Séance du 2 décembre 1998
M. le président.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant le ministère de la défense.
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation. Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général. Monsieur le ministre de la défense, je souhaiterais
intervenir sur un dossier qui est aujourd'hui tout à fait essentiel et crucial
et dont vous êtres saisi en tant que ministre de tutelle d'Aérospatiale, je
veux parler de la structuration de l'industrie aéronautique européenne.
Des annonces venues d'un peu partout - et même certaines réactions de membres
du Gouvernement - laissent à penser que la France se résignerait peut-être à
une fusion entre British Aerospace et DASA.
Faut-il, monsieur le ministre, face à ce probable événement qui pourrait
trouver des prolongements du fait de l'attraction exercée par ce nouvel
ensemble sur d'autres constructeurs européens - CASA, par exemple - et pourquoi
pas sur certains concurrents américains de Boeing, adopter la sérénité
peut-être un peu condescendante que certaines déclarations ont affichée ?
Nous sommes au Sénat, et nous nous inquiétons car une telle sérénité n'est pas
de mise ici. Nous sommes enclins à penser que l'isolement est, en cette matière
comme en d'autres, la pire des choses et peut faire le lit de la
marginalisation.
Le Gouvernement rappelle volontiers que le rapprochement germano-britannique
n'aurait pas d'incidence sur le fonctionnement d'Airbus du fait du statut de
groupement d'intérêt économique de ce consortium.
Mais comment le Gouvernement français - qui n'en a, je le suppose, pas la
moindre intention - pourra-t-il bloquer le processus de constitution de la
société Airbus alors même qu'il l'aura initié ? Comment Aérospatiale
sera-t-elle en mesure de rejoindre le bloc qui se forme sans elle ?
Il convient, me semble-t-il, d'apporter les aménagements financiers
nécessaires pour permettre à Aérospatiale de négocier en bonne position sans
perdre une partie substantielle des avantages que cette entreprise aurait pu
exploiter du fait de son excellence industrielle et technologique.
L'incertitude dans laquelle nous sommes actuellement ne peut durer, monsieur
le ministre. Elle conduit à s'interroger sur l'annonce de la privatisation
d'Aérospatiale. Ou alors faut-il croire qu'il ne s'agit que d'une annonce ?
En tout cas, cette incertitude nous paraît inadmissible pour la France, car
elle appauvrit un élément important de son patrimoine commun. Mais elle
présente également des risques pour l'Europe, car elle mine la réussite d'un
projet réellement européen, à savoir la constitution d'un grand pôle
aéronautique à partir de nos propres forces pour affronter la concurrence de
Boeing.
Sur tous ces points, monsieur le ministre, je pense que vous serez en mesure
d'apporter à la représentation nationale et à vos anciens collègues sénateurs
des éclaircissements qui seront à même, je le souhaite, de répondre à nos
préoccupations.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard,
ministre de la défense. Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, je tiens tout d'abord à saluer la qualité des contributions très
diverses du président de la commission des affaires étrangères, du rapporteur
spécial de la commission des finances, des différents rapporteurs pour avis et
de l'ensemble des intervenants qui ont pris part à cette discussion.
De nombreuses questions et observations très pertinentes ont été formulées, la
plupart - pas toutes, bien sûr - dans un esprit constructif. Je crois que c'est
un type d'échange qui satisfait les besoins démocratiques de notre pays,
surtout quand on pense aux fortes responsabilités internationales qui sont les
siennes.
Quelques-uns d'entre vous ont bien voulu noter les efforts de présentation et
de ponctualité du Gouvernement dans la préparation de ce projet de budget pour
l'information des deux chambres du Parlement. Je leur sais gré de ces
indications positives.
J'indiquerai tout d'abord brièvement le contexte international dans lequel
s'inscrit notre pays pour mieux faire comprendre, je l'espère, les missions
assignées à notre outil de défense et pour expliquer nos choix quant aux
équipements qui doivent y concourir.
L'évolution politique internationale dans laquelle nous sommes entrés en 1989
est incertaine et plus complexe qu'auparavant. Les situations géopolitiques
régionales évoluent en permanence et il n'est du pouvoir de personne d'arrêter
le cours de cette évolution. La première chose à faire est de bien l'analyser,
le défi est d'y adapter sans relâche notre outil de défense.
Le cadre le plus important pour nous est celui de la construction européenne.
Après l'euro, étape essentielle - c'est le sentiment du Gouvernement depuis son
entrée en fonction et cet avis est maintenant très largement partagé - se
présente maintenant à nous l'étape de l'Europe de la sécurité commune.
Pourquoi sommes-nous nombreux à la souhaiter ? Parce que nous estimons que
l'équilibre mondial et le progrès d'un certain nombre de valeurs auxquelles
nous croyons dans l'ordre international postulent une multipolarité, un
équilibre : nous ne croyons pas qu'il soit avantageux pour la paix du monde,
pour la coopération et pour le progrès qu'une seule superpuissance soit en
charge des principales responsabilités de régulation. Nous pensons que
l'ensemble des capacités qu'apporte l'Europe au monde mérite une influence
réelle sur les grands choix.
Comment se construit aujourd'hui cette Europe de la défense ?
Vous savez que l'Union européenne dispose dès à présent, avec l'article J 4-2
du traité de Maastricht, de la possibilité de recourir à des capacités
autonomes européennes, lesquelles existent actuellement au sein de l'UEO.
Certes, les Européens n'y font que faiblement appel. Comme je l'ai dit à mes
collègues ministres de la défense de l'Union européenne, à Vienne puis à Rome,
dans le cadre de l'UEO, il est temps d'examiner sans détours les raisons - pour
l'essentiel politiques - qui expliquent cette hésitation ou cette réticence à
employer des moyens proprement européens, y compris lorsque l'opportunité
pratique s'en est présentée.
Je crois que cela est à mettre en relation avec une diversité d'approche qui
subsiste entre Européens quant aux ambitions collectives que nous pouvons
avoir. M. le président de Villepin et M. Delanoë ont souligné cette diversité
et je voudrais souligner mon intérêt pour la proposition esquissée par M.
Delanoë d'un Livre blanc européen qui permettrait un débat sur les objectifs de
défense. Nous saurions alors quels sont les points, déjà nombreux, sur lesquels
les Européens ont la même volonté et quels sont les sujets sur lesquels il nous
faut encore convaincre.
Quoi qu'il en soit, notre objectif est d'utiliser davantage ces moyens
communs, qui sont déjà constitués, au service des intérêts collectifs européens
et pour l'influence de l'Europe, dans le sens d'un meilleur équilibre.
L'une des voies qu'il serait intéressant d'explorer est la mise de ces moyens
au service de l'Union européenne. C'est l'idée que suggérait le Président de la
République, il y a quelques semaines, lorsqu'il parlait de la constitution
d'une agence au service de l'Union européenne.
L'expérience récente des crises dans lesquelles nous avons fait le choix
d'intervenir montre l'intérêt majeur de la coordination et de l'analyse des
situations, qui permettent aux Européens d'exercer une influence positive dès
le moment où la crise se prépare. La dimension préventive est l'une des voies
de progrès que nous pouvons aborder le plus facilement entre Européens.
Sans qu'on puisse se satisfaire de la situation actuelle, il est clair que le
temps de réaction collectif des Européens à la crise du Kosovo représente, même
si nous le trouvons encore trop long, un progrès frappant pour tous ceux qui
ont vécu les deux ou trois années de tiraillements, souvent tragiques, qui ont
empêché l'Europe de jouer un rôle efficace lors du déclenchement de la crise
bosniaque.
Le pilotage diplomatique d'une crise - on l'a vu avec le fonctionnement du
groupe de contact sur la crise du Kosovo - n'atteint sa pleine efficacité que
si les diplomates peuvent user de pressions militaires crédibles pour soutenir
leurs propositions. Il nous faut donc définir pragmatiquement - tel est l'objet
des débats qui se sont ouverts ces temps derniers - les moyens qui permettront
cette expertise, puis cette capacité d'action militaire commune.
