Séance du 2 décembre 1998






FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
POUR 1999

Discussion d'un projet de loi en nouvelle lecture

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 (n° 89, 1998-1999), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture. [Rapport n° 90 (1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous entreprenons donc l'examen, en nouvelle lecture, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.
Avant d'évoquer le texte qui vous est soumis au retour de l'Assemblée nationale, je souhaiterais, sans bien sûr entrer dans les détails, puisque nous avons déjà eu un débat long et approfondi, rappeler les objectifs majeurs que cherche à atteindre le Gouvernement à travers ce projet.
Ces objectifs sont les suivants : rétablir l'équilibre des comptes en 1999 sans augmenter les prélèvements ni diminuer les prestations ; élargir les possibilités d'actions, notamment celles des partenaires conventionnels, pour éviter les dépenses inutiles en matière de santé et mettre en place des mécanismes d'ultime recours destinés à préserver, si nécessaire, l'assurance maladie ; permettre surtout, par cette politique conventionnelle, une évolution du système de santé plus ouvert à tous et améliorant la qualité et la sécurité ; affirmer la priorité donnée à la pérennité de nos régimes par répartition, notamment en créant un fonds de réserve des retraites ; construire une politique familiale rénovée, plus juste et solidaire, conformément aux engagements de la conférence de la famille ; enfin, améliorer significativement la prise en charge des maladies professionnelles.
Lors de la première lecture, la majorité sénatoriale avait profondément transformé le texte émanant de l'Assemblée nationale.
En matière de retraite, j'ai bien entendu les appels de la majorité sénatoriale pour une réforme profonde et rapide. Croyez bien que le Gouvernement souhaite la mener, comme il l'a dit, après une phase de diagnostic puis de concertation qui aura lieu en début d'année. Sur un sujet aussi majeur et auquel nos concitoyens sont très attachés, j'espère, je le dis à nouveau, que nous arriverons à dégager une solution en dépassant les clivages politiques.
A cet égard, la majorité sénatoriale a approuvé, et je m'en félicite, le principe même d'un fonds de réserve pour garantir les régimes par répartition.
Elle a toutefois repoussé certaines de ses modalités d'application, notamment celles qui introduisent un contrôle des partenaires sociaux, que l'Assemblée nationale arétabli.
Vous nous avez dit par ailleurs - et c'est là où nous divergeons - que vous souhaitiez apporter encore plus de rigueur de gestion. Néanmoins, comme j'ai été amenée à le remarquer, les amendements que vous avez adoptés dégradent les comptes. Construire une politique, nous le savons, c'est faire des choix, c'est arbitrer entre des priorités, c'est céder à la facilité de s'exonérer de ce devoir de responsabilité en transférant quelques milliards de francs de charges de la sécurité sociale vers le budget de l'Etat. Je ne crois pas que ce soit une bonne solution.
Ce qui m'a laissée perplexe, c'est lorsque cette rigueur s'est appliquée à l'hôpital public. Nous avons entendu - pas par tout le monde, il est vrai, puisque certains ont regretté que, dans notre pays, l'hôpital n'ait pas suffisamment de moyens - des propos sur l'hôpital public, sur son insuffisant effort d'adaptation, sur un laxisme prétendu de la politique hospitalière.
Contrairement à ces allégations, je crois que l'adaptation du secteur hospitalier public est en cours, et qu'il faut d'ailleurs saluer l'ensemble des personnels qui y concourent aujourd'hui. Je ne pense pas que ce soit en réduisant d'un milliard de francs l'ONDAM, l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie, que nous la mettrons en oeuvre. Nous savons bien que l'on ne peut pas avancer en serrant tous les freins, et que des marges de manoeuvre sont nécessaires si on souhaite effectivement que l'évolution puisse avoir lieu. C'est en tout cas ce que nous essayons de faire en élaborant des nouveaux schémas d'organisation sanitaire qui répondent aux besoins, en créant des réseaux de prise en charge, par exemple pour la périnatalité et la lutte contre le cancer, en poursuivant la définition des contrats d'objectifs avec les établissements.
Par ailleurs, vous le savez, le Gouvernement entend accélérer la réduction des inégalités de dotations budgétaires entre régions et entre établissements.
En matière de médecine de ville, je pense que la majorité sénatoriale a refusé des évolutions qui paraissent pourtant nécessaires pour moderniser notre système de santé. J'ai apprécié qu'elle approuve la mise en place du fonds d'aide à la qualité, mais je regrette qu'elle ait repoussé l'article qui visait à élargir les possibilités d'avoir des partenaires conventionnels, à leur permettre, par exemple, de mettre en place des filières et des réseaux, et de développer la prévention, l'éducation sanitaire et l'évaluation.
Je le dis à nouveau aujourd'hui : notre conviction, c'est que, en France, le système de soins et la politique de santé ne changeront pas sans le concours des acteurs de la santé. Pour la médecine de ville, ces évolutions doivent passer par la politique conventionnelle.
