Séance du 28 novembre 1998







M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'économie, les finances et l'industrie : III. - Industrie (et Poste).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean Clouet, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi d'abord de préciser que les considérations que je vais développer ne sont en aucune façon dirigées à votre encontre. Elles ne sont pas non plus l'exégèse analytique d'une avalanche de chiffres malaisément conciliables. On trouvera celle-ci dans mon rapport écrit. Ce sont des faits que je vais vous exposer, et les réflexions qui en procèdent. Ils ont un caractère objectif et non subjectif.
Mes chers collègues, nous serions - si j'en juge par le libellé du document officiel qui nous est soumis - en présence du budget du ministère de l'industrie. Il n'en est rien. En réalité, nous sommes en présence d'un vrai-faux budget ou, plus exactement, d'un non-budget.
Un budget, nos maîtres nous l'ont enseigné, est un ensemble de crédits permettant de mener à bien une politique. Il doit donc avoir un caractère volontariste.
Dans cette optique, qui pourrait croire que les crédits rassemblées dans le non-budget qui nous est soumis constituent la définition de la politique industrielle de la France et permettent de la mettre en oeuvre ?
L'industrie française, ce n'est pas rien, puisqu'elle est la quatrième du monde. Qu'on me permette, à cet égard, de citer un excellent auteur qui écrivait le 10 novembre dernier : « L'industrie représente, directement ou indirectement, près de la moitié du produit intérieur brut de notre pays. Son rôle est structurant pour notre économie et notre territoire. »
Après une telle constatation, on devrait s'attendre à ce que le budget de l'industrie soit à la mesure de son importance telle que l'établit le texte que je viens de citer. Or - qui pourrait le croire ? - ce budget s'élève à 15 milliards de francs environ : il ne représente pas même 1 % du budget de l'Etat, 0,94 % exactement.
Comment imaginer qu'un budget dont la mesure se réduit aux décimales puisse avoir une valeur significative ?
Pour fixer les idées, il faut savoir que le budget du secrétariat d'Etat aux anciens combattants, bien que n'ayant rien de flamboyant, atteint 25 milliards de francs, soit 10 milliards de plus que celui du ministère de l'industrie.
Nous ne sommes donc pas en présence d'un budget du ministère de l'industrie, et ce d'autant plus que le non-budget que nous examinons ne comprend plus, en 1999, le moindre crédit de personnel au titre de ce qui fut, sous trois Républiques, l'un des grands ministères et qui a connu à sa tête des hommes politiques parmi les plus éminents.
Pourquoi d'ailleurs en comprendrait-il puisque, à la lecture d'un décret publié au Journal officiel des 2 et 3 novembre, on apprend la disparition de sa direction du personnel : elle a été rattachée à la direction du personnel du ministère de l'économie, des finances et del'industrie.
M. Jean Chérioux. C'est tout un programme !
M. Jean Clouet, rapporteur spécial. Ainsi s'achève un insidieux processus d'absorption dont la logique finale, dans l'hypothèse éloignée de la constitution d'un gouvernement « resserré », serait la disparition du secrétariat d'Etat lui-même, remplacé par un secrétariat général que se disputeraient, avec acharnement, l'inspection générale des finances et le corps des mines.
On appelle cela une phagocytose, mais on doit, néanmoins, s'étonner qu'une évolution aussi forte des structures de l'Etat puisse s'effectuer quasiment à la sauvette, dans les couloirs d'un ministère, sans que le pouvoir législatif en soit informé autrement que par un coup de gomme dans un budget devenu ectoplasmique.
On peut également, à un autre titre, parler d'un non-budget. Ce que l'on attend en effet d'un budget, c'est une certaine fiabilité, une certaine probabilité que l'enveloppe financière qu'il représente sera, en plus ou en moins, certes, mais en gros, relativement respectée.
Ce n'est nullement le cas pour le secrétariat d'Etat à l'industrie, et la Cour des comptes s'en étonne, qui souligne l'importance anormale de certains reports et la non-utilisation, non moins anormale, de nombreux crédits.
Pour se faire une idée de la fiabilité des chiffres qui nous sont soumis, on peut constater qu'en 1997 certains de ces crédits n'ont été consommés qu'à hauteur de 52 % dans le cas du chapitre 64-96 « Reconversions et restructurations industrielles », ce pourcentage s'abaissant même jusqu'à 44,7 % dans le cas du chapitre 62-01 « Reconversion des zones minières et Fonds d'industrialisation de la Lorraine ».
A partir de tels chiffres, on comprend qu'annulations et reports atteignent des proportions défiant toute concurrence et que l'autorisation parlementaire devient largement symbolique : en 1997, dernière année connue, les crédits votés s'élevaient à un peu plus de 14 milliards de francs, alors que les crédits consommés ont approché 25 milliards de francs, en raison d'un recours - abusif dans une optique budgétaire - aux annulations, d'une part, et aux décrets d'avance, de l'autre.
Par ailleurs, un budget, pour mériter ce nom, doit présenter, d'une année sur l'autre, une structure relativement constante. Or, le non-budget de l'industrie est, au contraire, à géométrie totalement variable. On y entre et on en sort comme dans une comédie de Labiche : en 1997, on y a vu arriver les crédits de la poste et des télécommunications et, en 1998, ceux du Fonds d'industrialisation des bassins miniers, le FIBM, tandis qu'en sortaient ceux du Bureau de recherches géologiques et minières, le BRGM, dont le ministère de l'industrie conserve cependant la tutelle. Comprenne qui pourra !
En 1999, comme on l'a vu, exit les crédits de personnel, mais arrivent, pour citer quelques exemples, les crédits au Fonds de soutien aux hydrocarbures pour 280 millions de francs.
On pourrait également évoquer les crédits de l'espace qui se sont « envolés » (Sourires), en 1997, vers le budget de la recherche. On pourrait encore relever d'autres exemples, tel celui de Charbonnages de France, dont la subvention est progressivement remplacée par une dotation en capital « hors budget », ce que critique d'ailleurs la Cour des comptes.
Or, ce que l'on demande notamment à un budget, c'est la possibilité d'une comparaison dans le temps. Au cas particulier, une telle comparabilité est évidemment impossible. Le fait que le total des crédits diminue de 6,60 % n'a aucune signification et n'appelle donc aucun commentaire.
Enfin, car il faut bien finir, l'on doit constater que le budget en cause n'est, en fait et pour sa quasi-totalité, qu'un agrégat de subventions, de fonds de concours et de participations diverses qui viennent s'ajouter à des fonds, versés par d'autres ministères, à destination d'organismes dont il est, de ce fait, difficile de connaître les ressources réelles. C'et le cas pour le CEA, pour l'ADEME, et l'on pourrait continuer la liste.
On pourrait continuer jusqu'à formuler la question sous-jacente tout au long du rapport que je viens de vous présenter : est-il vraiment nécessaire que le budget de l'Etat comporte un budget de l'industrie ? Les 15 milliards de francs versés dans ce qui n'est finalement qu'une sorte de tiroir-caisse au contenu aléatoire ne pourraient-ils pas être transférés vers d'autres budgets plus homogènes, tels que ceux de l'environnement et de la recherche ?
Je laisse la réponse à chacun d'entre vous tout en me demandant si, à Bercy, on ne connaît pas déjà la réponse et si, comme nous l'avons vu, on n'agit pas déjà en ce sens.
Nous voici enfin parvenus au moment où, budget, vrai faux budget ou non-budget, notre assemblée doit se prononcer.
Pour nous permettre cette démarche, en l'occurrence purement formelle, la majorité gouvernementale de l'Assemblée nationale ne nous aide guère dans la mesure où elle a émis un vote résolument pluriel : les socialistes ont voté pour, les écologistes - nous n'en voyons pas encore sur ces bancs - ont voté contre et les communistes se sont abstenus. C'est ce que j'appelle un vote résolument pluriel.
La commission des finances du Sénat, fidèle à la ligne de conduite qu'elle a adoptée concernant l'ensemble du projet de loi de finances et sous réserve des amendements que je vous soumettrai, vous propose, pour sa part, d'adopter le projet de budget du secrétariat d'Etat à l'industrie.
M. le président. La parole est à M. Grignon, rapporteur pour avis.
M. Francis Grignon, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour l'industrie. Comme l'a dit M. le rapporteur spécial, il s'agit, certes, d'un petit budget, mais il est important par son impact : c'est un budget catalyseur de l'activité économique.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Voilà !
M. Francis Grignon, rapporteur pour avis. Avant d'en venir au fond du budget proprement dit, je situerai l'industrie dans le contexte général de l'activité économique.
Entre 1980 et 1997, l'industrie a accusé une diminution de 40 % à 28 % en termes d'emplois, et de 42 à 30 %, en termes de valeur ajoutée. Cela pourrait être a priori inquiétant si l'on n'avançait deux considérations.
En premier lieu, les services qui sont le complément de l'industrie comprennent en fait aussi les services non marchands, c'est-à-dire la fonction publique, avec une forte évolution pendant cette période.
En second lieu, l'industrie a externalisé de nombreuses activités pendant cette période, notamment en matière de logistique, de services techniques, etc., si bien que sa part propre théorique a diminué.
En fait, comme l'a dit aussi M. le rapporteur spécial, l'industrie représente encore, avec le bâtiment, près de 50 % de notre PIB, et ce grâce aux services qu'elle induit.
En outre, l'industrie assure 60 % de l'effort de recherche et 75 % des échanges commerciaux. Les deux moteurs de la création de richesses économiques, l'innovation et l'exportation, sont au coeur de l'industrie. Celle-ci reste donc bien, aux yeux de la commission des affaires économiques, le poumon de l'économie, et je pense qu'il faudrait prendre garde à ne pas abandonner trop vite des pans importants de notre industrie, puisque, dans un monde où l'économie est reine, il y va de notre indépendance, voire de notre souveraineté.
Je dirai en quelques mots quelles sont les forces et les faiblesses de notre industrie.
Les forces sont au nombre de six.
Il s'agit, tout d'abord, du commerce extérieur, puisque la France est le quatrième exportateur mondial.
La deuxième force réside dans les investissements internationaux en France, pour lesquels nous sommes placés au troisième rang mondial. Par exemple, dans ma région, l'Alsace, 60 % du capital des entreprises et 46 % des emplois sont d'origine dite « étrangère ».
J'estime que, dans un monde où notre jardin économique est l'Europe, cela représente une force.
La troisième force de notre industrie, c'est la productivité et la compétitivité des prix, d'autant que, à la suite des évolutions de certaines monnaies, cette compétitivité a progressé de 4 %.
La quatrième force, ce sont les investissements immatériels, qui représentent désormais plus de 40 % des investissements matériels des entreprises.
La cinquième force, c'est la présence en France d'entreprises leaders, qui - nous y viendrons tout à l'heure - peut aussi devenir une faiblesse.
La sixième force, c'est la structure financière des entreprises, qui a considérablement évolué ces dernières années puisque le ratio des dettes sur les capitaux propres est passé de 2 à 1 et se situe aujourd'hui dans la norme européenne.
Quelques faiblesses se font jour, à côté de ces points forts.
Elles tiennent, tout d'abord, au faible nombre des grands groupes dans notre pays. Dans des métiers où deux ou trois entreprises dominent souvent le marché mondial, les sociétés françaises ne sont pas toujours présentes. En outre, le tissu industriel est peut-être déséquilibré puisque l'on dénombre beaucoup de PMI de petite taille et pas assez de PMI de taille médiane, particulièrement au regard de la situation qui prévaut chez certains de nos voisins européens.
Une autre faiblesse tient peut-être à une dynamique d'investissement encore faible. Ainsi, entre 1990 et 1994, les investissements des entreprises françaises ont reculé de 34 %, même si la reprise a permis depuis de compenser partiellement cette baisse.
Par ailleurs, on constate une insuffisance en matière de recherche-développement, et la recherche publique reste trop associée à la recherche en entreprise.
Enfin, cinquième faiblesse, l'internationalisation est insuffisante en dehors du marché européen. Il est vrai que, dans quelque années, on ne parlera plus d'exportation en Europe et qu'il faudra considérer celle-ci dans le reste du monde.
Devant cet état des lieux, ni optimiste ni pessimiste mais tout simplement pragmatique, que nous propose le budget de l'industrie, et quelle volonté politique le sous-tend ? Je l'ai analysé suivant quatre objectifs.
Premièrement, le chapitre offensif, avec l'ANVAR - les articles 66-1 et 64-92 - à hauteur d'environ 3,4 milliards de francs.
Deuxièmement, les chapitres défensifs, qui ont été largement soulignés par le rapporteur spécial, avec, en particulier, 2,87 milliards de francs pour Charbonnages de France.
Troisièmement, le chapitre accompagnement avec les normes, la métrologie, pour 350 millions de francs.
Quatrièmement, le chapitre de formation avec les grandes écoles.
A cela s'ajoute ce qui peut paraître une anomalie dans le budget de l'industrie, à savoir le transport de presse, pour 1,95 milliard de francs.
S'y ajoutent aussi le CEA, l'énergie, l'environnement et le fonctionnement des services.
Le nerf de la guerre, dans tout cela, me semble constitué par les deux chapitres qui ne mobilisent que 2,5 milliards de francs et, qui sont ceux qui financent en particulier les grands programmes - Prédit 2, Bio Avenir, Reactif, Eurêka, Medea... - et, bien sûr, aussi ceux qui financent les actions de développement industriel régional en faveur des PMI : 732 millions de francs en autorisation de programmes et 656 millions de francs en crédit de paiement, essentiellement au titre des contrats de plan Etat-régions.
J'ajoute que, dans ce projet de budget, le secrétariat d'Etat à l'industrie annonce plusieurs opérations principales : le développement des petites et moyennes industries et l'amélioration de l'environnement des entreprises en termes de qualité, de formation et de recherche-innovation : en termes de qualité grâce à une progression de 5 % en autorisation de programme relative aux normes et à la qualité ; en termes de formation avec une augmentation de 11,5 % destinée aux bourses des élèves et au transfert vers l'Ecole des mines de 358 emplois ; en recherche-innovation, avec un soutien à la recherche qui passe de 1,5 milliard de francs à 1,8 milliard de francs.
C'est donc à travers ces dispositifs que s'établit, à mon sens, l'impact fort sur l'économie du budget de l'industrie, mais aussi à travers des mesures incitatives prévues dans le projet de loi de finances.
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, pardonnez-moi de vous rappeler que vous avez déjà assez largement dépassé votre temps de parole.
M. Francis Grignon, rapporteur pour avis. J'avais retenu cinq mesures que je vous invite à analyser dans le projet de loi de finances, mes chers collègues !
Au bénéfice de ces observations, j'indique que la commission des affaires économiques a émis un avis favorable. Elle a ajouté que, bien sûr, l'effet catalyseur existe, mais qu'à côté il y a de nombreuses autres mesures sur le plan fiscal et des règles qui régissent la marche des entreprises ; mais je n'ai pas le temps de vous les exposer et je vous prie de m'en excuser. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Besson, rapporteur pour avis.
M. Jean Besson, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour l'énergie. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, notre commission des affaires économiques se félicite du consensus sur l'essentiel de la politique énergétique. Plusieurs mesures qui figurent dans le projet de loi de finances avaient d'ailleurs été recommandées par la commission d'enquête du Sénat sur la politique énergétique.
