier devrait profiter tout particulièrement aux lycéens professionnels, aussi bien pour les associer à la préparation des emplois du temps dans le cadre de l'allègement des programmes et des horaires que pour renforcer les capacités d'accueil, d'animation et de surveillance des établissements situés dans des zones difficiles.
Il nous faut également remarquer que les 4 milliards de francs du fonds régional d'aménagement des lycées seront sans doute prioritairement affectés à ces établissements, qu'il s'agisse de la remise aux normes en matière de sécurité, de la construction de lieux de vie, de salles informatiques, d'internats et aussi de bureaux destinés aux enseignants : ces derniers devraient faciliter l'accès des parents aux lycées professionnels.
En guise de conclusion, je voudrais d'abord indiquer que la commission estime souhaitable que la formation professionnelle initiale reste de la compétence de l'éducation nationale.
Elle souhaite également que toutes les classes technologiques de collège soient transférées vers les lycées professionnels afin de remotiver des élèves en situation d'échec scolaire. La commission souhaite enfin que soit mise en place de manière précoce une éducation aux projets personnels et aux choix d'orientation, dès le collège, pour que in fine la voie professionnelle corresponde à une motivation réelle des jeunes.
L'adaptation permanente de l'enseignement technique aux mutations des emplois et des métiers est donc nécessaire. La future instance d'observation et de programmation devrait la favoriser ainsi que la campagne d'information que vous avez annoncée, monsieur le ministre.
A mon avis, la spécificité des lycées professionnels et de leurs enseignants doit être maintenue et la formation pédagogique de ces derniers doit être privilégiée au sein des IUFM afin de leur permettre de prendre en charge de manière plus satisfaisante des élèves qui sont souvent confrontés à des difficultés particulières.
Par ailleurs, ne serait-il pas souhaitable d'accorder un soutien financier spécifique aux lycéens fréquentant des établissements professionnels afin que ces élèves puissent choisir la formation de leur choix, sans que le coût des équipements et des fournitures soit un obstacle et puisse les pousser vers l'apprentissage ?
Enfin, afin de consacrer sur le plan symbolique mais aussi institutionnel la revalorisation annoncée de cet enseignement, ne conviendrait-il pas, monsieur le ministre, de créer une direction spécifique de l'enseignement technologique et professionnel, voire de rétablir un secrétariat d'Etat ?
M. Jean-Louis Carrère. Un ministère !
Mme Hélène Luc, rapporteur pour avis. Estimant qu'elle est saisie d'un budget d'attente, mais tenant compte des perspectives d'une réforme d'envergure de l'enseignement professionnel, la commission des affaires culturelles s'en remettra à la sagesse du Sénat pour l'adoption ou le rejet des crédits de l'enseignement technique pour 1999. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes. - M. le président de la commission des affaires culturelles, M. le rapporteur spécial et M. Jean Bernadaux, rapporteur pour avis, applaudissent également.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 35 minutes ;
Groupe socialiste, 29 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 23 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 22 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 15 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 14 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, l'examen du budget de l'enseignement scolaire est un exercice cette année plus que jamais symbolique et déterminant en raison des manifestations lycéennes qui ont émaillé l'actualité récente.
Ces manifestations ne sont pas sans rappeler, dans un contexte moins tragique, les événements qui se sont déroulés en Guyane en novembre 1996.
Ces jeunes ont fait entendre leurs voix pour demander de nouveaux locaux, pour dénoncer des emplois du temps trop chargés ou des effectifs enseignants insuffisants. La consultation de M. Meirieu du printemps dernier a suscité des espoirs : ils ne doivent pas être déçus.
Certaines réponses ont d'ores et déjà été apportées telles que la mise en place des conseils de la vie lycéenne ou la poursuite de la déconcentration. Il ne faut pas relâcher les efforts pour tenir les engagements pris.
A cet égard, la prévention de l'incivilité et la lutte contre la violence sont essentielles. En effet, nos quotidiens se font trop souvent l'écho, dans la rubrique des faits divers, d'actes de violence perpétrés à l'école.
Hier encore, nous apprenions qu'un élève de dix-sept ans avait été blessé à la cuisse d'un coup de cutter par deux jeunes gens qui avaient auparavant tenté de tirer sur lui avec une arme de poing, et ce dans l'enceinte du lycée professionnel Jean-Pierre-Timbaud d'Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis.
La gravité de tels actes concerne la collectivité dans son ensemble et appelle des réponses immédiates.
Les moyens inscrits au projet de budget de l'enseignement scolaire pour 1999 sont en hausse de 4,13 % pour atteindre 297,74 milliards de francs. Ce budget reste le premier budget de l'Etat et celui qui augmente le plus.
Ce budget doit être à la hauteur du double défi que doit relever l'école : demeurer un lieu de transmission du savoir, mais également être un lieu vivant de socialisation et d'émancipation. L'école doit demeurer le lieu privilégié de l'apprentissage de la citoyenneté.