Les prises de position du Président de la République, lors de son discours
devant les ambassadeurs, à la fin du mois d'août, et du Premier ministre,
quelques jours après, devant l'Institut des hautes études de la défense
nationale, montrent que notre pays s'est mis en mouvement aujourd'hui pour
participer au débat constructif quant aux capacités de défense commune de
l'Europe.
Ce débat s'est débloqué récemment avec les positions nouvelles de la
Grande-Bretagne sur le sujet, qui changent utilement les données du problème,
et ce mouvement est appelé à prendre de l'ampleur.
Je veux simplement souligner que seront au coeur des propositions du
Gouvernement, des propositions de la France, au travers de l'ensemble de ses
autorités, le fait que les options de défense, au sein de l'Union européenne,
relèvent de tâches intergouvernementales, que chaque pays doit garder la
maîtrise de son outil militaire, mais aussi que nous voulons pouvoir décider en
temps réel, avec une articulation suffisante entre les moyens diplomatiques et
les moyens de pression militaires.
Je rappelle par ailleurs que nous avons déjà à notre disposition, avec les
décisions prises à Berlin voilà deux ans, des possibilités nouvelles
utilisables une fois qu'auront abouti les accords entre l'UEO et l'OTAN : un
mécanisme de consultation pour l'analyse des situations et la préparation de
décisions touchant les deux organisations ; un accord-cadre, qui est en bonne
voie, pour le transfert des moyens de l'Alliance, favorisant la conclusion
d'accords spécifiques entre l'Union de l'Europe occidentale et l'Alliance,
adaptés à chaque crise.
Il serait d'ailleurs très utile que les discussions en cours sur ces sujets
entre l'UEO et l'OTAN aboutissent avant le prochain sommet de Washington.
Je veux montrer, à travers ces quelques exemples, que l'on ne peut pas se
contenter de grandes proclamations sans suite et que l'attitude de la France
consiste, au contraire, à mener un travail concret et constructif partout où
existe une démarche d'évolution positive au sein des institutions
existantes.
Nous avons aussi, depuis plusieurs années, des forces multinationales
européennes de nature et de format différents, susceptibles d'intervenir comme
le fait le corps européen, dont une partie de l'état-major travaille au sein de
la SFOR en Bosnie. Notre objectif est, bien sûr, de conforter, en mettant
l'accent sur leurs atouts propres, la flexibilité et la souplesse d'emploi de
ces forces proprement européennes.
Ce constat de la nécessité de construire l'Europe de la défense, fait par la
plupart de nos partenaires, même si les problématiques sont encore distinctes,
ressort plus clairement encore lorsqu'on aborde la situation en ex-Yougoslavie,
et plus précisément au Kosovo, puisque c'est cette zone de crise qui se trouve
aujourd'hui au centre de l'actualité.
Les partenaires européens ont su, en quelques semaines, définir ensemble les
objectifs à atteindre : l'établissement d'une autonomie respectant les droits
collectifs des Kosovars, le refus d'une indépendance déstabilisatrice pour la
région, l'ouverture d'une négociation véritable pour déboucher sur un processus
démocratique assurant une paix durable dans cette province et, bien entendu, le
retour des réfugiés et des personnes déplacées.
Les Européens ont montré qu'ils avaient retenu et exploité la leçon de la
Bosnie.
L'opération menée actuellement a pour cadre une résolution des Nations unies
qui fixe l'ensemble des impératifs politiques. Cette résolution a été adoptée
sur proposition de deux pays européens : la Grande-Bretagne et la France. Elle
a fixé un objectif de règlement de cette crise auquel se sont associés les
Etats-Unis et qu'a accepté la Russie. Un mois ou deux auparavant, peu de gens
auraient parié qu'on puisse parvenir à une telle convergence et que ce seraient
les Européens qui auraient permise !
Nous participons aujourd'hui activement à l'opération de surveillance aérienne
et nos observateurs, tout comme leurs homologues d'autres pays, sont en phase
de déploiement sur le terrain pour constituer la mission de vérification sous
l'égide de l'OSCE.
Mais nous sommes allés plus loin encore dans la concrétisation de notre
ambition européenne.
Nous avons en effet bâti au sein de l'Alliance, mais sur une initiative
européenne suggérée par la France, une force de sécurisation. Stationnée en
Macédonie, dès que l'accord de principe, déjà donné, aura été formellement
confirmé, cette force, placée sous le commandement du général Valentin, aura
pour mission d'assurer la sécurité de tous les vérificateurs de l'OSCE envoyés
sur le terrain au Kosovo.
C'est une occasion concrète, opérationnelle, de montrer que l'Europe est
capable de résoudre les problèmes qui se posent chez elle.
Cette crise a montré le rôle croissant de l'Europe dans sa propre sécurité,
même si elle s'appuie, pour l'emploi éventuel de la force, sur les structures
collectives de l'Alliance atlantique. Mais dans le cas de cette force de
sécurisation, ce sont des moyens européens - français pour une grande part -
qui seront engagés.
Le développement de la dimension de sécurité et de défense de l'Union
européenne n'est en effet pas contradictoire avec un renforcement de la
contribution des Européens, mais d'Européens solidaires, autour d'une volonté
politique commune au sein de l'Alliance atlantique.
C'est ce que la France entend exprimer dans la négociation du nouveau concept
stratégique de l'Alliance, menée sous la responsabilité de mon collègue Hubert
Védrine, ministre des affaires étrangères.
Je souhaite toutefois en dire un mot pour répondre, en particulier, aux
observations tout à fait judicieuses de M. Delanoë.
L'objectif est d'inclure dans le nouveau concept stratégique les évolutions
intervenues dans l'environnement international au cours des dernières années et
de mettre en cohérence des décisions d'adaptation prises les unes après les
autres depuis 1991. Pour nous, concrètement, ces objectifs se résument à quatre
priorités.
Premièrement, préserver la spécificité de l'OTAN comme alliance à la fois
politique et militaire, centrée sur la défense collective, n'étendant pas son
ambition à des missions qui ne relèvent pas réellement de sa responsabilité.
Deuxièmement, réaffirmer que cette organisation assure la sécurité de la zone
euro-atlantique, en coopération avec d'autres organismes régionaux, en
particulier l'Union de l'Europe occidentale et l'OSCE, et ce dans le respect
des prérogatives du Conseil de sécurité des Nations unies.
Troisièmement, préserver les acquis du développement d'une Europe de la
sécurité et de la défense dans l'Alliance mais aussi sur ses propres moyens.
Quatrièmement, enfin, préserver les intérêts légitimes des industries
européennes de défense, qui pourraient être discutés au travers des débats sur
l'interopérabilité des matériels ou la coopération industrielle.
Il est clair que le développement du partenariat pour la paix avec les pays
qui ne sont pas membres de l'Alliance, mais qui contribuent à la stabilité de
l'Europe de l'Est, a représenté un engagement positif que la France a
pleinement soutenu. Cela entraîne d'ailleurs quelques charges supplémentaires
que nous avons acceptées et qui trouvent leur contrepartie dans des crédits
inscrits dans la présente loi de finances.
De même, l'élargissement de l'Alliance, que nous avons soutenu, avec la
première vague d'entrées de la Pologne, de la République tchèque et de la
Hongrie, représente pour nous une augmentation de l'ordre d'une quarantaine de
millions de francs de notre contribution à l'Alliance. Cette augmentation, nous
la supportons de bon gré, car - le Sénat l'a confirmé en ratifiant à une très
large majorité l'adhésion de ces trois pays - il s'agit là d'un gain de
sécurité et de stabilité pour l'Europe tout entière.
La crise au Kosovo a démontré que l'intégration à l'Alliance des Etats
périphériques à l'ex-Yougoslavie était un élément clé pour assurer une fonction
de dissuasion contre toute menace pour la stabilité de l'Europe.