Oui, monsieur le secrétaire d'Etat, le nucléaire reste bel et bien l'un des piliers de la politique énergétique de la France. Sans lui, il est illusoire de compter respecter les engagements souscrits à Kyoto ; l'avenir dira, d'ailleurs, comment l'Allemagne entend sortir du nucléaire.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bonne question !
M. Jean Besson, rapporteur pour avis. Notre commission se félicite de la poursuite du programme nucléaire, des recherches sur le réacteur EPR et de l'amélioration de la gestion de l'aval du cycle.
Par ailleurs, la préparation de la loi relative à la transparence et au contrôle de l'industrie nucléaire montre que la sécurité est l'un des objectifs essentiels que vous poursuivez.
La libéralisation progressive du marché européen de l'énergie constitue l'un des grands défis des années à venir.
Notre commission des affaires économiques se réjouit des avancées obtenues lors de la négociation de la directive Gaz, spécialement de la possibilité de déroger aux règles générales qu'elle fixe pour les contrats d'approvisionnement à long terme et de la limitation de l'ouverture de l'aval gazier, qui permettra de maintenir, en tant que de besoin, le monopole de Gaz de France sur les secteurs qu'il dessert.
Nous souhaitons que la transposition de cette directive donne lieu à une concertation analogue à celle qui s'est déroulée pour la directive Electricité.
En ce qui concerne la transposition de ce texte, notre commission souhaite très vivement que le champ de compétences d'EDF soit élargi afin de faciliter l'adaptation de notre opérateur à un marché concurrentiel.
La question des retraites des agents d'EDF mérite également de recevoir une réponse claire.
Nous sommes très attentifs aux préoccupations des autorités concédantes - la fédération nationale des collectivités concédantes, en tout cas - qui sont responsables de la distribution d'électricité. Ne serait-il pas souhaitable, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'elles soient associées aux travaux de la future autorité de régulation, que nous souhaitons compétente tant pour le marché de l'électricité que pour celui du gaz, puisqu'elles assurent d'ores et déjà sur le terrain le contrôle de la qualité des prestations fournies par l'EDF ?
Selon des rumeurs concordantes, le FACE, le Fonds d'amortissement des charges d'électrification, susciterait bien des convoitises du côté du ministère des finances. Tous les membres de notre commission s'accordent pour penser qu'une telle opération est inacceptable. Le fonds doit rester un instrument irremplaçable, indispensable de péréquation territoriale.
Le Gouvernement entend mener une politique énergétique plus respectueuse de l'environnement. Notre commission adhère pleinement à ce principe, tout en s'interrogeant sur les conséquences de l'échec de la conférence de Buenos Aires.
Nous nous réjouissons également de la relance de la politique de maîtrise de l'énergie entreprise par le Gouvernement. La chute des cours des énergies fossiles procure, en effet, un confort trompeur qui pourrait être suivi de réveils douloureux pour nombre de pays.
A côté de ces points d'accord, monsieur le secrétaire d'Etat, une difficulté subsiste. Notre commission a unanimement regretté la modification du mode de financement de l'ADEME. Nous craignons fortement que la budgétisation des taxes qui lui sont destinées n'aboutisse, avec le temps, à une diminution progressive de son budget.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Jean Besson, rapporteur pour avis. Or, l'ADEME apporte, sur le terrain, une aide très précieuse, notamment aux collectivités locales. Quelles assurances pouvez-vous nous donner sur ce point ?
La commission des affaires économiques, sur proposition de notre collègue M. Jean-Jacques Robert, souhaite, en outre, appeler votre attention sur la situation critique des 17 500 petites stations-service qui restent en activité et qui sont indispensables à l'aménagement du territoire.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Jean Besson, rapporteur pour avis. Sur proposition de notre collègue Daniel Percheron, la commission désire également connaître le calendrier d'adoption du projet de loi sur les affaissements miniers, dont vous avez annoncé la préparation, monsieur le secrétaire d'Etat.
Au total, je constate qu'à l'exception de la réforme du financement de l'ADEME et du dossier de Superphénix, dont nous avons parlé l'an passé, la politique énergétique de la France fait l'objet d'un consensus.
La pérennité de la stratégie nucléaire, la relance de la maîtrise de l'énergie, le désir de respecter les engagements souscrits à Kyoto ont conduit la commission des affaires économiques à émettre un avis favorable sur l'adoption des crédits relatifs à l'énergie inscrits dans le projet de loi de finances pour 1999. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Hérisson, rapporteur pour avis.
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour les technologies de l'information et La Poste. Monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi, tout d'abord, de saluer la décision d'ouvrir, pour une deuxième fois, le capital de France Télécom et de renforcer ses liens avec Deutsche Telekom. Le Gouvernement a bien fait de choisir la continuité et de souscrire, en la matière, aux positions que le Sénat a prises depuis longtemps. Loin de nous l'idée de lui reprocher son inconstance ! Bien au contraire, nous saluons son évolution.
Les crédits inscrits au budget de l'industrie pour la poste et les télécommunications s'élèvent à 2,668 milliards de francs. Seuls les crédits consacrés aux télécommunications augmentent, au bénéfice de l'enseignement supérieur des télécommunications et des organismes mis en place lors de l'ouverture à la concurrence de ce secteur.
L'autorité de régulation des télécommunications recevra, en 1999, 87,5 millions de francs, ce qui traduit une hausse de 5,8 %.
Je souhaite rendre hommage au travail important accompli par l'autorité de régulation des télécommunications, qui n'est pas toujours dans une position confortable. Elle est en effet prise sous le feu croisé d'opérateurs « installés », dont la bonne volonté à faire la place qui leur revient aux nouveaux entrants est parfois remise en cause, et d'opérateurs qui voudraient, au contraire, aller plus vite dans l'ouverture, une ouverture qui ne concerne encore que 3 % du marché pour le téléphone fixe. Il y a là matière à réflexion.
J'aimerais réaffirmer notre attachement au service public des télécommunications. Mais j'estime qu'il est urgent de mettre en oeuvre deux dispositions essentielles pour nos concitoyens. Il s'agit, d'abord, de l'annuaire universel comportant les numéros de l'ensemble des abonnés. Il n'existe toujours pas, bien que la loi l'ait prévu depuis plus de deux ans. Les justifications techniques avancées pour expliquer ce retard ne sont pas suffisantes. Que comptez-vous faire, dans ce domaine, monsieur le secrétaire d'Etat ?
Il en va de même des tarifs téléphoniques sociaux pour les abonnés les plus en difficulté. Après une première tentative infructueuse de mise en place, où en est le Gouvernement sur ce point important ?
Les crédits du secteur postal consacrés à l'aide au transport de la presse stagnent à 1,850 milliard de francs. Mais nous n'avons pas oublié, monsieur le secrétaire d'Etat, que, l'année dernière, profitant de la « soudure » entre deux contrats de plan, l'Etat avait unilatéralement décidé de baisser sa contribution. Nous avions alors dénoncé ce geste à la portée symbolique très négative. Faut-il rappeler que les charges qui restent à couvrir par La Poste, après l'aide de l'Etat, au titre du transport de la presse ont été évaluées, en 1997, dans le rapport de notre collègue Gérard Larcher, à 3,6 milliards de francs ?
Dans ces conditions, j'estime que l'effort proposé par le nouveau contrat de Plan, et qui tend à revenir à 1,9 milliard en 2000 et 2001, n'est, en réalité, qu'un retour tardif aux sommes précédemment versées, qui sont très insuffisantes.
Mais à ces crédits du fascicule « Industrie », il faut ajouter la prise en charge par l'Etat, pour la période couverte par le contrat de Plan 1999-2001, de l'augmentation annuelle du coût des retraites supportées par La Poste, soit 600 millions de francs par an. C'est une avancée importante puisque les perspectives démographiques de La Poste indiquent que, si rien n'est fait, en 2015, elle aurait autant de retraites que de traitements d'activité à verser ! Une solution provisoire est trouvée à la menace d'asphyxie qui guette l'opérateur, mais qu'en sera-t-il après 2001, sachant que cette charge n'ira qu'en augmentant ?
Une autre évolution positive figure à l'article 78 du projet de loi de finances, qui tend à instituer une liberté de gestion par La Poste des fonds des chèques courants postaux.
Pour vous donner quitus de ces efforts, qui sont pourtant très en deçà de la politique ambitieuse tournée vers l'international que nous souhaitons pour La Poste, en conformité avec la stratégie de la majorité sénatoriale, cette année, la commission des affaires économiques et du Plan a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la poste et des télécommunications.
Cependant, elle a été unanime à dénoncer l'anomalie budgétaire du versement à l'Etat, et non aux collectivités locales, de la taxe professionnelle de France Télécom, régime incompatible avec la libéralisation du secteur.
Lors de la discussion, mardi dernier, d'un amendement que j'avais déposé avec mes collègues Pierre Laffitte, François Trucy et Gérard Larcher, et tendant à restituer cette imposition aux collectivités locales dès le 1er janvier 1999, le Gouvernement - mais c'était, il est vrai, votre collègue des finances qui le représentait, et non vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat - a justifié une fois de plus son opposition par l'argument, désormais rituel, du reversement partiel du fonds de péréquation de la taxe professionnelle et par la prétendue inégalité que pourrait engendrer, pour certaines communes, un retour à la situation normale.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous rappelle que le reversement au fonds de compensation s'élève à 1,7 milliard de francs, et le produit de la taxe professionnelle à 5,6 milliards de francs. Que sont devenus les 3,9 milliards de francs ?
Je me réjouis donc, comme l'a déjà indiqué notre rapporteur général, que la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances nous donne très prochainement l'occasion de revenir sur ce sujet. Souhaitons qu'à cette occasion le Gouvernement réponde à nos attentes.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite, enfin, attirer votre attention sur la nécessité d'organiser rapidement une réflexion sur deux points importants concernant La Poste et qui sont étroitement liés.
Il s'agit de l'ouverture à la concurrence internationale, qui nécessitera d'engager une discussion sur le service minimum de la Poste dans les périodes de conflits sociaux.
Je tiens à souligner que, si nous avions engagé cette réflexion, nous aurions peut-être pu conserver à notre excellent collègue, M. Joly, sa place au sein de la Commission supérieure des postes et télécommunications puisqu'il en a démissionné parce qu'il ne pouvait pas se faire entendre sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 28 minutes ;
Groupe socialiste, 25 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 12 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 13 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 6 minutes.
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le secrétaire d'Etat, le projet de budget que vous nous présentez offre quelques motifs sérieux de satisfaction, plus sous l'angle des stratégies et des moyens financiers inscrits en faveur de l'industrie qu'en matière de maintien des services publics de la poste et des télécommunications.
Je suis très heureux de l'effort du Gouvernement en faveur de l'industrie. Je relève, à ce sujet, l'augmentation sensible, de 18 %, du budget de l'Agence nationale de valorisation de la recherche, l'ANVAR, le respect des engagements pris dans le cadre des contrats de plan Etat-régions en faveur des PMI - ce ne fut pas toujours le cas autrefois - et le redéploiement des effectifs de l'administration centrale vers les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, les DRIRE, pour renforcer l'action de terrain.
A ce propos, monsieur le secrétaire d'Etat, ne pourriez-vous suggérer à La Poste de gérer ses cadres de la même façon ?
Je relève, enfin, la dotation de 50 millions de francs pour le financement d'actions individuelles et collectives destinées à favoriser l'accès des très petites entreprises et des petites et moyennes entreprises à Internet.
A ce propos, je vous invite, monsieur le secrétaire d'Etat, à venir voir, si vous en trouvez le temps, la campagne de sensibilisation - formation que j'ai développée avec la Maison des Entreprises de ma commune en direction d'un tissu économique très fragile et dans un contexte de chômage qui dépasse les 20 %.
Bref, je retrouve dans votre budget l'esprit d'ouverture à l'innovation et la passion pour les petites et moyennes entreprises que chacun vous reconnaît.
Je suis satisfait aussi de votre effort financier en faveur de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, qui permettra de relancer les programmes consacrés à l'utilisation rationnelle de l'énergie et à la promotion des énergies renouvelables. Des impératifs de santé et l'engagement pris par la France à Kyoto, en 1997, supposent que le Gouvernement donne toujours plus de contenu à la notion de « développement durable », qui est aujourd'hui sa doctrine ou au moins son principe d'action.
Tel est le bilan positif que je tire des orientations budgétaires de votre département en matière d'industrie.
Mon jugement sera plus nuancé sur l'évolution des deux entreprises publiques dont vous assurez la tutelle : France Télécom et La Poste.
S'agissant de France Télécom, sans revenir sur la marche forcée vers la privatisation du capital, que je persiste à ne pas approuver, je m'arrêterai un instant sur un épisode mineur, mais significatif : la polémique qui s'est nouée cet été à l'annonce de la suppression des cabines téléphoniques les moins rentables.
M'étant fait l'écho des inquiétudes des maires, j'ai reçu une lettre de la direction de l'entreprise m'assurant que cette information était dénuée de tout fondement. Soit ! J'aimerais savoir, en revanche, s'il est bien exact que, dès la rentrée de septembre, le tarif des communications à partir de ces cabines a connu une augmentation importante.
Si tel est bien le cas, c'est l'usager à faibles ressources - les jeunes, en particulier - qui finance le trafic des entreprises et des particuliers vers l'international, ainsi d'ailleurs que la guerre des tarifs en faveur des portables que France Télécom livre à ses concurrents. Est-ce bien notre conception du service public ?
Quant à La Poste, l'année 1998 a été marquée par la signature du contrat d'objectifs et de progrès, dont nous avons beaucoup discuté, notamment dans le cadre de la commission supérieure du service public des postes et télécommunications. Vous avez arraché, à cette occasion - nous vous en savons gré - un geste appréciable de l'Etat : la prise en charge de la dérive du coût des retraites à hauteur de 3 milliards de francs sur la durée du contrat, sans oublier la stabilisation de la contribution de La Poste pour le transport de la presse. C'était bien le moins qu'on pouvait faire !
En revanche, la dégradation au quotidien du service public n'est pas stoppée. Plutôt que de faire de savantes démonstrations, je vais vous lire un fax qui m'a été adressé :
« Robert Tailhades, maire, à Gérard Delfau.
« Bonjour,
« A titre d'information, le bureau de poste de Riols est resté fermé tous les après-midi de la semaine dernière. Prétexte : l'agent en poste à Riols assurait les après-midi à Courniou - village proche - consécutivement à maladie de la titulaire.
« Demain, la poste de Riols sera fermée toute la journée suite à congé de la titulaire du poste. »
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce sera encore pire avec les 35 heures !
M. Gérard Delfau. Et le maire de Riols de conclure en me demandant : « Où va-t-on et que peut-on faire ? »
C'est très exactement la question que je souhaite vous poser, monsieur le secrétaire d'Etat.
Dans le rapport financier de La Poste, on trouve un autre exemple éloquent : le nombre d'agents recrutés en 1997 est de 12 461 ; parmi eux, 1 070 seulement, si j'ai bien lu, l'ont été avec un statut de la fonction publique. Les cheminots, qui ont manifesté hier, ont tout de même beaucoup plus de chance !
