Séance du 30 novembre 1998







M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le ministère des anciens combattants.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le secrétaire d'Etat, voilà un an presque jour pour jour, la commission des finances du Sénat et moi-même appelions les membres de la Haute Assemblée à refuser votre budget. En effet, lorsque, à l'occasion de la publication du rapport sur le défi de la mémoire, j'avais appelé à une réhabilitation de la politique de la mémoire, vous nous aviez proposé un budget caractérisé par une réduction de près de 43 % des crédits en sa faveur. Aujourd'hui, il me semble avoir été entendu et, avant de rapporter les crédits de votre département ministériel, je tiens à vous rendre hommage pour ce changement de politique. J'y reviendrai plus en détail dans quelques instants, mais je voulais dès à présent vous en remercier.
Les crédits proposés pour 1999 s'élèvent à 25,48 milliards de francs, soit une baisse de 2,01 % par rapport à 1998, qui trouve naturellement son origine dans la disparition progressive du nombre des ressortissants du ministère. En effet, avec un montant de 19,89 milliards de francs, la dette viagère, je le rappelle, représente à peu près 78 % du budget.
Concernant les services du ministère, nous constatons la poursuite de la réduction des effectifs, n'engendrant d'ailleurs, en raison de la revalorisation des rémunérations, qu'une réduction de 0,82 % des dépenses de personnels.
Les crédits de fonctionnement, quant à eux, augmentent de 2,7 %, soit à peu près de 2,3 millions de francs, hausse largement liée au renforcement des moyens des services déconcentrés. Cette augmentation doit toutefois être relativisée par le fait que 1,3 million de francs devra être reversé à l'Etat pour l'acquittement de la TVA sur les travaux d'entretien et l'achat de matériel dans le cadre de l'entretien des sépultures de guerre qui, jusqu'à présent, par dérogation, en avait été exonéré. Ce n'est pas de votre faute, monsieur le secrétaire d'Etat, puisque cela résulte d'une décision de Bercy. Mais autorisez-moi à voir là un moyen pour l'Etat de reprendre d'une main ce qu'il a donné de l'autre !
En revanche, je me félicite de voir que, comme je l'avais préconisé dans le rapport sur « Le défi de la mémoire », vous avez débloqué une somme de 750 000 francs en faveur de l'informatisation du fichier des morts pour la France, dont le coût total - je me permets de le rappeler - est évalué à 30 millions de francs ; mais c'est un premier pas.
Les crédits de l'Institution nationale des invalides, l'INI, sont stables par rapport à 1998, avec 42,9 millions de francs ; mais la réforme du service national et la disparition des militaires à son service - neuf aspirants, vingt-quatre militaires du rang, dont six spécialisés et dix-huit sans spécialité - risque d'affecter gravement son fonctionnement, d'autant que cette mesure devait initialement s'étaler sur deux ans, tout au moins jusqu'à l'an 2000, mais que vous avez avancé son terme à 1999.
Je tiens par ailleurs à rappeler que deux postes de conducteur auto sont toujours vacants et non budgetés. Il est regrettable, monsieur le secrétaire d'Etat, que la dotation affectée à l'INI n'ait pas été augmentée, car cette institution se trouve dans une situation difficile.
Les crédits de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, l'ONAC, sont en augmentation de 3,14 % et s'élèvent à 228,89 millions de francs, auxquels s'ajoutent deux subventions complémentaires : une subvention de 46,71 millions de francs pour les dépenses sociales et une subvention de 6,5 millions de francs pour la remise aux normes de sécurité des maisons de retraite. Je dois vous remercier, monsieur le secrétaire d'Etat, d'avoir abondé les crédits de l'ONAC d'une somme de 5 millions de francs en faveur de l'action sociale en direction des veuves d'anciens combattants, qui, comme nous le savons, ne bénéficient pas d'une réversion.
Les écoles de rééducation, bien que fonctionnant très bien, connaissent un déficit chronique. Je m'interroge, à ce propos, sur le bien-fondé de leur maintien au sein de l'ONAC, dans la mesure où seulement 1,6 % des stagiaires est pris en charge par l'ONAC.
Chargé par la commission des finances d'effectuer une étude sur le fonctionnement des services de l'ONAC, je me suis penché sur le problème des maisons de retraite. Il ressort de mes premières constatations qu'il existe une grande disparité entre elles, tant sur le plan du fonctionnement que sur celui de l'investissement ; cela appellerait, pour assainir leur situation, une gestion individualisée, ce que l'ONAC, figé dans son statut d'établissement public, ne peut appliquer.
Ce sont là mes premières remarques avant la publication du rapport que je présenterai au début de l'année prochaine.
J'aborde maintenant le cas particulier de certaines catégories de ressortissants. Il faut reconnaître que quelques avancées sont à mettre à votre crédit, monsieur le secrétaire d'Etat. S'agissant tout d'abord des anciens d'Afrique du Nord, on parle non plus d'opérations de maintien de l'ordre ou des événements d'Algérie mais de « guerre d'Algérie ». Cependant, il faut aller plus loin : il faut aller jusqu'au bout ; il faut que les anciens combattants concernés puissent bénéficier des mêmes droits que leurs aînés.
L'Assemblée nationale, lors de la discussion de ce projet de budget, a adopté deux amendements gouvernementaux dont je me réjouis totalement.
Le premier élargit les conditions d'attribution de la carte du combattant aux anciens d'Afrique du Nord ayant passé non plus dix-huit mois mais quinze mois en territoire algérien. Vous vous êtes engagé à étendre cette mesure aux anciens combattants du Maroc et de Tunisie, ce qui n'est que justice. Dans le même esprit, ne pourrait-on pas envisager d'accorder un titre de reconnaissance de la Nation aux troupes stationnées en Afrique du Nord entre le 2 juillet 1962 et le 1er juillet 1964 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. Le second amendement permet aux intéressés d'accéder directement à l'allocation de préparation à la retraite, l'APR, sans passer par le sas des six mois d'allocation différentielle. Cette disposition simplifie avantageusement le dispositif.
Quant à la retraite anticipée, « promesse, promesse »... je rappellerai entre autres l'engagement de M. le Premier ministre dans son discours de politique générale du 9 juin 1997. Nous attendons quand même cette retraite !
J'en viens maintenant aux « oubliés » de ce projet de budget. Durant l'été, des négociations ont eu lieu entre le secrétaire d'Etat aux anciens combattants et la fondation Entente franco-allemande, afin de solder le douloureux problème des incorporés de force dans le RAD, le Reichsarbeitsdienst, et le KHD, le Kriegshilfsdienst. Le principe d'une indemnisation conjointe semble avoir été admis ; or, je n'ai trouvé aucune ligne budgétaire pour financer cette mesure. Qu'en est-il, monsieur le secrétaire d'Etat ?
Vous me savez depuis toujours très attaché au sort des anciens combattants d'outre-mer. Lors du débat à l'Assemblée nationale, vous avez indiqué à nos collègues députés que, au regard d'une étude menée par vos services, le pouvoir d'achat des intéressés n'était pas inférieur à celui des anciens combattants de la métropole. Je ne peux que vous croire, monsieur le secrétaire d'Etat. Toutefois, vous serait-il possible de rendre le Parlement destinataire de cette étude et de prévoir, sans trop attendre, une levée de la forclusion affectant ces populations ?
J'en finirai par la question des réfractaires au service du travail obligatoire. Leur accorder, comme ils le demandent depuis tant d'années, le titre de reconnaissance de la Nation ne serait que justice, et ce sans engager trop lourdement - il faut le reconnaître - les finances de l'Etat. Le secrétariat d'Etat aux anciens combattants a-t-il des projets à leur égard ?
Après avoir parlé de la reconnaissance de la nation à l'égard des anciens combattants et de la réparation, premier pilier de mon rapport, j'en arrive au second pilier, consacré à la mémoire.
Je ne reviendrai pas sur la coupe claire de l'année passée ! L'importante augmentation des crédits que nous constatons cette année, et dont nous nous réjouissons, permet de rattraper une partie du retard engendré par la chute des crédits de 1998. C'est ainsi que les crédits consacrés à l'information historique et aux interventions dans le domaine des monuments et des musées commémoratifs, après avoir baissé de 43 % en 1998, augmentent de 79,5 %, les crédits des fêtes et commémorations progressant, quant à eux, de 11,3 %.
Vous proposez, monsieur le secrétaire d'Etat, la création d'un emploi « mémoire » dans chaque service départemental de l'ONAC. C'est une excellente initiative en ce qu'elle devrait permettre de sensibiliser la jeune génération à la mémoire citoyenne tout en donnant une impulsion nouvelle à la politique de la mémoire. Toutefois, j'émets deux réserves à ce projet : l'une concerne le niveau de rémunération des jeunes recrutés - 5 600 francs pour une qualification minimum de bac + 3 - et l'autre concerne l'avenir de ces jeunes à l'issue de ce contrat ; mais cela est un autre débat.
Avant de passer aux articles 75 et 76, j'achèverai mon propos sur l'évolution des structures du secrétariat d'Etat aux anciens combattants.
Sans remettre en cause les propositions émises par la commission que vous avez instaurée et dont je m'accommode fort bien, je souhaiterais que vous nous donniez quelques informations complémentaires sur certaines modalités de cette réforme qui me paraissent encore troubles. Par exemple, la répartition des activités entre la DMIH, la délégation générale à la mémoire et à l'information historique, et le ministère de la défense me fait redouter une dilution du rôle de la première au profit du second ; j'en veux pour preuve le financement par le ministère de la défense des commémorations du quatre-vingtième anniversaire !
Il est impératif de pérenniser votre département ministériel, de le doter d'un budget autonome et, naturellement, de maintenir et de développer l'ONAC et ses services déconcentrés qui restent avant tout, nous le savons tous, des services de proximité en faveur des anciens combattants. Mais je sais, monsieur le secrétaire d'Etat, que telle est votre volonté.
J'en viens aux articles rattachés.
L'article 75 vise à rendre automatique le bénéfice de l'allocation de remplacement pour l'emploi, l'ARPE, pour les salariés anciens combattants cessant leur activité. Le dispositif général de l'ARPE conditionne son application à l'accord de l'employeur.
Ici, vous nous proposez une mesure dérogatoire à la loi du 21 février 1996, qui pourrait être par la suite étendue en faveur d'autres catégories. C'est en contradiction avec le principe de la libre entreprise et de la liberté d'embauche. Il y a là une modification profonde de l'esprit du dispositif existant.
Mais si le nombre des bénéficiaires potentiels est encore incertain - à l'Assemblée nationale, les chiffres étaient différents selon qu'ils émanaient du secrétariat d'Etat ou des députés - il ne concernera qu'un groupe de personnes relativement restreint. Dans ces conditions, la commission des finances n'a pas jugé judicieux de mettre en place une procédure exorbitante du droit commun, et elle a proposé un amendement de suppression de cet article. Il existe certainement d'autres possibilités que nous pouvons étudier et dont nous pouvons discuter.
L'article 76 relève à 100 points le plafond de la retraite mutualiste. C'est une mesure que la commission n'a pu qu'approuver ; elle souhaite cependant que vous vous engagiez à ce que cette majoration ne soit qu'une étape dans le rattrapage souhaité légitimement par les anciens combattants, monsieur le secrétaire d'Etat.
Consciente des efforts consentis au monde combattant, la commission des finances, sous réserve de la suppression de l'article 75, invite le Sénat à adopter ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce projet de budget est un encouragement pour le monde combattant. Cependant, il appelle de ma part quelques réserves.
Le projet de budget du secrétariat d'Etat aux anciens combattants s'inscrit en apparence très largement dans la continuité des budgets précédents : l'érosion régulière des crédits se poursuit, tandis que les mesures nouvelles proposées sont loin de répondre à toutes les demandes du monde combattant.
Cette année encore, les crédits du secrétariat d'Etat vont diminuer. La baisse sera de 2,1 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1998. La baisse réelle est plus importante car, à structure constante, c'est-à-dire si l'on exclut la mesure de trésorerie de 1998 concernant le versement de la majoration de la retraite mutualiste, elle atteindra 3,5 %.
Comme le disait M. Baudot, cette diminution doit cependant être relativisée. Tout d'abord, elle reste inférieure à la diminution probable du nombre de pensionnés ; l'effort budgétaire par ancien combattant va donc augmenter.
Ensuite, la diminution des crédits n'est pas incompatible avec la reconduction dans de bonnes conditions des actions en faveur des anciens combattants. Ainsi, le respect du droit à réparation sera garanti. La politique de solidarité bénéficiera de moyens nouveaux, notamment en faveur de l'action sociale de l'ONAC. La politique de la mémoire verra, elle, ses crédits fortement augmenter après, il est vrai, une baisse sensible en 1998.
Enfin, l'évolution des crédits se traduit par une réorientation des actions du ministère vers la solidarité et la mémoire. Les dépenses relatives à ces deux politiques représenteront 22 % du budget total, l'an prochain.
Mais le projet de budget s'accompagne également de quatre mesures nouvelles, que je rappellerai brièvement : le bénéfice automatique de l'allocation de remplacement pour l'emploi aux anciens combattants, le relèvement à l'indice 100 du plafond majorable de la retraite mutualiste, la suppression du stage de six mois pour toucher l'allocation de préparation à la retraite, et l'assouplissement des conditions d'attribution de la carte du combattant pour les anciens d'Algérie.
La commission des affaires sociales avait suggéré déjà plusieurs fois au Gouvernement de prendre de telles mesures. Elle se félicite de constater que le Gouvernement l'a entendue, même si ces mesures auraient sans aucun doute pu être un peu plus favorables.
En revanche, la commission des affaires sociales regrette que le Gouvernement n'ait pas avancé de nouvelles propositions sur d'autres sujets qui sont pourtant d'une actualité brûlante pour le monde combattant. J'en évoquerai trois.
En premier lieu, la question de la retraite anticipée n'est, hélas ! pas abordée par ce budget. En juin dernier, le Gouvernement avait invoqué l'article 40 de la Constitution pour s'opposer à la proposition de loi rapportée par notre collègue Guy Fischer au nom de la commission des affaires sociales - proposition de loi que j'avais soutenue - tendant à accorder la retraite anticipée aux anciens combattants chômeurs en fin de droits. Je constate que les mesures nouvelles proposées, même si elles constituent des progrès évidents, ne peuvent en aucun cas être considérées comme un substitut à la retraite anticipée.
En deuxième lieu, je voudrais insister sur la situation souvent très délicate des veuves d'anciens combattants pensionnés. Ces femmes, qui ont, pour beaucoup d'entre elles, cessé de travailler pour s'occuper de leur mari, se retrouvent fréquemment dans le dénuement à la mort de celui-ci. Soit leur mari était invalide à moins de 60 %, et elles n'ont droit à aucune pension de réversion, soit l'invalidité était supérieure à 60 %, et la pension de réversion reste - il faut bien le reconnaître - très modeste.
M. le secrétaire d'Etat objectera sans doute que 5 millions de francs ont été débloqués en première lecture à l'Assemblée nationale en faveur de l'action sociale de l'ONAC auprès des veuves. Certes, mais cela reste insuffisant. Il faudrait aller plus loin, soit en revalorisant, pour les veuves, les pensions de réversion les plus modestes, soit en assouplissant les conditions de réversion, soit enfin en augmentant plus sensiblement les crédits spécifiques de l'ONAC.
Enfin, en troisième lieu, se pose toujours la question récurrente de la « décristallisation ». Si une mesure générale apparaît délicate à court terme, la commission des affaires sociales suggère deux évolutions.
Il importe d'abord de réduire significativement les inégalités résultant de la très grande dispersion de la valeur des points de pension. Elle est, par exemple, de 45 francs à Djibouti et de 3 francs et 14 centimes au Viêt-Nam.