S'agissant des mécanismes de sauvegarde économique, nous étions d'accord, je crois, pour considérer qu'ils doivent constituer des dispositifs d'« ultime recours ». Encore faut-il que ce soit vraiment des « recours ». La majorité sénatoriale nous a proposé un système censé individualiser la régulation, mais en prévoyant de fixer des objectifs médecin par médecin, poste par poste. Il s'agit là d'un système qui sera extrêmement bureaucratique et qui risque fort de s'apparenter à un rationnement des soins pour un certain nombre de médecins. On ne peut en appeler à la rigueur, proposer des diminutions de l'ONDAM et se priver de toutes les dispositions qui permettent d'aboutir au respect des objectifs votés par le Parlement.
Dans ces conditions, je me réjouis que l'Assemblée nationale ait rétabli le texte qu'elle avait adopté en première lecture, avec quelques modifications à la marge. Le débat à l'Assemblée nationale a, de plus, permis d'améliorer ce texte, et je voudrais attirer votre attention sur les avancées plus significatives.
En ce qui concerne la lutte contre le tabagisme, l'objectif du Gouvernement - partagé, je crois, par les deux assemblées - est de faire reculer la consommation de tabac, notamment chez les jeunes.
La hausse des prix, nous le savons, est, à cet égard, le moyen le plus efficace.
On peut tenter d'obtenir cette hausse des prix par un accroissement de la fiscalité proportionnelle ; tel était l'objet de l'amendement adopté par la Haute Assemblée en première lecture.
Mais nous savons qu'accroître les droits proportionnels sur le tabac peut entraîner une politique commerciale agressive et déboucher sur une guerre des prix. Ne souhaitant pas prendre ce risque, nous vous proposons un nouveau dispositif.
Tout d'abord, pour assurer la hausse des prix, que nous souhaitons tous, un amendement dans le collectif budgétaire comportera un doublement de la part fixe du droit de consommation et une augmentation du minimum de perception, tant pour les tabacs blonds que pour les tabacs bruns. De plus, une mesure spécifique sera proposée sur les tabacs à rouler, alignant le taux du droit de consommation sur celui des cigarettes et augmentant à hauteur du maximum autorisé par le droit communautaire le minimum de perception.
En pratique, cela devrait conduire à une hausse des prix de l'ordre de 5 %. Pour concrétiser cette hausse des prix, le Gouvernement va, dans les prochains jours, prendre des contacts avec les fabricants pour que les prix soient modifiés dès le début de l'année 1999.
Nos débats de cette année, comme ceux de l'année passée, l'ont montré : il importe de revoir en profondeur tant la fiscalité du tabac et son effet sur les prix que l'affectation du produit des taxes, notamment sa répartition entre l'Etat et la sécurité sociale. Une mission parlementaire sera chargée d'un rapport sur ce sujet.
Nous engageons donc cette réflexion pour l'avenir tout en nous donnant les moyens de réduire le tabagisme dès cette année. En ce domaine, nous sommes parvenus, me semble-t-il, à un dispositif pertinent.
Les débats à l'Assemblée nationale ont également modifié substantiellement les dispositions relatives au médicament. C'est un dispositif conventionnel rénové qui vous est ainsi proposé.
Ainsi, nous entendons accroître la cohérence entre la politique conventionnelle et les orientations définies dans la loi de financement de la sécurité sociale. Chaque année, à l'issue de nos débats, le comité économique, qui sera renforcé par ailleurs, recevra des orientations qui permettront de traduire dans les conventions les exigences formulées par le Parlement en matière de maîtrise de dépense, ainsi que les priorités de santé publique.
Les prérogatives mais aussi les moyens du comité économique seront renforcés. Si le Gouvernement fait de la voie conventionnelle une priorité, vous le savez, celle-ci doit s'inscrire dans notre politique structurelle du médicament. Ainsi, si l'évolution des dépenses, l'évolution scientifique ou les orientations nouvelles fixées au comité économique l'exigent - nous espérons que ces circonstances sont exceptionnelles - le comité pourra modifier les conventions.
Le contenu même des conventions doit être enrichi, celles-ci ne se bornant pas à fixer des prix mais devant comporter un ensemble cohérent d'engagements en matière de promotion, de recherche, de santé publique et de bon usage du médicament. C'est ainsi que seules les conventions d'un type nouveau, qui visent à mettre en place une véritable politique du médicament, signées après le 1er janvier 1999 pourront entraîner exonération de la clause de sauvegarde.
Les exigences nouvelles à l'égard des laboratoires qui souhaitent se conventionner justifient que ces derniers soient soumis à un mécanisme de régulation défini par leur propre convention et soient par conséquent exclus du champ de la contribution générale.
C'est ce que la Haute Assemblée avait souhaité lors de la première lecture. Il m'apparaît qu'après les débats en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale nous sommes parvenus à un équilibre entre deux exigences : d'une part, la mise en place d'un mécanisme protégeant effectivement l'assurance maladie contre d'éventuelles dérives des dépenses du médicament et, d'autre part, la nécessité d'une politique conventionnelle active donnant aux laboratoires la visibilité dont ils ont besoin pour développer leurs activités sur le moyen terme.
J'en viens, enfin, à une dernière disposition importante, introduite par le Gouvernement à l'Assemblée nationale : le droit à la cessation anticipée d'activité pour les victimes de l'amiante.