S'agissant de l'évolution du réseau et des relations de plus en plus crispées avec les élus locaux, je suis heureux de constater que les errements concernant certains aspects de la transformation d'agences postales en agences communales ont été reconnus : le maire ne peut plus être tenu pour responsable des débours de caisse, semble-t-il. Pouvez-vous nous le confirmer, monsieur le secrétaire d'Etat ?
Je salue de même la naissance de la commission départementale, qui sera saisie en cas de fermeture d'un point postal. Sa composition élargie au conseil général et au conseil régional répond à une demande que j'ai formulée en 1990, et je crois que c'est heureux.
En revanche, comme elle est dépourvue de tout moyen financier, je crains qu'elle ne puisse trouver des solutions et que l'on n'assiste rapidement à un désintérêt des élus locaux.
Voilà quelques éléments trop rapides sur des sujets qui, pourtant, sont très importants.
S'agissant des trente-cinq heures, monsieur le secrétaire d'Etat, il est urgent - et je sais que vous en êtes convaincu - que le Gouvernement annonce qu'il fera le même geste pour La Poste que pour France Télécom et, bientôt, pour EDF-GDF.
De même, s'agissant de la directive postale - vous en êtes, là aussi, convaincu - il faudra qu'elle soit transposée dans la fourchette maximale que nous permet l'accord, au demeurant intéressant, qui a été arraché à Bruxelles.
Voilà quelques considérations trop rapides sur un projet de budget qui a ses ombres et ses lumières. Ce projet me paraît, dans l'ensemble, plutôt positif. C'est pourquoi je le voterai, mais, vous l'avez compris, sans enthousiasme, au moins pour ce qui concerne La Poste et France Télécom. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à structure constante, avec 15,282 milliards de francs de crédits consacrés au secteur de l'industrie, ce budget n'est en progression que de 1 % par rapport à la loi de finances pour 1998.
Faut-il comprendre cette évolution comme un désengagement progressif de l'Etat dans ce secteur essentiel de notre économie - les crédits budgétaires de l'industrie représentent en effet moins de 1 % des dépenses globales de l'Etat - révélant ainsi un manque d'ambition pour une véritable politique industrielle offensive dans notre pays ?
Depuis plusieurs années, le secteur industriel est marqué principalement par deux tendances qui s'accélèrent du fait de la mondialisation libérale des échanges.
Le processus frénétique de concentration-restructuration-privatisation des entreprises touche les secteurs vitaux de notre économie.
L'autre tendance n'est-elle pas de voir l'Etat confiné dans une stratégie d'accompagnement des actions, certes nécessaires, en direction de la recherche, de la normalisation et de la qualité des produits ou encore de la reconversion des sites industriels ?
Cependant, la puissance publique, au lieu d'une intervention exogène et décalée sur le processus libéral décrit précédemment, devrait, à notre sens, jouer un rôle pilote dans l'économie en favorisant les investissements productifs et en orientant davantage notre production vers la satisfaction des besoins réels de notre population.
Vous l'aurez compris, monsieur le secrétaire d'Etat, je ne suis pas partisan d'un dirigisme centralisé et bureaucratique, dont on connaît les excès et les conséquences, mais l'Etat doit demeurer un acteur économique qui participe à la richesse nationale et, bien entendu, à sa redistribution juste et efficace.
C'est pourquoi, sur le modèle de ce qui se pratique en matière d'agriculture ou d'aménagement du territoire, il me semblerait tout à fait pertinent d'élaborer périodiquement une loi d'orientation du secteur de l'industrie et de l'énergie qui définisse la stratégie de notre politique dans ce domaine et organise les modalités de son application.
Etant moi-même issu d'un département, le Nord, où l'on peut mesurer les conséquences du déclin d'un secteur industriel autrefois florissant, je regrette l'absence d'ambition de l'Etat en faveur de la reconversion des bassins miniers. A cet égard, je tiens à souligner, pour le regretter profondément, une diminution des crédits alloués au Fonds d'industrialisation du bassin minier qui augure mal de la réforme que vous souhaitez engager concernant cet instrument.
De façon plus générale, les aides à la reconversion des zones minières, en retrait dans des proportions importantes de 31 %, méritent d'être clarifiées dans leur affectation et recentrées sur l'objectif de création d'emplois.
A ce sujet, je déplore, avec les élus du bassin du Nord - Pas-de-Calais, un désengagement de l'Etat concernant les crédits du groupe interministériel pour la restructuration des zones minières. Au rythme défini aujourd'hui, la rénovation des logements miniers ne sera achevée que dans dix ans. C'est long, c'est trop long. Les ayants droit mineurs ne peuvent plus attendre. Dans dix ans, ils ne seront plus là !
Enfin, les subventions accordées à Charbonnages de France, malgré une stagnation cette année, ne peuvent nous faire oublier les dangers de la réalisation du pacte charbonnier signé en 1994, qui programme la mort de l'exploitation charbonnière pour 2005. Je pense, pour ma part, et je ne suis pas le seul, que les réserves de charbon peuvent encore jouer un rôle non négligeable dans notre politique énergétique. D'autres - ils sont tout de même nombreux sur le plan mondial - s'intéressent de près au charbon propre.
A cet égard, monsieur le secrétaire d'Etat, l'incertitude la plus grande règne sur la finalité et les orientations de notre politique en matière d'énergie et, plus particulièrement, sur le devenir de notre filière nucléaire. Le moins que l'on puisse dire, c'est que le Gouvernement souffle le chaud et le froid dans un secteur où les choix opérés déterminent notre structure énergétique pour plusieurs décennies.
Ainsi, l'abandon de Superphénix, que nous continuons de considérer comme une erreur stratégique, nous prive d'un potentiel technologique et humain majeur dans le domaine de la recherche.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Pierre Lefebvre. En outre, différents projets sont aujourd'hui menacés. Il en est ainsi de l'implantation de laboratoires pour l'étude du stockage des déchets nucléaires ; les décisions du Gouvernement dans ce domaine, qui relèvent de la loi Bataille de 1991, se font attendre.
Je pense aussi au réacteur EPR - European Pressurized Water Reactor - qui préfigure notre parc nucléaire dans le siècle à venir. Ce projet franco-allemand aurait pour avantage de conserver l'efficacité du nucléaire d'aujourd'hui tout en limitant les aspects négatifs concernant la sûreté des installations. La sortie annoncée de l'Allemagne du nucléaire civil remet-elle en cause ce projet, monsieur le secrétaire d'Etat ? Dans l'affirmative - malheureusement, ce sera sans doute le cas - quelles initiatives le Gouvernement français compte-t-il prendre pour favoriser sa réalisation nécessaire ?
J'évoquerai un autre sujet d'inquiétude : le détournement des capacités d'investissement de Framatome de la production de réacteurs nucléaires vers la connectique, sous l'impulsion sans doute de son premier actionnaire privé, Alcatel. L'Etat doit, nous semble-t-il, réaffirmer son rôle et recentrer l'activité de Framatome sur ses missions fondamentales.
Par ailleurs, je note avec satisfaction que les efforts consentis à la recherche industrielle progressent s'agissant de l'Agence nationale de valorisation de la recherche ou de la dotation attribuée à la part civile du Commissariat à l'énergie atomique. En outre, votre budget affirme la priorité donnée à la maîtrise de l'énergie et au développement des énergies renouvelables.
Enfin, j'évoquerai la perspective de la transposition en droit interne de la directive Electricité sous la forme d'un projet de loi initialement prévu pour le début de 1999. Diverses informations repoussent cette échéance après l'été. Qu'en est-il exactement, monsieur le secrétaire d'Etat ?
Sans anticiper sur le débat que nous aurons au Parlement, le groupe communiste républicain et citoyen est inquiet sur le devenir d'EDF du point de vue tant de la menace qui pèse sur les principes fondateurs du service public que sur la mise en péril de notre indépendance nationale en matière énergétique. C'est pourquoi nous sollicitons fermement un grand débat au Parlement sur l'avenir de la politique énergétique de la France, préalable à toute transposition de la directive, et non l'inverse.
Il va sans dire que notre groupe est opposé à toute idée de mise en concurrence de l'opérateur public EDF de même qu'à toute ouverture du capital, comme le suggère le rapport Revol de la commission d'enquête sur la politique énergétique de la France.
De plus, monsieur le secrétaire d'Etat, à la suite des récentes rumeurs sur l'éventualité d'une modification par décret du statut du personnel issu de la loi de nationalisation de 1946, je vous demande solennellement de réaffirmer ici que le statut en vigueur ne sera en aucune façon remis en cause.
Une même inquiétude concerne l'avenir de Gaz de France à la suite de l'adoption cette semaine par le Conseil supérieur de l'électricité et du gaz, le CSEG, d'un projet de décret libéralisant l'accès au gaz pour les communes non desservies par GDF.
Ce décret anticiperait sur la transposition de la directive Gaz du 11 mai 1998 et sur le nécessaire débat sur les orientations de la politique énergétique de la France. Ne conviendrait-il pas, monsieur le secrétaire d'Etat, de surseoir à l'application d'une mesure dont le principe a été adopté à la sauvette dans un projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier ?
J'aborderai, dans un deuxième temps, le devenir de l'industrie française de construction navale, et plus particulièrement le sort des Ateliers et chantiers du Havre, les ACH.
Dans une lettre adressée à la direction des ACH, vous envisagez de précipiter la fermeture des chantiers en cas de pertes jugées excessives. Mais combien de milliards ont-ils été injectés dans les années passées pour accompagner les plans dits « sociaux » ou pour alléger les charges patronales ?
Certes, l'Etat n'a pas pour mission d'assumer les inconséquences des actionnaires privés. Cependant, il a en sa part de responsabilité à l'époque où la droite gérait le pays. Les commandes de chimiquiers passées en 1995 aux ACH se sont révélées inadaptées aux capacités du chantier. Cette décision, lourde de conséquences pour l'avenir, montre l'absence d'une ambition de long terme de la part des gouvernements précédents.
Peut-on, aujourd'hui, en faire payer le coût aux salariés des ACH ainsi qu'à la population havraise ?
Aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, je me joins à l'appel des élus du Havre et de sa région pour vous demander de procéder à un inventaire des commandes que les ACH sont susceptibles d'assurer et d'engager des négociations avec la Commission européenne visant à mettre un terme aux menaces de remboursement.
Le troisième point de mon intervention concerne l'industrie aéronautique et spatiale.
Au début du mois de juillet dernier, le Gouvernement décidait la fusion d'Aérospatiale avec Matra Haute Technologie sans que les salariés de l'entreprise aient été consultés au préalable. De même, les tractations en cours entre DASA, British Aerospace et les industries françaises se font dans le plus grand secret, alors que c'est l'avenir et l'équilibre d'Airbus qui sont en jeu.
Plusieurs questions se posent : quel sera le statut d'Airbus ? Quelle part sera réservée à l'actionnaire public ? Quelle sera la place des intérêts français dans ce nouveau groupement ? Où est l'utilité d'un pôle aérospatial intégré européen, si ce n'est dans une perspective de compétition économique avec l'industrie américaine ?
Nous ne sommes pas hostiles à des actions de coopération et d'échanges entre les partenaires européens, à l'image du consortium Airbus actuellement.
En revanche, toute idée de fusion, de participation croisée des capitaux suscite, selon nous, des tentatives de domination d'un actionnaire sur les autres.
Aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous nous faire le point sur l'état de ces négociations et nous donner des garanties quant à la préservation des intérêts français ?
Enfin, je conclurai mon propos sur un autre « versant » de ce projet de budget, celui de la poste et des Télécommunications, qui est en augmentation de 1,34 %.
S'agissant tout d'abord des télécommunications, la priorité donnée dans ce projet de budget pour 1999 à l'autorité de régulation des télécommunications et à l'Agence nationale des fréquences, créées par la loi de 1996, et les transferts de compétences qui l'accompagnent, traduit un désengagement progressif de l'Etat dans un secteur en pleine croissance.
Aujourd'hui, il est clairement indiqué que l'ouverture du capital de France Télécom, d'une part détourne l'entreprise de ses missions de service public et, d'autre part, porte atteinte au statut du personnel, de plus en plus confronté à la flexibilité et à la précarité. A l'évidence, l'Etat ne remplit pas, comme il le devrait, son rôle d'actionnaire majoritaire afin de garantir l'égalité des usagers et le développement de l'emploi.
En ce qui concerne La Poste, le contrat d'objectifs et de progrès signé le 25 juin dernier ne semble pas apporter les garanties financières et juridiques que les salariés étaient en droit d'attendre.
Ainsi, au lieu d'être centralisés au Trésor, les fonds des comptes chèques postaux pourront être placés en obligations et donc soumis aux aléas des marchés financiers.
En outre, l'Etat prévoit d'accompagner l'exploitant public dans le financement des retraites avec, pour contrepartie, une stabilisation en francs constants des charges globales de retraite de La Poste. Quelles conséquences ce dispositif peut-il avoir sur le niveau des pensions versées aux retraités de La Poste ?
De la même façon, la perspective d'un nouveau partenariat entre l'Etat, les collectivités territoriales et La Poste répond-il à un souci de sauvegarder la présence postale, notamment en zone rurale, ou bien à une volonté de faire supporter le coût de la réorganisation des services publics aux communes et aux départements ?
Voilà, monsieur le secrétaire d'Etat, autant de sujets d'inquiétude à propos desquels je souhaite obtenir des éléments de réponse, bien qu'ils sortent du strict champ de la discussion budgétaire. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen. - M. Jean Besson, rapporteur pour avis, applaudit également.)
M. le Président. La parole est à M. Weber.
M. Henri Weber. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'industrie française est confrontée, en cette fin de siècle, à deux grands défis.
Le premier est celui de la nouvelle révolution technologique, celle de l'informatique, des nouveaux matériaux et des biotechnologies. Saurons-nous nous tenir à sa tête, comme nous l'avons fait avec les révolutions industrielles précédentes, ou bien allons-nous, cette fois-ci, nous laisser distancer ?
Le second défi, beaucoup plus redoutable qu'on ne veut bien le dire, est celui du nouveau désordre économique mondial, engendré par le développement du capitalisme financier. Saurons-nous mettre en place un nouveau système de régulation de l'économie mondialisée ou bien laisserons-nous les docteurs Folamour de la finance nous précipiter dans des crises de plus en plus graves, qui finiront par nous atteindre nous aussi de plein fouet ?
Votre projet de budget, monsieur le secrétaire d'Etat, s'efforce de répondre au premier de ces défis. La politique européenne du Gouvernement et les propositions que celui-ci a avancées dès septembre, lors du sommet de Vienne, s'efforcent de répondre au second.
Notre collègue Jean Clouet, rapporteur spécial, a déploré l'insuffisance de vos moyens, monsieur le secrétaire d'Etat. Pour ma part, je crois qu'il reste attaché à une conception dépassée de la politique industrielle. Celle-ci demeure plus nécessaire que jamais, mais ses modalités ont profondément changé dans l'économie mondialisée qui est la nôtre. Une politique industrielle passe aujourd'hui davantage par l'action sur l'environnement des entreprises, le soutien à la croissance et le renforcement de l'attractivité de nos territoires que par une politique de champions nationaux de filières ou de soutien apporté à des entreprises en grande difficulté.