Il faudrait également lever la forclusion pesant sur les pensions d'invalidité des anciens combattants ressortissants d'anciennes colonies. La forclusion soulève, en effet, un double problème : il est impossible pour un ancien combattant de faire reconnaître une aggravation de son état, et les pensions d'invalidité ne sont pas réversibles.
Sur tous ces points, la commission des affaires sociales attend du Gouvernement une action tangible.
Aux anciens combattants et victimes de guerre, qui nous écoutent, je souhaite que cette discussion budgétaire puisse apporter le réconfort d'avoir été au moins en partie entendus dans leurs revendications - qui sont tout simplement une marque de reconnaissance de la nation - grâce à l'effort fait par votre ministère, monsieur le secrétaire d'Etat, et je vous en remercie.
Considérant que les mesures proposées, bien qu'insuffisantes, allaient dans la bonne direction, la commission des affaires sociales s'est déclarée favorable à l'adoption des crédits relatifs aux anciens combattants et des quatre articles rattachés.
Elle vous proposera également d'adopter un amendement à l'article 75 rattaché, tendant à accorder le bénéfice de l'allocation de remplacement pour l'emploi des salariés anciens combattants cessant leur activité, même en cas de désaccord de l'employeur. Nous souhaitons d'ailleurs que cette disposition ne soit pas uniquement réservée aux anciens combattants titulaires de la carte du combattant, mais s'applique également aux bénéficiaires du titre de reconnaissance de la nation.
Monsieur le secrétaire d'Etat, telles sont les quelques considérations et observations que je tenais à présenter au nom de la commission des affaires sociales. Je tiens, en conclusion, à vous remercier, tout en considérant que ce budget n'est qu'une étape et un encouragement pour le budget de l'an prochain qui, nous l'espérons, tiendra davantage compte encore des problèmes des anciens combattants. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants et du RDSE, ainsi que sur les travées socialiste.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 18 minutes ;
Groupe socialiste, 21 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 11 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 21 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes ;
Groupe communiste, républicain et citoyen, 5 unités.
La parole est à M. de Gaulle.
M. Philippe de Gaulle. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, quand il a fallu se battre pour leur pays, les anciens combattants n'ont rien demandé pour eux-mêmes.
En se rassemblant ensuite en associations, ils n'ont eu pour objectifs que de retrouver leur solidarité dans les combats, de rendre témoignage de leurs morts et de maintenir le patrimoine moral ou patriotique sans lequel il n'y a ni peuple ni nation.
Les anciens combattants ne veulent pas pour autant être moins bien traités que tous ceux qui, même s'ils n'en sont pas responsables, doivent réclamer le bénéfice de la solidarité nationale, y compris, à nouveau, celle des anciens combattants.
Certes, les anciens combattants ont quelques avantages, plus de principe que d'équité comptable et dont l'essentiel, en 1998, peut se résumer de la façon suivante.
Une retraite du combattant non fiscalisable de 2 700 francs par an, soit 225 francs par mois, ou encore 7,50 francs par jour. Les intéressés en disent qu'elle leur paye un peu plus d'un litre d'essence ou un peu moins que leur tabac quotidien. On doit d'ailleurs noter que, dans l'un et surtout dans l'autre cas, la plus grande partie de la somme retourne à l'Etat sous forme de taxes. (Sourires.)
Une retraite mutualiste du combattant, imposable comme vente viagère à titre onéreux mais cotisée par les intéressés et partiellement par l'Etat, généralement à concurrence de 25 % du plafond de base, soit 7 495 francs annuels, par référence à l'indice 95 des pensions militaires d'invalidité.
Les anciens combattants ont cru comprendre que le Gouvernement relèverait cet indice à 100 points. Ils estiment que cet indice pour 1999 devrait être de 105 pour atteindre 130 en cinq ans, indice qui résulte d'un compromis fort modéré en ce qui les concerne si l'on sait que le véritable indice devrait être de 230 par rapport aux origines et pour tenir compte de la réalité économique.
Vos ressortissants, monsieur le secrétaire d'Etat, sont de l'ordre de 4 millions, titulaires, veuves ou orphelins.
Une quarantaine de milliers d'anciens combattants d'Afrique du Nord, qui sont chômeurs, bénéficient d'une allocation différentielle de 5 600 francs par mois s'ils justifient de cent soixante trimestres de cotisations d'assurance vieillesse, en y incluant le temps passé en Afrique du Nord.
Enfin, les anciens combattans âgés de plus de soixante-quinze ans bénéficient actuellement d'un quotient d'une demi-part sur l'imposition des revenus, plafonné, selon un mode fiscal bien français qui n'est ni proportionnel ni même progressif, à 16 000 francs, montant menacé, au demeurant, de tomber à un niveau inférieur.
Certains diront qu'il s'agit là essentiellement de personnes imposées sur le revenu, autrement dit des plus aisés, comprenant notamment mais non exclusivement les anciens officiers ou sous-officiers, mais pas seulement. Rappelons aussi que les officiers ont eu statistiquement trois à quatre fois plus de risques d'être tués ou blessés, et les sous-officiers deux à trois fois plus que les hommes de troupe. Voilà pour les favorisés !
Mais, dans un pays où l'on accorde aux chômeurs, même s'ils n'y sont pour rien, le bénéfice de cotisations fictives pour la retraite, je pense que l'équité comptable doit reconnaître intégralement les mêmes avantages à tous les anciens combattants, pour compenser le fait qu'ils n'ont pas pu cotiser professionnellement durant le temps où ils ont servi sous les drapeaux.
Malgré la diminution rapide du nombre des anciens combattants du fait de leur âge, je retrouve plus, dans le budget qui nous est proposé pour ceux qui restent, des avantages annexes qu'une orientation compensatrice fondamentale pour ceux qui sont les plus méritants par rapport à tous les autres.
En matière économique et financière, la logique comptable et la simple arithmétique ont plus d'objectivité et plus de coeur que les idéologies ou les discours généreux. C'est rappeler tout simplement que les bons comptes font les bons amis !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Philippe de Gaulle. Si la tache d'un secrétaire d'Etat n'est jamais facile, la vôtre l'est encore moins, pour vous qui n'appartenez pas vous-même aux anciens combattants - et c'est votre chance - et qui appartenez à un gouvernement - et c'est votre handicap - qui a manifesté trop d'indulgence pour les pacifistes - je n'ai pas dit les pacifiques -...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Et les mutins !
M. Philippe de Gaulle. ... et les antimilitaristes, catégories qui se répandent à flots dans les médias sans savoir ce qu'ont été les combats et qui sont complètement étrangères au combattants.
Malgré vos efforts, monsieur le secrétaire d'Etat, il ne me paraît pas que le compte du Gouvernement y soit tout à fait,...
M. Raymond Courrière. Il fallait le dire à vos amis quand ils étaient au pouvoir !
Mme Nelly Olin. Ça alors, c'est quelque chose !
M. Raymond Courrière. Parce que vous n'aviez rien promis ? Ou alors, nous ne parlons pas des mêmes !
M. Philippe de Gaulle. ... ni dans son budget ni vis-à-vis de l'histoire. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE).
M. Raymond Courrière. Tiens, ils se réveillent !
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Raymond Courrière. Ils ont perdu la mémoire !
M. le président. La parole est à M. Fischer, et à lui seul !
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, d'une discussion budgétaire à l'autre, nous avons à regretter, régulièrement, la réduction des crédits alloués au secrétariat d'Etat aux anciens combattants et victimes de guerre.
Hélas ! force est de reconnaître que celle-ci ne fera pas exception à la règle.
M. Michel Pelchat. Vous êtes au Gouvernement !
M. Guy Fischer. La satisfaction de voir ce budget en baisse de 2 %, alors que la population des anciens combattants a diminué de 4 %, est un sentiment que notre groupe ne peut partager au regard de la liste, trop longue, des revendications restées insatisfaites.
Je pense, bien évidemment, à la première d'entre elles, que mon ami Robert Pagès et moi-même avions eu l'occasion de défendre ici même avant de nous voir opposer l'irrecevabilité financière : je veux parler de la retraite anticipée pour les anciens combattants ayant servi en Afrique du Nord.
Les engagements de M. Lionel Jospin à ce sujet avaient fait naître chez les intéressés un espoir que, pour notre part, nous continuerons de porter chaque fois que cela sera possible. Un amendement en ce sens sera d'ailleurs proposé au terme de la présente discussion.
Certes, ce budget avance « à petits pas » sur le chemin qui nous mène au respect du droit imprescriptible à réparation pour les anciens combattants. Cependant, il demeure insuffisant si l'on évalue les marges de manoeuvre supplémentaires que favorisent, d'une part, croissance économique retrouvée et, d'autre part - mais faut-il s'en réjouir, et nous ne le faisons pas -, la disparition des « parties prenantes ».
Nous apprécions à sa juste valeur, néanmoins, l'accès au dispositif de l'allocation de remplacement pour l'emploi, l'ARPE, pour les salariés titulaires de la carte du combattant, bien que cette disposition soit d'une portée réduite ; il en est de même du relèvement à 100 points du plafond de la rente mutualiste, de la fixation à quinze mois du délai pour l'obtention de la carte du combattant, ou encore de la suppression du stage de six mois qui était nécessaire pour pouvoir prétendre à l'allocation de préparation à la retraite. De plus, 5 millions de francs supplémentaires permettront de développer l'aide sociale aux veuves d'anciens combattants.
Ces avancées sont le fruit d'un travail en commun des associations d'anciens combattants, des parlementaires et - il faut le reconnaître, monsieur le secrétaire d'Etat - de vos services. A cet égard, je tiens aussi à souligner les efforts accomplis par mes amis du groupe communiste de l'Assemblée nationale en vue de favoriser la satisfaction de ces justes revendications.
Il convient, toutefois, d'observer la timidité et la parcimonie du projet de budget initial. Cela atteste, me semble-t-il, une tendance de plus en plus manifeste à proposer le moins possible, pour ensuite mieux répondre aux initiatives parlementaires et, par là même, donner bonne figure à ce budget.
Le temps qui m'est imparti ne me permettra pas de développer les autres mesures qu'il serait nécessaire et possible d'intégrer dans ce projet de loi de finances pour 1999. Il en est ainsi de la levée de la forclusion de la carte de combattant volontaire de la Résistance ; de la décristallisation des pensions des étrangers ayant combattu dans nos anciennes colonies sous le drapeau français ; de la révision du calcul du rapport constant, sans cesse promise, jamais réalisée ; du dégel des pensions des plus grands invalides ; ou encore de la prise en compte des troubles psycho-traumatiques de guerre.
J'insisterai plus particulièrement, en ce qui me concerne, sur quelques aspects que ce projet de budget passe sous silence.
S'agissant, tout d'abord, des droits et pensions des patriotes résistants à l'occupation, vous avez déclaré, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'ils étaient indemnisés au même titre que les incorporés de force dans l'armée allemande. Cela me paraît inexact de deux points de vue : d'une part, le montant de l'indemnisation n'intègre pas l'inflation intervenue depuis 1981 ; d'autre part, les ayants cause des patriotes résistants à l'occupation ne peuvent prétendre à cette même indemnisation à l'instar des ayants cause des incorporés de force par l'Allemagne hitlérienne. En conséquence, une revalorisation des pensions serait tout à fait justifiée ainsi qu'une plus grande justice dans l'examen des dossiers, notamment les dossiers de ceux pour lesquels le décès de l'ayant droit a privé les ayants cause du versement de l'indemnisation. Une telle démarche serait peu coûteuse et bien reçue par les populations concernées d'Alsace-Moselle.
Ensuite, je souhaite attirer votre attention sur une contradiction entre les périodes envisagées pour l'obtention de la carte de combattant et le décret n° 68-294, relatif aux critères d'attribution du titre de reconnaissance de la nation, le TRN, qui fixe les dates limites au 2 mai 1956 pour la Tunisie et au 20 mars 1956 pour le Maroc. Un réajustement serait, me semble-t-il, nécessaire.
En outre, notre groupe, à l'instar de ce qui a été proposé à l'Assemblée nationale, est totalement favorable à l'adoption d'un texte de loi portant reconnaissance de l'état de guerre qui a prévalu en Algérie de 1954 à 1962. Ce geste serait d'une portée hautement symbolique pour les soldats engagés dans une guerre que la France n'a, à l'évidence, toujours pas intégrée dans sa mémoire collective et favoriserait, par ailleurs, le rapprochement des peuples algérien et français.
Enfin, je souhaiterai vous entendre, monsieur le secrétaire d'Etat, sur l'état d'avancement du projet d'installation, au Strutthoff, d'un centre européen du système concentrationnaire nazi dont la finalité serait en phase avec la priorité que vous souhaitez apporter à la politique de la mémoire et dont nous apprécions un premier réajustement de 2 millions de francs.
En conclusion, estimant que les progrès de ce projet de budget pour 1999 sont intéressants mais qu'ils restent en deçà des attentes soulevées par « les quarante engagements pour 1998 », les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen s'abstiendront si ce projet de budget devait ignorer les propositions que j'aurais l'occasion de soumettre au Sénat dans quelques instants.
Permettez-moi enfin d'associer mon groupe aux propos tenus par M. le Premier ministre sur le Chemin des Dames concernant les mutins de 1917, propos qui font honneur à la France et à ce gouvernement de la gauche plurielle. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes. - Exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Michel Pelchat et Mme Anne Heinis. Ah non !
M. Guy Fischer. Chacun son point de vue !
M. le président. La parole est à Mme Printz.
Mme Gisèle Printz. Le travail que vous avez accompli depuis un an et demi, monsieur le secrétaire d'Etat, nous donne satisfaction dans la forme comme dans le fond. Nous avons apprécié votre sens du dialogue avec les associations représentatives du monde ancien combattant. Les relations que vous avez établies avec elles font la preuve du respect et de la considération que vous témoignez à ceux qui se sont engagés dans les moments difficiles que la nation a pu connaître.
A travers de nombreuses réunions de commissions et groupes de travail, vous avez abordé tous les problèmes dans un esprit d'ouverture pour rechercher les solutions possibles. Nous avons apprécié également votre souci d'associer les parlementaires à votre réflexion, qu'il s'agisse de la préparation du projet de budget ou du traitement des gros dossiers significatifs.
L'année 1998 a aussi été celle du quatre-vingtième anniversaire de la fin de la grande guerre 1914-1918. La manière dont vous avez organisé cette célébration particulière montre l'importance que vous accordez à la mémoire de ceux qui sont morts et qui se sont engagés totalement pour la patrie.
Aussi, je ne suis pas étonnée que votre projet de budget pour 1999 porte la trace de votre volonté de rappeler l'exemplarité des valeurs citoyennes dont ont fait preuve ceux qui ont participé aux conflits contemporains. La reconnaissance nationale doit s'exprimer clairement à leur égard ; elle n'est que légitime. Elle ne doit être que le remerciement toujours renouvelé d'un peuple reconnaissant à ceux qui lui ont assuré la liberté, fondement premier de la démocratie.
Au-delà de ce projet de budget qui consolide et développe des avancées amorcées l'an passé, je voudrais vous interroger sur les engagements que vous avez pris pour l'année 1998. Vous vous étiez publiquement engagé sur quarante dossiers particuliers qui recouvrent l'ensemble des catégories de victimes de guerre et d'anciens combattants : où en sommes-nous aujourd'hui ? Avez-vous pu obtenir des résultats ? Avez-vous rencontré des difficultés et, dans l'affirmative, lesquelles ?