Lors de la première lecture, vous avez approuvé des dispositions visant à rouvrir les dossiers des victimes de l'amiante écartées de leurs droits en matière de maladie professionnelle en raison de la prescription biennale.
En cohérence avec ces dispositions, le Gouvernement vous propose de franchir une nouvelle étape pour rendre justice aux salariés qui, après avoir été astreints à des travaux pénibles, sont maintenant fauchés par la maladie pour avoir inhalé sur leur lieu de travail de la poussière d'amiante.
Ainsi, les personnes atteintes de certaines maladies professionnelles liées à l'amiante pourront cesser leurs activités dès cinquante ans. Pour les personnes qui ont travaillé dans les établissements de transformation de l'amiante, où le taux d'empoussièrement est le plus fort, un tiers des années d'activité passées dans le secteur de l'amiante sera déduit de l'âge légal de la retraite à soixante ans.
Nous avons conscience que nous ne traitons pas ainsi le cas de tous les salariés exposés à l'amiante. Nous allons continuer à travailler avec les caisses régionales d'assurance maladie, les CRAM, et nos directions régionales afin de trouver des critères objectifs pour ceux qui travaillent dans d'autres secteurs.
Il fallait en effet prendre rapidement des mesures pour ceux qui sont victimes de telles maladies. C'est ce premier pas que nous avons souhaité faire. Nous vous invitons ainsi à exprimer une solidarité forte à l'égard des travailleurs de l'amiante. Chacun connaît aujourd'hui la force des maladies qui les atteignent mais aussi la douleur et la tristesse qui est la leur.
Cette disposition nous rappelle, si besoin était, que les lois de financement de la sécurité sociale ne sont pas de simples lois comptables. Nous les concevons comme un moyen de consolider et d'approfondir les solidarités inscrites dans notre système de protection sociale. La protection sociale ne se réduit pas à des flux financiers, même si nous savons que la pérennisation de l'équilibre est une condition de son maintien à terme, mais elle constitue bien un puissant vecteur de cohésion sociale et un outil majeur de solidarité.
C'est avec cette conviction - qui, je l'espère, est largement partagée sur vos travées - que je reprends nos travaux sur ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi de rappeler brièvement la façon sont s'est déroulé ce débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.
Au début, le texte du Gouvernement comportait trente-six articles ; en première lecture, l'Assemblée nationale a introduit douze articles additionnels ; compte tenu du retrait d'un article par le Gouvernement - l'article 26, qui n'était pas le moindre - le Sénat a été saisi, en première lecture, d'un texte comportant quarante-sept articles.
Lors de l'examen du projet de loi en première lecture, les 12, 16 et 17 novembre dernier, nous avions, mes chers collègues, adopté quinze articles conformes. Nous en avions modifié trente-deux - dont neuf de façon radicale puisque nous les avions supprimés - et nous avions introduit quatre articles additionnels.
Ces modifications importantes au texte adopté par l'Assemblée nationale ont traduit le souci du Sénat et de votre commission des affaires sociales d'affirmer quatre orientations que je tiens à vous rappeler, puisque c'est sur elles que porte essentiellement notre désaccord avec le projet gouvernemental.
La première consistait à utiliser, dans le domaine de l'assurance maladie, les moyens disponibles à une adaptation de l'offre de soins, à mettre en place un mécanisme de régulation des dépenses de santé simple, médicalisé, individualisé et efficace.
Madame la ministre, vous venez de dire - je vous ai écoutée avec beaucoup d'attention, comme je le fais toujours - que nous devions modifier nos rapports avec les médecins.
Le problème des « sanctions collectives » - c'est ainsi qu'elles ont été perçues par les médecins - est devenu un sujet hypersensible, sur lequel nous devons revenir. Ces propos ne concernent d'ailleurs pas que l'actuel gouvernement, puisque le gouvernement précédent, que je soutenais, avait lui aussi prévu des sanctions collectives, et nous savons ce que cela lui a coûté ! Mais il nous faut, quoi qu'il en soit, sortir de cette logique si nous voulons changer les rapports avec les professionnels de la santé : à cet égard, je suis d'accord avec vous, madame la ministre.
A mon instigation, la Haute Assemblée a adopté un autre système. Je ne dis pas qu'il est parfait, mais je prétends qu'il a le mérite d'offrir une voie pour sortir de cette impasse, dont il nous faut, je tiens à le réaffirmer haut et fort, absolument sortir.
Par ailleurs, nous voulions maintenir une véritable politique conventionnelle du médicament et, comme vous venez de le rappeler mieux que je n'aurais su le faire, madame la ministre, le texte qui est issu de la navette entre l'Assemblée nationale et le Sénat nous semble satisfaisant à cet égard. Nous présenterons, certes, quelques amendements à la marge, mais ils ne remettront pas en cause l'équilibre du texte.
Notre deuxième orientation consistait à inciter à l'élaboration d'un projet cohérent et complet sur les retraites arrêtant l'ensemble des mesures structurelles nécessaires pour conforter les retraites par répartition - auxquelles, je le réaffirme, nous sommes très attachés à l'horizon 2005 - mais incluant, à l'instar des fonds de retraite que nous avions défendus naguère - c'était un signal politique fort - des mesures permettant de mettre fin aux déficits des régimes de retraites que nous connaissons aujourd'hui, de clarifier la situation des régimes spéciaux, notamment de celui des fonctionnaires. Sur ce point, nous étions, bien évidemment, en désaccord avec le Gouvernement.