Je n'insisterai pas sur ces points, car je crois que vous avez prévu, monsieur le secrétaire d'Etat, de les évoquer, mais il en découle que la responsabilité de la conduite d'une politique industrielle incombe non plus seulement à un seul ministère mais à l'ensemble du Gouvernement, et que l'ensemble du budget est concerné s'il s'agit de mener une politique d'environnement et d'attractivité.
Le projet de budget, en tous les cas, s'attache à accélérer l'entrée de notre pays dans la société de l'information. Il favorise le développement de la veille économique pour éclairer l'avenir à moyen terme et contribuer à l'acquisition des hautes technologies par nos entreprises.
Il n'oublie pas, dans cette perspective, les petites et moyennes industries : la capacité d'engagement de l'ANVAR est maintenue au niveau de 1998, tout comme est maintenu l'effort consenti en faveur des reconversions et de la création d'emplois industriels.
La compétitivité de l'économie étant désormais une notion globale, vous vous attachez, dans le même temps, à moderniser et à rénover les services publics placés sous votre tutelle et à maîtriser leur ouverture à la concurrence, afin que les usagers n'aient pas à pâtir, bien au contraire, de cette évolution.
Vous permettrez à l'élu de Haute-Normandie que je suis, familier des centrales nucléaires de Penly et de Paluel, de s'arrêter un instant sur la politique énergétique de notre pays.
Je constate avec satisfaction que, conformément aux engagements pris par le Premier ministre le 2 février 1998, vous vous employez avec le présent projet de budget à relancer la politique de maîtrise de l'énergie et le développement des énergies renouvelables. Une enveloppe nouvelle de 500 millions de francs a été ouverte à cet effet, s'ajoutant au triplement des moyens mis à la disposition de l'ADEME.
Je me réjouis aussi de constater que, si vous préconisez, à juste titre, une politique de diversification et de rééquilibrage dans le domaine énergétique, le choix du nucléaire pour la production d'électricité est clairement réaffirmé.
M. Jean Besson, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Henri Weber. Ce choix contribue grandement, nous le savons tous, à la lutte contre l'effet de serre, garantit l'indépendance énergétique à long terme de notre pays et assure à nos entreprises et aux usagers un coût du kilowattheure tout à fait compétitif. Il suppose, pour être pleinement accepté par la population, des règles de transparence et un contrôle démocratique sans faille, comme gage de sa sûreté. J'attends avec impatience, monsieur le secrétaire d'Etat, le projet de loi portant création d'une autorité indépendante en matière de sûreté nucléaire.
De la même manière, je vous serais reconnaissant de bien vouloir nous informer sur la création des laboratoires en sites souterrains pour la recherche sur le stockage profond des déchets hautement radioactifs. La maîtrise de l'aval du cycle nucléaire et des déchets qui en résultent préoccupe en effet, à juste titre, nos concitoyens.
Puisque j'en suis aux interrogations, permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat, d'en formuler une dernière, qui me tient, vous le savez, particulièrement à coeur : que va-t-il advenir du réacteur du futur, l'EPR, celui qui doit venir remplacer les réacteurs nucléaires de l'actuelle génération ?
Maintenant que le gouvernement allemand a décidé de sortir du nucléaire civil, pouvez-vous nous dire si le partenariat entre Framatome et Siemens est toujours d'actualité ou, dans le cas contraire, si de nouveaux partenaires industriels sont envisagés ? Vous savez que la centrale de Penly est prête à accueillir la construction du prototype de l'EPR, maintenant que l'avant-projet détaillé est terminé, et qu'il s'agit de passer au stade du développement : quand sera prise une décision à ce sujet ?
Notre collègue Pierre Lefebvre a évoqué le drame des ateliers et des chantiers du Havre. En qualité d'élu de la Haute-Normandie, c'est un dossier qui me tient particulièrement à coeur, vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, car nous sommes intervenus à plusieurs reprises auprès de vous. Je n'y reviens pas, mais j'attends avec intérêt votre réponse.
Je voudrais dire quelques mots sur les services publics à caractère industriel et commercial.
La construction européenne, et plus précisément la réalisation du marché unique, a parfois été utilisée comme une machine de guerre contre l'organisation de nos services publics et la conception que nous en avions. Certains ont trop souvent cru que la déréglementation d'un secteur améliorerait ipso facto la qualité du service rendu et réduirait ses coûts.
La réalité, vous le savez bien, est un peu différente : l'ouverture à la concurrence n'a pas profité à tous de la même manière. Je pense plus particulièrement au secteur des télécommunications. Le rapport d'activité de l'autorité de régulation des télécommunications indique qu'en 1997 les tarifs téléphoniques ont baissé de près de 40 %. Mais il ajoute que, sur une période de trois ans, la baisse des tarifs a plus profité aux entreprises, pour lesquelles elle a atteint 25 %, qu'aux ménages, pour qui elle n'a été que de 8,2 %. La raison en est simple : les directives européennes ont imposé « un rééquilibrage tarifaire » qui s'est traduit par une hausse de l'abonnement et une stagnation des tarifs des communications locales, pénalisant ainsi les « petits » consommateurs.
Ces directives européennes ont retenu, par ailleurs, une conception quelque peu restrictive du service universel, le réduisant à la téléphonie de base entre points fixes. Il en résulte que les tarifs préférentiels et très intéressants proposés par France Télécom pour relier les écoles à Internet n'ont pas pu entrer en vigueur. C'est un résultat un peu paradoxal, vous en conviendrez, au moment où l'Union européenne se veut à la pointe en matière de technologies de l'information ! Le Gouvernement a déposé une demande auprès de la Commission européenne en vue de faire entrer l'accès des écoles à Internet dans le champ du service universel. J'espère qu'il sera entendu. La notion de service public est un concept vivant, qui doit en permanence pouvoir s'adapter aux besoins des citoyens et, de préférence, par le haut.
Le bilan est donc contrasté, mais il est aussi souvent positif. Je pense aux directives Poste et Electricité. La première a défini un service universel postal minimal tout à fait satisfaisant. Elle a surtout permis de maintenir des services sous monopole pour financer le service universel.
La directive Electricité permet aux Etats membres d'imposer aux opérateurs des obligations de service public, dans l'intérêt économique général, portant sur la sécurité - y compris la sécurité d'approvisionnement - la régularité, la qualité et le prix de la fourniture, ainsi que la protection de l'environnement. Rien ne s'oppose donc à ce que la loi de transposition de la directive définisse un service public de l'électricité ambitieux. Elle peut même être une chance pour promouvoir un service public plus moderne, plus proche des besoins des usagers.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je n'ai évoqué qu'à la marge les crédits budgétaires, tout simplement parce qu'ils me satisfont. La progression du budget de l'industrie est modeste : 1,1 % en 1999. C'est un bon compromis entre la nécessaire maîtrise des dépenses publiques et le soutien tout aussi nécessaire aux entreprises pour favoriser leur création, leur modernisation, leur développemetn. Ces 1,1 % s'ajoutent, au demeurant, aux 3,8 % d'augmentation du budget de 1998. Sur deux ans, vos crédits augmentent donc de 5 %, pour une inflation réduite à 2 %.
C'est donc bien volontiers que le groupe socialiste aurait voté les crédits du ministère de l'industrie. Mais la majorité sénatoriale entend les réduire. En conséquence, si le Sénat adopte les amendements de la commission des finances visant à réduire les dotations des titres III et IV, nous ne pourrons qu'émettre, à notre grand regret, un vote négatif. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Bohl.
M. André Bohl. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la discussion du projet de budget de l'industrie me donne l'occasion d'évoquer deux problèmes, celui de l'évolution de l'exploitation charbonnière et celui du marché européen de l'énergie, que j'essaierai de traiter rapidement.
L'exploitation de la houille a été une nouvelle fois réduite en 1997, notamment par la fermeture de trois exploitations, dont le puits de Forbach, en Moselle. Après plus de cent années de travail, une activité essentielle pour ce département disparaît progressivement. Deux puits restent en exploitation. Le problème de l'« après-mine » est donc posé.
Les mesures de reconversion sont difficiles à mettre en oeuvre ; la réduction de la consommation des crédits des fonds d'industrialisation illustre ce phénomène, ce qui vous a amené, monsieur le secrétaire d'Etat, à réduire les crédits inscrits au budget, j'en conviens bien volontiers.
Le Gouvernement a mandaté Mme le préfet de la région Lorraine lors de la réunion du comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire, le CIADT, de décembre 1997. Son rapport a été remis au Gouvernement. Pouvez-vous nous indiquer quelles mesures seront arrêtées en ce qui concerne l'évolution du code minier, les aides aux collectivités locales, qui voient disparaître leur redevance minière - pour certaines elle pouvait représenter 30 % de leurs ressources - mais aussi quelles mesures seront prises pour conjurer les risques d'affaissement minier ?
Ma seconde interrogation concerne également l'énergie puisqu'elle a trait aux règles dont la France va se doter dans le cadre de la transcription des directives Gaz et Electricité.
L'électricité a été l'une des grandes activités des charbonnages. Au début du siècle, le marché était local. En 1946, par la loi de nationalisation, il devint national. Demain, le marché sera européen.
L'énergie, c'est le gaz, l'électricité et les cycles combinés chaleur-électricité pour les distributions en réseau.
Notre pays sera donc confronté à une très grande mutation, qui sera, sur les plans législatif et réglementaire, la transposition des directives Gaz et Electricité, l'une en 2000, l'autre en 1999.
Pour ce qui concerne l'électricité, le Gouvernement - je lui rends hommage - a engagé une très large concertation afin de déboucher sur un projet de loi sur la modernisation et le développement du service public de l'électricité.
Je veux cependant vous faire part de ma préoccupation sur le devenir des régies et des entreprises locales de distribution d'électricité.
Le 19 février 1999 est la date d'application de la directive, et il est souhaitable que la discussion du projet de loi soit engagée le plus vite possible pour éviter que la France ne soit exclue du marché européen, où, à tout le moins, ses producteurs seront défavorisés au vu de la règle de la réciprocité.
En outre, le 1er janvier 1999 sera la date de la mise en place de l'euro. Cette monnaie sera désormais l'unité de comparaison des coûts industriels dans un marché ouvert.
En matière d'énergie, la concurrence se fera entre substances distribuées en réseau, ce qui sera une innovation importante, entre collectivités ou zones d'activités plus ou moins denses, ou plus ou moins éloignées des sources d'approvisionnement, enfin entre produits soumis aux risques de l'environnement.
Les comparaisons en euros augmenteront la facilité de comparaison des prix et de l'opportunité d'installer à tel ou tel endroit dans l'Union européenne des activités économiques consommatrices d'énergie.
L'ouverture du marché européen pour des entreprises se fera en facilitant la desserte et les interconnexions, dont les réseaux seront gérés dans le cadre de la réglementation du transport d'énergie. En revanche, en matière de distribution, l'obligation de desservir les clients captifs incombera à des gestionnaires de réseau. De nombreuses difficultés sont à craindre.
L'égalité de l'accès technique aux réseaux sera assurée, mais le niveau des péages sera différent selon les normes fixées par les Etats. Ceux-ci pourront les réglementer ou prévoir leur négociation. Ainsi, un client éligible pourra être plus favorisé dans un pays que dans un autre.
Il conviendra que l'ouverture des marchés, si elle doit profiter aux clients éligibles, soit favorable aussi aux clients captifs. L'un des orateurs précédents a fait observer que la difficulté existe déjà en matière de télécommunications. La réduction de tarifs qui est intervenue s'est traduite par une diminution des marges des distributeurs. Or, ceux-ci risquent de perdre, outre leur marge, une quantité importante de clientèle.
La plupart des pays de l'Union ont prévu une ouverture du marché plus ample et plus rapide que la directive. Les entreprises de distribution françaises seront contraintes de s'adapter à cette situation.
En la matière, une méfiance vis-à-vis des collectivités locales, de leurs groupements et de leurs entreprises de distribution serait préjudiciable.
En effet, ces entreprises ne seraient pas éligibles, sauf pour la fraction de leur clientèle qui le serait. En outre, l'interdiction de produire à due concurrence de leur clientèle serait une régression par rapport à la loi de nationalisation de 1946, qui prévoyait cette faculté. Un avis du Conseil d'Etat du 16 décembre 1982 a confirmé cette doctrine.
Si, d'une part, les régies perdaient l'alimentation de leur clientèle éligible et, d'autre part, ne pouvaient exercer leur mission de service public du secteur public, elles disparaîtraient. De fait, les collectivités locales seraient dépossédées d'un patrimoine au bénéfice de l'Etat, qui serait ainsi seul à détenir l'organisation de la distribution de l'électricité.
Un raisonnement analogue pourrait être tenu pour le gaz.
Si une telle situation devait découler de la transposition, le maintien de nos entreprises nationales à profil mondial risquerait d'être compromis.
Comment imaginer, en effet, que l'institution de fait d'un monopole de distribution du gaz et de l'électricité découlant de l'impossibilité de choix des collectivités ou des groupements concessionnaires obligés de Gaz de France et Electricité de France, en raison de la disparition de leurs régies, puisse résister à la clause de réciprocité prévue par la directive et ses transpositions ?
Les limites que la France s'impose interdiraient à GDF et EDF de desservir les collectivités étrangères et limiteraient leur action vis-à-vis des clients industriels.
Les clients captifs seraient protégés par la seule disposition réglementaire des prix administrés. Dans ces conditions, bénéficieront-ils durablement de réductions alors que les marges des entreprises de production s'étioleraient ?
Je suis pour ma part persuadé que l'ouverture du marché est inéluctable. Elle doit se traduire par une vision globale en matière de politique énergétique, construite sur une péréquation des tarifs pour les clients captifs, dont les collectivités locales sont garantes en raison de leur pouvoir concédant qui découle de la loi de 1906.
Certes, monsieur le secrétaire d'Etat, un débat aura lieu sur cette transposition, mais je tenais à attirer votre attention sur ces préoccupations, car l'énergie a été et sera le moteur de toute industrie, de toute vie. Les Trente Glorieuses ont marqué l'essor de l'industrie de l'énergie, dont les grandes entreprises nationales ont assuré l'approvisionnement en charbon, en gaz, en électricité.
Demain, EDF et GDF doivent être en mesure de remplir leur rôle essentiel dans la technique, l'économie et la sécurité d'approvisionnement et de fourniture de nos concitoyens. Elles l'ont fait avec le concours des entreprises locales de distribution des collectivités.
Pour cela, il convient de faire en sorte que ces sociétés ne puissent être soumises à une concurrence désordonnée qui serait susceptible de détruire un secteur qui marche et a donné satisfaction. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon propos portera sur le budget de la poste et des télécommunications.
Le développement des télécommunications et des technologies de l'information vient bouleverser notre perception de l'espace, notre manière de communiquer, de travailler, et constitue un vecteur essentiel de croissance économique des entreprises.
Il est, en particulier, un atout formidable pour le monde rural puisque, en abolissant les distances, il contribue à désenclaver les zones les plus reculées et à créer des emplois, à l'heure où les populations rurales cherchent justement à diversifier leur activité.
Jusqu'ici, le monde rural, notamment le monde agricole, a démontré sa fantastique capacité d'adaptation au progrès technique, et il saura saisir cette chance.