Dans votre programme de travail pour 1998, vous avez réservé une place particulière aux questions relatives à l'Alsace-Moselle, aux séquelles encore sensibles aujourd'hui. En effet, l'annexion des départements alsaciens et mosellans par le IIIe Reich a eu sur la population des conséquences dramatiques. Elles présentent des particularités par rapport à ce qu'ont connu leurs contemporains des autres régions : embrigadement dans les formations politiques du national-socialisme, incorporation forcée dans l'armée ou les formations paramilitaires ; populations déplacées comme les patriotes résistants à l'occupant, que j'ai rencontrés récemment.
L'intégration de ces différentes catégories de victimes dans le dispositif de reconnaissance et de réparation laisse subsister différents problèmes à ce jour non résolus qui font l'objet de revendications.
En tant que femme, j'ai été particulièrement touchée par la situation des jeunes filles qui avaient été incorporées de force au Reichsarbeitsdienst et au Kriegshilfsdienst, RAD et KHD, dont je voudrais dire quelques mots.
Ces jeunes filles durent endosser un uniforme qui n'était pas celui de la Wehrmacht, alors que, pourtant, ces services faisaient partie intégrante de l'armée allemande et étaient soumis au règlement militaire. Le KHD s'effectuait sur le territoire du grand Reich, non seulement dans les services auxiliaires, les bureaux des services de l'armée et des administrations, les hôpitaux et les services sociaux, mais également, après le 1er août 1942, dans les usines d'armement, les fabriques de munition, les services de transports ou les hôpitaux militaires, notamment.
Bien que n'ayant pas été directement engagées dans des combats, les incorporées de force féminines subirent les conséquences des opérations de guerre, en particulier les bombardements des villes et des sites stratégiques sur lesquels elles étaient affectées, sans compter les nombreux vaccins et piqûres qu'elles ont eues à subir dans les camps, ignorant toujours la nature des substances qui leur étaient inoculées, parfois à titre expérimental.
Il n'existait aucun droit à la réparation pour les incorporées de force au RAD-KHD, ni indemnisation, ni pension d'invalidité, alors que certaines invalidités sont, sans conteste, consécutives à des blessures et maladies contractées durant leur période d'incorporation.
Monsieur le secrétaire d'Etat, pourriez-vous faire le point de votre action en leur faveur ?
Concernant toujours l'Alsace-Moselle, de nombreuses voix s'élèvent aujourd'hui pour que les pages de cette douloureuse histoire soient matérialisées. Il existe un projet de création d'historial. Plusieurs villes ont posé leur candidature : Phalsbourg, en Moselle, Schirmeck, Strasbourg, dans le Bas-Rhin, et Cernay, dans le Haut-Rhin. Je sais que vous avez décidé d'apporter votre aide à cette opération. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Ces régions ont vécu un véritable drame après l'annexion de fait en 1940 ; c'est pourquoi je me permets d'insister sur l'importance de votre action et de vos initiatives en faveur des Alsaciens et Mosellans.
De façon plus générale, je souhaiterais que vous nous informiez sur la politique sociale que vous menez en faveur des anciens combattants et des ressortissants de votre secrétariat d'Etat. Ceux qui ont servi la France durant les guerres ont droit à une marque particulière de la solidarité nationale. Comment celle-ci s'exprime-t-elle aujourd'hui envers les anciens combattants au chômage, envers les veuves et les orphelins de guerre ?
Je voudrais que vous me permettiez une dernière question à propos de la politique commémorative des conflits contemporains. Certains ont demandé la suppression du 11 novembre et du 8 mai afin de les regrouper en une journée commémorative unique. Cette menace est-elle encore d'actualité ? Pouvez-vous rassurer sur ce point le monde combattant ? Que pouvez-vous nous dire également sur le 19 mars et la commémoration de la guerre d'Algérie ? Peut-on espérer sortir bientôt de l'ambiguïté actuelle, qui contribue à faire de ce conflit une « guerre oubliée » ?
A l'évidence, le Gouvernement est du côté des anciens combattants ; la réelle solidarité qu'il manifeste à leur égard le prouve.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le groupe socialiste vous encourage à poursuivre votre tâche, déjà bien entreprise, qui est de résorber le contentieux qui existe entre les pouvoirs publics et le monde combattant. Il votera votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Herment.
M. Rémi Herment. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je veux entamer mon propos en évoquant le débat qui s'est tenu au Sénat le 29 juin dernier et qui concernait 15 000 anciens combattants d'Afrique du Nord. Il s'agissait du débat relatif à l'examen de la proposition de loi sénatoriale tendant à accorder la retraite anticipée aux anciens combattants chômeurs en fin de droits justifiant de quarante années de cotisations diminuées du temps passé en Afrique du Nord. Je tiens à rappeler que cette proposition avait précédemment été adoptée à l'unanimité par la commission des lois.
Vous avez opposé, monsieur le secrétaire d'Etat, une fin de non-recevoir à cette requête.
M. Jean-Patrick Courtois. C'est vrai !
M. Rémi Herment. Depuis 1985, les sénateurs, vous le savez, ont déposé bien des propositions de loi sur ce thème récurrent et, depuis, l'évolution du chômage a poussé au bord du chemin un certain nombre d'anciens combattants ; ceux-ci ne comprennent pas que le Gouvernement ne fasse rien pour prémunir contre la dégressivité de l'allocation chômage ceux qui, au péril de leur vie et au prix souvent de leur santé, ont participé aux opérations militaires en Algérie, au Maroc et en Tunisie.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez dit, le 29 juin 1998, partager les grandes préoccupations de la représentation nationale à propos des anciens combattants, et vous avez déclaré vouloir améliorer leur situation, particulièrement celle des anciens d'Afrique du Nord chômeur, qui ont cotisé quarante annuités. Vous nous avez même donné rendez-vous pour l'élaboration de la loi de finances pour 1999 - selon vos propres termes - pour franchir, à cette occasion, un pas supplémentaire dans le sens de cette proposition de loi.
Que constatons-nous aujourd'hui ? Eh bien, tout simplement l'absence de mesures relatives à la retraite anticipée pour les anciens combattants d'AFN. Leurs attentes sont déçues.
Vous avez fait valoir, monsieur le secrétaire d'Etat, que la plupart des personnes concernées percevaient actuellement des allocations de remplacement plus avantageuses ; c'est vrai si l'on tient compte des seules retraites du régime général, mais ça ne l'est plus, si l'on y ajoute les retraites complémentaires. Nous avons conscience du coût élevé de cette mesure - 1,3 milliard de francs - mais il faut au moins en faire bénéficier les chômeurs en fin de droits.
Parmi les diverses revendications, nous considérons que celle de la retraite anticipée pour les anciens d'Afrique du Nord doit être satisfaite de façon urgente. En effet, le nombre de bénéficiaires potentiels va diminuer sensiblement au cours des prochaines années.
J'ai moi-même déposé, en juin 1995, avec plusieurs de mes collègues centristes, une proposition de loi tendant à assurer le droit à réparation des anciens combattants et victimes de guerre dans le respect de l'égalité des générations.
J'ai demandé principalement que le temps passé par les intéressés sur les territoires d'Algérie, de Tunisie et du Maroc soit considéré, sans réduction du taux applicable à leur pension de retraite, d'une part comme une période d'anticipation par rapport à l'âge de soixante ans et, d'autre part, comme une bonification dans le décompte des trimestres validés.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il est très important que la nation française dise sa reconnaissance à ceux qui ont porté son honneur, ses couleurs et ses armes, à ceux qui ont servi en Afrique du Nord après le 1er janvier 1962 et, pour certains, jusqu'au 1er juillet 1964.
S'agissant de la carte du combattant, avec mes collègues de la majorité sénatoriale, nous avions considéré, l'an dernier, lors de l'examen du budget pour 1998, que le critère des dix-huit mois de présence en Afrique du Nord pour l'obtention de cette carte pourrait constituer une avancée positive, notamment vers la notion de risque.
Nous avions estimé néanmoins que ce critère ne réglait pas la question puisqu'un grand nombre d'anciens combattants étaient restés moins de dix-huit mois en Afrique du Nord.
Nous ne pouvons donc que nous réjouir de l'adoption à l'Assemblée nationale, lors de l'examen de votre budget le 6 novembre dernier, d'un amendement visant à abaisser le temps de présence nécessaire en Afrique du Nord de dix-huit à quinze mois pour que la qualité de combattant soit reconnue. Nous vous remercions, monsieur le secrétaire d'Etat, d'avoir accepté de reprendre l'amendement de notre collègue François Rochebloine, amendement qui avait été précédemment adopté, à l'unanimité encore une fois, en commission.
S'agissant du relèvement du plafond donnant lieu à majoration de la retraite mutualiste du combattant, nous prenons acte de la volonté gouvernementale de relever de 95 points à 100 points d'indice de pension militaire d'invalidité la référence servant de base au calcul du plafond.
Néanmoins, les organismes de la mutualité combattante et les organisations d'anciens combattants et victimes de guerre tiennent à rappeler la nécessité d'obtenir un rattrapage à hauteur de 130 points sur cinq ans. Ils estiment que, pour respecter ce calendrier, l'indice de l'année 1999 ne saurait être inférieur à 105 points.
Avec mes collègues du groupe de l'Union centriste, nous vous demandons de bien vouloir accepter de porter cette référence à 102 points d'indice de pension militaire d'invalidité, augmentation qui nous paraît tout à fait raisonnable. Avec sept points de plus par an, il serait, en effet, possible d'arriver en cinq ans aux 130 points souhaités.
Monsieur le secrétaire d'Etat, est-il vrai que vous vous apprêtez, avec le Gouvernement, à pénaliser lourdement les anciens combattants invalides, les veuves de guerre et les anciens combattants âgés de soixante-quinze ans ou leurs veuves ?
Le Gouvernement a en effet déclaré qu'en principe les Français ne paieraient pas plus d'impôts en 1999 qu'en 1998, sauf les ménages les plus aisés, les anciens combattants et les victimes de guerre. Il nous faut quelques éclaircissements sur ce point.
La demi-part accordée dans le calcul de l'impôt sur le revenu aux familles, aux invalides et aux anciens combattants âgés de plus de soixante-quinze ans titulaires de la carte serait supprimée en 1999. Cela se traduirait naturellement par une augmentation d'impôt. Je ne doute pas que vous allez également nous rassurer sur ce point.
Pour la plupart des familles, un rétablissement des allocations familiales pour tous permettrait de compenser cette perte. Mais, pour les invalides et les anciens combattants âgés, aucune compensation ne serait prévue.
Cette mesure si elle s'appliquait devant être particulièrement injuste, je vous serais reconnaissant de bien vouloir déclarer devant notre Haute Assemblée que les avantages bénéficiant aux anciens combattants, dont la demi-part supplémentaire, ne seront pas remis en cause dans l'avenir, et que tout ce qui relève du code des pensions militaires d'invalidité et du droit à réparation échapperont bien à la fiscalité.
Si tel n'était pas le cas, il est bien évident qu'avec les membres de mon groupe nous ne pourrions voter votre projet de budget. Merci, déjà, de me rassurer, monsieur le secrétaire d'Etat.
J'évoquerai également le problème des pensions des plus gravement mutilés, pensions qui sont réglées selon les valeurs du point variable. En effet, des pensionnés justifiant d'un descriptif d'infirmité identique devraient percevoir deux pensions différentes, avec une variation de 10 % de l'une par rapport à l'autre. Vous l'avez d'ailleurs reconnu vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat.
Il serait donc tout à fait souhaitable de revenir à une valeur unique du point de pension et, avec les membres de mon groupe, nous vous demandons quelles sont vos intentions.
Je me permettrai d'aborder rapidement la situation de l'ONAC et son avenir. Seul son rattachement au ministère de la défense permettra d'anticiper l'évolution démographique tout en préservant les droits matériels et moraux de ceux qui ont rendu des services à la nation.
Pour autant, les anciens combattants doivent conserver un interlocuteur gouvernemental ayant au moins le titre de secrétaire d'Etat et doté d'un budget autonome.
La restructuration de l'ONAC va dans le bon sens, mais la situation de nombreux fonds de secours départementaux et le manque de moyens pour la rénovation des maisons de retraite sont difficilement acceptables. En effet, les autorisations de programmes s'élèvent à 6,5 millions de francs, alors que les besoins sont estimés à 300 millions de francs.
Nous nous réjouissons, avec mes collègues du groupe de l'Union centriste, de voir inscrite dans votre projet de budget une mesure nouvelle pour 1999 : je veux parler de l'automaticité du droit à l'allocation de remplacement pour l'emploi pour les anciens d'Afrique du Nord. Il s'agit là des dispositions de l'article 75, qui vise à étendre le bénéfice de cette allocation aux salariés anciens combattants d'AFN qui cessent leur activité.
La condition relative à l'acceptation de la cessation d'activité par l'employeur, traditionnelle dans le dispositif d'une telle allocation, est donc contournée. La portée de cette mesure doit cependant être relativisée, puisqu'elle ne concernera en tout, sur trois ans, que 400 salariés.
La présence de ce dispositif dans le projet de budget ne doit pas occulter l'absence de toute autre mesure plus significative en faveur des anciens combattants. De plus, il conviendrait que le dispositif de l'ARPE soit étendu aux anciens combattants d'AFN titulaires du titre de reconnaissance de la nation, et non seulement aux seuls titulaires de la carte de combattant remplissant les conditions requises.
C'est pourquoi, avec mes collègues du groupe de l'Union centriste, nous nous réjouissons du dépôt par notre collègue Marcel Lesbros, au nom de la commission des affaires sociales, d'un amendement tendant à élargir le champ de la mesure aux titulaires du titre de reconnaissance de la nation. Bien évidemment, nous le voterons.
Nous nous réjouissons enfin de l'adoption d'un amendement du Gouvernement qui prévoit la suppression du sas de six mois d'allocation différentielle pour percevoir l'allocation de préparation à la retraite.
Enfin, je ne peux terminer mon propos sans évoquer la situation des veuves, comme l'ont fait nos excellents rapporteurs.
En effet, il me paraît tout à fait dommageable qu'aucune mesure nouvelle n'ait été prise par le Gouvernement en faveur des veuves, dont les pensions, il faut le dire, sont souvent inférieures aux minima sociaux.
La législation française, à la différence de pays comme la Belgique ou l'Allemagne, ne prend aujourd'hui en compte que la situation des veuves de guerre ou de celles dont le mari est décédé des suites des infirmités pensionnées. Pour ces dernières, une réversion est accordée à condition que le mari ait été titulaire d'une pension d'au moins 60 %.
Le monde combattant milite depuis de longues années pour rendre ce dispositif moins restrictif. Les revendications vont dans une double direction : d'une part permettre la réversion de la retraite d'ancien combattant et, d'autre part, revaloriser les pensions de réversion, qui sont aujourd'hui beaucoup trop faibles.
Quelles mesures comptez-vous prendre, monsieur le secrétaire d'Etat, dans ce sens ? Vous aviez parlé d'augmenter les crédits sociaux de l'ONAC de 5 millions de francs pour financer des actions de solidarité en faveur des veuves, cela par amendement en seconde délibération à l'Assemblée nationale. Pouvez-vous nous assurer que cette mesure a bien été prise ?
En conclusion, je me permettrai d'insister sur les insuffisances de ce budget pour 1999, qui apparaissent clairement dès lors que l'on prend en compte l'absence de réponse aux revendications du monde combattant et de concrétisation des engagements du Gouvernement en matière de retraite anticipée des anciens combattants d'AFN.
Nous sommes préoccupés par la situation des anciens combattants et nous sommes convaincus aujourd'hui que leurs revendications, exprimées par les associations les plus représentatives, sont à la fois légitimes et raisonnées.
Ni le projet pour 1998, même amélioré « à la dernière minute » par le Gouvernement - notamment l'inscription des 40 millions de francs de crédits supplémentaires, lors de la discussion de la première partie de la loi de finances 1998 à l'Assemblée nationale, pour tenir compte des réserves exprimées par votre propre majorité - ni le projet de budget pour 1999 tel qu'il est présenté dans sa version initiale n'ont suscité notre adhésion, ni d'ailleurs celle du monde combattant.