La troisième orientation consistait à traiter équitablement les familles, la situation excédentaire de la branche famille ne justifiant aucunement, à nos yeux, de nouvelles économies venant après les mesures d'une exceptionnelle gravité qui avaient été mises en oeuvre l'an dernier et sur lesquelles le Gouvernement est heureusement revenu : je pense notamment à la mise sous condition de ressources des allocations familiales.
J'observe cependant aujourd'hui que la principale mesure d'économie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 s'est transformée, un an plus tard, en une aggravation des prélèvements fiscaux par la diminution du plafond du quotient familial.
Nous considérons, pour notre part, qu'il n'y a pas lieu de toucher aux avantages accordés aux familles, dans la mesure où la branche famille est excédentaire de 3,5 milliards de francs. Sachant que les familles de notre pays consentent déjà un effort - car avoir des enfants aujourd'hui, dans notre société moderne, représente un réel effort - nous estimons que, quelle que soit leur situation, il faut conforter les avantages que peut leur accorder la collectivité. Il s'agissait donc, là aussi, d'un point de discordance avec le Gouvernement, et je le déplore.
Enfin, la dernière orientation consistait à affirmer la nécessité d'une clarification des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale.
J'insiste encore une fois sur le fait que mes critiques ne s'adressent pas seulement au gouvernement actuel : j'ai tenu le même propos devant d'autres gouvernements que je soutenais, et je crois qu'il est absolument indispensable de se pencher sur cette question pour sauver notre système de protection sociale et faire comprendre à l'opinion ce qu'est le budget de la sécurité sociale.
Les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale sont marquées actuellement par l'importance des charges indues, en gestion et en trésorerie, qui pèsent notamment sur la branche famille, et par la remise en cause systématique par le Gouvernement du principe, affirmé par la loi du 25 juillet 1994, de la compensation intégrale des exonérations de charges sociales décidée par l'Etat.
Dans votre intervention, madame la ministre, vous venez de parler de sincérité comptable. Je suis prêt à vous répondre : « Chiche ! » Nous voulons également la sincérité comptable, mais si nous sommes d'accord sur les objectifs, nous divergeons sur les analyses.
Par conséquent, la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 a été l'occasion pour le Sénat de souligner la fragilité de l'équilibre financier présenté par le Gouvernement.
Tout d'abord, il est évident - c'est un constat que personne ne peut nier - que cet équilibre ne traduit pas l'assainissement de l'ensemble des branches de la sécurité sociale. En effet, si certaines branches sont excédentaires, d'autres demeurent déficitaires.
Lors du débat à l'Assemblée nationale, M. le secrétaire d'Etat à la santé a réaffirmé - et nous le soutenons sur ce point - le principe de l'autonomie financière des branches. Mais que signifie exactement l'autonomie financière des branches ? Vous nous dites que les comptes de la sécurité sociale sont en équilibre. Oui, mais c'est parce que vous additionnez des choux et des raves ! La branche retraites est déficitaire, la branche famille est excédentaire, la branche maladie est juste à l'équilibre et la branche accident du travail est excédentaire.
Quoi qu'il en soit, nous sommes, c'est une position constante de la commission des affaires sociales, pour l'équilibre, mais nous affirmons qu'il doit s'agir non d'un équilibre global - ce serait alors un faux équilibre - mais d'un équilibre de chacune des branches.
Ensuite, l'équilibre que vous nous proposez repose sur l'hypothèse d'une croissance forte des recettes : vous prévoyez 2,7 % d'augmentation du PIB. Nous en discuterons en cours d'année et nous verrons bien si le Gouvernement a été bien inspiré en préférant le volontarisme dans l'affichage de perspectives économiques optimistes à la simple volonté de maîtrise des dépenses, qui nous paraissait plus raisonnable !
Au demeurant, M. le Premier ministre, évoquant les hypothèses économiques retenues pour 1999, déclarait, le 24 novembre dernier - c'était donc depuis la première lecture au Sénat - que, « affirmer une perspective, c'est aussi se donner plus de chances de l'atteindre ». Certes, c'est du volontarisme, mais cela peut être aussi la méthode Coué ! Nous verrons bien, quoi qu'il en soit, en cours d'année.
Notre débat de première lecture a permis également de constater que le projet de loi était inabouti dans ses analyses, le Gouvernement renvoyant au premier semestre de l'année prochaine, donc après l'adoption de la loi de financement de la sécurité sociale pour cet exercice, un ensemble de réformes indispensables et urgentes : mesures structurelles dans le domaine des retraites - y compris la mise en place d'un mécanisme d'épargne-retraite - institution d'une couverture maladie universelle ou réforme de l'assiette des cotisations sociales à la charge des employeurs.
Réunie le jeudi 19 novembre 1998, la commission mixte paritaire n'est pas parvenue, hélas ! à adopter un texte commun sur les dispositions restant en discussion, en dépit de notre souhait d'aborder un certain nombre d'articles sur lesquels un accord apparaissait possible et souhaitable.