On peut noter que, grâce au télétravail, les conjoints peuvent désormais mener l'activité mixte à laquelle ils aspirent souvent et qui est rendue nécessaire par la baisse des revenus agricoles. Sont ainsi également offertes de prometteuses perspectives aux jeunes, qui pourront exercer une activité à forte valeur ajoutée tout en profitant d'une certaine qualité de vie.
Avec France Télécom, la France dispose d'un instrument nécessaire au développement de nos régions. Le moment est en effet venu de définir, pour le milieu rural, une sorte de base incompressible de services téléphoniques universels.
Ce système pourrait être à deux étages : une base obligatoire de téléphone et de télécopie et un autre étage pour les téléphones mobiles.
L'existence de cette base incompressible entraînerait l'installation d'entreprises qui pourraient s'appuyer sur un partenariat avec les différents opérateurs téléphoniques.
En outre, de plus en plus de communes essayant de développer une économie touristique, pour y concourir, l'espace des télécommunications mobiles doit impérativement couvrir l'ensemble du territoire national.
Le principe d'égalité s'applique aussi à l'accès pour tous au progrès technologique. Désormais, opérateurs et collectivités auront intérêt à s'y référer lors de l'élaboration ou de la révision des cahiers des charges. C'est la condition sine qua non du développement durable et harmonieux de nos collectivités, en particulier de nos collectivités rurales.
Je souhaiterais maintenant dire quelques mots sur la situation fiscale de France Télécom.
Le versement de la taxe professionnelle de France Télécom au bénéfice de l'Etat est perçu comme une injustice financière par de nombreuses communes rurales. Celles-ci subissent depuis 1990 une perte de ressources potentielles puisque la taxe professionnelle ne leur est pas reversée en totalité. Il serait donc plus équitable que les recettes de la taxe professionnelle soient affectées directement aux collectivités locales.
Ces dernières ont la possibilité de mettre en concurrence plusieurs opérateurs pour assurer leur service téléphonique ; elles seront tentées de négocier avec celui qui sera en mesure d'acquitter une taxe professionnelle substantielle, au détriment de France Télécom.
Dans ces conditions, je souhaite, monsieur le sécrétaire d'Etat, que le droit fiscal local commun s'applique à la taxe professionnelle de France Télécom.
Les télécommunications et les nouvelles technologies ne sauraient se substituer à la poste, véritable centre de vie qui joue un rôle déterminant dans l'aménagement du territoire ainsi que dans la solidarité envers les collectivités, que ce soit en zone rurale ou dans les zones urbaines fragiles.
A la suggestion que vous avez émise, monsieur le secrétaire d'Etat, de regrouper les services postaux dans les gares, je répondrai qu'elle relève d'une vision bien optimiste ou erronée au regard de la densité de réseau ferroviaire français. Cela reviendrait à priver d'énormes pans du territoire de l'accès normal à ces services.
Pour être toujours plus efficace, La Poste doit faire face à l'évolution rapide des nouvelles technologies. C'est pourquoi, en juin dernier, a été signé un contrat de plan qui trace pour cinq ans les orientations et les objectifs qui devront être atteints par l'entreprise.
Ce contrat de plan ne traduira pas forcément un réengagement de l'Etat à son égard, car l'amélioration de la présence de ce service public en milieu rural et dans les zones sensibles de notre pays est renvoyée à la recherche d'un partenariat avec les collectivités locales.
Les maires considèrent le projet avec beaucoup de méfiance, car on peut craindre que l'Etat ne se défausse sur les collectivités de ses engagements financiers, qui portent notamment sur la prise en charge des services publics. A moins que le réseau de La Poste, tel qu'il est aujourd'hui, ne soit la première victime de la fin du moratoire sur le maintien des services publics...
M. Gérard Delfau. Eh oui !
M. Aymeri de Montesquiou. Cette annonce récente inquiète fortement citoyens et élus. Nous refusons que nos communes soient dépouillées d'une infrastructure leur permettant d'espérer un avenir économique. Il y va aussi de la présence de l'Etat sur l'ensemble du territoire, le bureau de poste étant souvent, avec la mairie, le seul lieu de contact entre l'Etat et ses concitoyens.
Le contrat de plan ne définit pas avec exactitude et précision les charges des missions des services publics. Je vous demande donc, monsieur le secrétaire d'Etat, comment La Poste pourra assurer convenablement ses missions traditionnelles d'aménagement du territoire et de péréquation entre les collectivités.
Si l'on veut enrayer le phénomène de désertification qui frappe nos communes rurales, sa présence est indispensable. Dois-je vous rappeler, monsieur le secrétaire d'Etat, que, dans nos communes, en particulier dans nos communes rurales, où l'on encourage les personnes âgées à rester le plus longtemps possible à leur domicile, le facteur est un de leurs rares liens avec le monde extérieur ?
Il en est de même dans les ensembles d'habitat social, où la présence postale crée ce lien. Or, dans les zones urbaines sensibles, un quartier sur deux est dépourvu de bureau de poste.
De ce point de vue, La Poste, au service de l'intérêt général, doit veiller à ce que chacun, où qu'il se trouve sur le territoire, ait les mêmes possibilités d'accès à ses prestations. Garantir un service public universel, c'est assurer la régularité de la distribution du courrier, et cela en tout point du territoire.
Défendre le maintien des bureaux de poste, c'est finalement assurer l'égalité des chances, à laquelle ce gouvernement se dit si attaché.
Cela implique une adaptation permanente aux évolutions d'un environnement en perpétuelle mutation, grâce à des investissements dans les nouvelles technologies. Cela suppose également l'amélioration de la qualité des prestations et de la compétitivité. Cela repose, enfin, sur l'accessibilité à tous du service public postal, et au même tarif.
Sur ce dernier point, il n'est pas normal, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'un habitant de zone rurale, un Gersois, par exemple, qui souhaite conserver son bureau de poste, doive payer ses timbres deux fois : une fois pour les coller effectivement sur l'enveloppe, une autre fois lorsqu'il acquitte ses impôts locaux. Il me semble, en effet, que le maintien du service public incombe de plus en plus aux collectivités locales. Or, celles-ci répercuteront la dépense sur le contribuable. Il s'agit là d'une tendance réelle, qui risque de conduire à la création d'agences postales communales, ce que les élus refusent au nom de l'égalité républicaine d'accès aux services publics.
Un rapport d'information de notre collègue M. Gérard Larcher révélait que le surcoût occasionné par la participation de La Poste à l'animation des territoires ruraux défavorisés n'était que partiellement compensé par l'abattement de 85 % sur les bases de la taxe professionnelle et des taxes foncières sur les locaux professionnels.
Il serait donc opportun de profiter de la réforme de la taxe professionnelle pour remettre à plat les mécanismes de compensation des charges et pour encourager La Poste à établir des comptes précis, au sens comptable du terme, correspondant aux niveaux de compensation retenus.
Je conclurai en disant que la poste et les télécommunications sont la source d'un lien social et de développement de notre territoire. Il existe des seuils d'équipement en dessous desquels il ne faut pas descendre, faute de quoi la revitalisation - quand il ne s'agit pas de reconquête - de notre espace rural devient impossible, alors qu'elle est indispensable au bien-être social et à l'équilibre culturel des populations, y compris urbaines.
Leur présence et leur vitalité sont nécessaires et peuvent être le point de départ d'une diversité de services publics et privés par laquelle notre pays garderait l'espoir de ne pas devenir l'exceptionnel désert français.
La majorité de mon groupe suivra, dans son vote, la commission des finances. (M. le rapporteur spécial applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Trémel.
M. Pierre-Yvon Trémel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, évoquer les crédits spécifiquement destinés à la poste ainsi qu'aux télécommunications et aux technologies de l'information relève d'un exercice particulier. En effet, les 2 669 millions de francs qui font l'objet de notre présente discussion n'ont rien de comparable avec la taille et l'importance des entreprises, qui ont réalisé, en 1997, un chiffre d'affaires de près de 90 milliards de francs pour La Poste, et de 157 milliards pour France Télécom.
Il me paraît dès lors utile, monsieur le secrétaire d'Etat, d'évoquer votre budget strico sensu, mais aussi de débattre des grandes orientations stratégiques du Gouvernement et des deux opérateurs.
Le budget que vous nous présentiez l'an dernier était un budget de transition. Cette année, votre budget prépare l'avenir, intervenant après la signature, le 28 juin dernier, du contrat d'objectifs et de progrès entre l'Etat et La Poste, et dans un contexte d'ouverture à la concurrence.
Ce budget doit être l'occasion de témoigner de l'engagement de l'Etat dans sa volonté de défense du service public et de maintien de la cohésion sociale, ainsi que dans son souhait de voir La Poste jouer pleinement son rôle en matière d'aménagement du territoire.
Les deux opérateurs doivent, dans le même temps, gagner en compétitivité, en efficacité et en développement international.
Dans ses grandes lignes, le budget que vous nous soumettez répond à ces attentes largement exprimées et il préserve les missions essentielles de l'Etat dans un contexte de concurrence accrue et d'internationalisation croissante.
Dans ce budget en augmentation de 1,34 %, le rôle de l'Etat est nettement affirmé. Les crédits affectés à l'Autorité de régulation des télécommunications, à l'Agence nationale des fréquences et au groupement des écoles de télécommunications sont en croissance.
Le contrat d'objectifs et de progrès permet de mettre l'accent sur la qualité et la pérennité du service public, tout en rénovant les relations financières entre La Poste et l'Etat.
La question des retraites - point déterminant eu égard au rapport entre actifs et inactifs au sein de La Poste - a été clairement traitée.
Le coût global du soutien de l'Etat représente près de 3 milliards de francs sur quatre ans, dont 600 millions de francs pour 1999. Cet engagement financier permet de mettre un terme à une évolution qui alimentait les inquiétudes sur la compétitivité de l'entreprise. Il témoigne d'un souci de pérennisation de l'institution postale.
Le contrat d'objectifs et de progrès reconnaît l'importance du rôle et de la place des services financiers de La Poste, qui se situe, je le rappelle, au troisième rang des acteurs financiers français en termes d'encours gérés. Le contrat offre aussi à La Poste la possibilité de développer des activités d'assurance aux personnes.
La politique des ressources humaines de La Poste et de France Télécom mérite une attention particulière.
La Poste et France Télécom s'attachent à participer de manière active à l'effort national d'insertion professionnelle des jeunes ; embauche de jeunes agents : conclusion de contrats d'apprentissage, recrutement d'emplois-jeunes.
La réduction du temps de travail a été amorcée. Chez les deux opérateurs, la phase de négociation est ouverte. Il me paraît important de souligner que l'un des objectifs à atteindre dans le cadre de cette réduction est la création d'emplois. Nous souhaiterions, à cet égard, savoir si une estimation du nombre d'emplois nouveaux potentiels issus de la réduction du temps de travail a été effectuée à La Poste et à France Télécom ?
Par ailleurs, la réflexion mérite d'être prolongée sur les moyens à mobiliser pour que les deux entreprises contribuent à l'aménagement du territoire. L'inquiétude de leurs salariés, des élus et de la population reste vive quant à la présence des bureaux de poste et de cabines téléphoniques, tant en milieu rural que dans les quartiers urbains. La création des commissions départementales de présence postale constitue un signe tangible de votre volonté en ce domaine. Mais, pour que vive le service public, il faudra faire preuve de vigilance, de volontarisme et de capacité d'innovation.
Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, vous insistez avec raison sur ce chantier essentiel que constitue le développement des nouvelles technologies.
Nous sommes conscients de ce que ce développement induit en termes de qualité de vie, d'aménagement du territoire, d'accès au savoir, de démocratisation de la culture, de modernisation des administrations, sans oublier ses enjeux économiques et industriels.
Dans ce budget, les aides à l'utilisation des nouvelles technologies augmentent de 40 %. Il s'agit d'un effort financier notable.
J'attire cependant votre attention sur la nécessité de conjuguer développement des nouvelles technologies et maintien de l'égalité des chances. A ce titre, le système tarifaire de raccordement à Internet doit faire l'objet d'une attention toute particulière.
Budget stable, budget de préparation de l'avenir, disais-je, mais budget qui ne va pas sans susciter quelques interrogations ni sans faire naître certaines préoccupations.
Le versement à l'Etat par France Télécom de la taxe professionnelle reste un problème réel. Il a été maintes fois évoqué, et aujourd'hui encore par M. le rapporteur pour avis et par M. de Montesquiou.
Ce versement soulève indiscutablement des problèmes d'équité dans la concurrence, et France Télécom va se trouver de plus en plus, si les règles ne changent pas, dans une situation de faiblesse pour obtenir certains marchés.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous serions très intéressés de savoir comment vous envisagez l'évolution de ce dossier.
L'aménagement du territoire doit faire l'objet d'une réflexion globale et d'une action concertée. Des pistes ont été ébauchées, des initiatives prises. Il faut désormais aller plus loin.
Des mesures de péréquation devront être imaginées pour que les communes les plus pauvres ne soient pas conduites à payer plus que les autres et pour maintenir une présence postale qui leur est indispensable.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Pierre-Yvon Trémel. De même, le parc de cabines téléphoniques et les clés de répartition doivent se fonder sur une prise en compte des différents facteurs en jeu, tels les facteurs humains et la taille des communes. Sur ces dossiers, la collaboration entre l'Etat et les élus locaux doit être étroite.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Pierre-Yvon Trémel. S'agissant de la gestion de ses ressources humaines, La Poste affiche une volonté de développer une politique dynamique de l'emploi ; et nous en avons souligné les aspects positifs au regard de l'insertion des jeunes. Il convient cependant de s'interroger sur le nombre de contrats à durée indéterminée intermittents, qui conduisent à imposer des conditions de travail difficilement supportables.
La directive du 15 décembre 1997 est entrée en vigueur le 10 février 1998 et doit être transposée en droit interne au plus tard le 10 février 1999. Il s'agit désormais de voter une loi de transposition de la directive dans des délais rapprochés. Nous aimerions, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous nous donniez des précisions à cet égard.
Les années à venir seront marquées, pour La Poste, par l'internationalisation. Pourriez-vous nous dire où en est La Poste en matière de stratégie internationale et de conclusion d'alliances ?
Je m'attacherai, en conclusion, à une question que je considère comme majeure : celle de la recherche dans le domaine des télécommunications.
La recherche est un impératif ; elle doit faire l'objet d'un large consensus et bénéficier des moyens nécessaires à son développement. Cette priorité exige une coordination au plus haut niveau entre les différents ministères - je pense en particulier à celui de M. Allègre, qui a récemment confié une mission sur ce sujet à M. Petit - et celle-ci doit s'appuyer sur une fédération d'organismes, afin de contribuer à dynamiser les entreprises industrielles du secteur et à mobiliser nos chercheurs, qui s'interrogent sur leur avenir.
Des efforts ont été faits : ainsi, le RNRT, le Réseau national de recherche en télécommunications, bénéficie d'un soutien spécifique de 260 millions de francs et France Télécom respecte ses engagements. Mais la stratégie mise en place ne manque-t-elle pas de cohérence et de lisibilité ? Le RNRT ne mérite-t-il pas, en outre, de se voir allouer davantage de moyens ?