Toutefois, nous nous sommes réjouis de l'adoption par l'Assemblée nationale, le 6 novembre dernier, de deux amendements importants.
Nous voulons croire que le Gouvernement tiendra son engagement d'augmenter de 5 millions de francs les crédits réservés aux actions de solidarité en faveur des veuves, et de deux millions de francs ceux qui sont consacrés à la politique de la mémoire.
Permettez-moi, sur ce point particulier, de saluer l'effort personnel que vous avez fait en région Lorraine, notamment dans le département de la Meuse, pour finalement organiser la pérennité de cette mémoire. Le sénateur de la Meuse que je suis vous en remercie encore bien vivement.
Enfin, je voudrais indiquer que mes collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même nous rangeons bien évidemment derrière les observations tout à fait pertinentes de nos rapporteurs, nos excellents collègues Jacques Baudot et Marcel Lesbros, et que, sous réserve de l'adoption de leurs amendements, le groupe de l'Union centriste votera les crédits du budget des anciens combattants pour 1999.
Un dernier mot concernant la mémoire, monsieur le secrétaire d'Etat : si vous pouviez gommer dans les esprits l'évocation du 19 mars, cela, me semble-t-il, serait le plus bel hommage rendu aux combattants d'Afrique du Nord. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Cléach.
M. Marcel-Pierre Cléach. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, douzième budget civil de l'Etat, le budget des anciens combattants, qui concerne quelque 5 millions d'ayants droit, s'élève à 25,488 milliards de francs, ce qui traduit une diminution apparente de 2,1 %, à rapprocher, il est vrai, de la baisse enregistrée en 1998, qui était beaucoup plus importante. Mais en réalité, à structure constante, la baisse de ce budget atteint 3,5 %.
En effet, la réduction des crédits par rapport à 1998 est justifiée par la baisse régulière des effectifs de pensionnés, sachant que la diminution de ces derniers est malheureusement estimée à 4 % pour 1999. Ainsi, vous considérez, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'ampleur de l'effort de l'Etat à l'égard du monde ancien combattant est amélioré de 2 % en 1999 par rapport à 1998.
Même si chacun ici mesure bien les contraintes budgétaires et s'accorde à reconnaître que la lutte contre les déficits publics doit être une priorité, cela ne retire rien aux interrogations que l'on peut avoir sur votre projet de budget.
A mon sens, ces économies à caractère obligatoire devraient en premier lieu permettre de satisfaire les plus importantes demandes du monde ancien combattant. Or, sauf erreur de ma part, sur les 760 millions de francs économisés, 54 millions, soit seulement 8 % des marges financières dégagées, sont redéployés en faveur des anciens combattants.
Ce projet de budget pour 1999 appelle donc une appréciation contrastée. Il contient, je le reconnais, certaines avancées positives.
Il en est ainsi du maintien de la demi-part fiscale supplémentaire au bénéfice des anciens combattants et des invalides et de l'affiliation gratuite à la sécurité sociale pour les invalides pensionnés à 85 % qui ne sont pas assurés sociaux par ailleurs, même si ces deux mesures ne relèvent pas directement de votre budget mais procédent de l'amélioration apportée par l'Assemblée nationale à travers les amendements que vous avez acceptés.
Il en est ainsi également de l'augmentation substantielle des crédits consacrés à la mémoire, en cette année du quatre-vingtième anniversaire de l'armistice du 11 novembre 1918.
Toutefois, il ne faut pas oublier que les crédits prévus par le projet de loi de finances initiale pour 1998 chutaient de 42,8 % par rapport à 1997. Ainsi, cette stabilité des crédits ne permettra pas, par exemple, de rattraper le retard accumulé dans l'exécution du programme 1994-2000 de rénovation des nécropoles nationales. Le devoir de mémoire est fondamental, car il est important que les jeunes générations considèrent l'histoire vécue par les anciens combattants comme la source de leur propre histoire.
Il en est également ainsi de la durée ouvrant droit à l'obtention de la carte du combattant pour les anciens d'Afrique du Nord, durée ramenée de dix-huit à quinze mois. La troisième génération du feu voit ainsi aboutir l'une de ses plus anciennes revendications.
Je me réjouis également que l'assouplissement des conditions d'attribution de la carte du combattant soit applicable à ceux qui ont combattu en Tunisie et au Maroc. Il y avait là une injustice qu'il fallait réparer.
La décision de supprimer le sas de six mois nécessaire pour bénéficier de l'allocation de préparation à la retraite, l'APR, adoptée par l'Assemblée nationale, est également une mesure de justice. Il n'y avait pas, en effet, de raison d'être à ce purgatoire de six mois imposé aux anciens combattants.
Ce sont là des mesures qui vont dans la bonne direction et que j'approuve sans réserve. En revanche, je serai plus critique sur d'autres points.
Ainsi, la grande question de la retraite anticipée pour les anciens d'Afrique du Nord n'est pas abordée. Le budget de 1998 n'avait comporté aucune avancée en la matière ; le projet de budget pour 1999 n'en propose pas non plus. Or, vous le savez, en 1999, ce sera la dernière génération qui pourra être concernée. Après, il sera trop tard !
A défaut d'accorder la retraite anticipée à tous les anciens combattants d'Afrique du Nord, il conviendrait au moins de l'accorder aux anciens combattants chômeurs en fin de droits. Rappelons que le Premier ministre lui-même, dans une lettre adressée le 8 mai dernier au président de la Fédération nationale des anciens combattants, indiquait : « Dans un premier temps, nous nous engageons à accorder la retraite anticipée pour les chômeurs en fin de droits justifiant de quarante annuités de cotisations, diminuées du temps passé en Afrique du Nord... Cette mesure constituerait un début de reconnaissance envers les anciens combattants d'Afrique du Nord et permettrait de répondre à un certain nombre de cas difficiles. »
Une telle disposition tendant à favoriser les plus démunis me semble un minimum sur lequel chacun pourrait s'accorder. Vous vous étiez engagé, lors de la dernière campagne législative, à la mettre en oeuvre ; il y va donc du respect de vos engagements.
Vous allez bien sûr, monsieur le ministre, m'opposer l'allocation différentielle ; portée l'an passé à 5 600 francs pour les chômeurs, elle serait plus intéressante que la retraite anticipée proposée. Nous nous sommes déjà entretenus de ce problème à plusieurs reprises. Ce serait sans doute vrai pour certains, mais pas pour tous. Dès lors pourquoi ne pas laisser le choix aux intéressés ?
Vous n'avez pas pris en compte, non plus, plusieurs des propositions qui ont souvent émané de tous les groupes politiques et qui n'auraient que de faibles incidences budgétaires. Tel est le cas pour la levée des forclusions qui subsistent encore en pratique, ainsi que pour l'obtention de la carte de combattant volontaire de la Résistance.
Il en est de même pour la reconnaissance des psychotraumatismes de guerre et pour la possibilité de dispenser des soins adaptés à ceux qui en restent gravement affectés.
D'autres mesures apparemment plus coûteuses ne doivent pas pour autant être abandonnées. Il s'agit notamment de la décristallisation des pensions de ceux qui ont combattu pour la France, sont aujourd'hui citoyens de nations indépendantes mais ont droit, eux aussi, à la reconnaissance de la France et à qui il convient de manifester notre solidarité.
S'agissant du titre de reconnaissance de la nation, le TRN, il conviendrait également de l'attribuer aux militaires stationnés en Algérie après le 2 juillet 1962 et jusqu'au 1er juillet 1964, sans qu'il donne pour autant droit à la carte du combattant, qu'il convient évidemment de ne pas galvauder.
En effet, les circonstances qui ont accompagné l'entrée en vigueur des accords d'Evian ont justifié jusqu'en juillet 1964 le maintien de nombreux appelés en Algérie. Il en va de même pour l'attribution du titre de reconnaissance de la nation aux militaires qui ont servi en Indochine après le 11 août 1954 et jusqu'au 1er octobre 1957, date de la cessation des hostilités.
Il faut aussi mettre fin, monsieur le secrétaire d'Etat, aux disparités observées dans le montant des pensions entre des anciens combattants souffrant pourtant de handicaps similaires. A cet égard, il nous paraît souhaitable de revenir à l'unicité de la valeur du point de pension.
D'autres éléments du dossier appellent une appréciation plus contrastée.
Il s'agit tout d'abord de la revalorisation des rentes mutualistes, dont le plafond passera en 1999 à 100 points, contre 95 en 1998. Le projet de loi de finances prévoit dans son article 76 de relever de 95 à 100 points d'indice de PMI la référence servant de base au calcul du plafond majorable de la rente mutualiste, afin de garantir le pouvoir d'achat de ces rentes.
Les associations d'anciens combattants, vous le savez, considèrent cependant que cette revalorisation risque d'être insuffisante pour atteindre 130 points en cinq ans. Porter ce plafond à 105, ou même à 102, permettrait de répondre à l'attente des intéressés. Le Gouvernement est-il prêt à faire un geste en ce sens ?
Il s'agit ensuite des crédits sociaux de l'ONAC, qui avaient été fortement diminués l'an dernier. Ils ont été augmentés de 10 millions de francs : 5 millions de francs étaient inscrits dans le projet de loi de finances initial et 5 millions supplémentaires ont été dégagés lors du débat en première lecture à l'Assemblée nationale, en faveur des veuves non pensionnées. Je me réjouis de cette mesure, qui est une mesure de justice. Je crains pourtant qu'elle ne soit insuffisante. Les besoins de l'ONAC, qu'il s'agisse de l'action sociale ou des maisons de retraite, restent en effet très importants.
Ainsi, les 6,5 millions de francs supplémentaires débloqués pour la restructuration des maisons de retraite sont trop limités face à l'ampleur de l'enjeu, même si nous savons, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'une réflexion commune doit être engagée sur ce problème des maisons de retraite.
Il s'agit enfin de l'application du rapport constant, qui coûtera 293 millions de francs. La nation respecte ainsi ses engagements. Cependant, l'application stricte du rapport constant ne saurait occulter le contentieux lié à son mode de calcul ni, surtout, le problème de sa lisibilité. Nous comptons sur vous, monsieur le secrétaire d'Etat, pour que ce problème soit réglé rapidement. Les propositions orales sur son évolution, élaborées par le groupe de travail réunissant les associations, vos services et vous-même, n'apparaissent pas dans le projet de budget pour 1999. Il serait souhaitable de les officialiser rapidement.
Je voudrais aussi évoquer la reconnaissance de la guerre d'Algérie par M. le Président de la République, M. le Premier ministre et vous-même.
Je suis heureux que le langage officiel des plus hautes autorités de l'Etat s'accorde enfin avec les faits. Il n'est plus temps, en effet, de s'arrêter aux qualifications juridiques dictées par la raison d'Etat : dans les faits, les combattants algériens et les combattants français étaient en guerre ; j'y étais ! Le temps passé doit nous aider à considérer avec plus de sérénité, quelles que soient nos convictions - et pour beaucoup de nos compatriotes en raison même de leurs convictions et de leurs interrogations - le drame vécu par les jeunes Français et les jeunes Algériens.
L'engagement de la France en Afrique du Nord a été une véritable guerre : sur les trois millions de jeunes Français qui y ont été confrontés, 30 000 sont morts et 250 000 ont été blessés. Tous ont été marqués par ce conflit qui, dans le même temps, a fait un million de morts du côté algérien.
A l'issue de cette guerre tragique, une partie de la population a dû quitter, dans des conditions dramatiques, sa terre d'origine. C'est pourquoi on ne peut passer sous silence la situation des harkis. Mme Aubry a annoncé un plan en leur faveur ; nous serons très attentifs à son contenu. (M. le secrétaire d'Etat fait un signe d'approbation.)
Enfin, je souhaite attirer tout particulièrement votre attention, monsieur le secrétaire d'Etat, sur la situation des veuves.
Vous le savez, il existe trois catégories de veuves : les veuves des morts pour la France, qui perçoivent une pension de réversion, les veuves d'anciens combattants invalides, qui reçoivent des pensions d'invalidité selon le code des pensions militaires d'invalidité et les veuves d'anciens combattants qui n'ont droit à rien.
A l'égard de ces dernières, un geste significatif a été fait avec l'abondement de 5 millions de francs des crédits de l'ONAC affectés aux mesures de soutien des veuves d'anciens combattants qui ne bénéficient d'aucune pension de réversion à la mort de leur mari.
Cette disposition recueille l'entier soutien de la représentation nationale, et je ne peux que vous renouveler les félicitations qui vous ont été adressées à cette occasion.
Reste que cette mesure est insuffisante pour assurer un niveau de vie décent à l'ensemble des veuves d'anciens combattants. Ainsi, sur les 1 752 200 veuves ressortissantes de l'ONAC, seules 160 000 d'entre elles sont « pensionnées ».
Il est donc nécessaire d'explorer des voies pour aménager ou assouplir les possibilités de réversion de la retraite d'ancien combattant. Je ne méconnais pas la difficulté juridique que génère le caractère différent de la réparation et de la solidarité, mais j'ai vu avec satisfaction que, devant l'Assemblée nationale, vous vous êtiez dit prêt à examiner ce grave problème.
Par ailleurs, votre projet de budget ne prévoit aucune revalorisation des pensions des veuves de guerre, lesquelles compte tenu de leurs faiblesses, mériteraient pourtant, d'être réévaluées.
En dernier lieu, il convient d'aborder le problème de l'avenir du secrétariat d'Etat aux anciens combattants.
La réforme qui s'annonce doit être respectueuse de la spécificité française du monde combattant ; pour ce faire, il est impératif de maintenir quelques principes essentiels parmi lesquels figurent l'existence d'un budget autonome des anciens combattants et d'un interlocuteur privilégié ayant rang ministériel, le respect de l'imprescriptible droit à réparation, la pérennisation de l'ONAC et de ses services déconcentrés, enfin la reconnaissance concrète du rôle joué par les anciens combattants qui ont été l'honneur de la France.
La France vit en paix depuis près de quarante ans. Cet héritage sans prix, nous le devons en partie à nos anciens combattants. Un véritable « contrat moral » nous lie à ceux qui ont combattu pour assurer la liberté et l'indépendance de notre pays. C'est la raison pour laquelle, monsieur le secrétaire d'Etat, nous sommes si attentifs à ce que la reconnaissance nationale s'exprime clairement dans votre budget.
Compte tenu des efforts entrepris, de la bonne direction prise sur de nombreux points par votre projet de budget, des améliorations apportées à l'Assemblée nationale et de votre esprit de concertation, et malgré les quelques réserves, que j'ai émises, je voterai votre projet de budget, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de budget des anciens combattants est, avec celui de l'agriculture, le fascicule budgétaire qui affiche la plus forte baisse.
Les explications données sont, pour l'un, la réduction de la subvention d'équilibre accordée par l'Etat au BAPSA du fait de la reprise de la croissance, pour l'autre, la diminution du nombre de bénéficiaires d'une pension due au vieillissement et à la disparition de la population concernée. Soit, mais je ferai la même remarque face à ces économies : pourquoi ne profitent-elles pas aux intéressés ?
C'est encore avec plus de force que j'affirmerai cette position a l'égard des différentes générations du feu et de leurs ayants droit. Certes, l'effort de l'Etat en faveur du monde combattant s'est limité à une baisse des crédits de 2 % au lieu de 4 %, si l'on s'en tient à la seule considération économique.