Le fonctionnement des commissions mixtes paritaires pourrait, à cet égard, être amélioré, dans la mesure où seuls quatre points de désaccord fondamentaux demeuraient entre l'Assemblée nationale et le Sénat : sur le reste, une dizaine ou une douzaine d'articles auraient pu faire l'objet d'un accord. Il faudra bien nous habituer, dans une démocratie apaisée, à avancer dans ce sens plutôt que de persévérer dans le rejet systématique, ce que fait l'autre assemblée.
Lors de l'examen en nouvelle lecture, le 26 novembre, l'Assemblée nationale a adopté trois articles dans le texte du Sénat : l'article 5 bis supprimant le prélèvement opéré par les services fiscaux sur certaines contributions perçues au profit des organismes de sécurité sociale, l'article 9 relatif à la taxation des boissons dites « prémix » et l'article 11 ter relatif à la situation des collaborateurs occasionnels des services publics au regard des régimes de sécurité sociale.
Sur l'initiative de sa commission des affaires culturelles, familiales et sociales - j'insiste sur ce point - mais aussi contre l'avis de cette dernière et à la demande expresse du Gouvernement, l'Assemblée nationale est revenue à son texte de première lecture sur quinze articles, alors qu'il s'agit d'articles sur lesquels, je crois, les commissions compétentes des deux assemblées auraient pu aboutir à un texte commun. Je déplore que le Gouvernement ne l'ait pas souhaité et qu'il ait demandé à sa majorité de ne pas permettre l'accord entre les deux commissions !
L'Assemblée nationale a, de surcroît, supprimé trois des quatre articles additionnels introduits par le Sénat : l'article 3 quater, qui visait à exonérer de charges sociales au titre de leurs salariés affiliés au régime agricole les associations d'aide à domicile, l'article 12 A, qui tendait à réaffirmer la compensation intégrale des exonérations de charges consenties dans le cadre de l'incitation à la réduction du temps de travail, et l'article 13 bis, qui avait pour objet de maintenir à dix et à quinze ans les majorations pour âge des allocations familiales.
L'Assemblée nationale a, en outre, souhaité modifier son texte de première lecture sur quinze articles, s'inspirant parfois des orientations retenues par le Sénat, notamment aux articles 24 et 25, qui concernent la politique conventionnelle du médicament.
Sur ce point, je l'ai dit tout à l'heure après Mme la ministre, la solution qui est finalement issue du débat parlementaire nous satisfait pleinement.
S'agissant, en revanche, de ce qu'il faut bien appeler les sanctions collectives de l'article 21, qui institue des lettres clés flottantes et des reversements - cela fait plus « chic » - à la charge des médecins libéraux, l'Assemblée nationale n'a modifié son texte que pour satisfaire des préoccupations que je qualifierai de cosmétiques.
Enfin, sur l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a introduit un article additionnel 31 bis, qui comporte un dispositif important de cessation anticipée d'activité ouvert aux salariés et anciens salariés des établissements de manufacture de l'amiante ou atteints d'une des maladies professionnelles liées à l'amiante. Vous êtes d'ailleurs longuement intervenue à l'instant sur ce point, madame la ministre.
Nous ne saurions, naturellement, être défavorables à ce dispositif très attendu par les intéressés et dont la mise en oeuvre n'a que trop tardé. Cependant, permettez-moi une remarque d'intérêt purement procédural - je ne parlerai pas du fond - dans la mesure où l'article adopté est fragile au regard de la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel, qui proscrit, en nouvelle lecture, les dispositifs sans lien direct avec les dispositions en navette.
Il est donc regrettable - non pas sur le fond, j'y insiste, mais en termes de procédure - que le Gouvernement ait attendu le stade ultime de la navette pour introduire ce dispositif sous la forme d'un amendement déposé en séance en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale.
J'ajoute, madame la ministre, que vous avez annoncé ce dispositif lors d'une conférence de presse le 19 novembre, soit quarante-huit heures après la première lecture du projet de loi au Sénat. Nous ne souhaitons pas faire preuve de susceptibilité excessive, mais comprenez notre réaction !
Quoi qu'il en soit, cette disposition risque d'en rester au stade de la gesticulation législative si le Conseil constitutionnel l'annule. Et nous le déplorerions tous, pour les travailleurs de l'amiante notamment.
Vous allez me dire, madame la ministre, que l'on ne peut vouloir une chose et son contraire. Je vous répondrai que le Gouvernement n'a pas trouvé de moyen terme entre, d'un côté, des réformes différées - s'agissant notamment des retraites ou des cotisations patronales - et, de l'autre, des amendements de séance - s'agissant, par exemple, de la modification du régime des aides à domicile, de la réforme de l'assurance veuvage ou de la mise en place d'une cessation d'activité anticipée pour les travailleurs de l'amiante - et que nous légiférons ainsi dans d'assez mauvaises conditions.