De plus, au sein de France Télécom, cette recherche s'effectue désormais surtout au profit du métier d'opérateur et au détriment d'une recherche en amont, menée jusque-là sur les différents sites du CNET, notamment. Cela n'est pas sans conséquences. J'attire votre attention, à titre d'exemple, sur le fait que le site de Lannion a perdu plus de cent emplois depuis 1997.
Par conséquent, monsieur le secrétaire d'Etat, quels seront demain les axes d'une véritable stratégie nationale de recherche publique dans le domaine des télécommunications ?
Comment comptez-vous assurer une meilleure coordination avec les autres ministères concernés, au travers du réseau national de recherche en télécommunications ?
Comment des dossiers aussi essentiels que ceux qui sont fondés sur un partenariat entre le CNET et le CNRS pourront-ils se concrétiser ?
Bref, comment éviter d'affaiblir la puissance de recherche du CNET ?
Je vous ai fait part, monsieur le secrétaire d'Etat, de nos préoccupations. Au-delà de celles-ci, considérant que le présent projet de budget permet d'affronter les enjeux de demain tout en prenant en compte la pérennité du service public et le souci d'un aménagement solidaire du territoire, le groupe socialiste lui apporte son soutien. (Applaudissements sur les travées socialistes. - M. GérardJelfau applaudit également.)
M. le président. Mes chers collègues, je salue la présence parmi nous de M. le président du Sénat, qui, sans doute quelque peu nostalgique de la présidence de la commission des finances, a voulu retrouver le banc des commissions. (Sourires et applaudissements.)
La parole est à M. Percheron.
M. Daniel Percheron. Monsieur le secrétaire d'Etat, votre budget est un bon budget : c'est un budget intelligemment tourné vers l'avenir ; c'est un budget qui porte votre marque ; c'est un budget de conviction, enfin, c'est un budget de mouvement. Il s'inscrit d'ailleurs parfaitement dans le budget proposé à la nation, qui est de nature à continuer à apaiser la société française - on le voit chaque jour - à restaurer la confiance, à provoquer et à conforter la croissance.
Il mérite l'appui du parti socialiste, du groupe socialiste, de l'électorat socialiste, de l'ensemble de la gauche, et au-delà.
M. Henri Weber. Très bien !
M. Daniel Percheron. C'est donc, je le répète, un bon budget, et nous le soutenons.
Raison de plus pour émettre une réserve : il est apparemment marqué par une forme de résignation, face aux efforts de conversion. En effet, s'il est intelligemment tourné vers l'avenir, il donne un peu l'impression de prendre son parti du passé, semblant marquer les limites de l'action publique pour les vieilles régions industrielles.
Mme Odette Terrade. C'est vrai !
M. Daniel Percheron. Je dis « semblant » parce que vous venez effectivement de loin, monsieur le secrétaire d'Etat.
Les outils de conversion - je parle du FIBM et de la FINORPA, la Financière du Nord - Pas-de-Calais - accordés aux zones minières, à l'immense bassin minier du Nord - Pas-de-Calais, ont été réduits à néant entre 1993 et 1997, sans vergogne et sans remords, par le gouvernement Juppé.
Le FIBM s'élevait à 100 millions de francs dans le Pas-de-Calais ; il a été ramené à 15 millions de francs en quatre ans : 15 millions de francs pour 1 million d'habitants !
Quant à la FINORPA, elle aussi destinée à accompagner l'interminable conversion des bassins miniers, de notre bassin minier, elle a pratiquement disparu ; elle n'a plus été abondée. L'Etat a fai fi du contrat de plan qui le liait aux collectivités locales entre 1993 et 1999 !
Vous venez donc de loin, je le répète, monsieur le secrétaire d'Etat !
Mais permettez-moi de vous dire que les 120 millions de francs prévus sont largement insuffisants. D'ailleurs, le non-engagement des crédits auxquels il a été fait allusion tout à l'heure, à hauteur de 44 %, tient peut-être aussi à l'ambiance générale, à un début de découragement, à une forme locale de résignation.
Sur ce point - je sais que cela vous tient à coeur ; vous l'avez exprimé avec force, lors de votre audition devant la commission - les critères d'attribution du FIBM sont décisifs. Vous les avez précisés. Je vous demande d'étudier de nouveau ce problème, en vous donnant deux pistes.
Bien entendu, le soutien à l'industrie, à la création d'emplois et à la modernisation des entreprises doit se poursuivre. Mais il est peut-être d'autres secteurs qui méritent également votre attention.
Dans une région où la formation en alternance concerne 40 % des jeunes scolarisés, soit 12 % à 14 % de plus que la moyenne nationale, il y a peut-être quelque chose à inventer, il y a sûrement une piste à explorer.
Dans d'autres domaines, par exemple l'immense plateforme multimodale qui s'annonce au coeur du bassin minier, nous pouvons sortir du strict esprit qui a présidé à la codification, voire à l'amélioration, depuis 1984, du FIBM.
Les régions minières ont également été des régions sidérurgiques, des régions textiles, et nous savons bien que les vieilles régions industrielles ne renaissent jamais à l'identique. Quel que soit l'effort public et privé en faveur des nouvelles technologies, le développement du téléphone mobile ne nous transformera pas, en une génération, en Silicon Valley.
Il nous faut donc être attentifs et faire preuve de solidarité, de volonté.
Je vous interrogerai également, monsieur le secrétaire d'Etat, sur le deuxième outil que j'ai esquissé : la Financière du Nord - Pas-de-Calais. A l'heure actuelle, il semblerait que non seulement elle ne reçoit plus aucun crédit, mais que son fonds de roulement soit envié. Je vous demande de nous confirmer, monsieur le secrétaire d'Etat, que les 800 millions de francs demeureront bien au sein de la région Nord - Pas-de-Calais, qu'ils continueront d'être consacrés à la conversion et ne seront pas réaffectés, au grand désespoir des collectivités locales et des responsables locaux, voire des décideurs économiques.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'en viens à la dernière interrogation. Je souhaite vous parler brièvement de l'entreprise Charbonnages de France. L'importance de la subvention inscrite dans votre budget - 3 milliards de francs - justifie ces quelques phrases et ces quelques réflexions.
Etes-vous certain que la tutelle sur cette entreprise publique, qui n'est plus tout à fait une entreprise comme une autre, soit suffisamment ferme ?
Elle extrait encore du charbon, mais elle a cessé toute activité dans le Nord - Pas-de-Calais. Par ailleurs, elle est responsable, si j'ose dire, du non-aménagement du territoire ; elle possède parfois jusqu'à 50 % du territoire des cent-soixante villes minières, quelquefois jusqu'au tiers des logements miniers, qu'elles n'entretient plus depuis des dizaines d'années ou qu'elle rénove à sa manière.
Je citerai un seul chiffre : pour 70 000 logements miniers, la filiale des houillères, qui est propriétaire, emploie un seul architecte et prétend faire tout de même le bonheur du logement social minier dans notre région !
Monsieur le secrétaire d'Etat, pensez-vous que cette entreprise, dont nous constatons la disparition progressive, laquelle est programmée, peut encore se recommander de l'autonomie qui avait été à l'ordre du jour au début des années quatre-vingt et qui s'était affirmée vers les années quatre-vingt-dix ? Je souhaite que vous soyez très attentif à cette question.
Puisque, sous la Ve République, le dernier mot appartient finalement à l'exécutif, j'attends vos derniers mots, comme toujours avec confiance et attention. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, à l'issue de ce débat très riche sur les crédits de l'industrie, de l'énergie, de la poste et des télécommunications, je tiens à exprimer très sincèrement ma gratitude aux rapporteurs et aux administrateurs des deux commissions compétentes - affaires économiques et finances - ainsi, bien sûr, qu'à chacun des orateurs qui sont intervenus.
On l'a rappelé de différentes manières à cette tribune voilà quelques instants ; le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie constitue désormais le grand « ministère de la production et de l'innovation ».
Economie, finances, industrie : y aurait-il - c'est la question que certains ont posée - comme une contradiction entre les termes ? L'industrie serait-elle - pour prendre une formule humoristique - soluble dans l'économie et les finances ? Je crois que c'est exactement le contraire. En effet, les problèmes évoqués, par exemple, par M. Weber sont intimement liés. Relever le défi technologique et le défi financier mondial implique, comme vient de le reconnaître M. Percheron, une logique de combat, une attitude très offensive que peut avoir le ministère de l'industrie compte tenu des contraintes internationales et technologiques.
Comme M. le Premier ministre le déclarait la semaine dernière, « Nous tenons compte de l'économie et de la finance. Mais nous pensons que les mécanismes économiques ne sont pas pour autant assimilables à des lois physiques. C'est pourquoi nous croyons à un certain degré de volontarisme : nous prenons des engagements, nous donnons une impulsion » - je réponds là à M. Clouet - « sans nous substituer aux acteurs de la société ».
Nous sommes donc actifs et nous croyons à l'action de l'Etat pour renforcer les acteurs de l'économie industrielle française. La tâche du ministère en charge de l'industrie est, précisément, de donner cette impulsion.
L'industrie ne se réduit pas au seul budget de mon département ministériel, dans la mesure où de nombreux budgets concourent, eux aussi, à la mise en oeuvre des stratégies industrielles, ainsi qu'au développement et à la modernisation de notre outil industriel. Mais ce budget illustre parfaitement la volonté politique du Gouvernement : sa progression, à périmètre constant, sera de 1,1 % en 1999, soit, il faut le souligner, deux fois le taux de l'inflation, et elle viendra conforter le redressement de 3,8 % intervenu dans le budget de 1998.
Après bien des années, mesdames, messieurs les sénateurs, d'une déplorable régression, ce budget reprend des couleurs et réaffirme une volonté politique.
Un sénateur socialiste. C'est vrai !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Plusieurs rapporteurs l'ont d'ailleurs noté.
M. Clouet, rapporteur spécial, nous a dit que le budget de l'industrie manquait de fiabilité du fait des différences qui existent entre le budget voté et le budget exécuté.
Ce ne serait pas nouveau pour le budget de 1998 ; nous sommes habitués à ce qu'il y ait des différences en ce domaine. Mais je tiens à le rassurer sur ce point. Les fonds de concours alimentent le budget de l'industrie en toute transparence puisqu'ils figurent intégralement tant dans les annexes du projet de loi de finances - le « jaune », fonds de concours, - que dans le budget voté - le « vert ».
La critique de la pratique des crédits ouverts en gestion vise, en fait directement, monsieur Clouet, les précédents gouvernements, qui sont à l'origine d'un dispositif d'aide, la prime automobile, dont le financement en loi de finances initiale n'a pas été prévu.
Le Gouvernement, lors de son installation en juin 1997, a trouvé une situation marquée par une insuffisance de financement et des retards de paiement, qui l'ont contraint à ouvrir des crédits dans le collectif budgétaire de 1997 pour honorer les engagements du gouvernement précédent.
Il en est allé de même pour la construction navale, le gouvernement précédent ayant fortement minoré les ouvertures de crédits nécessaires et tiré, en quelque sorte, des traites sur l'avenir, dans les conditions que l'on connaît.
Il nous revient, cette année, dans le collectif budgétaire, d'apurer la situation.
Enfin, il convient de rappeler que, depuis la préparation de la loi de finances de 1998, un effort de sincérité et de transparence budgétaires a été accompli, assurant une meilleure lisibilité des documents budgétaires et une meilleure visibilité de l'action de mon ministère, qui est de nature, j'en suis certain, à satisfaire M. le rapporteur spécial.
Le FIBM a été rebudgétisé dès 1998. Son financement en 1997 avait été assuré, de manière inappropriée - j'y reviendrai tout à l'heure, monsieur Percheron - par une dotation en capital, en crédits de paiement, à partir des recettes de privatisation.
La part du financement budgétaire dans les investissements civils du CEA augmente, elle aussi, fortement depuis deux ans. Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, je crois sincérement que le budget pour 1999, lui, est fiable !
Il vise - c'est une stratégie - à accompagner, à soutenir et à stimuler les évolutions fortes que connaît le secteur industriel. Dominique Strauss-Kahn et moi-même lui avons assigné six missions principales. Ce sont ces six missions que je souhaite rappeler brièvement devant vous.
La première tend à éclairer l'avenir et à investir dans le capital humain.
Mon département ministériel doit être, pour nos entreprises, d'abord un centre de ressources et de conseil. Ainsi, j'entends favoriser le développement de la veille économique concurrentielle, notamment dans le domaine des hautes technologies, par exemple dans celui des télécommunications.
L'intelligence économique constitue l'une des missions du secrétariat d'Etat à l'industrie, qu'il exerce soit directement par son administration centrale, soit par le canal de ses directions régionales, soit par les organismes placés sous sa tutelle, comme l'ANVAR.
Mon administration contribue également à l'excellence de la formation de nos ingénieurs. Je tiens ici à attirer l'attention du Sénat sur l'importance que j'attache à nos écoles et, surtout, à la vitalité du lien qui les unit au secrétariat d'Etat à l'industrie. Je sais, mesdames, messieurs les sénateurs, que votre collègue M. Lafitte, lui-même élève de l'école des Mines de Paris, malheureusement absent aujourd'hui - est tout excusé - y est très sensible et l'a noté dans un rapport sur la recherche scientifique et technique.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les moyens des écoles augmentent sensiblement dans le projet de budget pour 1999 : plus 3 % de subventions pour les écoles des Mines, plus 4 % pour les moyens des écoles des télécommunications et plus 8 % pour la subvention à l'école supérieure d'électricité.
Par ailleurs, la « charte de qualité » des écoles d'ingénieurs, la formation d'ingénieurs-créateurs d'entreprises, véritable impératif de l'économie française moderne, ainsi que la réactivité du réseau des écoles - elle a été éprouvée récemment, lors du lancement du très important programme FIDJIT de « formation à l'informatique de 2 500 jeunes ingénieurs et techniciens » - sont la preuve du dynamisme de nos écoles.
Je veux les saluer et redire ici combien ce point est important pour assurer l'avenir des industries françaises.
M. Pierre-Yvon Trémel. Très bien !
M. Pierre Lefebvre. Très juste !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. La formation n'est pas une charge ; elle est un investissement dans le capital humain.
La deuxième mission consiste à moderniser les petites et moyennes industries.
L'incitation au développement des PMI dynamiques, innovantes et créatrices de nouvelles activités et d'emplois est stabilisée à un niveau élevé ; ma collègue Mme Lebranchu peut en témoigner. M. Clouet, rapporteur spécial, et M. Grignon, rapporteur pour avis, l'ont souligné. Les contrats de plan Etat-régions bénéficient de 470 millions de francs. La procédure de diffusion des techniques ATOUT, très importante pour les PMI, bénéficiera de 212 millions de francs. Le programme Internet-PMI sera doté de 50 millions de francs ; c'est la reconduction, en 1999, d'une mesure qui avait constitué une innovation en 1998.
Parce que les PMI doivent mieux bénéficier de l'effort de recherche industrielle, un quart - c'est nouveau - des crédits du fameux chapitre 66-01, chapitre véritablement stratégique pour l'innovation industrielle, sera désormais consacré aux PMI.