Toutefois, de nombreuses attentes sont encore insatisfaites, et je le regrette. La possibilité d'avancer plus vite a été négligée. Or, pour certains, le temps est compté comme pour ce soldat de l'Afrique francophone qui n'aura jamais pu porter la Légion d'honneur qui venait - enfin ! - de lui être attribuée, parce que sa robuste constitution lui avait permis d'être centenaire. Qu'en aurait-il été s'il n'avait pas atteint cet âge avancé ? Son mérite, son courage et ses faits d'armes en auraient-ils été moindres ? Pourtant, la reconnaissance de la patrie ne lui aurait pas été témoignée.
On se sent un peu honteux, et le devoir de mémoire consiste, aussi, à matérialiser le témoignage du pays à ceux qui ont souffert pour la communauté avant qu'il ne soit trop tard.
Voilà trente ans, le nombre des pensionnés était de 1,7 million ; aujourd'hui, seulement un tiers d'entre eux sont en vie ; dans dix ans, ils ne seront plus que 250 000. Il y a urgence et voilà un domaine où il ne convient pas de laisser du temps au temps.
La disparition naturelle des ayants droit aurait permis un redéploiement de 760 millions de francs. De nombreux contentieux auraient pu être purgés. Or les mesures nouvelles n'engagent que 54 millions de francs.
Les grands invalides de guerre méritaient une attention particulière.
Un rattrapage des points d'indice perdu entre 1991 et 1995 par la « cristallisation » aurait pu être amorcée. Par ailleurs, l'unicité de la valeur du point s'impose. En effet, deux grands mutilés présentant un descriptif d'infirmités identiques ne perçoivent pas la même pension du fait des valeurs variables du point. Pour certains, l'amplitude de la différence atteint parfois 10 %. Rien ne justifie cette inégalité de traitement. Enfin, le déplafonnement de toutes les pensions des plus grands invalides doit être traité sans attendre. Est-il convenable d'attenter à la situation matérielle et à la dignité de ceux qui gardent dans leur chair la trace de leur sacrifice ?
En conséquence, l'article L. 114 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre doit être abrogé. Comme vous le savez, il dispose que, lorsque la pension d'invalidité, y compris certaines majorations et émoluments complémentaires, dépasse un indice correspondant à la somme annuelle de 360 000 francs, aucune revalorisation de la valeur du point de l'indice de pension ne lui est plus applicable.
J'ignore le chiffrage de la mesure, mais j'imagine que ces grands invalides ne doivent pas être légion, et la réparation ne doit pas être octroyée avec parcimonie.
Une autre catégorie relevant de votre département, monsieur le secrétaire d'Etat, aurait pu bénéficier de mesures nouvelles ; je veux parler des veuves, comme certains de mes collègues l'ont déjà dit.
D'une part, un vide doit être comblé. Lorsqu'un ancien combattant voit une aggravation de son état, alors que son taux d'invalidité a été fixé, il ne peut la faire prendre en compte. Aussi, à son décès, sa veuve ne perçoit rien, sa demande étant considérée comme nouvelle, donc entachée de forclusion.
D'autre part, les pensions qui sont servies aux bénéficiaires sont souvent inférieures aux minima sociaux. Là aussi, ce n'est pas décent. Il faut bien considérer que ce n'est ni une obole, ni une allocation d'assistance, ni une manifestation de solidarité. Ces femmes ont également vu leur vie brisée ou bouleversée ; le partage de l'épreuve leur ouvre des droits qu'il ne faut pas chichement leur attribuer.
Comme les veuves civiles qui doivent aller en appel et en cassation pour faire reconnaître la majoration pour enfants, face à des caisses régionales d'assurance maladie qui refusent d'appliquer les textes, les veuves de guerre, d'invalide ou d'ancien combattant ont peu de moyens de pression à leur disposition. Je trouve profondément injuste que des demandes fondées ne soient pas satisfaites, alors que des revendications savamment orchestrées, et parfois discutables, sont prises en compte quand ceux qui les émettent paralysent le pays.
Que l'on pense donc un peu plus au sort de ceux sans qui il n'y aurait ni commémorations ni mémoire à entretenir !
Ayant participé à la guerre d'Algérie, faisant partie du contingent, je souhaite conclure, justement, monsieur le secrétaire d'Etat, sur une cérémonie qui a eu lieu le 16 octobre dernier au centre culturel algérien, à Paris, et qui a soulevé l'indignation. Un hommage était rendu « aux porteurs de valises », ressortissants français, qui armèrent le bras du FLN. Ils ont, ainsi, été complices de la mort de plus de vingt-cinq mille soldats, appelés ou réservistes, de la mutilation de cent mille d'entre eux et de nombreuses victimes civiles. Comment ne pas ressentir l'affront fait aux familles de ceux qui sont tombés !
J'aurais aimé entendre la voix du Gouvernement condamnant fermement cette initiative, qui confinait à la provocation. Peut-être n'ai-je pas été assez attentif. Même s'il est un peu tard, il est des mots que l'on espère, monsieur le secrétaire d'Etat. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur celles de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Olin.
Mme Nelly Olin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de budget des anciens combattants qui nous est soumis aujourd'hui s'élève, cela a été dit, à 25,5 milliards de francs, mais accuse, une fois encore, une baisse - sensible - de 2,01 %.
Cette logique de diminution semble, d'année en année, devenir irréversible et nous ne pouvons que le déplorer.
Monsieur le secrétaire d'Etat, pourquoi établir ce budget en prenant pour seul critère la diminution du nombre des anciens combattants, plutôt que de retenir les besoins réels exprimés depuis si longtemps, telle la retraite anticipée pour les anciens combattants d'Afrique du Nord ?
A une question posée il y a plusieurs mois au Gouvernement sur ce point précis, je n'ai eu qu'une vague réponse : vous répondiez, monsieur le secrétaire d'Etat, que les problèmes des anciens combattants d'Afrique du Nord ne manqueraient pas d'être étudiés de façon approfondie. J'aurais aimé obtenir de vos services une réponse bien plus concrète que ce texte destiné, il faut le dire, à calmer les esprits à ce sujet.
Il est vrai que, plus le Gouvernement tardera à répondre, moins il sera sollicité dans le temps par les anciens combattants... faute de combattants.
Quelles que soient ses sensibilités, chacun s'accorde à reconnaître que les jeunes qui ont été envoyés en Afrique du Nord ne sont pas partis de gaieté de coeur, « la fleur au fusil ».
Ils avaient, pour la plupart, vingt ans, ils ont abandonné jeunesse, famille et avenir.
Certains ne sont pas revenus, laissant à jamais leurs familles meurtries. D'autres sont revenus blessés physiquement. En tout cas, tous ceux qui sont rentrés étaient, et sont encore, blessés moralement.
A ces destins sacrifiés, à ces vies blessées, on oppose l'économie. C'est inacceptable ! On ne peut marchander les sommes dues pour la nation aux anciens combattants.
Votre budget, monsieur le secrétaire d'état, représente la dernière occasion pour les anciens combattants de se voir accorder la retraite anticipée qui leur est refusée. Certes, son coût est estimé, par le Front uni, à 4 milliards de francs. C'est une somme importante ! Mais si Bercy souhaite réaliser des économies, ce n'est sûrement pas sur le budget des anciens combattants qu'il convient de le faire, c'est indécent !
Quelques mesures concrètes apparaissent dans votre budget, telle l'application des règles de l'ARPE pour les anciens combattants d'Afrique du Nord qui en ont fait la demande et qui se sont vu opposer un refus par leur employeur.
Cette mesure, si positive soit-elle, ne doit pas nous faire perdre de vue les anciens combattants d'Afrique du Nord en situation de chômage de longue durée, qui ont perdu, eux, tout espoir de retrouver un emploi. Ils sont malheureusement plus nombreux qu'on peut le penser.
Je me réjouis, toutefois, que les conditions d'attribution de la carte du combattant soient étendues aux anciens combattants du Maroc et de la Tunisie. L'Assemblée nationale a ramené le temps de présence en Afrique du Nord à quinze mois plutôt que dix-huit pour pouvoir prétendre à cette carte et c'est une bonne chose. Encore un effort supplémentaire pour parvenir à douze mois !
Je remarque également la suppression de la période de stage de six mois pour le passage de l'allocation différentielle à l'allocation de préparation à la retraite pour les anciens combattants d'Afrique du Nord et d'Indochine sans emploi et justifiant d'une durée d'assurance vieillesse de cent soixante trimestres.
Ces deux mesures ne doivent pourtant pas justifier le refus de la retraite anticipée, qui est perçue comme une contribution à une politique pour l'emploi des jeunes et l'application concrète du respect du droit à la réparation.
Je note avec satisfaction le rétablissement des crédits sociaux de l'ONAC et la hausse des crédits consacrés à la mémoire. En revanche, et je le regrette, il n'est fait aucune référence au Souvenir français, qui effectue un travail remarquable de mémoire depuis des années. Heureusement qu'il existe ! Ce sont les associations qui, à l'heure actuelle entretiennent les tombes dans les cimetières. En outre, l'inscription de 20 millions de francs pour les personnes susceptibles de bénéficier de l'ARPE, mais dont les employeurs ne souhaitent pas se séparer, est une bonne chose. Toutefois, le risque pris n'était pas énorme, puisque cette mesure ne concerne que très peu de personnes : le nombre des anciens combattants qui peuvent en bénéficier est évalué entre quatre-vingts et cent vingt.
Enfin, le plafond de la rente mutualiste passe de 95 à 100 points. Cette hausse reste cependant insuffisante, et je me permets de vous rappeler l'engagement pris par le Gouvernement d'atteindre 130 points en cinq ans, engagement que vous avez reformulé en commission des affaires sociales, monsieur le secrétaire d'Etat. (M. le secrétaire d'Etat fait un signe de dénégation.) Si, vous l'avez dit !
Je tiens tout particulièrement à insister sur la situation préoccupante des veuves d'anciens combattants. Il est aujourd'hui urgent de mieux étudier les modalités de réversion des pensions d'invalidité en permettant, notamment, de débloquer des crédits plus importants en faveur des veuves.
S'agissant du dossier sur la décristallisation des pensions et des retraites des anciens combattants des pays devenus indépendants, j'ai pu constater qu'il n'avançait guère. Nous ne sommes pas sûrs aujourd'hui que les pensions versées étaient effectivement touchées par leurs bénéficiaires.
Je remarque, enfin, que toutes les associations d'anciens combattants regrettent sincèrement la suppression du ministère et son abaissement au rang de secrétariat d'Etat. Nous sommes en droit de nous interroger sur l'avenir de ce secrétariat d'Etat. Au-delà du fond, il y a la forme, et il eût été bon que les anciens combattants bénéficient d'un budget autonome qui ne soit ni sous l'autorité du ministère de la défense ni dicté par Bercy, dont la priorité ne semble pas être les anciens combattants.
Les intentions des gouvernements se lisent bien souvent dans les budgets ministériels proposés, et il est triste de constater que les quelques avancées de votre budget sont issues des votes de l'assemblée nationales.
Pour conclure, monsieur le secrétaire d'Etat, je tiens à redire combien je regrette que vous vous serviez de la baisse du nombre des anciens combattants pour réaliser des économies - au risque d'être désagréable, je dirai que c'est un bien mauvais calcul - au lieu d'utiliser cette baisse à améliorer leurs droits et à répondre à leurs revendications plus que légitimes.
Je m'en remettrai donc à l'avis de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du groupe du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Chabroux. M. Gilbert Chabroux. L'année dernière, j'avais salué votre projet de budget, monsieur le secrétaire d'Etat, en soulignant qu'il constituait la première étape d'une nouvelle démarche fondée sur la concertation et la considération. Les associations d'anciens combattants avaient accueilli avec beaucoup d'intérêt vos quarante engagements pour 1998.
Un an plus tard, nous pouvons mesurer les résultats de cette démarche. La concertation avec le monde des anciens combattants s'est déroulée activement, dans un bon climat ; vous avez fait preuve de qualités d'écoute, de disponibilité et d'ouverture, qui ont été largement appréciées. A l'Assemblée nationale, vous avez également tenu compte des propositions des députés et le projet de budget initial a été sensiblement amélioré.
Ce qui est important, c'est que l'on peut travailler et avancer avec vous, dans un échange permanent, et que vous teniez les promesses que vous faites.
L'année dernière, je vous avais demandé, avec mon collègue Jean-Marc Pastor, de prendre en compte pour l'attribution de la carte de combattant le temps passé en Tunisie ou au Maroc par des militaires qui sont ensuite allés en Algérie. Vous vous étiez engagé à apporter une réponse positive à ce problème. Vous l'avez fait par la voie d'une circulaire et nous apprécions vivement que le temps passé en Tunisie et au Maroc soit de la même manière pris en compte maintenant que la durée de présence en Afrique du Nord exigée pour la carte du combattant a été ramenée de dix-huit mois à quinze mois.
Mais des questions se posent encore et je souhaiterais que vous puissiez tracer les perspectives et indiquer les orientations que vous pouvez fixer pour encore mieux répondre aux préoccupations et aux souhaits des anciens combattants.
Je passerai assez vite sur la retraite mutualiste - beaucoup d'intervenants en ont parlé - qui sera à nouveau revalorisée : cela représentera une augmentation de 12,7 % en un peu plus d'un an. Mais il était nécessaire de procéder à un rattrapage, lequel doit se poursuivre.
Il serait souhaitable de porter, en cinq ans, de 100 à 130 points d'indice la référence qui sert de base au calcul du plafond majorable. Cet objectif peut-il être tenu ? Comment ? Est-il possible d'évoquer un calendrier ?
Une deuxième question se pose au sujet de l'allocation de remplacement pour l'emploi, qui va permettre aux anciens d'Afrique du Nord de quitter l'entreprise dès cinquante-huit ans s'ils remplissent certaines conditions, sans que l'employeur puisse s'y opposer.
C'est une mesure nouvelle, très forte sur le plan du principe. Il y a là une forme de solidarité très appréciée par les associations, particulièrement la Fédération nationale des anciens combattants en Algérie, la FNACA.
Les anciens d'AFN sont encore prêts à faire un effort de solidarité, ils veulent partir à la retraite et quitter leur emploi, mais ils veulent aussi que des jeunes les remplacent. Toutefois, la mesure que vous avez fait adopter par l'Assemblée nationale ne touche qu'un nombre limité de personnes, puisqu'elles doivent être titulaires de la carte du combattant. Ne serait-il pas possible, comme le demandent le rapporteur et la commission des affaires sociales, de l'élargir et de prendre en compte également les titulaires du titre de reconnaissance de la nation ?
Vous avez dit que vous alliez mesurer le coût budgétaire de cette mesure et voir ce qu'il est possible de faire, compte tenu des moyens dont vous disposez. Avez-vous pu avancer sur ce sujet sensible ?
La question de la retraite anticipée en fonction du temps passé en Afrique du Nord est toujours posée. Bien sûr, il y a eu des avancées importantes avec la revalorisation, l'année dernière, de l'allocation différentielle et, récemment, à l'Assemblée nationale, la suppression du « sas » de six mois entre l'allocation différentielle et l'allocation dite « de préparation à la retraite ».
Cependant, nous savons bien que ces dispositions ne répondent pas entièrement à la question d'une véritable retraite professionnelle anticipée. C'est une question de principe, à forte charge symbolique. Nous savons aussi que, le temps passant, cette question ne se posera plus au bout d'un délai assez bref. Des perspectives ne pourraient-elles pas être dégagées avant l'an 2000 ? Avez-vous procédé à une étude ? Ne peut-on parachever le dispositif que vous avez mis en place et qui a fait grandement progresser les actions de solidarité ?
Des questions peuvent également se poser au sujet des crédits de l'action sociale de l'ONAC. Ces crédits ont été sensiblement augmentés. Cinq millions de francs supplémentaires viennent de s'y ajouter pour des actions en faveur des veuves d'anciens combattants. Pouvons-nous obtenir quelques précisions sur la façon dont ces crédits seront utilisés ? Il faut pouvoir prendre en compte des situations bien concrètes, des réalités sociales et financières, en particulier pour les veuves sans emploi ou au chômage en fin de droits.