Le sommet de Washington devra prendre en compte ce besoin d'élargissement, qui
doit se poursuivre. En tout cas, ce sommet peut être une occasion pour avancer
des objectifs internationaux majeurs de la France, à savoir jouer tout notre
rôle dans l'Alliance, mais en permettant à l'Europe d'y développer son identité
et sa volonté politique collective.
Je ne voudrais pas quitter les questions de stratégie et de relations
internationales sans noter l'intérêt des réflexions balancées et tout à fait
responsables de M. Bécart sur l'élargissement du désarmement.
M. Bécart a rappelé, à juste titre, que notre pays avait joué un rôle actif
et préservé l'équilibre des forces dans plusieurs négociations ayant abouti au
cours des derniers mois. Je veux simplement confirmer, à cette occasion,
faisant suite également aux propos de l'amiral de Gaulle, que la dissuasion
nationale crédible est, à nos yeux, un facteur de stabilisation, que les
objectifs de désarmement qui ont été fixés dans les traités ne pourront
s'appliquer à notre pays que lorsque les pays détenteurs des arsenaux les plus
massifs auront accompli une part suffisante de l'effort qui leur incombe et
que, dans l'intervalle, cette dissuasion constitue un élément clé de notre
sécurité nationale. Les derniers mouvements qui se sont produits dans
différentes zones du globe nous conduisent d'ailleurs à nous renforcer dans
cette conviction.
J'en viens à la politique d'équipement.
Je tiens d'abord à souligner, à propos de la revue de programmes, qu'une tâche
importante a été accomplie pendant plusieurs mois par les services du
ministère, avec la contribution dynamique de tous les états-majors et de la
délégation générale pour l'armement.
Ces travaux ont permis de formuler des propositions susceptibles à la fois de
garantir le respect des priorités et des besoins de l'ensemble des équipements
prévus dans la loi de programmation, et de réaliser 20 milliards de francs
d'économies réelles, c'est-à-dire assorties de choix consistant à supprimer des
charges pour la période 1999-2002.
Le Gouvernement a tenu, en effet, à ne pas recourir à la solution, simpliste
mais coûteuse, qui était devenue une tradition, et consistant à repousser les
objectifs correspondants au-delà de la période examinée.
Je relève, en outre, - j'ai souvent besoin de le rappeler ! - qu'en plus des
20 milliards d'économies réelles, correspondant à des recadrages d'objectifs de
dépense que nous avons retenus pour les dépenses programmées entre 1999 et
2002, les mesures adoptées par le Gouvernement rapporteront encore environ 20
milliards d'économies supplémentaires au-delà de 2002, en réduisant, par
conséquent, la surcharge envoyée sur la loi de programmation militaire
ultérieure - c'était, vous le savez. l'un des inconvénients des multiples
ajustements qui étaient intervenus antérieurement.
Sur la base des propositions que nous avons ainsi établies, le Gouvernement,
avec l'assentiment du Président de la République, a arrêté les choix de notre
politique d'équipement militaire, dont le budget 1999 - plusieurs orateurs ont
bien voulu le souligner - est la première traduction concrète. Je tiens à
rappeler qu'ils respectent les grandes orientations de la loi de programmation
militaire.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a choisi de ne pas considérer
cet exercice comme une nouvelle loi de programmation militaire. Tel a été
également le sentiment du chef de l'Etat.
Tout en reconnaissant que les choix qui ont été faits peuvent prêter à
discussion - c'est bien naturel ! - je tiens à faire observer que, dans la
durée, compte tenu de l'engagement du Gouvernement de maintenir les crédits au
niveau que je vais évoquer ensuite, l'exécution de la loi de programmation
militaire adoptée en 1996, et qui se sera déroulée sous deux législatures
correspondant à deux majorités différentes, a toutes les chances de bien
supporter la comparaison avec le niveau d'exécution de précédentes lois de
programmation militaire en matière d'équipement.
Ce budget, en effet, représente bien la volonté politique de poursuivre la
programmation de nos équipements de défense sur la base de 85 milliards de
francs annuels, en francs constants 1998, ce qui donne, pour cette année, 86
milliards de francs.
Ainsi, pour la première fois depuis 1990, les crédits d'équipement du
ministère de la défense augmentent en francs constants d'une loi de finances
initiale à l'autre. La progression est de 6,2 % en francs courants. Les crédits
pour 1999 vont donc garantir la cohérence souhaitée dans la modernisation des
équipements.
Cela rétablit une continuité et une visibilité de la politique d'équipement
militaire, qui est indispensable à tous les partenaires et qui garantit la
crédibilité de notre effort de défense.
Je veux, à cet égard, revenant un instant sur la situation européenne,
souligner que nous sommes actuellement, avec la Grande-Bretagne, le pays de
l'Union européenne qui fait l'effort d'équipement de défense de loin le plus
important ; même si les situations et les engagements politiques sont
différents au sein de l'Union européenne, nous ne pouvons espérer jouer un rôle
international à la hauteur de nos ambitions et de la crédibilité politique qu'a
atteint l'Europe dans d'autres domaines - je pense au domaine monétaire - que
si s'établit une certaine convergence des efforts de défense des autres pays et
si, par exemple, des pays presque aussi importants que la France en termes de
richesse économique consacrent un niveau de ressources à leurs équipements de
défense supérieur à la moitié ou au tiers de ce que fait la France aujourd'hui
- et c'est le cas d'un certain nombre de nos partenaires.
Cette volonté de continuité et de consolidation des programmes est visible
pour le nucléaire, avec la convergence, en 2008, du calendrier du dernier
sous-marin de nouvelle génération et du missile M 51, qui permettra, pour des
prestations améliorées - le système M 51 sera disponible deux ans plus tôt que
ce que prévoyait la loi de programmation militaire - de faire environ 6
milliards de francs d'économies.
Dans le domaine de la projection, les grands programmes sont maintenus, tout
en connaissant des aménagements.
Le porte-avions
Charles-de-Gaulle effectuera, en 1999, ses essais à la
mer en vue de sa mise en service opérationnelle. Ce bâtiment assumera, ensuite,
l'ensemble des missions dévolues au groupe aéronaval.
Je voudrais apporter ici une précision à la suite des indications ou des
questions qui ont été formulées dans le débat d'aujourd'hui, aussi bien par M.
de Gaulle que par M. André Boyer, sur la disponibilité du groupe aéronaval.
Celle-ci ne sera pas totale. Mais c'est une situation que nous connaissons
déjà.
Je prendrai l'exemple de la crise du Kosovo. Aux côtés de nos forces aériennes
stationnées en Italie, le groupe aérien du
Foch a été mis en mouvement
pour participer à d'éventuelles frappes militaires sur le Kosovo et sur le sud
de la Serbie, pour le cas où le règlement exigé des autorités yougoslaves
n'aurait pas été atteint. Lors de cette opération, en relation avec nos alliés,
nous avons choisi de déployer une force aérienne à partir du groupe aéronaval,
alors que les autres alliés le font à partir des forces aériennes stationnées
en Italie.
Si une crise comme celle-ci éclatait à un moment d'indisponibilité du
porte-avions, nous aurions à nous situer, comme le font nos autres alliés, avec
les moyens de ravitaillement correspondants, sur une base terrestre.
Cela dit, nos amis britanniques étudient la possibilité de se doter d'un
groupe aéronaval ayant le même type de spécifications que celles du
Charles-de-Gaulle. On peut donc réfléchir, à terme, à une certaine
complémentarité entre les éléments des grands groupes aéronavals européens. Je
veux noter ici l'ouverture de nos partenaires britanniques sur une réflexion
sur ce sujet.
Les programmes majeurs de l'armée de terre sont, de leur côté, poursuivis,
qu'il s'agisse du Leclerc, du futur véhicule blindé de combat d'infanterie ou
des hélicoptères Tigre et NH 90, ce dernier hélicoptère intéressant également
la marine.
