Séance du 2 décembre 1998







M. le président. L'article 11 bis a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Mais, par amendement n° 10, M. Descours, au nom de la commission, propose de le rétablir dans la rédaction suivante :
« I. - Après l'article L. 245-12 du code de la sécurité sociale, il est rétabli une section 4 ainsi rédigée :

« Section 4
« Taxe de santé publique sur les tabacs

« Art. L. 245-13. - Il est créé au profit de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés une taxe de santé publique de 2,5 % sur les tabacs fabriqués en France et sur les tabacs importés ou faisant l'objet d'une acquisition intracommunautaire et une taxe additionnelle de 7 % sur les tabacs à fine coupe destinés à rouler les cigarettes. Ces taxes sont assises et perçues sous les mêmes règles que la taxe sur la valeur ajoutée.
« Un arrêté conjoint des ministres chargés de la santé, de la sécurité sociale et du budget pris après avis du conseil d'administration de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés fixe les conditions d'application de ces taxes aux actions de prévention et notamment de lutte contre le tabagisme. »
« II. - Les dispositions du I s'appliquent à compter du 1er janvier 1999. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Je rappelle que si l'Assemblée nationale a supprimé l'article 11 bis, les deux commissions concernées du Parlement étaient d'accord.
Cet article vise la taxe sur le tabac. Le texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture créait une augmentation du prix du tabac selon les normes habituelles : 900 millions de francs pour le budget général et 100 millions de francs pour l'assurance maladie.
Nous avons considéré, ce qui a été largement repris dans la presse régionale, qu'il valait mieux conserver cette augmentation du prix du tabac, sans toutefois procéder selon la technique habituelle. Nous avons donc proposé la création d'une taxe de santé publique, dont le produit, soit plus d'un milliard de francs, irait en totalité à l'assurance maladie.
La commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale nous a suivis sur ce point.
Puis, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez annoncé un dispositif qui n'est que virtuel, puisque ce n'est que demain qu'il sera concrétisé par un amendement au projet de loi de finances rectificative pour 1998. Pour l'instant, seules les grandes lignes en sont connues.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez déclaré à l'Assemblée nationale que les discussions étaient en cours entre les ministères concernés et les fabricants de tabac. Excusez-nous, mais le Parlement ne se prononce pas sur des discussions ainsi en cours ! Il vote des projets de loi !
Cette taxe additionnelle, dites-vous, est contraire au droit communautaire ; mais notre amendement n'est en rien contraire à la directive européenne du 25 février 1992 sur les droits d'accises.
Vous allez nous objecter que cette taxe déclencherait, en revanche, une guerre des prix ; mais le Gouvernement peut, en compensation, baisser les droits qui existent déjà sur le tabac !
De plus, vous essayez de nous donner mauvaise conscience en évoquant la situation difficile de la SEITA, qui, je le rappelle, n'est plus une entreprise nationalisée ; mais l'Etat, qui gagne beaucoup d'argent grâce au tabac, a les moyens de financer un plan de restructuration.
Selon nous, cette taxe additionnelle doit bénéficier intégralement à la principale victime financière des ravages du tabac, qui est l'assurance maladie. Madame Aubry, monsieur Kouchner, nombre de nos collègues ici présents qui ont, à l'époque, voté avec moi la loi Evin, savent parfaitement que les 60 000 morts dues au tabac coûtent extrêmement cher à l'assurance maladie. Je trouve donc plus normal qu'au moment où nous votons une augmentation des droits sur le tabac la taxe bénéficie non pas à Bercy, mais plutôt à l'assurance maladie !
M. Alain Gournac. C'est important !
M. Charles Descours, rapporteur. Je ne comprends pas, sauf injonction de Bercy et arbitrage à Matignon, la position du ministère des affaires sociales.