En conclusion, mes chers collègues, lors de la discussion des articles, je vous proposerai de prendre en compte les modifications adoptées par l'Assemblée nationale qui vont dans le sens des préoccupations que nous avions exprimées et, pour le reste, de rétablir notre texte de première lecture, ouvrant ainsi à l'Assemblée nationale, comme il est normal aux termes de notre Constitution, la possibilité, lors de la procédure du « dernier mot », d'accomplir un nouveau pas vers les positions du Sénat. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Autain.
M. François Autain. Je ne reviendrai pas après vous, madame le ministre, ni après vous, monsieur le rapporteur, sur la description exhaustive des travaux des deux assemblées. C'est pourquoi je serai bref : je m'en tiendrai aux trois progrès qu'a permis la discussion parlementaire et qui ont particulièrement retenu mon attention.
Je suis tout d'abord très heureux que, pour lutter contre la consommation de tabac, le Gouvernement et l'Assemblée nationale en soient venus, finalement, à supprimer l'article 11 bis relatif à la majoration des droits sur le tabac. En effet, le relèvement des taxes comportait un risque, celui de provoquer, par des effets économiques pervers, une baisse des prix dont la conséquence sur la consommation eût été contreproductive, allant à l'encontre de l'objectif poursuivi.
La bonne solution - je reconnais que cela nous avait peut-être échappé en première lecture - consistait, bien sûr, à relever directement le prix du tabac en maintenant les taxes à leur niveau, assuré que l'on était ainsi d'obtenir le résultat souhaité. C'est donc là une mesure à laquelle le groupe socialiste souscrit pleinement.
Je suis également très satisfait que notre pays ait, enfin, décidé - car nous n'avions, il faut l'avouer, que trop attendu - de reconnaître les maladies professionnelles nées du contact avec l'amiante. Je suis d'autant plus satisfait, madame le ministre, que vous avez choisi d'ouvrir un droit à préretraite aux malades comme aux professionnels en contact avec l'amiante.
Ainsi, votre dispositif porte la marque de l'intérêt que nous accordons tous au renforcement de la sécurité et de la protection sanitaire de nos concitoyens. Cet acte tardif, mais fort, vaut mieux que les meilleures paroles jamais suivies d'effet.
Je vous remercie, enfin, madame le ministre, d'avoir tenu vos engagements en proposant à l'Assemblée nationale, qui l'a acceptée, une réécriture des dispositions des articles 24 et 25 qui garantit à la fois la pérennité de notre politique contractuelle du médicament et la participation de l'industrie à la réalisation des objectifs de maîtrise des dépenses de santé.
Je note, à cet égard, que la commission n'a, sur ces articles, que repris partiellement, contrairement à l'attitude qu'elle a adoptée par ailleurs sur ce texte, ses amendements de première lecture, en soulevant seulement une petite question qui porte sur la cohérence et la coordination entre l'article 24 et l'article 25. Nous aurons l'occasion d'y revenir tout à l'heure, lors de la discussion de ces articles.
En ce qui concerne les articles 3 bis , 11 quater et 36, qui ont une incidence sur l'équilibre budgétaire de la CNRACL, je laisse le soin à mon excellent collègue et ami Claude Domeizel, par ailleurs président de cette même CNRACL, de vous faire part de ses craintes ou des questions qu'il se pose quant à l'équilibre futur de cette caisse qui nous concerne tous puisque nous sommes nombreux, sur ces travées, à être en même temps maires ou élus locaux.
Telles sont, madame le ministre, les observations très brèves que je souhaitais faire avant la discussion des articles d'un projet de loi qui, ainsi amélioré, recueille évidemment l'approbation du groupe socialiste. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après l'échec de la commission mixte paritaire, le projet gouvernemental nous revient, en deuxième lecture, rétabli, pour l'essentiel, dans sa version adoptée initialement. L'Assemblée nationale a écarté des dispositions votées au Sénat et que nous avions, pour notre part, rejetées.
Notre avis sur les amendements que la commission nous propose de réintroduire aujourd'hui n'a pas changé. Aussi, s'ils étaient adoptés, nous voterions contre le texte du Sénat.
Je pense, en particulier, aux retraites.
Cautionnant le principe de la création d'un fonds de réserve, la commission des affaires sociales du Sénat s'était empressée de vider ce dispositif de sa substance en supprimant, tout d'abord, les ressources affectées pour cette année et les dispositions organisant le contrôle et la participation des partenaires sociaux à la gestion de ce dernier.
Ensuite, dans le rapport annexé, la référence à l'abrogation de la loi Thomas disparaissait, marquant ainsi la sympathie de la droite pour les fonds de pension anglosaxons, qui, assortis d'exonérations de charges sociales et d'avantages fiscaux, s'inscrivent dans une logique de substitution aux régimes de retraite par répartition.
Profondément attachés à cette conquête sociale s'il en est, les parlementaires communistes apprécient l'attitude du Gouvernement et de la majorité de nos collègues de l'Assemblée nationale, qui ont refusé de donner quitus à la mise en place des fonds de pension.
Nous n'entendons pas éluder le problème de l'avenir de nos régimes de retraite, notamment l'échéance de 2005.
Nous pensons néanmoins que les premières préoccupations à avoir en la matière sont celles de l'emploi et de l'assiette sur laquelle sont assis les financements.