Relevons aussi le problème des veuves de grands invalides qui a été évoqué lorsque vous êtes venu devant la commission des affaires sociales. Vous avez reconnu la faiblesse de la pension de réversion qu'elles perçoivent, alors qu'elles n'ont pas pu travailler, leur présence étant nécessaire auprès de leur mari. Elles ne perçoivent que 3 600 francs par mois. Il faudrait pouvoir augmenter sensiblement leurs ressources.
D'autres questions se posent, au sujet du rapport constant, dont on dit toujours qu'il faut améliorer la lisibilité, mais aussi de la décristallisation des pensions et des retraites des anciens combattants des pays membres de l'Union française devenus indépendants. Vous vous êtes engagé, monsieur le secrétaire d'Etat, à traiter ce problème en termes de pouvoir d'achat.
Notons aussi le problème des psychotraumatismes de guerre qui ont des conséquences dramatiques pour des milliers d'anciens combattants ainsi que pour leurs familles ; vous vous êtes engagé pour que 1999 soit une « année d'activité intense dans cette direction ».
Je voudrais maintenant parler du devoir de mémoire qui incombe non seulement à votre secrétariat d'Etat, mais aussi à nous tous. Il exige non pas toujours des crédits mais des initiatives et une politique ambitieuse. Il s'agit de transmettre les valeurs républicaines aux jeunes générations d'une société déstabilisée, dans laquelle, hélas ! l'intolérance et les idées extrémistes gagnent du terrain.
Les emplois-mémoire que vous créez peuvent jouer un rôle important et aider les collectivités locales, particulièrement les villes, à mener à bien des actions en faveur de la mémoire citoyenne. Il faudrait créer en ce domaine un véritable partenariat. Je souhaite aussi qu'un rapprochement puisse s'opérer avec l'éducation nationale car un devoir de pédagogie et d'éducation s'impose.
L'année 1999 devrait permettre de commémorer de grands événements : ce sera le cinquante-cinquième anniversaire du débarquement de Normandie et du débarquement de Provence. Il faudra plus généralement rappeler, à la libération de la France, le rôle des armées alliées mais aussi celui de la Résistance et des Forces françaises de l'intérieur. Cela permettra d'illustrer les valeurs qui ont permis de vaincre la barbarie nazie.
Dans l'esprit de beaucoup, 1999 apparaît comme la dernière année du xxe siècle. Ce siècle aura été atroce, avec les deux guerres mondiales, des massacres, des génocides. Le racisme, la xénophobie et le fascisme ont conduit à des abominations. Ne serait-il pas possible et souhaitable que votre secrétariat d'Etat prenne des initiatives pour dresser le bilan, terrible, accablant, de ce siècle, pour en tirer des leçons et engager les jeunes générations à construire un monde qui devrait être celui de la paix, de la solidarité, de la fraternité ?
Le secrétariat d'Etat aux anciens combattants a une place à tenir qui est irremplaçable, qu'il s'agisse de la transmission de la mémoire et de la défense des idéaux républicains, particulièrement à un moment où le pays a suspendu le service national et où il faut établir un lien entre l'armée et la nation, ou qu'il s'agisse d'assurer la gestion des intérêts moraux et matériels du monde combattant.
Je souhaite donc, en conclusion, que vous puissiez nous confirmer vos engagements sur la pérennité de votre secrétariat d'Etat et de l'ONAC. Comme les anciens combattants, nous y sommes très attachés et nous souhaiterions être pleinement rassurés.
Bien entendu, le groupe socialiste, monsieur le secrétaire d'Etat, vous apportera son soutien pour vous aider à mener à bien votre tâche. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis. Monsieur le secrétaire d'Etat, nos rapporteurs ont souligné le caractère paradoxal de votre budget qui se traduit par une diminution sensible des crédits, mais qui renforce certaines actions en faveur du monde combattant, ce dont, bien sûr, nous nous félicitons. Ils ont aussi considéré que ce budget pouvait être amélioré et ont, enfin, relevé un certain manque de transparence dans les chiffres fournis.
M'inscrivant dans la ligne de ces observations, je souhaite, monsieur le secrétaire d'Etat, attirer votre attention sur un point particulier qui a d'ailleurs été évoqué à plusieurs reprises ce soir : je veux parler du réajustement des pensions militaires d'invalidité. Le gel instauré par la loi de finances de 1991 frappait les invalides les plus gravement atteints, c'est-à-dire ceux qui sont les plus dépendants et dont les besoins matériels sont les plus importants.
En 1995, ce gel fut non pas abrogé mais interrompu. Autrement dit, la valeur du point des pensions bloquées ne fut pas réajustée au niveau de la valeur du point des pensions ayant échappé au gel.
Il en résulte actuellement une inégalité tout à fait absurde entre les invalides de guerre : en effet, selon la date de leur liquidation, des pensions au même indice sont payées sur la base de valeurs du point différentes, l'écart pouvant aller jusqu'à 10 %.
Le retour à une valeur unique du point pour toutes les pensions à la date d'application de la loi de finances serait une mesure de simple justice et de respect du droit à réparation. Il s'agirait, en l'occurrence, d'une revalorisation à une date donnée pour toutes les pensions et non d'une mesure rétroactive.
Nous savons bien que la part de la dette viagère dans le budget des anciens combattants est prépondérante mais qu'elle tend à diminuer pour la simple raison que le nombre des parties prenantes baisse. Sans doute pourrions-nous, dans une prochaine loi, profiter de cet écart financier favorable pour introduire cette réforme.
Cet écart, il est vrai, a autorisé de nouvelles mesures en faveur des anciens combattants, notamment des appelés du contingent ayant servi en Afrique du Nord. Nous nous en réjouissons mais je ne puis m'empêcher d'être sensible au sentiment d'injustice ressenti par les grands invalides qui, du seul fait de la date à laquelle est intervenue la liquidation de leur pension, se trouvent défavorisés.
Peut-on espérer une évolution de cette situation préjudiciable à d'anciens combattants très atteints dans leur intégrité physique ? Vous savez, monsieur le secrétaire d'Etat, à quel point il est dur d'avoir le sentiment d'être l'objet d'une injustice.
Pour conclure, permettez-moi de vous citer un témoignage. J'ai rencontré le représentant de l'association des grands mutilés et des « gueules cassées » de mon département. C'est un homme très jeune encore. Ancien militaire au Liban, il a sauté sur une mine. Il n'a plus qu'un oeil et la trace de très nombreuses cicatrices laissées par les habiles chirurgiens qui ont recomposé son visage témoigne de l'importance des interventions qu'il a dû subir. En outre, dans cette explosion meurtrière, il a perdu les deux mains.
Cet homme n'a jamais eu un mot d'amertume ou de reproche quant à sa propre situation dont il ne parle même pas. C'est moi qui lui ai demandé où il avait été blessé. Il m'a simplement répondu qu'il avait sauté sur une mine au Liban. J'ai été très émue, je dois le dire, par l'espèce d'innocence et de simplicité avec lesquelles il s'exprimait. Il m'a seulement dit : « Madame, si vous pouviez faire quelque chose pour exposer cette situation, ce serait un très grand réconfort pour nos camarades. » Je voulais vous apporter ce témoignage, monsieur le secrétaire d'Etat, et vous dire que je me réjouis de voir que nous avons été nombreux ce soir à vous entretenir de telle situation.
Aussi, c'est à un homme de coeur et d'équité que je m'adresse ce soir pour que la nation accorde, à ceux qu'elle a envoyés se battre ou déminer en son nom, un traitement juste et équitable.
Je sais, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous n'êtes pas hostile à ce qu'une solution soit trouvée. Dès lors, je vous demande instamment, comme l'ont fait mes collègues, d'inscrire ce problème en priorité. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat. J'ai envie de dire pour commencer : « Beaucoup de bruit pour rien » ! Il s'agit non pas de la pièce de théâtre de Shakespeare, mais bien de votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat.
Du bruit, il y en a eu beaucoup à l'occasion notamment du quatre-vingtième anniversaire de l'armistice de la Première Guerre mondiale, à commencer par les propos tenus à l'égard des mutins de 1917 qui, n'en déplaise à M. Fischer, n'ont pas sauvé l'honneur de la France.
M. Raymond Courrière. Vous y étiez, vous ?
M. Michel Pelchat. Il y en a eu bien peu, en revanche, pour ces centaines de milliers de soldats, qui ne sont plus aujourd'hui français, mais qui, en leur temps, ont donné leur vie pour la France non seulement durant la Première et la Seconde Guerre mondiale, mais aussi au cours des opérations extérieures dans lesquelles la France était engagée comme en Indochine et en Algérie. Ces anciens combattants attendent toujours un geste de reconnaissance de la France.
Je ne compte plus les plumitifs et autres soi-disant amateurs de justice qui se sont élevés pour demander aussi une reconnaissance de la France pour ceux qui ont refusé de se battre.
Que ne se sont-ils levés pour tous ceux qui se sont battus et qui n'ont reçu pour toute reconnaissance que le mépris, pis, l'indifférence de la France, assortie d'une pension ridicule ! Je veux parler - chacun l'aura compris ici - de nos anciens combattants des territoires d'outre-mer, ces tirailleurs sénégalais, marocains, algériens, malgaches, ces vietnamiens, ces harkis - et j'en oublie certainement - qui se sont battus sous la bannière française et qui ont tout autant, sinon plus, de droits sur la France que les anciens combattants que nous sommes.
Sept cent cinquante francs par trimestre pour toute pension d'invalidité et de retraite d'ancien combattant pour cet ancien tirailleur sénégalais de cent quatre ans, est-ce bien décent ? Surtout quand on sait que M. Boudarel, lui, bénéficie d'une retraite confortable de l'éducation nationale, sans aucune retenue malgré les sept années qu'il a passées au Vietnam à faire du tourisme dans certains camps d'éducation !
Une simple médaille de la Légion d'honneur pour cet ancien tirailleur sénégalais dont je vous parlais voilà quelques instants, quatre-vingts ans après ses faits héroïques, est-ce une juste récompense ? Non, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est dérisoire ! Et je pourrais citer quantité d'autres exemples de l'ingratitude de la France à l'égard de ces anciens combattants d'outre-mer.
On parle pudiquement de cristallisation des pensions de retraite et d'invalidité alors que l'on devrait parler d'obstination dans le mépris.
Vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez sacrifié à cette tentation et je l'illustrerai en citant les propos que vous avez adressés au conseil national pour les anciens combattants et militaires d'outre-mer, qui vous a écrit le 5 novembre.
Par une lettre du 18 novembre, vous avez prétendu que l'ensemble de ces anciens combattants percevaient effectivement des pensions qui étaient souvent, en termes de pouvoir d'achat, supérieures à celles de nos ressortissants. Vous avez néanmoins reconnu que les Tunisiens et les Marocains étaient, eux, très désavantagés. Pour autant, le budget que vous présentez aujourd'hui ne contient aucune mesure destinée à ces catégories de personnes. A s'en tenir là, le sang versé pour la France n'aurait pas la même valeur selon que l'on est ou non, aujourd'hui, Français, même si l'on a participé au même combat, pour le même idéal ?
Où sont les bien-pensants qui dénoncent sans cesse les conditions prétendues inhumaines dans lesquelles ont été recrutés ces soldats ? Aujourd'hui, je ne les entends pas réclamer les justes et simples droits de ces anciens combattants.
Car il s'agit bien de droits, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je dirais même des droits que ces anciens ont sur la France et qui ne devraient faire l'objet d'aucun marchandage. Alors que vous annoncez des efforts en faveur de la mémoire et de l'information historique - je m'en félicite - j'ose espérer, nous osons espérer, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'une politique commune sera engagée entre votre secrétariat d'Etat et le ministère de l'éducation nationale, et j'espère que nos enfants recevront un enseignement fidèle à la mémoire et au respect dû tout particulièrement à ces aînés-là qui ont combattu pour l'honneur de notre pays.
Vous auriez pu, monsieur le secrétaire d'Etat, avec 0 % d'augmentation de votre budget, consacrer 500 millions de francs à ces anciens combattants de la France d'outre-mer. Vous vous rendez compte ! C'eût été à leur égard un choc absolument extraordinaire, une reconnaissance comme ils n'en ont jamais connu !
Cette décision aurait d'ailleurs été conforme aux propos de M. Lionel Jospin, alors candidat aux élections législatives, qui écrivait le 8 juin 1997 au président de l'UFAC : « La décristallisation des pensions doit être obtenue progressivement, afin que les principes d'égalité et de droit à réparation deviennent des réalités pour les ressortissants étrangers qui ont combattu au nom de la France. »
Malheureusement, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez choisi de réduire votre budget de 2 % par rapport à celui de l'an passé. Ces millions, dont j'évoquais tout à l'heure la possible existence, n'iront pas à ces anciens combattants d'outre-mer.
Votre budget, comme le précédent budget des anciens combattants - et comme tous ceux de vos prédécesseurs, je vous l'accorde - est un budget indigne. Oui, indigne d'une certaine idée de la France, patrie des droits de l'homme, dit-on ; indigne de ces étrangers qui ont donné leur vie pour elle, indigne de leurs enfants et petits-enfants qui, eux aussi, ont choisi la France et qui devraient d'ailleurs bénéficier en priorité de bourses d'études et de cartes de séjour, et à qui on devrait faciliter la naturalisation lorsqu'ils en font la demande.
Pour toutes ces raisons, pour tous ces manquements, je veux simplement et tranquillement vous dire que je ne voterai pas votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants. Mesdames, messieurs les sénateurs, un grand nombre de questions ont été posées et je m'efforcerai d'y répondre, sans en oublier.
J'aborderai d'abord la gestion des économies démographiques, point qui a été évoqué à plusieurs reprises.
Certes, il pourrait être aisé pour le secrétariat d'Etat aux anciens combattants de bénéficier de l'ensemble des mesures financières rendues possibles par le biais de la démographie. Une partie de la baisse est utilisée néanmoins pour appliquer le rapport constant. Autrement dit, une partie de cette baisse retourne au monde combattant pour la valorisation ou l'actualisation des pensions. On pourrait sans doute aller plus loin, mais j'observe que, depuis longtemps, cela ne se fait pas. Certes, ce n'est pas une raison pour renoncer - mais c'est une constante dans la gestion du département ministériel.
Je dirai un mot sur les coloniaux.
Au cours de cette année où l'on a célébré le quatre-vingtième anniversaire de la fin de la Première Guerre mondiale, un effort particulier a été fait par la France pour reconnaître les engagements de ces soldats qui sont venus se battre à nos côtés sous le drapeau tricolore et qui sont devenus depuis, ou leurs descendants, des ressortissants de pays étrangers. Je me suis rendu à Fréjus, à Saint-Raphaël ; nous avons mené des opérations commémoratives à Verdun, etc. Ils n'ont pas été oubliés sur le plan de la mémoire. Je tenais à le rappeler et je reviendrai tout à l'heure sur la question de la décristallisation.
Je voudrais d'abord remercier toutes celles et tous ceux qui sont intervenus, dans un climat cordial, dans un excellent débat démocratique, et tout particulièrement le rapporteur spécial de la commission des finances, M. Baudot, et le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, M. Lesbros.
M. le rapporteur spécial s'est demandé s'il fallait conserver au sein de l'ONAC les écoles de rééducation professionnelle en faisant remarquer que peu de ressortissants du monde des anciens combattants accédaient finalement aux formations dispensées par ces écoles.