Le calendrier de réalisation des Rafale qui équiperont l'armée de l'air a été
aménagé pour des raisons d'économie ; le retrait anticipé de deux escadrons
Jaguar, avions en fin de vie, et ce dès 2001, a été décidé. L'armée de l'air
rejoindra ainsi son format d'avions de combat prévu pour 2015 de façon
anticipée, mais sans perdre de capacités militaires. En effet, et je tiens à
rassurer sur ce point M. Jean-Claude Gaudin, dont le rapport était empreint
d'un esprit constructif, les Mirage 2000 D et F1 CR pourront réaliser les
missions aujourd'hui assignées aux Jaguar.
S'agissant de la disponibilité des avions de combat, M. le président de la
commission et plusieurs rapporteurs ont évoqué les difficultés dans ce domaine.
Elles s'expliquent, pour une part, par le changement de responsabilité entre
les structures et les services de maintenance de l'armée de l'air. Le choix,
qui paraissait judicieux pour l'avenir, avait été fait depuis plusieurs années
de confier une part substantielle de la maintenance principale et des grosses
réparations aux constructeurs, et il a été difficile de s'ajuster avec eux. Je
voudrais cependant souligner que, ces derniers mois, la tendance est
globalement à l'amélioration.
Au cours du premier semestre de l'année 1999, sera mise en place une structure
intégrée DGA-armées destinée à rénover notre système de suivi et
d'approvisionnement et à fournir à nos armées la réactivité logistique
nécessaire à une gestion moderne des aéronefs.
Puisque nous parlons d'indicateurs d'activité, je voudrais rappeler,
concernant l'armée de terre, que le chiffre de soixante-dix jours d'activité
pour 1999 cité à deux reprises ne prend pas en compte les opérations
extérieures, dans lesquelles sont engagées, pour une part croissante, nos
forces armées.
Puisque M. Machet, parmi d'autres orateurs, a soulevé le problème, je crois
pouvoir indiquer que la rotation régulière de nombreuses unités
professionnalisées dans les opérations extérieures contribue à l'élévation du
niveau de capacité de nos forces et sert aussi le moral de nos militaires.
Quant au nombre mensuel moyen d'heures de vol des pilotes d'hélicoptère de
l'ALAT pour 1999, il reste constant par rapport à 1998 et il est très supérieur
aux indicateurs d'activité aérienne des armées de terre étrangères
comparables.
Le Gouvernement confirme en outre la nécessité de doter nos forces d'un avion
de transport futur, lequel, je le rappelle au passage, n'a été ni inscrit, ni
financé dans la loi de programmation militaire.
Nous devons cependant nous mettre en position de préparer cet achat.
Le Transall, je veux le souligner, est un bon avion tactique, mais ses
performances sont limitées, en particulier en termes de distances
franchissables, son problème principal étant son autonomie.
En revanche, c'est à l'heure actuelle pratiquement le seul avion à pouvoir se
rendre sur certains théâtres d'opérations compte tenu de ses performances, qui
restent étonnantes, en distance d'atterrissage et de décolage. Nous pourrons
donc, dans le cadre des responsabilités qui sont les nôtres dans le domaine de
la défense, mener des interventions particulièrement exigeantes avec ces
appareils - dont certains ont été modernisés - au cours des prochaines
années.
Cela dit, nous avons en effet conclu un accord de spécification commune avec
sept autres pays, et nous nous sommes mis d'accord sur un objectif de mise en
concurrence pour obtenir la meilleure réponse possible en matière de
spécification.
Les parlementaires français, ici comme à l'Assemblée nationale, souhaitent
bien entendu que la formule Airbus Industrie sorte gagnante de cette
compétition.
Je suis en effet convaincu que le groupement Airbus mobilisera toutes ses
capacités pour présenter une proposition de haut niveau. Mais il faudra que les
huit pays débattent et se mettent d'accord. Sans doute sera-t-il difficile
qu'ils le fassent sur un ensemble de critères aboutissant d'emblée à ce que le
choix d'Airbus s'impose.
Il ne nous faut donc pas penser trop vite que les autres éléments du choix
sont exclus. Il y a parmi les Etats acheteurs d'autres partenaires, qui
considèrent que les deux autres possibilités pour l'avion de transport futur
sont également à explorer, et nous aurons à débattre avec eux.
Les programmes de coopération dont plusieurs orateurs ont parlé, et qui sont
en effet restructurants pour l'Europe de la défense, ont été, pour l'essentiel,
confirmés par la revue de programmes.
Compte tenu de la place importante qu'ils occupent désormais au sein de notre
budget d'équipement, ils ne pouvaient certes pas rester totalement à l'écart de
l'effort d'économie.
Nous avons donc procédé à quelques ajustements limités et nous en avons
informé directement nos partenaires.
Je veux souligner par ailleurs, puisque M. Blin s'est inquiété de la
non-industrialisation du missile antichar de troisième génération, pour lequel,
en revanche, nous poursuivons l'effort de développement, que nous avons fait ce
choix, d'abord, en réservant l'avenir et, ensuite, en constatant que, dans des
conditions économiques beaucoup plus avantageuses, des missiles de même nature
permettaient de donner toutes ses capacités à l'hélicoptère de combat.
Je voudrais revenir enfin, pour conclure sur cette partie équipement, sur les
difficultés que présente la mise en oeuvre d'une coopération européenne
d'espace militaire.
Bien sûr, il faut constater, comme l'ont fait d'autres orateurs, en
particulier M. Jean Faure, que les décisions prises par certains de nos
partenaires retardent ou compliquent le lancement de certains projets. C'est le
cas dans les télécommunications avec le programme successeur de Syracuse II,
Trimilsatcom. Le choix des Britanniques de ne pas participer à ce nouveau
programme, annoncé au mois d'août dernier, nous conduit à le revoir très
substantiellement avec nos partenaires allemands.
Je voudrais toutefois préciser que l'intention commune de la République
fédérale d'Allemagne et de notre pays est bien de poursuivre ce programme et de
le mener à son terme parce que nous reconnaissons la grande utilité de cette
capacité nouvelle des télécommunications militaires.
En ce qui concerne l'observation militaire, la France, qui devrait bientôt
être rejointe par l'Espagne - ce pays nous a donné des assurances à cet égard -
a lancé de manière irréversible la réalisation de Hélios 2 ; c'est la seule
solution technologique acceptable pour prendre la relève de Hélios 1 à partir
de 2004.
En revanche, le non-lancement de la coopération franco-allemande en matière
d'observation nous a poussés à arrêter le programme de satellite-radar
Horus.
Nos amis allemands font, il est vrai, un effort d'équipement de défense qui
est inférieur à la moitié du nôtre, alors qu'ils ont un produit intérieur brut
supérieur de près du tiers à celui de la France. Ils ont donc été conduits à
limiter leurs ambitions, compte tenu de leurs choix, en matière de matériels
terrestres ou d'avions de combat.
Ils devaient avoir la part prépondérante des engagements et des retombées
technologiques quant aux satellites-radars et il n'était pas réaliste que la
France prétende mener ce programme de façon unilatérale.
En revanche, pour l'avenir, une expertise des nouvelles technologies et du
potentiel technique, déjà développée par des industriels, nous permet
d'envisager à terme des solutions plus économiques, avec de petits
satellites-radars. C'est dans ce cadre que nous voulons relancer les
discussions avec nos partenaires européens, ce qui démontre que la volonté
politique du gouvernement français reste intacte à ce égard.
En 1999, les crédits de recherche et de développement du ministère s'élèveront
à 21 milliards de francs. Contrairement à ce que j'ai cru entendre à certains
moments du débat, ils enregistrent une augmentation de 10 % par rapport à 1998.
Ils se répartisent entre 15 milliards de francs pour les développements de
nouveaux équipements, 1 100 millions de francs pour les études spatiales, 1 760
millions de francs pour la recherche liée à la dissuasion et 3 200 millions de
francs pour les recherches et développements sur les armements classiques.
Les études de recherche font partie des dépenses de ce ministère puisqu'elles
ont pour finalité la préparation des forces armées. Le critère principal qui
caractérise l'effort de recherche de la défense est sa destination,
c'est-à-dire la préparation des futurs programmes d'investissement.
Il doit donc être orienté selon des critères de coût et d'efficacité et non
pas simplement vers la quête de la connaissance scientifique.