Le projet de budget de l'ANVAR permettra de maintenir sa capacité d'intervention à un niveau très élevé : plus de 1 400 millions de francs de moyens disponibles. Ces crédits feront l'objet d'un effort de simplification ; c'est nécessaire, et nous y travaillons avec ma collègue Mme Lebranchu. Nous nous efforçons, en effet, de promouvoir un nouveau type de rapports entre l'ANVAR et les entreprises. Un contrat unique d'innovation technologique sera donc conclu dès l'année prochaine, dans lequel viendront se fondre les différentes catégories d'incitations à l'innovation d'ores et déjà existantes.
Le réseau de diffusion technologique piloté par l'ANVAR fait l'objet d'un nouvel effort budgétaire important, lequel est très révélateur de la volonté politique du Gouvernement : les crédits augmentent de 18 %, augmentation qui, prolongeant l'effort déjà opéré dans le projet de loi de finances initial pour 1998, sera assortie d'une évaluation visant à définir les moyens de renforcer son efficacité.
Afin, là aussi, de renforcer l'efficacité de nos dispositifs d'accompagnement des entreprises, j'entends mettre en oeuvre un redéploiement de moyens de l'administration centrale vers les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'énergie, les DRIRE. Vous mesurez toute la portée de cette annonce : il s'agit d'orienter les DRIRE plus encore vers le tissu local des PMI. Dès 1999, les moyens et les méthodes seront donnés aux DRIRE pour renforcer leur action en faveur du développement industriel.
L'effort budgétaire vise la facilitation, l'accélération et l'intégration de l'innovation technologique. Il recherche également une plus grande lisibilité des dispositifs d'aide publique, dont l'efficacité va se trouver renforcée. Pour y parvenir, j'ai demandé aux DRIRE d'inscrire leurs activités de conseil et d'appui financier dans le cadre d'un contrat global de développement avec chacune des entreprises retenues pour recouvrir l'ensemble des composantes du projet d'entreprise. En somme, un projet d'entreprise global simplifié et dynamique avec l'ANVAR et un projet simplifié et dynamique avec les DRIRE et l'ensemble des procédures de mon département ministériel !
J'ai, par ailleurs, demandé aux DRIRE, notamment dans la perspective d'une comparaison avec le tissu industriel allemand, de renforcer leur action en direction des PMI médianes. En effet, nous avons un très riche tissu de toutes petites entreprises ; nous avons, de même, de merveilleuses grandes entreprises ; mais nous devons faire plus d'efforts en faveur des entreprises médianes - le « M » de « PMI ». Il est vrai que leur maillage en France et leur importance dans notre paysage industriel ne sont pas aussi grands qu'ils le sont, par exemple, en Allemagne.
Une nouvelle enveloppe de 50 millions de francs d'autorisations de programme est prévue pour le financement d'actions individuelles ou collectives, régionales ou sectorielles, visant à promouvoir les usages liés à l'Internet dans les PMI. L'appel à propositions que nous avons lancé en 1998 se poursuivra tout au long de l'année 1999 avec des crédits identiques.
La troisième mission consiste à développer les technologies de l'avenir. Avec 1 818 millions de francs inscrits au chapitre de la recherche industrielle, c'est vraiment la priorité stratégique, le centre nerveux de l'action du secrétariat d'Etat à l'industrie. Les crédits disponibles sur ce chapitre étaient de 1 541 millions de francs seulement en 1997, sur la base du budget voté par la précédente majorité. Ils atteignent 1 705 millions de francs en 1998 et augmentent de 100 millions de francs pour 1999 par rapport au budget effectivement exécuté en 1998.
Avec successivement 1 541, 1 705, puis 1 818 millions de francs, nous avons une progression qui, à elle seule, est éloquente et suffit à démontrer les priorités de notre action. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : c'est cette majorité qui a bien manifesté ainsi son soutien à l'innovation et à la recherche industrielle !
Les commentaires sur la réorganisation du secrétariat d'Etat peuvent être jaugés à cette aune. A quoi sert cette réorganisation ? Vers quoi est-elle orientée ? La réponse est très claire : vers l'innovation technologique et vers la recherche industrielle.
Je prendrai comme exemple notre engagement, intense et multiforme, décidé dès notre accession aux responsabilités et rappelé solennellement avant-hier, en faveur de la préparation de l'an 2000.
Cet engagement a un but : provoquer, encourager et renforcer la mobilisation collective. Renforcer, d'abord, la mobilisation collective des acteurs privés et publics, par la création du comité national pour le passage à l'an 2000. Renforcer, ensuite, le dispositif d'action en régions par l'intermédiaire des DRIRE. Renforcer, encore, la coordination interministérielle, la mobilisation des organismes sous tutelle et des entreprises publiques, comme l'a demandé le Premier ministre dans sa circulaire du 5 novembre dernier. Renforcer, enfin, les actions d'information, en fournissant, dès le mois de décembre 1998, des éléments d'un premier diagnostic « An 2000 » à toutes les entreprises de moins de deux cents salariés.
Les méthodes de mon département ministériel ont été par ailleurs profondément renouvelées. Elles s'appuient sur des partenariats entre entreprises et centres de recherche, publics ou privés, comme c'est le cas pour le Réseau national de recherche en télécommunications, le RNRT ; M. Tremel en a parlé. Un an après la mise en place du RNRT, je souhaite donner au Sénat quelques précisions.
Le comité d'orientation a défini, dès le premier trimestre 1998, les thèmes prioritaires de recherche. Un appel à projets doté de crédits considérables, 210 millions de francs, a été lancé et a connu un très grand succès. Au total, cent soixante-dix-neuf projets coopératifs ont été déposés avec, pour chacun, une moyenne de cinq partenaires, industriel, opérateur, PME ou laboratoire public ; cinquante-sept d'entre eux ont été labellisés. Les PME se sont mobilisées puisque vingt-neuf d'entre elles participent aux projets retenus au côté de cinquante laboratoires publics et d'une vingtaine de grandes entreprises ou d'opérateurs. Il s'agit là, encore une fois, d'un véritable succès, qui plus est, obtenu en moins d'un an.
Le secrétariat d'Etat à l'industrie soutient financièrement les projets précompétitifs qui préparent les futurs réseaux et services de télécommunications : l'Internet haut débit, la télévision interactive sur l'Internet, le téléphone mobile multimédia, le terminal Internet pour handicapés, notamment.
Le travail réalisé par le RNRT est remarquable et son organisation doit nous servir de modèle pour favoriser le transfert de technologies des laboratoires publics et privés vers l'industrie. Les nouvelles méthodes de l'action de l'Etat que nous cherchons à mettre en oeuvre vont obtenir une adaptation plus rapide, par appels à propositions - et non plus par contrats pluriannuels au profit exclusif des grands groupes - en ciblant les nouveaux secteurs qu'elles visent ainsi à encourager. Il s'agit là vraiment d'une piste nouvelle et très fructueuse.
Ces nouvelles méthodes d'action s'appuient sur une meilleure synergie avec les autres ministères ; plusieurs rapporteurs ont souhaité, à juste titre, aborder cette question.
Elles favorisent, enfin, le développement du capital-risque. En liaison avec mon collègue Claude Allègre, et conformément aux conclusions des Assises de l'innovation, le Gouvernement entend faciliter la création d'entreprises et la prise de risques économiques par les chercheurs du secteur public, avec toutes les garanties nécessaires quant à leur carrière.
Je voudrais d'ailleurs saluer ici la très grande convergence entre les préoccupations du Sénat et celles du Gouvernement dans ce domaine. Je rends hommage au remarquable travail de la Haute Assemblée sur la promotion du capital-risque, sur la perspective de créer de la richesse et de la valeur à partir d'une véritable implication de la recherche et de l'innovation et d'une passerelle fructueuse entre recherche-innovation et PMI, que cette recherche provienne des laboratoires privés, des entreprises privées, d'organismes de toute nature ou - voilà qui est nouveau et très audacieux - des laboratoires publics.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous allons créer de la valeur, donc de l'emploi, à partir de ce transfert de la recherche, de la technologie et de l'innovation vers les petites et moyennes industries. En somme, les technologies de demain font des emplois dès aujourd'hui ! Telle pourrait être la nouvelle maxime d'action de mon département ministériel.
Le retard technologique enregistré face aux Etats-Unis et au Japon était considéré comme irréversible au début des années quatre-vingt-dix. Tel n'est vraiment plus le cas aujourd'hui.
En matière d'industrie électronique, par exemple, qu'il s'agisse de défense ou d'électronique grand public, nous avons pris des initiatives fortes là où nos prédécesseurs avaient, hélas ! trop tergiversé ou adopté la démarche que l'on sait et que je n'aurai pas la cruauté de rappeller.
Je pense à Thomson Multimédia, qui, nous disait-on voilà deux ans, ne valait qu'un franc et dont on sait aujourd'hui qu'elle vaut plusieurs milliards de francs ! Voilà une entreprise qui, en effet, a redressé la situation grâce à des partenariats actifs qu'elle prépare avec de grands groupes industriels internationaux. Je citerai, à cet égard, les quatre entreprises concernées par l'ouverture du capital que nous avons lancée dès le mois de juillet 1998 : Alcatel pour la France ; NEC pour le Japon ; Microsoft et DirectTV pour les Etats-Unis d'Amérique. Quatre entreprises de pointe, quatre entreprises remarquables dans le secteur, quatre entreprises qui vont converger avec Thomson Multimédia pour continuer à construire avec cette merveilleuse entreprise un groupe d'audience internationale et de technologie de pointe.
La quatrième mission consiste à faciliter les reconversions et la création d'emplois industriels.
L'action de mes services doit faciliter la mutation de secteurs soumis à des difficultés structurelles ou à des fins de cycles technologiques. Je pense ici, notamment, au textile. Il a bien fallu - comment ne pas en parler ? - que mon département ministériel accompagne la fin du plan dit « Borotra ». On se souvient que la Commission avait mis en garde le Gouvernement, dès le jour de son lancement, sur son contenu, contraire aux règles européennes parce que portant sur des aides sectorielles prohibées.
L'Etat doit, naturellement, accompagner la rationalisation de certaines activités. On ne comprendrait pas - et plusieurs orateurs m'y ont invité - que je n'évoque pas ici les chantiers navals. Je mesure les difficultés humaines et même le désarroi que connaissent aujourd'hui les ouvriers des Ateliers et chantiers du Havre, ainsi que le défi économique que doivent relever Le Havre, sa région et toute la basse Seine. MM. Gélard, Revet et Massion le savent bien, pour avoir été associés à toutes les discussions qui ont été menées depuis neuf mois. Lors des réunions qui se sont tenues à Bercy, et régulièrement chaque semaine, ils ont attiré mon attention et celle de M. Dominique Strauss-Kahn sur ce sujet.
Le Gouvernement souhaite discuter, en concertation avec les élus concernés, des très importantes mesures de réindustrialisation et de redynamisation économique qui sont nécessaires pour assurer le développement de l'économie de la basse Seine et du Havre. Très sincèrement, il est urgent d'y travailler.
Toutefois, on ne peut réduire la construction navale aux seuls Ateliers et chantiers du Havre. Les Chantiers de l'Atlantique vont bien. Le programme CAP 21 est en très bonne voie. Il vise à doubler le nombre de bateaux construits et à se passer des aides publiques d'ici à la fin 2000.
Je veux ici, au nom du Gouvernement tout entier, saluer les efforts de productivité remarquables qui ont été accomplis par ces chantiers. Cela leur assure un avenir que je crois maintenant définitivement bien engagé.
De même, les chantiers de Lorient, de Concarneau ou de Cherbourg ont également des perspectives de développement satisfaisantes, comme le souligne avec raison et dynamisme l'une de vos collègues que j'ai rencontrée récemment, Mme Dieulangard.
Le projet de budget pour 1999 maintient la capacité d'intervention de l'Etat dans l'accompagnement des mutations industrielles. J'en veux pour preuve la stabilité - que j'ai obtenue - non seulement des dotations du FIL, le Fonds d'industrialisation de la Lorraine, soit 80 millions de francs d'autorisations de programme, mais aussi des crédits de politique industrielle hors CIRI, soit 85 millions de francs en autorisations de programme. La diminution apparente des autorisations de programme destinées au FIBM, n'altérera pas la capacité d'intervention de l'Etat au regard des importantes ressources restant disponibles à la fin de 1998.
Nous disposerons d'environ 160 millions de francs de capacité d'engagement en 1999. Cette somme sera sensiblement identique à celle qui avait été prévue en 1998, mais supérieure à celle que M. Percheron évoquait tout à l'heure - 121 millions de francs - pour s'en émouvoir. Il semble que l'on puisse être assuré d'environ 160 millions de francs. C'est une bonne nouvelle pour le FIBM, et cela va dans le sens de votre préoccupation, monsieur Percheron.
Mon souci est donc bien de poursuivre l'effort en faveur des bassins miniers. MM. Lefebvre et Percheron peuvent donc être rassurés pour l'avenir du bassin du Nord - Pas-de-Calais, compte tenu du soin attentif qu'y porte le Gouvernement. Je m'engage à adapter qualitativement aux besoins économiques et sociaux, exprimés tant par les populations de ces bassins, par les représentants de l'économie locale que par les élus, l'évolution du mode d'intervention du FIBM, qui est peut-être le vrai problème. Ce mode d'intervention doit être plus près de la dynamisation économique, de la création d'entreprises et donc de la création d'emplois, pour vraiment devenir l'instrument du redémarrage d'un certain nombre de zones comprises dans le périmètre d'intervention du FIBM. Je m'y engage et j'en discuterai avec ceux d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, qui sont les plus directement concernés.
Les événements survenus notamment en Lorraine ont démontré que cet accompagnement devait également porter sur tous les aspects de la sécurité des bassins miniers, en activité ou non. Aussi ai-je souhaité - c'est une innovation - que ce projet de budget intègre pleinement cette dimension, au-delà de l'indemnisation des dommages subis - mon ministère a participé à cette solidarité dès juillet 1997 - et des travaux de mise en sécurité des sites miniers, dont les dotations progresseront d'ailleurs fortement en 1999.
Une mesure nouvelle de cinq millions de francs a été inscrite sur le titre IV pour renforcer les actions de prévention, d'expertise et de surveillance relatives aux affaissements miniers en Lorraine. Voilà une mesure qui pourra être reprise dans le Nord-Pas-de-Calais, monsieur Percheron !
J'annonce à M. Besson que le Gouvernement apportera au problème une réponse approfondie dans le futur projet de loi « après-mine », qui devrait rapidement être inscrit à l'ordre du jour de votre assemblée, après son adoption, que j'espère prochaine, en conseil des ministres.
Ce projet de loi renforcera la responsabilité de l'exploitant minier, particulièrement au moment de la fermeture de la mine. Il instaurera, notamment, une nouvelle procédure de renonciation aux concessions, qui associera davantage les collectivités locales et qui intégrera les questions relatives à la gestion des eaux, très importantes pour les bassins considérés. Il reconnaîtra le droit à l'indemnisation pour toutes les victimes d'affaissements en cas de catastrophe minière, qu'elles soient concernées ou non par une clause limitant la responsabilité de l'exploitant - cela n'a pas échappé à votre sagacité, mesdames, messieurs les sénateurs ! Il organisera de même la surveillance des sites après la disparition de l'exploitant, en en transférant la charge à l'Etat.