Pour autant, le budget de l'enseignement scolaire ne devrait pouvoir échapper, au même titre que les autres, à un effort de maîtrise des dépenses publiques. Or, si ces dépenses augmentent, c'est bien parce que les besoins à satisfaire en matière d'éducation sont immenses. D'ailleurs, la progression substantielle des crédits depuis plusieurs années n'a rien résolu sur le fond.
L'essentiel est non pas de dépenser plus, mais de dépenser mieux. Une gestion inadéquate des moyens, plus qu'une pénurie d'emplois, explique les dysfonctionnements dont souffre l'éducation nationale.
M. Christian Demuynck. Très bien !
M. Georges Othily. Permettez-moi d'attirer votre attention, madame la ministre, sur la situation de l'enseignement scolaire dans une région particulière, la Guyane, sans pour autant ignorer que la Réunion, la Guadeloupe et la Martinique n'échappent pas au même problème.
Les mesures de décentralisation qui ont transféré aux collectivités territoriales la charge et la responsabilité des constructions scolaires ont, par leurs effets de proximité, mis au jour le caractère pathologique du système éducatif en Guyane.
L'inadaptation des structures existantes et l'absence de politique éducative reviennent dans le débat à chaque rentrée scolaire. Or il s'agit incontestablement d'un domaine très sensible pour l'avenir même de la société guyanaise en particulier et de l'outre-mer en général.
En effet, la Guyane se trouve dans une situation bien différente de celle de la métropole, où l'on constate une décroissance régulière des effectifs d'élèves, qui, par son ampleur et son inscription dans la durée, revêt un caractère structurel.
Au contraire, en Guyane, le réseau des établissements scolaires, composé de cent quarante établissements pour une population scolarisée de 18 000 élèves environ, ne parvient pas à répondre à l'ampleur de la demande scolaire.
A cela s'ajoute la très forte pression démographique, qui, selon les projections les plus fiables, prévoit le doublement des effectifs pour 2003. La Guyane ne pourra pas, en l'état actuel des choses, scolariser les milliers d'enfants qui affluent avec leur famille du Surinam, du Brésil et d'Haïti.
A la lumière de ces constatations, le plan de rattrapage scolaire en faveur du premier degré - 70 millions de francs - dont la Guyane a bénéficié en 1988 semble dérisoire. Une hausse significative des moyens est nécessaire au moins jusqu'en 2006 pour faire face à l'arrivée massive de nouveaux élèves.
Ainsi, l'un des problèmes les plus délicats auquel la Guyane est confrontée est celui des constructions scolaires. Les effectifs à scolariser passeront en effet, dans le premier degré, de 27 500 en 1998 à 32 600 à la rentrée 2001, et, dans le second degré, de 18 000 à 21 000. Il s'agit donc, au total, d'accueillir un peu plus de 8 000 élèves supplémentaires en trois ans !
Pour les trois prochaines années correspondant à la période de contractualisation de l'académie, les investissements à prévoir sont de l'ordre de deux cents classes primaires, trois collèges, deux lycées professionnels et pas moins d'une centaine de logements d'enseignants.
Dans ce contexte, madame la ministre, le plan de rattrapage éducatif mis en place à la suite des événements de 1996 doit absolument être prolongé d'un second volet.
Les subventions accordées par l'Etat pour la réalisation d'équipements scolaires ne s'élèvent qu'à 10 millions de francs en autorisations de programme et à 20 millions de francs en crédits de paiement. Cela ne me paraît pas répondre aux immenses besoins de la Guyane. En effet, au-delà de ces questions immobilières, la collectivité régionale ne sera pas en mesure de respecter ses engagements face aux revendications des lycéens.
Nous avons appris avec satisfaction de M. le ministre l'éventualité d'un prêt de 4 milliards de francs remboursable sur quinze ans. Dès cette année, pour ce qui concerne l'emploi de la première tranche de 1 milliard de francs à taux zéro, il serait souhaitable que les critères de répartition soient fixés comme suit : 50 % au prorata des effectifs des lycéens constatés au 1er octobre 1998, y compris les apprentis inscrits dans les lycées et les autres 50 % au prorata de la dotation régionale d'équipements scolaires accordée à chaque région en 1998.
Par ailleurs, il serait bon que les effectifs des lycéens inscrits dans les lycées privés sous contrat soient également pris en compte.
Nous sommes également confrontés au problème de la rénovation des équipements dans les lycées professionnels.
Telles sont, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, les préoccupations dont je souhaitais vous faire part.
L'école de la République n'est pas un service public comme les autres. Par la transmission du savoir, elle est garante de notre avenir. Par les valeurs qu'elle incarne, elle est le creuset où se forgent l'esprit et l'idéal républicains. L'initiation à la vie civique en démocratie suppose l'apprentissage des actes qui symbolisent le respect, le partage et la solidarité.
La transmission de ces valeurs est la garantie d'une France plus juste, plus fraternelle et plus solidaire. Pour toutes ces raisons, la majorité du groupe auquel j'appartiens suivra les recommandations de la commission des finances. (Applaudissements.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)