Même si les crédits de recherche pure sont réduits - il est vrai que cela
correspond à la maturité d'un certain nombre d'objectifs de recherche - je veux
souligner que notre effort de recherche et de développement place la France
dans le peloton de tête des nations occidentales.
Cet effort de la France, il faut le comparer à celui des Etats-Unis. Ces 21
milliards de francs consacrés à la recherche et au développement en France
représentent peu de chose par rapport aux 250 milliards de francs engagés par
le Pentagone, qui constituent un effort sans commune mesure avec celui d'aucun
autre pays du monde occidental. Il s'agit là de la politique à la fois
militaire, scientifique et industrielle des Etats-Unis.
Les comparaisons avec nos principaux partenaires européens - je me permets
d'appeler l'attention du Sénat sur ce point - me paraissent plus
pertinentes.
La France partage avec le Royaume-Uni la première place pour les crédits de
recherche et de développement, dont le montant atteint dans les deux pays
environ 21 milliards de francs. L'Allemagne, quant à elle, fournit un effort de
quelque 10 milliards de francs, c'est-à-dire la moitié de ce que nous faisons.
Quant aux douze autres pays de l'Union, ils totalisent 10 milliards de francs à
eux tous.
Autrement dit, si les pays européens dans leur ensemble fournissaient le même
effort de recherche que la France et la Grande-Bretagne, nous serions
collectivement à la moitié de l'effort des Etats-Unis, ce qui établirait un
certain rapport de force. Aujourd'hui, nous n'en sommes qu'au quart.
Il me semble, lorsqu'on s'interroge sur l'effort que fait la France - ce qui
est bien légitime - qu'il faut aussi avoir ces éléments de comparaison bien
présents à l'esprit.
La construction d'une industrie européenne de défense forte et compétitive est
une priorité du Gouvernement. Elle doit permettre à l'Europe de maîtriser les
technologies clés, de ne pas être dépendante de l'extérieur pour l'accès aux
savoirs qui sont les plus déterminants afin d'acquérir la supériorité
militaire, et elle doit permettre aux armées de bénéficier des meilleurs
matériels aux meilleurs coûts.
La cohérence politique de cette démarche a été définie dans la déclaration du
9 décembre 1997, signée conjointement avec les gouvernements britannique et
allemand. Je veux d'ailleurs souligner la bonne analyse qu'en a faite M.
Bertrand Auban tout à l'heure.
Sur ces sujets industriels, le Gouvernement a donné la priorité à la stratégie
technologique et industrielle, et non aux considérations financières à court
terme,
a fortiori aux prises de position idéologiques.
Je veux donc rappeler à M. le rapporteur général, qui s'en est enquis tout à
l'heure, que ce gouvernement, s'intéressant aux dossiers qui avaient pris du
retard en matière de restructuration et de préparation de l'avenir dans les
industries françaises de défense, a opéré des regroupements rationnels d'actifs
industriels, en excluant toute idée de vente aux enchères d'entreprises
publiques.
Notre objectif fondamental est de construire des alliances d'envergure au
niveau européen, pour équilibrer les fortes concentrations réalisées par
l'industrie de défense américaine. Cet objectif se traduit par la constitution,
maintenant achevée, en à peine un an, d'un pôle d'électronique professionnelle
et de défense autour de Thomson-CSF, Alcatel et Dassault Electronique, qui est
au premier rang européen et qui est, par conséquent, dans la meilleure
situation pour négocier des accords équilibrés avec d'autres partenaires
européens, je tiens à le souligner.
Par ailleurs, après seulement quelques mois de travail - et alors que beaucoup
de partenaires m'ont dit que ce dossier était en sommeil depuis près de vingt
ans - nous avons organisé la structuration d'un pôle aéronautique et spatial
autour d'Aérospatiale-Matra, qui coopérera avec Dassault, ces deux ensembles
étant déjà bien engagés dans des accords européens significatifs.
Je voudrais appeler l'attention du Sénat sur la méthode qui a été suivie dans
ces opérations de restructuration qui ont été conduites et menées à bien en
privilégiant un réel dialogue : aucun grand industriel ni aucun responsable
syndical n'a été tenu à l'écart de la réflexion, ce qui fait qu'aucune
contestation de fond ne s'est exprimée à l'encontre de nos choix de la part des
acteurs concernés.
C'est désormais une question de semaines, la fusion d'Aérospatiale avec Matra
haute technologie est en bonne voie. Elle sera organisée dès les premières
semaines de 1999, c'est-à-dire dans un délai qui, là encore, se compare
avantageusement avec les tentatives infructueuses qui avaient été développées
sur ce thème au cours des années précédentes.
Nous avons en même temps clarifié la position française vis-à-vis de nos
interlocuteurs gouvernementaux européens. La lettre d'intention que j'ai
signée, le 6 juillet dernier à Londres, avec mes cinq collègues européens
concrétise un important travail réalisé dans ce sens. Cette démarche
substantielle des six pays européens effectivement engagés dans l'industrie de
défense pour donner une base efficace au regroupement des forces industrielles
est portée par un soutien politique constant.
Quant aux discussions entre entreprises, je ne souhaite pas aller beaucoup
plus loin dans l'élaboration des positions du Gouvernement qui, selon moi, sont
déjà bien connues.
En ce qui concerne l'industrie électronique, ainsi que je l'ai mentionné, la
réorganisation de Thomson CSF donne aujourd'hui à cette dernière l'initiative
en matière de contact avec d'autres Européens.
Quant à Aérospatiale Matra, toute la question est de savoir si nous
parviendrons à un accord équilibré avec les deux autres partenaires. Ainsi que
nous l'avons dit, la France, notamment ses industries publiques et privées -
mais surtout publiques, monsieur le rapporteur général - a suffisamment
accumulé de capacités technologiques, commerciales et industrielles pour que
nous soyons assurés, dans le cas où deux partenaires choisiraient de s'entendre
préalablement, de disposer de suffisamment de travail pour constituer un pôle
européen. Si, en matière d'aménagement et d'implantation notamment, qui
correspondent, je crois, à une lecture unanime de l'intérêt national, les
conditions d'équilibre sont satisfaites par les structures sur lesquelles nous
avons fait des propositions pour un regroupement européen, alors nous
constituerons directement ce pôle.
Nos partenaires savent qu'il peut y avoir des avantages à se rassembler à
deux, qu'ils ne représentent pas la suprématie de l'industrie européenne. Mais
ils savent aussi qu'une autre démarche présenterait des inconvénients, car elle
nécessiterait de mener l'opération en deux fois. Or, j'attire votre attention
sur ce point, mesdames, messieurs les sénateurs, il n'est pas sûr que les
industries françaises soient les plus pénalisées par cette démarche en deux
étapes.
En tout cas, pour ce qui nous concerne, le pôle français regroupant toutes les
capacités aéronautiques et spatiales sera opérationnel, j'y insiste, dans
quelques semaines.
Les synergies entre Etats acheteurs vont par ailleurs se développer grâce à la
création maintenant conclue de l'OCCAR, qui conduira les programmes en
coopération, au nom des quatre principaux Etats membres de l'Union
européenne.
Enfin, dernier outil que je voudrais citer ce soir sur la politique
d'équipement : les commandes pluriannuelles sont en effet un mode d'acquisition
rénové, rendant plus efficace la dépense d'investissement en matériels de
défense. Elles permettent aux industriels d'avoir une visibilité de leur plan
de charge et de profiter à plein des économies de l'effet de série.
C'est ce gouvernement, alors que bien d'autres en avaient fait l'annonce, qui
a réalisé les premières commandes pluriannuelles. Cinq commandes ont été
passées par le ministère de la défense au cours de l'année 1997. Je vous en ai
parlé l'année dernière. Six autres commandes ont été conclues depuis le début
de 1998, la modernisation des moyens de transmission des bases aériennes, ainsi
que des garnisons terrestres, les dépanneurs du Leclerc puis le char Leclerc,
lui-même, le développement du missile PAAMS pour la frégate Horizon, enfin les
prochaines années de développement du missile M 51.