C'était l'esprit des propositions de loi déposées par chacun des groupes de cette assemblée et c'était aussi le sens du travail réalisé par le Sénat lors de l'élaboration de sa proposition de loi unique, rapportée par la commission des affaires économiques, et dont le Gouverment - je dois le dire pour rendre hommage à la Haute Assemblée - a repris les principaux aspects, mais en les complétant et en obtenant l'avis du Conseil d'Etat. Je crois que vous aurez toutes raisons d'être satisfaits de ce projet de loi, mesdames, messieurs les sénateurs.
La cinquième mission consiste à exercer plus efficacement les missions régaliennes de l'Etat.
Le projet de budget pour 1999 est marqué par la relance de la politique de maîtrise de l'énergie et par le développement des énergies renouvelables. Il se caractérise ausssi par l'encouragement de la recherche nucléaire, avec le renforcement des moyens du CEA - s'agissant tout particulièrement de la gestion des déchets nucléaires. En vue de mieux maîtriser l'énergie, une enveloppe nouvelle de 500 millions de francs en autorisations de programme et crédits de paiements a été dégagée, dont un tiers est inscrite au budget de l'industrie, qui voit ainsi plus que tripler sa dotation !
Certains d'entre vous s'interrogent sur la budgétisation des taxes qui étaient affectées à l'ADEME. Je veux leur dire que le nouveau dispositif permettra une meilleure efficacité.
Chacun sait que l'ADEME éprouvait de grandes difficultés à consommer ses crédits, c'est-à-dire à utiliser le produit de taxes affectées, en raison de contraintes juridiques liées au principe d'affectation. Notre objectif, aujourd'hui, est de relancer une machine dont le rendement n'était pas, convenons-en, optimal.
Cette relance attendue s'inscrit dans un contexte marqué par la nécessité de répondre aux engagements ambitieux pris par la France à Kyoto en 1997 pour la période 2000-2010, contexte dans lequel le fait que le nucléaire ne contribue en aucune façon à l'effet de serre ne sera pas négligé. Il convient, je le répète ici, de garder ouvertes les orientations de notre politique énergétique, le nucléaire devant y tenir la place prépondérante. A ce titre, une décision concernant le futur réacteur européen EPR, évoqué par MM. Lefebvre et Weber, devra être prise dès 1999 pour que nous soyons prêts vers 2010, c'est-à-dire quand se posera le problème du renouvellement des réacteurs actuels.
Alors que vont se mettre en place les premiers éléments d'un marché intérieur de l'énergie, le Gouvernement entend à la fois maintenir la sécurité d'approvisionnement à long terme, quelles que soient les évolutions géopolitiques ou géostratégiques qui peuvent affecter certains marchés de l'énergie, préserver, dans un cadre modernisé, le service public auquel les Français demeurent pleinement attachés et assurer aux grandes entreprises consommatrices une énergie compétitive.
M. le rapporteur pour avis pour l'énergie, M. Besson, a, bien sûr, noté tout cela, et je l'en remercie, comme je remercie d'ailleurs l'ensemble des membres de la commission des affaires économiques d'avoir bien voulu - c'est exceptionnel, cette année ! - adopter les crédits de l'énergie que je lui proposais. Le Sénat sait qu'il peut compter sur mon engagement personnel en faveur de la poursuite d'une politique équilibrée, volontaire et innovante de l'énergie.
C'est une tradition qui, au-delà des nuances politiques, sert l'intérêt national.
Réaffirmer le rôle de l'Etat, cela passe par une attention toujours plus grande à la sûreté. Je suis, comme M. Weber, favorable à la création d'une autorité de sûreté indépendante. Ceux qui, comme moi, soutiennent, avec raison et maîtrise, l'énergie nucléaire, c'est-à-dire en défiant et les nucléocrates et la dogmatique anti-nucléaire, ne craignent ni la transparence ni les jugements dépassionnés et objectifs sur cette énergie et sur sa sûreté.
Plus ils sont favorables à l'équilibre de cette politique, plus ils veulent de la transparence et de la démocratie s'agissant de ladite politique. Votre commission d'enquête sur la fermeture de Superphénix, animée par MM. Valade et Revol, a confirmé cette conviction, et je l'en remercie.
Par ailleurs, le bon exercice des missions de l'Etat dans un secteur récemment ouvert à la concurrence, celui des télécommunications, suppose que soient confortés les moyens de l'autorité de régulation des télécommunications et de l'Agence nationale des fréquences. C'est le cas. Je rassure ainsi MM. Hérisson, Trucy et Delfau, qui m'ont souvent, soit ici, soit dans d'autres enceintes, posé la question.
Enfin, un exercice plus efficace des prérogatives régaliennes de l'Etat appelle un effort accru en matière de normalisation, de propriété industrielle et de métrologie. La métrologie fait l'objet d'un développement important puisque les crédits qui lui sont affectés augmenteront de 6 millions de francs en 1999, pour atteindre 37 millions de francs.
Sixième et dernière mission : moderniser les services publics et maîtriser leur ouverture à la concurrence.
Le ministère chargé de l'industrie est le garant des services publics placés sous sa tutelle, dans les domaines de l'énergie - EDF et GDF - de la poste et des télécommunications, avec France Télécom.
Dans le respect de nos engagements européens, mon objectif est que nos services publics continuent d'apporter leur contribution essentielle à la marche de notre économie et de notre société.
Pour ce faire, il faut qu'ils évoluent ! En s'adaptant, selon la formule employée par le Premier ministre, il faut qu'ils donnent naissance à des services encore meilleurs, à des services plus nombreux, à des services aux prix moindres !
Les valeurs du service public doivent être maintenues à l'occasion de ces évolutions. Je pense au service universel qui a été évoqué par M. Weber. Je pense aussi au souci du long terme : la recherche, dont j'ai parlé voilà quelques instants, qui participe du service public. C'est le cas du CNET, le Centre national d'études des télécommunications, et, à cet égard, je dis à M. Tremel que la capacité de recherche en Bretagne sera maintenue. Le souci du long terme toujours, avec le souhait exprimé par l'entreprise France Télécom de profiter de l'ouverture de son capital pour tisser de nouveaux liens capitalistiques avec Deutsche Telekom , partenaire industriel essentiel.
A propos de France Télécom, vous avez évoqué la préoccupation de nombreux parlementaires au sujet de l'affectation de la taxe professionnelle. Je comprends votre souci. Le système actuel, comme vous l'avez souligné, soulève des difficultés au regard des conditions de concurrence dans le secteur des télécommunications.
Cependant, a contrario une affectation du produit de la taxe aux collectivités locales créerait entre elles des distorsions importantes de ressources, en raison de l'inégale répartition des bases sur le territoire. C'est pourquoi ce sujet sensible pour les finances publiques, qu'elles soient locales ou qu'elles concernent l'Etat, nécessite des études et des évaluations préalables précises. Nous aurons l'occasion d'en reparler.
Conclu en juin dernier, le contrat d'objectifs et de progrès de l'Etat et de La Poste est exemplaire de cette volonté de pérenniser et de moderniser les services publics. La Poste - je m'en félicite - est parvenue à l'équilibre en 1997 après deux exercices lourdement déficitaires en 1995 et en 1996. Aujourd'hui, je suis en mesure de dire qu'elle sera aussi en équilibre en 1998. Je veux, en votre nom, certainement, aussi féliciter les postiers.
De ce point de vue, je ne puis que regretter l'amendement au projet de loi de règlement pour 1995, adopté par votre assemblée voilà quelques semaines : il conduirait à réduire les revenus de La Poste de près de 900 millions de francs par an. Naturellement, je ne peux pas imaginer que le Sénat se soit mué en chantre de la rationalisation brutale du réseau rural de La Poste.
Je rassure M. de Montesquiou : le Gouvernement a pour objectif de conforter la présence postale territoriale, et naturellement le réseau postal rural, comme il souhaite conforter ou développer le réseau postal dans les quartiers d'HLM. J'espère donc que vous reviendrez, en seconde lecture, sur cet amendement.
Par ailleurs, je sais que vous n'avez pas été insensibles à l'effort notable qu'a consenti l'Etat dans sa participation au financement des retraites sur cinq ans. Plusieurs d'entre vous l'ont dit, notamment le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, M. Hérisson. Cet effort de l'Etat - je le dis à M. Lefebvre - conforte, si besoin était, la garantie donnée à chaque postier pour sa propre retraite.
Je terminerai en évoquant le service public de l'électricité. Elaboré à la suite d'une concertation exemplaire menée depuis plus de six mois, le projet de loi sur le service public de l'électricité a pour ambition de moderniser le service public de l'électricité, sans bouleverser un secteur dont les Français sont majoritairement satisfaits.
Il ne saurait être question non plus de handicaper l'entreprise EDF, leader mondial dans ce secteur, et dont les Français sont légitimement fiers. Il s'agit de l'un des symboles de notre service public, qu'il faut adapter aux aspirations nouvelles des consommateurs et aux besoins des entreprises, dont l'horizon est désormais élargi à l'échelle du monde entier.
La nouvelle loi doit être l'occasion pour EDF de s'ouvrir à de nouveaux horizons, sectoriels et géographiques, et de confirmer qu'elle est bien une entreprise publique, moderne et ambitieuse.
Pour s'insérer avec succès dans la concurrence, EDF devra voir son objet social élargi, dans le cadre d'une ouverture maîtrisée du principe de spécialité, tout en restant bien évidemment d'abord centrée sur ses métiers, c'est-à-dire l'énergie. Il est exclu d'envisager un système à deux vitesses. La péréquation géographique des tarifs dont bénéficient les clients domestiques sera maintenue et la desserte des usagers en tous points du territoire national devra être confortée et garantie.
Je confirme à M. Besson que le Fonds d'amortissement des charges d'électrification, le FACE, ne sera pas budgétisé et continuera d'apporter une contribution essentielle à l'électrification des zones rurales.
M. Bohl, pour sa part, a évoqué des sujets importants, relatifs, notamment, au rôle des collectivités locales. Je lui propose bien volontiers, compte tenu de la qualité de son intervention, d'approfondir ces questions avec lui avant le débat sur le projet de loi de modernisation et de développement du service public de l'électricité.
L'accès à la fourniture de courant selon le principe d'égalité restera une mission fondamentale du service public, en particulier, comme pour La Poste, dans les zones rurales. Mesdames, messieurs les sénateurs, tous les citoyens devront bénéficier du progrès procuré par une électricité progressivement moins chère pour tous.
Je dirai quelques mots sur les stations-service puisque M. Besson m'a interrogé sur cette importante question. Nous avons pris des mesures pour relancer les travaux du comité professionnel des distributeurs de carburant. En concertation avec les professionnels, nous pouvons espérer une bonne prise en compte de ces sujets dans le sens souhaité par M. Besson.
Dans les domaines de l'industrie, de l'énergie, de la poste et des télécommunications, le champ d'action du ministère chargé de l'industrie est immense, qu'il s'agisse de faire émerger des stratégies industrielles et d'aider à leur mise en oeuvre ou de promouvoir, en les modernisant, les services publics en assurant leur adaptation au nouveau contexte européen et mondial.
Non - je reviens à la question de M. Clouet que j'ai résumé en commençant mon propos - l'industrie n'est pas soluble dans l'économie et les finances ; elle y puise, je le crois sincèrement, une dynamique nouvelle.
Oui, il y a place pour une intervention de l'Etat dans le champ économique.
Oui, cette intervention est utile, nécessaire, au développement de notre industrie.
Oui, toute notre action est tendue vers l'innovation, vers l'avenir et, surtout, vers l'emploi.
Dans une économie internationalisée, l'industrie française conservera sa place en recherchant des avantages compétitifs. Ceux-ci seront - il faut le répéter - fondés sur la compétitivité, la qualité et l'innovation.
Sans représenter à lui seul toute l'action déployée en ce sens par mon ministère, le budget qui vous est proposé et dont les crédits ont été adoptés par la commission des affaires économiques et du Plan, y contribue ! Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de l'allant avec lequel vous allez, j'en suis certain, le voter. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen. - MM. André Bohl et Aymeri de Montesquiou applaudissent également.)
(M. Jacques Valade remplace M. Guy Allouche au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président

M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C et concernant l'économie, les finances et l'industrie : III. - Industrie.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : moins 4 385 382 504 francs. »
Par amendement n° II-13, M. Clouet, au nom de la commission des finances, propose de réduire ces crédits de 48 320 364 francs et, en conséquence, de porter le montant des mesures nouvelles à moins 4 433 702 868 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean Clouet, rapporteur spécial. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, dans le cadre de la construction nouvelle du budget de l'Etat telle qu'elle est élaborée par la commission des finances, je suis conduit à vous présenter un amendement visant à réduire de 5 % le montant des crédits de chacun des chapitres qui composent les parties 4 à 7 du titre III. Je ne pense pas que M. le secrétaire d'Etat y verra de mauvaises pensées puisque, de toute façon, la solubilité de son ministère n'est pas en cause. (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Il ne faut pas compromettre la nécessaire montée en puissance et de l'autorité de régulation des télécommunications et de l'Agence nationale des fréquences. Si l'on adoptait un amendement de réduction de 4,8 % des crédits du titre III, comme vous le proposez, on compromettrait ce que j'ai tenté de montrer comme étant tout à fait nécessaire pour assurer la régulation, régulation que plusieurs orateurs ont d'ailleurs défendue à la tribune avant moi.
Par ailleurs, comment pourrait-on vouloir réduire ces crédits alors que nous faisons un effort remarquable en faveur de la formation, des écoles, notamment les écoles des Mines et les écoles des télécommunications, et de l'ensemble du système éducatif dont la tutelle est assurée par le ministère de l'industrie ?
Par conséquent, je demande au Sénat de rejeter cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-13.
M. Pierre Lefebvre. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre. Par cet amendement, la commission des finances propose de réduire de plus de 48 millions de francs les dépenses de fonctionnement, notamment en prélevant 23 millions de francs sur les crédits affectés à l'enseignement supérieur des postes et télécommunications et 13 millions de francs sur les dotations aux écoles nationales supérieures des Mines.
Je ne pense pas que les membres des établissements concernés apprécieraient une démarche qui consiste à organiser le désengagement de l'Etat dans la préparation des futurs cadres de la nation.
Il s'agit, ni plus ni moins, de refuser à notre pays les moyens de son développement industriel et technologique en réduisant son potentiel humain et intellectuel, dans la perspective de le livrer à la loi du marché.
Bien évidemment, le groupe communiste républicain et citoyen votera contre cette réduction de crédits qui compromettrait l'avenir.
M. Henri Weber. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Weber.
M. Henri Weber. Le Sénat s'honorerait en avançant des propositions pour accroître l'efficacité de la dépense publique, et non pas en taillant dans le vif comme il le fait.
Comme M. le secrétaire d'Etat l'a démontré, les dépenses de fonctionnement ne sont pas des dépenses inutiles ; elles sont la condition pour rendre un service de qualité. J'ajouterai que, pour que les investissements soient utiles et efficaces, il faut des dépenses de fonctionnement. Oui, il faut maîtriser et réduire la dépense publique, mais comme le fait le Gouvernement, c'est-à-dire sans précipitation ni dogmatisme.
Aussi, le groupe socialiste ne votera pas les amendement proposés par la commission des finances et visant à réduire les crédits inscrits aux titres III et V.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-13, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 24:

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 313
Majorité absolue des suffrages 157
Pour l'adoption 211
Contre 102

Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)