Pour l'instant, il faut maintenir le statu quo, en conservant les écoles de rééducation professionnelle au sein de l'office, ne serait-ce que dans la perspective de relations futures que nous pourrions avoir avec le ministère de la défense nationale dans le cadre de la réinsertion et de l'insertion sociale des militaires professionnels qui, à un moment donné, devront quitter l'activité défense pour s'intégrer dans une activité civile. Là, nous pourrions ensemble bénéficier d'un instrument fort utile.
Les maisons de retraite sont une de vos préoccupations, monsieur le rapporteur spécial. Vous organisez une mission d'étude sur le sujet. Je vous ai fourni au cours de la soirée le document que j'avais moi-même fait élaborer par le département ministériel que je dirige à l'attention de M. le préfet Guizard, directeur général de l'ONAC. Ce document fait le point, maison de retraite par maison de retraite, sur la situation, les possibilités d'investissement, les relations nécessaires avec les collectivités territoriales et les négociations entre la DDASS, la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, et le ministère des affaires sociales.
Certes, je partage un certain nombre de vos préoccupations, mais, dans ce domaine, il faut avancer avec beaucoup de prudence. Il convient de faire comprendre au monde combattant qu'il serait probablement plus utile, demain, de gérer les maisons de retraite dans un cadre national, compte tenu de la prolongation de la durée de la vie dans notre pays. C'est un problème national. Nous devons trouver des moyens pour favoriser la concertation et le travail en commun avec les collectivités territoriales - je pense notamment aux départements.
Sur la base du document que je vous ai fourni, j'ai demandé au directeur général de l'ONAC d'étudier cette question avec le conseil d'administration et ses commissions.
En ce qui concerne la guerre d'Algérie, vous m'incitez à passer à un stade supérieur par rapport à ce qui a été fait : la reconnaissance dans les propos officiels de ce Gouvernement de la réalité de l'expression « guerre d'Algérie ». Une avancée a été faite, vous avez bien voulu la signaler ; il faut maintenant qu'elle trouve sa traduction juridique. Cela soulève deux types de questions : d'abord, des questions de diplomatie par rapport aux accords d'Evian - qu'est-il possible ou impossible de faire - et, ensuite, des questions budgétaires, que vous avez évoquées. Je travaille sur ce dossier. J'ai sollicité l'intervention prochaine d'un comité interministériel.
Les questions diplomatiques peuvent, à mon avis, être dépassées. On trouvera en temps opportun les moyens de franchir cet obstacle. Pour ce qui est des questions budgétaires, je pense également que, moyennant certaines précautions, nous pourrions parvenir à une vraie appellation « guerre d'Algérie » sur l'ensemble des documents sans qu'il en résulte véritablement des bouleversements budgétaires ; je pense, notamment, à la campagne double, dont il n'a pas été question ce soir. Il est possible d'éviter cet écueil. En tout cas, cela permettrait d'adapter le droit au discours officiel ; et ce serait normal.
Il a été question du titre de reconnaissance de la nation, le TRN ; on a souhaité que la période utile soit prolongée jusqu'au 1er juillet 1964. J'ai fait récemment une avancée en disant que nous pourrions accorder le TRN jusqu'au 2 juillet 1962, donc pour les militaires intervenus après le 2 avril 1962 et avant le 2 juillet 1962. C'est un début de reconnaissance, qui va dans la direction que vous souhaitez.
Je n'ai pas encore tranché la question pour ce qui est d'accorder le TRN jusqu'au 1er juillet 1964, car, comme toute mesure qui concerne le monde combattant, elle a forcément un coût. En l'occurrence il ne s'agit pas de retraite ; il s'agit simplement de faire bénéficier de la retraite mutualiste toutes les personnes qui satisferaient aux critères. Il y a donc un coût budgétaire, dont je suis bien obligé de tenir compte.
Ce n'est peut-être pas la priorité que je me fixerai pour 1999, même si je vais y réfléchir. J'ai en effet d'autres priorités, comme le rapport constant, le psychotraumatisme de guerre, la décristallisation, la forclusion, et un certain nombre d'autres sujets sur lesquels il faut maintenant parvenir à une concrétisation. Je ne pourrai pas avancer sur tous les sujets à la fois. Il faudra bien que je fasse des choix. Aussi ne suis-je pas sûr de placer ce dossier au rang des premières priorités de mon département ministériel.
S'agissant de la retraite mutualiste, à ceux qui se demandent si l'indice 100 est l'objectif final du Gouvernement, je réponds non.
Devant la commission des affaires sociales, j'ai déjà dit que notre objectif cette année était d'atteindre 100 points - ce qui représente 12,7 % d'augmentation sur les derniers mois - mais que je savais que ce n'était pas une réponse satisfaisante aux revendications exprimées, revendications auxquelles je suis attentif.
L'objectif est en effet d'atteindre, bon an mal an, 130 points, mais nous n'y parviendrons que progressivement. L'indice 100 n'est donc pas, je le répète, le point d'arrivée de l'action que j'entends mener en la matière.
En ce qui concerne la retraite anticipée, nous n'allons pas refaire le débat du mois de juin, car cela absorberait tout le temps dont je dispose pour vous répondre. Je veux simplement indiquer, sans revenir sur le débat,...
M. Guy Fischer. Moi, je vais y revenir !
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. ... et sans forcément le clore au demeurant, que si on prend en compte les mesures de 1998 dont il a été question tout à l'heure en même temps que la suppression du sas pour 1999, on s'aperçoit que cette catégorie d'anciens combattants, c'est-à-dire ces chômeurs en fin de droits, totalisant quarante annuités, ont droit immédiatement à 5 600 francs minimum par mois, somme qui peut aller jusqu'à 7 200 francs, soit 65 % du salaire des dix dernières années. C'est aussi bien et souvent mieux que la retraite anticipée pour tous ceux qui avaient un salaire mensuel inférieur à 11 000 francs par mois. Je sais que, juridiquement, ce n'est pas une retraite anticipée ; mais je veux simplement signaler que l'ensemble des dispositifs sociaux mis en oeuvre en direction de ces anciens combattants chômeurs en fin de droits totalisant quarante annuités ne laissent pas ces derniers au bord du chemin et que, pour un grand nombre d'entre eux, cette situation est même préférable au montant de la retraite de la sécurité sociale et de la retraite complémentaire auxquelles ils pourraient prétendre dès lors qu'ils ont moins de 11 000 francs de ressources par mois. Ce n'est certes pas le paradis, mais c'est une avancée non négligeable !
Quant au dispositif de l'ARPE, qui concerne les actifs, il permet à tout ancien combattant salarié de quitter son travail à cinquante-huit ans pour une quasi-retraite.
Par conséquent, le cumul de ces deux mesures montre que, si la situation est sans doute encore améliorable, il y a néanmoins une prise en compte des problèmes rencontrés par cette partie de nos concitoyens représentant le monde combattant.
Je ne dis pas que le dossier soit clos, madame Beaudeau ; je vais voir ce qu'il m'est possible de faire, mais, là encore, au sein des arbitrages auxquels je devrai procéder pour le budget de l'an 2000, car j'y suis naturellement contraint.
Il a été question de la fameuse forclusion de la carte de combattant volontaire de la Résistance. Je rappelle qu'il n'y a pas véritablement de forclusion puisque, depuis la loi de 1985, plus de 2 500 cartes de combattant volontaire de la Résistance ont été délivrées. J'ai adressé des instructions aux préfets au cours de l'année 1998 pour leur indiquer que tous les dossiers ne répondant pas aux conditions administratives de 1985 devaient néanmoins faire l'objet d'une instruction complémentaire par une enquête à leur discrétion.
Cela a permis de traiter 50 % des dossiers ; 25 % de ces derniers ont été reconnus valables, et ces personnes obtiendront par conséquent une carte de CVR ; en revanche, un refus a été opposé dans 25 % des cas également : il a ainsi été possible d'opposer des refus à des demandes avancées par des personnes ayant été condamnées pour collaboration après la Libération.
Il est donc absolument nécessaire, si l'on veut préserver la validité de ce que représente la carte de CVR, d'instaurer des conditions d'examen. J'ai d'ailleurs demandé au président de l'Association nationale des anciens combattants de la Résistance, l'ANACR, lors du congrès qui s'est tenu à Chambéry, de me faire des propositions : « Je les accepterai à condition d'avoir l'assurance que ce dispositif permettra tant d'accorder la carte de CVR à toute personne la méritant que de la refuser à toute personne ne remplissant pas les conditions », ai-je alors déclaré. Je maintiens cette position.
J'en viens aux problèmes des psychotraumatismes de guerre. C'était l'un de mes quarante engagements pris devant le monde combattant. Il n'aura pas été tenu avant le 31 décembre 1998, mais, dès le mois de janvier 1999, une commission se mettra au travail sur ce sujet. Comme je l'ai dit devant l'Assemblée nationale, ce point n'a pas forcément l'agrément des services du secrétariat d'Etat aux anciens combattants, lesquels considèrent - je ne sais d'ailleurs pas trop pourquoi ! - que l'on s'aventure là sur un terrain extrêmement particulier, voire dangereux. Mais ce travail sera objectivement conduit parce c'est une réalité dont on doit tenir compte de façon à agir pour l'avenir plus que pour le passé.
J'ai bien entendu le dernier orateur évoquer la décristallisation. Pour ma part, il ne me semble pas indécent d'avoir engagé la réflexion en termes de pouvoir d'achat et de vouloir comparer, pour un même taux d'invalidité, le pouvoir d'achat d'une pension attribuée à un ancien combattant ressortissant français vivant en France et celui de la pension versée aujourd'hui à un ancien combattant ressortissant d'un pays étranger ; c'est bien en effet le pouvoir d'achat qui permet de juger s'il y a égalité de traitement !
La France a décidé à la fois de maintenir des pensions et de les cristalliser. C'est une situation que j'ai trouvé à mon arrivée au secrétariat d'Etat aux anciens combattants et qui existe depuis l'accession à l'indépendance de ces pays. Le Commonwealth, quant à lui, a supprimé toutes les relations entre la Grande-Bretagne et les ressortissants de ses anciennes colonies. La France n'a pas fait ce choix, et c'est à son honneur.
Confronté à une question, j'ai essayé d'y répondre en termes de pouvoir d'achat. M. le rapporteur spécial m'a demandé de lui fournir un document, et je le lui ai donné.
Je mesure la limite de mon exercice cependant, puisque j'établis des comparaisons à partir de salaires minimaux, de grilles indiciaires, de moyennes de revenus. Il faudrait, pour valider le travail que j'ai fait, voir sur les marchés du Cameroun, du Burkina Faso, du Bénin, du Cambodge, du Congo... (Sourires) ce que l'on peut effectivement acheter avec un certain pouvoir d'achat. Je ne dis pas que je ne le ferai pas un jour, car ce serait le meilleur moyen de valider ou non le dispositif, voire de l'améliorer. Pour l'instant, j'en suis là, et j'ai observé que deux pays, le Maroc et la Tunisie, enregistraient un retard. Mais le problème de la forclusion me touche encore davantage. En effet, aujourd'hui, une veuve ne peut pas présenter un dossier pour bénéficier d'une pension de réversion, et l'ancien combattant dont une blessure s'aggrave ne peut pas déposer un nouveau dossier pour faire constater cette aggravation.
J'ai demandé à un comité interministériel de se réunir et d'étudier le sujet. J'ai le sentiment que nous allons avancer vers la levée de la forclusion sur les deux points que j'ai indiqués.
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Cela représentera un véritable progrès. Il nous restera alors à faire le tour des marchés pour voir si le pouvoir d'achat indiqué par nos ambassades correspond au pouvoir d'achat dans notre pays !
On ne peut pas, à mon avis, dire que la France s'est désintéressée de ses anciens combattants ; ces derniers méritent bien évidemment le respect, notre reconnaissance. L'histoire a fait évoluer les choses : ces pays sont devenus indépendants, souverains. C'était une responsabilité assumée de la part de notre pays, et ce dernier doit donc également assumer l'ensemble des conséquences. Il n'y a pas de désintéressement de notre part.
Je rappelle la volonté politique affirmée de donner à l'ONAC les moyens de se développer, d'assurer ses fonctions et d'être maintenu dans chacun des départements français comme service de proximité : il s'agit de renforcer son rôle de service, d'en faire en quelque sorte une administration au sein de laquelle les anciens combattants seront accueillis et recevront toute l'aide nécessaire s'agissant tant de leur droits d'ancien combattant que de leurs droits de citoyen. Ce serait donc un lieu particulier d'écoute, d'accueil, d'aide à l'intention du monde combattant, dans chacun des départements.
Le projet de budget pour 1999 traduit en partie la charte que le conseil d'administration de l'ONAC a bien voulu voter sur ma proposition au mois de juin dernier, charte qui ouvre une perspective et qui affirme une volonté politique de maintenir cet établissement public.
Vous avez évoqué l'augmentation des crédits. Les crédits sociaux sont remis au niveau de 1997 et ont été améliorés par un vote en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, qui a majoré de 5 millions de francs les crédits en direction des veuves d'anciens combattants, c'est-à-dire des veuves qui ne reçoivent rien : des instructions seront données par le M. préfet Guizard pour que ces sommes soient effectivement attribuées aux veuves qui en auront réellement besoin.
S'agissant de la réforme, tout est dit et tout est connu. Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il vaut mieux maîtriser les évolutions plutôt que de les subir, que nous refusons le rattachement au ministère des affaires sociales, qui signifierait l'enterrement progressif de mon administration, qu'il s'agit de mieux gérer dans les vingt prochaines années les intérêts moraux et matériels du monde combattant et d'assurer à ce dernier une structure administrative et politique susceptible d'offrir cette perspective : en l'occurrence, de mon point de vue, c'est le ministère de la défense.
Une très large concertation a eu lieu avec le monde combattant. Les documents qui en résultent ont été adressés au Président de la Répulique, puisque la décision quant à un éventuel rapprochement du ministère de la défense relève de la responsabilité propre du chef de l'Etat, chef des armées. M. le ministre de la défense et moi-même devons prochainement rencontrer M. le Président de la République à ce sujet. Nous verrons alors quelle attitude nous adopterons ensemble. S'il s'agit d'aller plus loin, nous irons plus loin, et nous travaillerons sur cette évolution administrative qui demandera toute l'année 1999, voire davantage pour un certain nombre de cas.
Mais il s'agit bien de réaliser cette réforme aux conditions qui ont été contractualisées entre le monde combattant et le secrétariat d'Etat en charge de ce dossier, à savoir l'existence d'un responsable politique membre du Gouvernement, chargé du dossier des anciens combattants, d'un budget autonome, du droit à réparation, d'un cabinet ministériel, du maintien de l'ONAC, de l'Institution nationale des invalides, de la direction des statuts exprimant le droit à réparation et de la grande direction de la mémoire de l'information historique élargie. C'est à ces conditions-là seulement que l'évolution se fera.
Mais je vois l'heure tourner : il ne me reste plus guère de temps sur les vingt-cinq minutes qui m'étaient octroyées ! J'espère que M. le président m'accordera quelques minutes de grâce !
M. le président. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous disposez de tout votre temps pour répondre au Sénat !
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Certes, mais il est déjà une heure quarante...
M. le président. Au point où nous en sommes... (Sourires.)
M. Ivan Renar. Nous avons tout notre temps !
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. et vous reprenez vos travaux demain matin, à l'aube... ou presque !
Il a été question de la demi-part. Elle n'a pas été touchée dans le dispositif final du projet de loi de finances pour 1999. Certes, le plafonnement de l'avantage concerne effectivement le monde des anciens combattants. Mais un crédit d'impôt équivalent à la conséquence du plafonnement a été accordé à ce dernier, ce qui aboutit à une incidence fiscale nulle. Il n'y a donc pas de remise en cause de la situation fiscale attachée à cette demi-part.
S'agissant de la situation des grands invalides, je n'ai aucun argument à opposer, madame Heinis.