En même temps, les justifications tant démographiques qu'économiques ne doivent pas servir à ébranler le dispositif existant. Nos inquiétudes sont grandes, à ce sujet. Les discussions ont permis de les lever partiellement.
La réforme des cotisations patronales, annoncée pour le premier semestre de 1999, et le débat sur les fonds partenariaux de retraite doivent être l'occasion de conforter l'attachement du Gouvernement aux retraites par répartition.
Nous resterons vigilants pour que les fonds partenariaux de retraite soient fortement réglementés, qu'ils ne servent pas uniquement à mobiliser l'épargne dans l'économie, qu'ils soient collectifs, publics, accessibles à tous, qu'ils associent étroitement les partenaires sociaux à la gestion.
Dès la première lecture, Mme la ministre annonçait un ensemble de mesures propres à améliorer sensiblement le pouvoir d'achat des retraités, mis à mal durant ces dernières années : le relèvement de 2 % du minimum vieillesse, la revalorisation de 1,2 % des pensions vieillesse et le relèvement de 2 % des pensions de réversion pour les veuves. Autant de pas positifs qui auraient pu être plus signifiants si les ressources de la sécurité sociale étaient plus importantes.
Je regrette que les dispositions introduites au Sénat tendant à optimiser la réforme de l'allocation veuvage aient disparu.
Sur d'autres points, tels que les exonérations de cotisations patronales pour l'embauche du premier salarié, la réduction de l'ONDAM, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, les grandes orientations de notre politique de santé publique et l'avenir de notre protection sociale, je suis satisfaite que l'Assemblée nationale ait refusé de suivre le Sénat.
En revanche, beaucoup moins positif est le fait que les députés aient finalement décidé d'exclure de la clause de sauvegarde les laboratoires pharmaceutiques qui auront passé une convention avec le Comité économique du médicament, qui voit ses compétences et moyens financiers renforcés.
Lorsqu'on sait que plus 90 % des laboratoires ont signé avec l'Etat un contrat sur la période 1994-1996 et que, entre janvier et septembre, les dépenses de médicaments remboursés ont augmenté de 7,6 %, on peut légitimement en conclure que, jusqu'à présent, cette politique conventionnelle n'a pas permis de limiter la dérive des dépenses médicamenteuses.
Je ne vois pas comment le dispositif nouveau, cette taxe spéciale, serait plus efficace, étant observé que pratiquement tous les laboratoires sont exonérés ! Pourquoi ces derniers, contrairement à l'ensemble des acteurs du système de santé, échapperaient-ils à leurs responsabilités sociales ?
Nous approuvons, bien entendu, le fait qu'un dispositif de retraite anticipée destiné aux salariés exposés à l'amiante ait été institué.
Les personnes atteintes de maladies professionnelles liées à l'exposition à l'amiante pourront, dès cinquante ans, prétendre à cette préretraite. Pour les salariés et anciens salariés des manufactures concernées, l'âge de départ sera calculé en déduisant, par rapport à l'âge légal fixé à soixante ans, un tiers des années d'activité passées dans ces établissements.
Plusieurs milliers de personnes seront, dès 1999, concernées par ce dispositif ; j'espère néanmoins que celui-ci pourra être amélioré.
Il conviendrait aussi de se préoccuper de l'opportunité de la baisse des cotisations patronales accident du travail et maladie professionnelle au regard des sous-déclarations persitantes dans ce domaine et de l'effort de prévention encore à réaliser.
Mon appréciation générale sur le texte, tel qu'il nous revient en deuxième lecture, n'a pas changé.
Faute d'avoir encore résolu la question clé du financement assis sur l'ensemble des richesses produites par l'entreprise en réformant les cotisations sociales patronales, le Gouvernement se prive, pour l'instant, de moyens importants destinés à mettre fin au sentiment fort d'insécurité sociale partagé par une grande partie des Français.
Une étude réalisée récemment par la SOFRES met en relief le profond attachement des Français aux valeurs du système de protection sociale.
La plupart craignent une dégradation du niveau de protection sociale, l'apparition d'une médecine inégalitaire, la disparition du service public hospitalier de proximité, le déficit de la sécurité sociale.
Sur ce dernier point, madame la ministre, en rétablissant, en 1999, l'équilibre des comptes, vous apaisez leurs craintes et, par là même, barrez la route aux tentatives de privatisation, de gestion par des assureurs privés, de ce que je me refuse à appeler, pour ma part, le « marché de la santé ».
Cette question sensible du risque de démantèlement du monopole de la sécurité sociale me tient particulièrement à coeur. Nous sommes farouchement opposés aux projets des assureurs privés, qui, loin de baisser les coûts et d'améliorer la prise en charge du risque maladie, conduisent inévitablement à la sélection et à l'inégalité de traitement.
Face à la pauvreté persistante, au taux élevé de renoncements aux soins que tout le monde connaît, aux conséquences graves du peu d'accès à la prévention, il me semble impératif de lier le retour à l'équilibre des comptes à une meilleure satisfaction des besoins sanitaires et sociaux existants ou émergents.