L'extension de ce dispositif de commandes globales à des programmes majeurs -
je pense plus particulièrement au M 51 et au Leclerc - renforce l'assise de ces
projets en garantissant aux industriels concernés une cohérence dans la
conduite de ces programmes. Nous allons poursuivre dans cette voie, ce qui va
tout à fait dans le sens souhaité par M. Jean Faure dans son avis.
Je signale par ailleurs que la commande groupée d'avions Rafale fait
actuellement l'objet de travaux approfondis entre mes services, le ministère de
l'économie et des finances et les industriels concernés. Je suis confiant sur
notre capacité à notifier cette commande début 1999.
Enfin, pour répondre à M. Bertrand Auban, qui m'interrogeait sur ce point,
nous pourrons notifier la commande sur le Tigre dans les tout premiers jours de
janvier 1999. Nous venons de nous mettre d'accord, mon nouveau collègue
allemand et moi-même, lors de notre rencontre à Potsdam voilà quelques
jours.
Le projet de budget qui vous est soumis prévoit une augmentation sensible de
l'ensemble des dépenses de défense : 2,9 % par rapport à 1998. Comme je
l'indiquais, c'est l'un des efforts les plus élevés parmi les pays de l'Union
européenne.
Il comporte évidemment un aspect majeur pour le système d'hommes que
représente l'armée professionnelle. Déjà, la loi de finances pour 1998
traduisait cette priorité.
La phase de transition dans laquelle nous sommes entrés supprime un effectif
de près de 200 000 appelés pour arriver à zéro en 2002. Il nous faut donc
maîtriser la transition et je voudrais développer un instant cette
préoccupation.
La loi portant réforme du service national traduit la volonté du Gouvernement
de concilier la priorité qu'il accorde à l'emploi des jeunes, axe central de
son action, et le besoin en appelés pendant la phase de transition.
Nous avons donc, d'une part, protégé l'emploi des jeunes appelés pendant leur
service national, en modifiant à cette fin le code du travail, et, d'autre
part, élargi les conditions d'octroi de certains reports d'incorporation et de
dispenses.
La possibilité d'un report d'incorporation pour les jeunes titulaires d'un
contrat de travail existe. Je rappelle d'ailleurs qu'à l'Assemblée nationale
elle n'a fait l'objet d'aucune opposition. Si cette assemblée-ci a pris une
position différente, c'est seulement dans l'hypothèse où l'insertion
professionnelle du jeune serait compromise par l'appel sous les drapeaux.
Cette disposition s'applique. Après les premiers examens de dossiers par les
commissions compétentes, une circulaire a été établie par mes services. Elle
tient compte de la jurisprudence sur laquelle les tribunaux administratifs
saisis se sont prononcés dans le sens souhaité et recommandé par le
Gouvernement. Chacun peut voir dans quelles conditions, avec un souci non
seulement d'équité, mais aussi de réalisme par rapport aux besoins des armées,
s'applique cette disposition.
Par rapport aux besoins inscrits dans la loi de programmation en effectif
d'appelés au milieu de l'année 1998 - c'est ainsi que doit s'apprécier un
effectif budgétaire - je souligne que le besoin inscrit dans la loi est de 137
000 appelés. L'effectif réalisé en milieu d'année est de 133 000. Il y a donc
des différences qui sont légèrement supérieures pour la marine - 159 appelés de
plus que ceux qui sont inscrits - et pour la gendarmerie - 161 de plus. Il y a
des différences qui sont quasi invisibles dans l'armée de l'air et dans les
services.
En revanche, c'est vrai, l'écart est un peu inférieur à 5 % pour les effectifs
d'appelés de militaires du rang dans l'armée de terre, mais cela a été compensé
par un appel accru aux volontaires du service long.
Dans ces conditions, la situation des effectifs appelés et engagés des armées,
plus particulièrement de l'armée de terre, se caractérise par un niveau
quantitatif et qualitatif satisfaisant.
Le sens civique des appelés, démontré au quotidien, est partagé par les jeunes
nés après le 1er janvier 1980 qui ont participé aux journées d'appel de
préparation à la défense.
En réponse à M. de Villepin et à M. Serge Vinçon, je souhaite rappeler que les
appréciations que portent les jeunes convoqués à cette journée de contact
direct avec la défense attestent le succès de cette formule. Plus de 80 000
jeunes ont déjà suivi cette journée depuis le début du mois d'octobre, avec un
taux de participation de 92 % sur les six premières journées. Aucun incident
n'a été signalé, et plus de 84 % de ces jeunes se sont déclarés satisfaits de
cette journée. Bien entendu, il faut rester à l'écoute. Je remercie les
nombreux élus et parlementaires qui ont visité des sessions d'appel de
préparation à la défense, ainsi que votre commission des affaires étrangères,
de la défense et des forces armées, qui a l'intention d'en faire autant dans
les jours qui viennent. Je crois que nous avons bien réussi le lancement de ce
dispositif, et chassé les incertitudes qui entouraient le dispositif
antérieurement imaginé, que, semble-t-il, personne ne regrette.
Nous pourrons, dès le début de 1999, tirer les premiers enseignements du
dispositif d'accompagnement des jeunes détectés en grande difficulté de lecture
grâce au dispositif de l'APD.
Les orientations budgétaires traduisent la priorité qui est accordée au
système d'hommes. Elles permettent une évolution des effectifs conforme à la
programmation, notamment en renforçant les mesures d'accompagnement social et
matériel.
Permettez-moi, à cet égard, de revenir sur quelques observations qui ont été
faites à propos de l'augmentation des rémunérations et charges sociales dans ce
budget.
Je ne considère pas comme une mauvaise nouvelle qu'elles soient en
augmentation de 2,9 %. Selon un principe que personne, je crois, n'envisage de
remettre en question, les rémunérations des armées sont rigoureusement indexées
sur les rémunérations de l'ensemble des fonctionnaires et agents de l'Etat. Le
statut général des militaires ne donne pas à la communauté militaire les mêmes
moyens de défense professionnelle qu'aux fonctionnaires civils. Personne ne le
demande non plus. Ils ont, en revanche, cette garantie législative fondamentale
que, en toutes circonstances, les rémunérations de la communauté militaire
évoluent comme celles des fonctionnaires civils.
La professionnalisation se déroule conformément aux prévisions en quantité et
en qualité. Les rémunérations évoluent positivement. C'est un élément important
de la condition militaire, et c'est précisément une garantie de succès quant au
niveau et à la motivation des candidats au recrutement qui viendront compléter
les effectifs de l'armée professionnelle.
Je souligne à cet égard que le ministère de la défense ouvrira environ 16 000
postes nouveaux en 1999, 8 800 militaires professionnels, 4 800 volontaires et
2 400 postes d'agents civils.
La gendarmerie nationale, de son côté, accroît sensiblement ses moyens humains
avec 3 000 gendarmes adjoints recrutés en 1999 parmi ces 4 800 volontaires. Ils
s'ajoutent, monsieur Masson, ainsi que le Premier ministre l'a rappelé lors de
sa visite à la gendarmerie à Melun, à laquelle vous participiez, aux 800
gendarmes adjoints recrutés au cours du dernier trimestre 1998.
L'arrivée de ces gendarmes adjoints contribuera à consolider l'implantation de
la gendarmerie sur l'ensemble du territoire. Je souligne à l'intention de M.
Trucy que, la première année, ces gendarmes adjoints bénéficieront de
vingt-cinq jours de permission. C'est identique à un appelé qui ferait douze
mois qui ouvrent droit à vingt et un jours, auxquels peuvent s'ajouter quatre
jours de bon soldat, bien connus de notre jeunesse.
Cela me permet de répondre aux préoccupations du président de Villepin, à MM.
Masson et Trucy. Le recrutement en nombre et en qualité de gendarmes adjoints
est un défi important que la gendarmerie nationale saura relever, j'en suis
convaincu. Le personnel de la gendarmerie ne s'y est pas trompé et réserve à
ces jeunes une qualité d'accueil et de formation qui, me semble-t-il, prépare
le succès de cette formule.