M. Alain Gournac. Elle n'est effectivement pas claire !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. J'arrive juste à temps !
M. Charles Descours, rapporteur. Oui, nous vous attendions !
M. le président. Nous savons, au Sénat, coordonner les choses, monsieur le secrétaire d'Etat ! (Sourires.)
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat M. Descours sait très bien que, sur le fond, nous sommes en plein accord avec lui sur la consommation tabagique dans notre pays et sur ses ravages : il faut y mettre bon ordre. Mais c'est extrêmement difficile.
Une des manières de faire baisser la consommation tabagique, en particulier chez les jeunes - c'est une triste réalité, mais elle a été prouvée maintes fois ! - c'est d'augmenter le prix du tabac et donc des paquets de cigarettes.
Certes, la SEITA est en position difficile, mais, en tant que responsable de la santé publique, je ne peux pas la considérer comme une entreprise tout à fait comme les autres, même si je dois avoir, pour ses employés et pour tous ceux qui sont inquiets en ce moment, de la considération.
Soyons clairs : sur le fond, nous sommes d'accord. Après l'adoption en première lecture à l'Assemblée nationale de l'amendement que vous connaissez, nous avons entrepris une longue réflexion, qui ne peut s'achever en quelques jours, sur la taxation des produits du tabac afin que la situation dénoncée par M. le rapporteur cesse en France.
Ce dernier a oublié d'ajouter - mais je crois que Mme Aubry en a parlé dans son introduction qu'une commission parlementaire réfléchira sur la fiscalité du tabac en général, ce qui est très important.
Quant au dispositif lui-même, monsieur le rapporteur, même si, sur le fond, j'en conviens, il ne me plaît pas spécialement, je l'accepte pour une raison très simple : nous avons obtenu dans un premier temps, après discussion, du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, puis, dans un second temps, à l'issue de nos négociations avec les fabricants de tabac, l'augmentation substantielle de prix que nous recherchions, à savoir 5 % au minimum. Cette augmentation entraînera, je l'espère, une baisse de la consommation tabagique, en particulier chez les jeunes.
Nous avons également obtenu des résultats sur trois objectifs qui étaient à nos yeux fondamentaux.
Tout d'abord, le produit de la taxation ira, pour une part, et pour moitié avec une avance de l'Etat, à la retraite anticipée des travailleurs de l'amiante. Vous savez combien cette mesure était nécessaire et combien elle a été bien accueillie. Ensuite, 100 millions de francs - ce qui correspond à l'augmentation de l'ONDAM à cette fin et, là encore, avec le relais du budget de l'Etat - seront destinés à l'installation, dans les régions qui n'en possèdent pas, d'équipes spécialisées dans les soins palliatifs. Cette année, nous aurons donc, je l'espère, de quoi augmenter le nombre de ces équipes de façon significative. Enfin, 70 millions de francs seront affectés à la prévention antitabagique.
Telles sont les raisons pour lesquelles je suis défavorable à cet amendement.
Au demeurant, je crois que nous ne pouvons tous qu'être satisfaits, nous qui l'avons tant réclamée, de la création de cette mission parlementaire qui va être décidée par le Premier ministre. Puisse dorénavant - je vous donne raison sur ce point - la taxation de la fiscalité sur le tabac se trouver un peu plus en accord avec nos principes de santé publique.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. M. Charles Descours, rapporteur. On vient de se réjouir, voilà cinq minutes, que nous prenions en compte les travailleurs ayant souffert de l'exposition à l'amiante. Sans vouloir faire de comptabilité nécrologique, je rappellerai à la Haute Assemblée que, si ces travailleurs sont quelques centaines, voire quelques milliers, ce sont 60 000 personnes qui meurent chaque année à cause du tabac.
Les fabricants de cigarettes américains viennent de verser 360 milliards de dollars au budget fédéral américain pour compenser les dégâts sur la santé qu'ils entraînent. Nous en sommes encore loin !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 11 bis est rétabli dans cette rédaction.

Article 11 quater