Pour ce faire, en première lecture, nous avions fait des propositions visant à accroître les ressources de notre protection sociale dans le souci de consolider les régimes de retraite par répartition, d'attribuer les allocations familiales dès le premier enfant, de revaloriser l'ensemble des prestations familiales, d'indexer les retraites sur l'évolution des salaires et non des prix, de créer un cinquième risque « dépendance », de mener de véritables campagnes de santé publique, enfin, de desserrer l'étau qui enserre les hôpitaux.
Malheureusement, dans l'immédiat, ces priorités n'ont pas été retenues. Je doute que les mesures structurelles reconduites permettent, par exemple, à notre service public hospitalier d'être plus sûr, plus efficace, plus humain. C'est pourtant ce qu'attendent nos concitoyens.
Participant aux états généraux des malades du cancer, les nombreuses personnes rassemblées ont témoigné de l'urgence de changer la relation entre malade et médecin. Satisfaits en partie de la qualité des soins, grâce à notre système public hospitalier, ils sont surtout demandeurs d'une meilleure considération, de plus d'attention et de relais entre la médecine hospitalière et la médecine de ville.
Comment accéder à ces demandes si ce n'est en maintenant et en perfectionnant les services et équipes existants, si ce n'est en assurant plus de formation aux intervenants hospitaliers et en augmentant leur nombre ?
L'élaboration des schémas régionaux d'organisation sanitaire, les SROS, de deuxième génération, les regroupements de services, les fermetures d'hôpitaux de proximité, de maternités et de services d'urgence réduisent les choix du patient et augmentent les délais raisonnables d'accès aux soins. A terme, cela renforcera le cloisonnement et la déshumanisation des structures ainsi que la ghettoïsation des populations.
Les enveloppes régionales hospitalières viennent d'être rendues publiques : 265,3 milliards de francs sont à répartir.
Choisissant de concentrer vos efforts sur les régions considérées comme sous-dotées pour lisser les disparités régionales, vous vous contentez d'un taux d'évolution de 1,17 % pour les hôpitaux publics de la région parisienne.
C'est admettre implicitement que les hôpitaux parisiens sont en surnombre et trop chers par rapport à la province, ce que je réfute. C'est aussi nier les réalités parisiennes.
Permettez-moi de me référer à la conférence de presse des quatre-vingts chefs de service de l'Assistance publique, qui dénonçaient, au début de 1998, le manque de moyens criants auxquels ils étaient confrontés.
La fédération hospitalière de France déclarait, quant à elle, qu'en 1999 une évolution des budgets hospitaliers à 2,5 % permettrait tout juste de maintenir l'emploi. C'est dire que 1,17 % pour Paris équivaut à une annonce de baisse des effectifs et de suppression de postes.
Lors du vote de la loi de lutte contre les exclusions, vous avez réaffirmé avec force votre attachement - je le partage - au rôle central et social de l'hôpital. La couverture médicale universelle, la CMU, ira dans le même sens.
Cela impliquerait de dégager des moyens budgétaires pour assumer ces missions reconnues indispensables par tous.
La compression des hôpitaux publics franciliens induira inévitablement un transfert d'activités et de moyens vers le secteur privé.
Or, comme notre région concentre la plus importante proportion de médecins du secteur II pratiquant des honoraires libres, limiter le recours plus courant qu'ailleurs aux services d'urgence renforcera le renoncement aux soins.
De plus, traitant de pathologies rares et complexes, les hôpitaux franciliens contribuent à l'innovation, au progrès médical.
Par ailleurs, le poids des CHU en région parisienne, donc des dépenses de formation et de recherche, n'est pas réellement pris en compte.
Je constate que la mise en service, l'an prochain, de l'hôpital européen Georges-Pompidou commence déjà à perturber sérieusement le fonctionnement de nombreux hôpitaux parisiens puisque cette opération se fait par redéploiement interne aussi bien pour le financement que pour les personnels.
En première lecture, certains se plaignaient, ici, de l'insuffisance des efforts d'adaptation de l'hôpital public. C'est être très loin des réalités du terrain et faire peu de cas du devoir pour tout élu local de permettre à tous l'accès à l'hôpital et à des soins de qualité.
Au cours des débats au sein de cette assemblée, très peu de collègues ont abordé la question de la tenue des états généraux de la santé participant au besoin de démocratie sociale. Pour ma part, je regrette que cette consultation des Français sur les questions concernant la santé publique et l'organisation de notre système de soins intervienne aussi tardivement après le vote de la présente loi et la mise en place, par exemple, des filières de soins.
C'était en effet la condition pour définir une politique nationale de santé à partir des besoins exprimés par les intéressés eux-mêmes, en liaison avec les professionnels.
Nous ne pouvons, quant à nous, nous résigner à leur enlisement.
Je souhaite que les différents acteurs et le grand public s'impliquent le plus possible pour que, rapidement, le Gouvernement traduise concrètement encore mieux les implications et exigences de chacun pour une protection sociale accrue. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Delaneau, président de la commission. Monsieur le président, avant d'aborder la discussion des articles, je sollicite une brève suspension de séance afin de permettre à la commission de se prononcer sur deux amendements qu'elle n'a pas encore examinés.
M. le président. A la demande de la commission, nous allons donc interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures cinquante.)