Cette question est d'ailleurs revenue à chaque réunion que j'ai tenue, au cours de l'année 1998, dans les quarante à cinquante départements que j'ai visités ; et j'ai fait à chaque fois la même réponse ; j'ai constaté la situation, qui me pose effectivement un problème d'éthique, car deux mêmes blessures, deux mêmes handicaps ne peuvent pas donner objectivement ou moralement droit à une pension différente selon la date de leur liquidation.
Par conséquent, j'inscris ce point parmi les trois priorités que je me fixe, en 1999, pour un règlement en 2000. Et j'espère être suffisamment persuasif pour obtenir au moins un début de résultat, car je n'ai pas de justification à apporter à cette situation. Je veillerai donc à ce que nous puissions avancer sur ce sujet.
Il a été question des patriotes résistants à l'occupation. Ces derniers perçoivent une indemnisation de 9 000 francs. Les ayants cause ne perçoivent pas cette indemnisation si l'ayant droit est décédé avant le versement de cette somme. C'est un problème différent, effectivement, de celui des « Malgré-nous », et cela concerne 164 dossiers que j'ai encore à régler. Je n'ai pas de mesures budgétaires pour l'instant, mais je ne désespère pas de pouvoir avancer aussi sur ce sujet, qui, je le rappelle, concerne 164 personnes.
Il a été question du Reichsarbeitsdienst, ou RAD, et du Kriegschilfsdienst, ou KHD. J'ai demandé - et obtenu - de la Fondation de l'entente franco-allemande, qui avait perçu une indemnisation de la part de la République fédérale d'Allemagne, une somme importante pour indemniser les « Malgré nous », c'est-à-dire les personnes incorporées de force dans la Wehrmacht.
Mais tout le débat a porté sur la distinction à faire entre la Wehrmacht, les organisations paramilitaires et les organisations type RAD ou KHD, dans lesquelles on comptait beaucoup de femmes. Ce débat a duré de longues années. Il a été assez fort, assez puissant, assez percutant et il était assez pénible, en vérité, d'assister à ces discussions entre des personnes qui avaient toutes été victimes à des degrés divers.
J'ai obtenu, en tout cas, la prise en compte d'une partie de cette situation sur la base du produit des placements financiers qu'avait réalisés la Fondation de l'entente franco-allemande.
Je me suis rendu à Strasbourg voilà quelque temps et j'ai demandé que soit opéré le recensement de toutes les situations avant le 31 mars 1999. Cest la raison pour laquelle je n'ai pas prévu de crédits dans le budget pour 1999, puisque ce recensement ne s'achèvera que le 31 mars 1999. Je n'avais donc pas d'éléments d'identification ni d'estimation en la matière.
S'agissant du mémorial de l'annexion de fait de l'Alsace-Moselle, madame Printz, je me rendrai à Strasbourg le 10 décembre prochain pour écouter les propositions qui me seront faites par la commission d'historiens et de représentants du monde ancien combattant que j'ai mise en place. Je discuterai ensuite avec les collectivités territoriales, les départements et les régions concernés. C'est en effet un investissement important et il s'agira de trouver des clés de répartition entre l'Etat, les collectivités territoriales concernées, la commune d'accueil, les départements et les régions qui voudront bien participer à cette réalisation. Mais il s'agit d'un devoir de mémoire qui concerne la spécificité de l'Alsace-Moselle dans la tentative de nazification qui a été menée de 1940 à 1944.
S'agissant du camp du Struthof, seul camp de concentration ayant existé sur le territoire français, des crédits d'études seront engagés en 1999 pour la réalisation d'un mémorial dédié au système concentrationnaire nazi.
M. de Gaulle a fort bien décrit les mesures qui étaient prises en faveur du monde ancien combattant, notamment la retraite d'ancien combattant, d'un montant de 2 600 francs, l'avantage que représente la retraite mutualiste, la demi-part fiscale. Il faut y ajouter cependant tout l'effort accompli par la France au nom du droit à réparation, c'est-à-dire les pensions d'invalidité, qui représentent quand même 18 milliards de francs. Cet effort, j'y insiste, n'est pas fait par tel ou tel gouvernement, c'est bien celui de notre pays en direction du monde combattant, avec un budget de 24,5 milliards de francs, dont une grande partie est consacrée à la rente viagère, aux pensions, aux soins médicaux gratuits, aux questions d'appareillage, aux déplacements de personnes, aux nécropoles, etc.
Une très petite proportion de cette somme est affectée au fonctionnement de l'administration elle-même : seul 1 milliard de francs sur le budget est consacré au fonctionnement, la quasi-totalité est versée soit sous forme de rente viagère soit au titre du fonds de solidarité. C'est l'honneur de la France, je le répète, que de procéder ainsi, d'autres pays ne le font pas.
Il a été question des quarante engagements que j'avais pris. A la date d'aujourd'hui, vingt de ces engagements ont été tenus, dix sont en cours d'exécution, cinq seront probablement conduits à terme d'ici au 31 décembre et les derniers connaîtront une exécution au cours de l'année 1999. C'était un pari risqué, mais je crois que trente-cinq sur quarante, ce n'est pas si mal ! Le joueur de boules qu'est M. Lesbros considérera sans doute avec moi qu'un tireur qui ferait trente-cinq touches sur quarante coups serait un excellent tireur ! (Sourires.)
Je ne sais pas si l'on peut appliquer ce principe aux quarante engagements du secrétaire d'Etat aux anciens combattants, mais j'établirai un compte rendu exhaustif à la date du 31 décembre 1998. Il sera distribué à la représentation nationale et au monde combattant. Donc, ce qui a été accompli sera clairement affiché, de même que ce qui reste à faire.
Il m'a été demandé aussi d'étendre le titre de reconnaissance de la nation, le TRN, au service du travail obligatoire, le STO.
Le TRN correspond à des conditions militaires. Or le STO est autre chose ! Cela ne signifie pas que j'ignore les souffrances ou les difficultés des personnes qui ont été contraintes au travail en territoire ennemi ! Mais je ne suis pas sûr que l'on puisse appliquer le TRN, qui a un contenu d'actions militaires, au bénéfice de personnes engagées dans le travail civil.
J'avoue que j'apporte cette réponse à chaud, et je vous laisse méditer, en tout cas, ces éléments tels que je les ai compris.
S'agissant de l'extension de l'ARPE aux bénéficiaires du TRN, je ne vous donnerai pas satisfaction ce soir.
M. Guy Fischer. C'est regrettable !
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Sûrement !
Je m'expliquerai tout à l'heure, à l'occasion de l'examen des amendements qui ont été déposés, sur les procédures que je veux mettre en oeuvre. Cela me vaudra d'ailleurs encore des félicitations du jury, j'imagine, et les honneurs du Journal du combattant, qui va certainement me tailler des croupières !
Je n'ai en tout cas pas les moyens de vous répondre dès maintenant sur l'extension aux bénéficiaires du TRN. Sans doute les difficultés ne sont-elles pas insurmontables sur le plan budgétaire, mais il y a un autre argument : c'est que... Pardonnez-moi, j'avais un autre argument à faire valoir, mais il m'échappe à cet instant. (Sourires.) Je reviendrai sur les véritables obstacles de cette extension à l'occasion de la discussion des amendements.
Les événements qui se sont déroulés le 16 octobre au centre culturel algérien ont fait l'objet d'une condamnation. J'ai répondu à l'Assemblée nationale à une question d'actualité sur ce sujet et j'ai dit que, dès lors que nous avions eu connaissance de ces événements - et notre attention a été effectivement appelée par le monde combattant - nous sommes intervenus, le ministre des affaires étrangères et moi-même, auprès de la représentation diplomatique d'Algérie à Paris pour dire que nous assimilions ce comportement à de la provocation. Nous l'avons condamné, je l'ai dit, cela figure au Journal officiel des débats de l'Assemblée nationale. Je peux donc le répéter ici ce soir en toute sérénité !
Nous avons envoyé des courriers pour relater ce qui est effectivement une provocation à l'égard du monde combattant. D'abord, parce qu'il n'est pas d'usage d'honorer, sur le territoire d'un pays, ceux qui, à un moment donné de l'histoire, ont aidé les adversaires de ce pays. Ensuite, parce que ces événements se sont déroulés le 16 octobre, date qui fait référence au transfert en 1977 du corps du soldat inconnu à Notre-Dame-de-Lorette. Ce n'était quand même pas quelque chose à faire !
Dans le même ordre d'idée, je condamne les propositions de Daniel Cohn-Bendit.
M. Rémi Herment. Très bien !
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Vous connaissez son propos, il n'est pas admissible !
Nous avons avancé dans la réflexion consacrée au rapport constant, que j'entends rendre lisible pour 1999.
Parmi les propositions qui ont été faites au monde combattant, l'une d'entre elles a retenu leur attention. Son coût étant proche de 100 millions de francs, il s'agit maintenant pour moi d'obtenir les arbitrages utiles sur ce sujet. Mais je considère que c'est une priorité, parce que cela fait trop longtemps que l'on en parle.
La carte du combattant pour quinze mois passés au Maroc ou en Tunisie et dans les mêmes conditions que précédemment, oui. Mais douze mois, non ! Je n'avancerai pas, pour l'instant, sur ce terrain, parce que je considère qu'il faut maintenir à la carte du combattant son authenticité.
Je sais bien que c'est discutable : l'an dernier, j'avais parlé de dix-huit mois sur la base d'un certain nombre de relevés. J'ai observé depuis que les propositions que j'avais avancées n'étaient pas justes. J'ai donc « rectifié le tir » dans le projet de budget pour 1999.
J'en viens aux dates : 11 novembre, 8 mai et 19 mars. Ce n'est pas le dossier le plus facile ! Le 11 novembre et le 8 mai, il n'est pas question d'y toucher. En tout cas, je n'y toucherai pas, et je ne suggérerai pas au Gouvernement de le faire. Donc, nous continuerons à commémorer le 11 novembre et le 8 mai.
Pour le 19 mars, c'est plus embarrassant. En tant qu'individu, en tant que responsable politique, en tant que maire de Hayange, j'ai émis l'idée, suivi en cela par le conseil municipal, que la date commémorative puisse être le 19 mars. Cela étant, j'ai pris ma responsabilité comme maire dans une situation donnée. Je me retrouve, au secrétariat d'Etat, à la tête d'un département ministériel. Ce n'est donc plus seulement mon opinion qui compte ! Je dois mesurer ce qu'il est possible de faire et quelle est l'opinion du pays par rapport à cette proposition.
J'ai constaté qu'il n'y avait pas unanimité sur ce sujet. J'ai donc fait mien un argument que je trouve assez cohérent, selon lequel une date commémorative doit rassembler un pays unanimement, et non pas le diviser.
M. Michel Pelchat. Voilà qui est bien dit !
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. A partir du moment où j'ai constaté qu'il n'y avait pas unanimité, je n'ai pas proposé cette date.
M. Michel Pelchat. Vous avez eu raison !
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. J'ai donc répondu dans ce sens à toutes les questions écrites qui m'ont été adressées à ce sujet, parce que j'ai bien senti que le pays, pour toute une série de raisons que j'explique dans les réponses à ces questions écrites, n'était pas prêt.
La date du 19 mars est effectivement la date du cessez-le-feu qui fait suite aux accords d'Evian, qui ont été validés par le peuple français par référendum. Cette date représente quelque chose d'assez fort objectivement ! Mais, après cette date, il s'est produit d'autres événements : les exactions de l'OAS, celles du FLN...
M. Michel Pelchat. Merci !
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. ... et le rapatriement d'un million de nos concitoyens dans des conditions qui ont entraîné des drames humains personnels. Tout cela est encore fortement ancré dans tous les esprits !
Par conséquent, je ne peux pas avancer aujourd'hui une proposition qui diviserait le pays, qui mettrait les gens dans la rue. Aussi ai-je proposé au Gouvernement de me rendre personnellement à l'Arc de Triomphe le 19 mars, de m'y rendre aussi le 16 octobre, qui est la deuxième date de commémoration de la fin de la guerre d'Algérie, et j'ai demandé aux préfets d'assister à cette cérémonie, le 19 mars comme le 16 octobre.
Nous en sommes là aujourd'hui. Voilà ce que je peux répondre honnêtement sur cette question très difficile. Je décris la réalité telle qu'elle est, mais le débat reste ouvert, car je ne propose pas de trancher définitivement. Je suggère simplement que ceux qui le veulent célèbrent tout à la fois le 19 mars et le 16 octobre afin que, dans nos communes, nous puissions aller - c'est ce que j'ai fait - à l'inauguration de stèles, à l'érection de mémoriaux, à l'apposition de plaques de rues en souvenir des soldats français engagés en Afrique du Nord dans la guerre d'Algérie.
Nous devons réintégrer cette guerre dans la mémoire collective nationale ; c'est notre travail. Puis, le temps passera et peut-être, alors, d'autres que moi pourront-ils faire utilement d'autres propositions qui rassembleront l'ensemble du pays.
Je n'ai toujours pas retrouvé le second argument en ce qui concerne l'extension de l'ARPE...
M. Michel Pelchat. Vous êtes le ministre de la mémoire et vous la perdez ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Effectivement ! Aujourd'hui, pour ma part, je ne peux faire plus, malheureusement.
La citoyenneté est vraiment une responsabilité que le département ministériel des anciens combattants doit assurer.
L'exemplarité du monde combattant, les valeurs sur lesquelles ont été bâtis les engagements du monde combattant doivent inspirer la citoyenneté de ce pays.
Il faut savoir rendre hommage à celles et ceux qui, comme je l'ai dit, acceptent que leur destin individuel s'efface devant le destin supérieur de la France. Il faut dire que le chemin de la mémoire, c'est le chemin de la citoyenneté.
Dans le projet de budget pour 1999 les crédits « mémoire » augmentent de façon très significative.
Cette politique doit cependant être partagée.
Les collectivités territoriales, communes, départements et régions, doivent participer à la mise en oeuvre de cette politique de la mémoire. J'invite d'ailleurs toutes les régions à inscrire dans leur contrat de plan Etat-région, à compter de l'an 2000, une ligne budgétaire « mémoire ». L'Etat et les collectivités territoriales doivent être côte à côte dans ce travail de mémoire pour aborder le siècle prochain.
Le xxe siècle fut un siècle d'épreuves, que notre pays et l'Europe ont surmontées. Les jeunes générations qui auront la responsabilité du xxie siècle ne doivent pas oublié le xxe siècle. Il ne faudrait pas, parce que nous franchissons un siècle et un millénaire, que la page soit tournée et qu'il y ait une rupture de mémoire parce que, alors, l'aventure serait encore possible.
Ce travail de mémoire doit être au coeur de l'action du département ministériel à côté et en complément du droit à réparation, et ce avec la collaboration non seulement de toutes les collectivités, mais également avec celle de l'éducation nationale et de toutes celles et tous ceux qui se sentent concernés par cette réalité.
L'année 1999 sera l'année qui nous permettra d'accomplir ce travail de mémoire, de citoyenneté : France libre, débarquement de Normandie, débarquement de Provence, action des alliés mais aussi résistance intérieure, amalgame sur la Ire armée, Leclerc, de Gaulle, libération de la France par la France... Ce travail de mémoire sera fait, et bien fait.
Monsieur le président, en vous remerciant de m'avoir laissé dépasser le temps qui m'était imparti, je terminerai par une annonce désagréable même très désagréable... En effet, pour ce qui est des six amendements, sur lesquels je donnerai tout à l'heure un avis argumenté, j'invoquerai une nouvelle fois - et j'en suis désolé : chaque fois que je viens au Sénat, je suis obligé de le faire - l'article 40 de la Constitution. (Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Rémi Herment applaudit également.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère des anciens combattants et figurant aux états B et C.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 1 881 328 francs.