J'ai demandé à la gendarmerie de prendre les mesures nécessaires à des
conditions de logement satisfaisantes. Pour vous donner une indication, sans
effort de publicité, déjà 2 500 dossiers de candidature ont été reçus pour les
recrutements à venir, ce qui constitue un démarrage prometteur.
A propos du volontariat dans les armées, je rappelle qu'il était bien dans
l'intention du Gouvernement que cette opportunité donnée à nos jeunes
concitoyens offre de réelles perspectives d'insertion professionnelle. Ces
jeunes sont des militaires à part entière, auxquels sont offertes des
conditions de rémunération au moins équivalentes au SMIC. En réalité, elles
sont supérieures compte tenu des avantages en nature. Cette formule offre
aussi, ce qui est très important pour les jeunes intéressés et concernés par ce
type d'emploi, des possibilités de valorisation ultérieure de cette expérience
professionnelle.
Nous le savons tous, les armées ont montré leur capacité à sortir de l'ornière
des jeunes à faible formation initiale et à les accoutumer à une discipline et
à une méthode de travail, qui font que ces jeunes sont ensuite très fortement
appréciés sur le marché du travail.
MM. Boyer et Trucy ont évoqué les contrats courts Marine. C'est un aspect
important de la professionnalisation de la marine. Les choix de recrutement qui
sont faits assurent la solidarité des armées envers une partie de notre
jeunesse en situation parfois précaire.
Au bout de dix-huit mois de mise en application, la formule donne des
résultats très satisfaisants. C'est un élément important du dispositif d'«
ascenceur social » que les armées continuent à assurer.
De nombreux orateurs se sont intéressés, à juste titre, aux personnels civils,
dont le rôle croissant est un des éléments importants de la
professionnalisation. Les recrutements ont été, en 1998, d'un niveau nettement
supérieur à celui de 1997 : 159 fonctionnaires avaient été recrutés en 1996, et
384 l'an dernier, mais une partie l'ont été un peu plus tard au titre de 1998.
Il faut, en redressant le décalage, indiquer que les chiffres auraient été en
réalité de 700 recrutements en 1997, c'est-à-dire cinq fois plus qu'en 1996, et
de 1 800 en 1998. Nous serons très certainement au-dessus de 2 000 recrutements
en 1999.
La comparaison des situations en fin d'exercice fait apparaître, pour cette
année, une diminution de près d'un millier du sous-effectif de la défense en
fonctionnaires, et cela malgré la création de plus de 1 200 postes, ce qui
constitue forcément un défi supplémentaire pour pourvoir les postes au titre de
1998.
Cette amélioration est particulièrement sensible pour les armées où le
sous-effectif a été ramené de 1 350 fin 1997 à seulement 250 fin 1998. Des
procédures de concours ont encore lieu à l'heure actuelle.
Concernant les postes d'ouvriers d'Etat, les recrutements, qui avaient été de
129 en 1996, ont été portés à 294 au cours de l'année 1997 et ils ont été de
638 cette année. Je me fixe l'objectif d'un niveau au moins égal pour l'année
prochaine.
Contrairement à ce qui s'est écrit parfois, des mouvements importants de
mutation de personnels ont eu lieu entre les services excédentaires de la DGA
et les armées, ainsi qu'en provenance de GIAT Industries. Ces mouvements visent
à réduire les sureffectifs existants pour les réaffecter vers les
établissements, unités ou sites en sous-effectifs. Plus de 1 000 personnes ont
ainsi été mutées en 1997 et, d'ores et déjà, 800 l'ont fait au titre de l'année
1998, nous en sommes sûrs.
Bien entendu, la lenteur et l'effort de conciliation entre les intérêts
individuels des agents et les besoins des services aboutissent, pendant une
période d'adaptation, à un certain nombre d'emplois non pourvus. Mais qui
pourrait comprendre que des établissements industriels de l'Etat, des
entreprises publiques ayant du personnel sous statut d'ouvrier de l'Etat, se
trouvant en sureffectif, organisent la reconversion de leurs agents aux frais
du contribuable, et y engagent des crédits très importants, alors que des
postes nouveaux sont vacants, sans que l'Etat fasse l'effort d'organiser la
transition des uns avec les autres ?
Je voudrais à cet égard observer que la résorption des sureffectifs de la DCN
aurait dû être menée avec plus de détermination au cours des années
précédentes. J'ai vérifié les chiffres : entre 1993 et 1997, le sureffectif de
la DCN, qui était de 24 000 postes, n'a été réduit que de 3 000 emplois en
quatre ans. Cet effort n'a pas été suffisant. Pourtant, chacun connaît
l'importance des problèmes de la DCN. Le Gouvernement auquel j'appartiens a
accentué cet effort, et il est vrai que le retard accumulé pose des problèmes
de réaffectation des personnels civils. Cela prouve qu'il est nécessaire de
réaliser un effort constant dans ce domaine.
Je ne peux pas terminer sur ce chapitre, qui porte sur ce qui est à mon avis
l'essentiel, à savoir la communauté humaine de la défense, sans dire, comme
l'ont fait plusieurs orateurs, que je remercie, à quel point les personnels,
militaires et civils, engagés dans cette réforme sont motivés.
Pour répondre aux remarques formulées à propos de la relative tension sur les
crédits de fonctionnement, notamment par M. de Villepin, je rappellerai d'abord
que la loi de programmation militaire est construite pour ce qui concerne le
titre III de cette façon : la professionnalisation induit une augmentation des
rémunérations et charges sociales, ce qui comprime d'autant plus le
fonctionnement qu'elle entraîne un appel accru à la sous-traitance, qui est la
démarche de toutes les armées professionnalisées. Une armée professionnalisée
n'a pas forcément besoin d'avoir des effectifs de titulaires permanents pour
tondre les pelouses des infrastructures militaires !
Les outils de gestion tels que décrets d'avances et les décrets de virements
nous permettent en cours d'année de corriger les éventuelles insuffisances en
construction.
L'ensemble de ces dispositifs nous aura permis en 1998 d'abonder au total les
dotations de rémunérations et charges sociales des armées et de la gendarmerie,
pour laquelle un effort tout particulier a été accompli, ce qui va dans le sens
souhaité par M. Paul Masson, à hauteur de 4,4 milliards de francs et celles de
fonctionnement de 940 millions de francs.
Ainsi, je réponds à la question qui m'a été posée sur les crédits de
fonctionnement de la gendarmerie. L'avance est rétablie grâce au collectif
budgétaire pour 1998 et l'entrée dans l'exercice 1999 s'en trouvera largement
améliorée.
Je souhaiterais apporter deux précisions sur la gestion de 1998. Je
rappellerai qu'en raison du fait que le gage des crédits du décret d'avances de
cet été, 3,8 milliards de francs, s'est effectué sur les reports de crédits de
fin 1997, la perte réelle sur le titre V en 1998 ne porte que sur 3,5 milliards
de francs. Ce chiffre est à comparer aux annulations des exercices antérieurs :
11,9 milliards de francs en 1995, 8,5 milliards de francs en 1996, 5 milliards
de francs en 1997, malgré les efforts d'ajustement liés à la construction
européenne.
Cette année, il n'y a pas eu de régulation budgétaire. En conséquence, les
3,5 milliards de francs d'annulation n'ont aucune conséquence physique sur le
déroulement de l'exercice 1998.
Je veux dire un mot des difficultés d'exécution du budget de 1998 en
investissements, qui donnera lieu à des reports de crédits. Il faut y voir
essentiellement le résultat des actions de réduction de coût de la délégation
générale pour l'armement, réduction saluée par M. Jean Faure, qui a cité le
chiffre de 43 milliards de francs d'économie. Personne ne peut penser,
mesdames, messieurs les sénateurs, que de tels efforts d'économie peuvent se
réaliser sans un travail massif de négociation et de réexamen des contrats, ce
qui entraîne, il est vrai, quelques délais supplémentaires dans l'exécution des
dépenses. Mais que voulons-nous ?
Vous avez voté, pour une large majorité d'entre vous, une loi de programmation
militaire dans laquelle était inscrit un objectif de réduction de 30 % du coût
des armements.
Cet effort est en train d'être accompli. Le Gouvernement le fait sien. Il
entraîne nécessairement des procédures de marché et des procédures de mise en
paiement qui sont beaucoup plus rigoureuses, beaucoup plus vigilantes
qu'auparavant.
Je souhaite, par ailleurs, poursuivre les réformes de bonne gestion des
derniers publics qui sont à l'oeuvre à l'heure actuelle au sein du ministère en
insistant sur la mise en concurrence, comme le recommandent depuis des années
tous les rapports parlementaires. Cela entraîne, c'est vrai, des prolongations
de délais. Si quelqu'un veut m'expliquer comment on peut à la fois rendre
l'ensemble des services beaucoup plus vigilants sur la consommation des crédits
et les consommer plus vite, je suis, naturellement, intéressé par la
recette.
La réforme des réserves est un objectif important du Gouvernement. Ce dossier,
je crois, nous rassemble dans ses objectifs. Il faut apporter aux armées, à la
gendarmerie le complément opérationnel et la contribution de citoyens
extérieurs à la défense, mais désireux d'y jouer un rôle de partenaire qui leur
est indispensable.
Cette réserve sera un facteur efficace de renouvellement du lien entre l'armée
et la nation.
Monsieur le président de Villepin, un projet de loi vous sera présenté en
1999. Il résulte de discussions approfondies entre le ministère de la défense
et ses partenaires civils, publics et privés. Cette nécessité explique le délai
de préparation.
J'ai mené une concertation méthodique avec les associations de réservistes -
tous ceux parmi vous qui sont des partenaires assidus de ces associations le
savent - au sein d'un conseil supérieur d'études des réserves qui a été créé à
cet effet.
Le projet a fait également l'objet de travaux réguliers de discussions avec
les organisations d'employeurs que nous allons conclure dans les jours qui
viennent.
J'entends en outre, comme je l'avais fait l'année dernière sur le projet de
loi du service national, rencontrer les représentants des groupes
parlementaires avant même de déposer le projet de loi au Parlement pour prendre
en compte les observations des uns et des autres.
Toutes ces réformes ne peuvent s'accomplir sans un effort important en termes
d'accompagnement. J'avais annoncé l'année dernière le redynamisation de la
délégation interministérielle aux restructurations de défenses. Un nouveau
délégué interministériel, Pierre Pouessel, a été nommé au début de cette année.
Il a effectué plus de trente déplacements pour mettre en place les comités de
site que j'avais annoncés, associant l'ensemble des partenaires. Tous ceux
parmi vous qui ont participé aux travaux de ces comités de site ou qui s'en
sont informé savent que du bon travail s'y fait.
M. Branger a fait état de difficultés particulières qui touchent son
département. Je crois que c'est par cette procédure qu'elles pourront être
traitées, et j'ai déjà pris de nombreux contacts avec les partenaires locaux.
Je crois que l'état d'esprit constructif existe dans la Charente-Maritime comme
ailleurs.
Le nombre de créations d'emplois aidés dans les sites en conversion est passé
à 1 400 cette année contre moins de 700 l'année dernière. Par conséquent, les
500 millions de francs de crédits qui ont été mis à disposition en 1998, et qui
atteindront 700 millions de francs en 1999, sont employés efficacement.
S'agissant du groupe GIAT-Industrie et de la DCN, je veux souligner que les
diminutions d'effectifs auxquelles nous sommes obligés de procéder pour rendre
ces entreprises efficaces s'effectuent sans aucun licenciement. Vous savez,
mesdames, messieurs les sénateurs, que la direction du groupe GIAT-Industrie,
après avoir cédé sa filiale Herstal en début d'année - ce qui lui a permis
d'alléger ses charges - a élaboré un plan stratégique que le Gouvernement a
approuvé. Ce plan a été adopté par le troisième comité central d'entreprise, le
22 octobre dernier, après une négociation sociale réelle. Il est exigeant pour
les bassins d'emplois concernés, c'est vrai, mais il comporte des
réorganisations industrielles fortes. En effet, l'absence de réorganisation
obérait la capacité du groupe GIAT à nouer des stratégies d'alliance avec nos
partenaires, alors que la qualité technique du GIAT a déjà permis des
négociations avec d'autres professionnels de l'armement terrestre.
Je rappelle que l'objectif d'éviter tout licenciement sera scrupuleusement
atteint.
Quant à la DCN, à propos de laquelle Mme Heinis a bien voulu rappeler un
ensemble de données dont elle reconnaît le caractère partiellement
contradictoire, le Gouvernement, sur la base des propositions de la direction,
travaille sur un projet de plan d'entreprise qui sera conclu dans les tout
prochains mois. Il mettra fin, là aussi, à une absence de décisions qui n'a que
trop duré, donnant une vision d'ensemble de l'avenir aux différents acteurs.
L'intention du Gouvernement n'est pas de changer le statut de la DCN ni celui
des personnels ; j'observe d'ailleurs qu'aucun des partenaires proches du
dossier ne le demande. Ce statut comporte en effet des capacités d'adaptation
qui doivent être utilisées pleinement pour faire évoluer la DCN et la mettre en
situation d'affronter la concurrence en nouant des partenariats stratégiques.
Seule une véritable compétitivité permettant à la DCN de faire la course aux
contrats à l'exportation et de poursuivre la diversification rendra possible le
maintien d'un outil industriel d'une capacité supérieure aux stricts besoins de
la marine.
En ce qui concerne enfin le redéploiement des effectifs de la police et de la
gendarmerie, je voudrais dire que je souscris, sinon peut-être à certaines
critiques, du moins aux deux conclusions principales présentées tout à l'heure
par M. Masson dans son rapport, que j'ai trouvé extrêmement positif de par son
approche d'une démarche de modernisation qui a un peu tardé. Par conséquent, je
retiens le souhait exprimé par M. de Villepin d'organiser un débat public sur
ce thème devant la Haute Assemblée en début d'année prochaine.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la France a aujourd'hui la chance de vivre
en paix et nos concitoyens sont principalement préoccupés par les problèmes
d'emploi et de violences urbaines. Pourtant, il était de notre devoir de
rénover en profondeur l'outil de défense de la France et de l'adapter aux
exigences des temps futurs dont personne ne sait s'ils seront aussi calmes que
nous le souhaitons. La politique de défense est élaborée dans de bonnes
conditions, en relation permanente avec l'ensemble des autorités, le chef de
l'Etat et le Parlement. Elle s'inscrit dans la longue durée et la cohérence. Le
débat qui nous a réunis était un débat pluraliste. Il a naturellement donné
lieu à des critiques souvent constructives, quelquefois un peu surprenantes, en
tout cas en décalage par rapport à l'annonce de votes positifs.
La réforme des armées dont presque tous ici vous avez reconnu les grandes
lignes comme valables répond à des intérêts profonds et durables du pays. Elle
est menée dans l'ordre et dans la méthode avec une coopération scrupuleuse des
autorités compétentes, en suivant les principes annoncés par M. le Président de
la République, chef des armées. Comme lui, je crois qu'il faut insister sur les
choses qui avancent et sur les étapes franchies positivement.
Vous allez être nombreux à le montrer par le vote que vous allez émettre. Je
remercie l'ensemble des sénateurs, sur toutes les travées, qui vont voter ce
projet en donnant un élan supplémentaire à la réforme de nos armées. Je les
remercierai encore plus d'employer leur crédit et leur influence morale pour,
certes, rappeler ce qui pourrait aller mieux, mais pour faire aussi partager à
nos concitoyens, au-delà de nos divergences politiques du moment, le soutien à
un effort de défense qui constitue le socle de notre présence et de notre
influence dans le monde.
(Applaudissements.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère
de la défense et figurant aux articles 47 et 48.
Article 47