Séance du 3 décembre 1998







M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la santé et la solidarité.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, n'ayant pas tellement l'habitude d'utiliser la langue de bois, je ne vous cacherai donc pas que ma présence parmi vous et la déception que vous devez en concevoir... (Protestations sur toutes les travées.)
M. Jean Delaneau. Du tout !
M. le président. En aucun cas, madame !
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Je vous remercie !
... s'expliquent par le fait que Bernard Kouchner, qui comptait fermement vous donner les réponses que vous êtes en droit d'entendre, est encore retenu à l'Assemblée nationale, à une heure où, en toute logique, il aurait dû être parmi vous. Vous voudrez donc bien excuser son porte-parole, qui va essayer d'apporter une réponse intelligible à l'ensemble de vos questions.
La prévention et la lutte contre les exclusions constituent un axe fort, qui requiert un effort budgétaire important et qui va structurer pour une bonne part l'action de ce ministère. Je remercie M. Chérioux, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, d'en avoir donné acte au Gouvernement. Le second axe structurant est la mise en place d'un appareil complet de veille et de sécurité sanitaire.
Témoigne de tout cela la progression de 4,5 % des crédits affectés à ce budget, très supérieure à la hausse générale de 2,3 % du budget de l'Etat.
La progression brute des crédits de 7,5 milliards de francs comprend la prise en charge par l'Etat, pour 4 233 millions de francs, de l'allocation de parent isolé en contrepartie de la révision du quotient familial et du rétablissement des allocations familiales pour tous sans condition de ressources. Les mesures de la loi et du programme de lutte contre les exclusions qui relèvent du budget de la solidarité sont intégralement financées, avec 536 millions de francs de mesures nouvelles. Mme Borvo en a souligné l'importance.
Deux mesures participent au volet emploi du programme.
Il s'agit d'abord de l'abondement de 120 millions de francs de la contribution de l'Etat aux fonds d'aide aux jeunes, les FAJ, qui sont sollicités dans le cadre des parcours d'insertion du programme TRACE, Trajet d'accès à l'emploi, pour apporter une aide matérielle aux jeunes sans ressources entre deux contrats ou stages.
L'autre mesure est le doublement, avec 100 millions de francs de plus, des crédits de l'accompagnement social individualisé, l'ASI. L'accompagnement social individualisé joue un rôle déterminant en amont de la démarche d'insertion professionnelle, pour débloquer des situations sociales difficiles qui font obstacle à tout engagement actif dans la recherche d'une solution d'emploi ou de formation.
La réponse à l'urgence sociale, deuxième grand volet du programme de lutte contre les exclusions, mobilise d'importants moyens nouveaux.
La loi de lutte contre les exclusions conforte le dispositif de veille et d'urgence sociale. Elle consolide ses missions, légitime ses modes d'intervention et lui permet de progresser vers la coordination nécessaire à sa pleine efficacité.
Ce dispositif s'appuie sur des places d'hébergement - 30 000 places dans les centres d'hébergement et de réadaptation sociale, les CHRS, 15 000 places d'hébergement d'urgence - mais aussi sur une variété d'outils mis en place le plus souvent sur l'initiative des associations : lieux d'accueil de jour, équipes mobiles formées pour aller au-devant des personnes les plus désocialisées, notamment les jeunes en errance.
Le projet de budget apporte à ce dispositif de quoi poursuivre son amélioration qualitative et soutenir l'effort des associations pour promouvoir des structures différenciées capables de répondre à l'hétérogénéité croissante des situations d'exclusion.
Plus de 200 millions de francs de mesures nouvelles lui sont consacrés, conformément à ce qui avait été annoncé dans le programme du 4 mars dernier : 120 millions de francs inscrits au chapitre 47-21 permettront de renforcer les structures d'hébergement d'urgence et les services de veille sociale, dont la nécessité est malheureusement à nouveau prouvée par les drames causés par la vague de froid, 42 millions de francs seront consacrés à la transformation de 500 places précaires en places en CHRS, dotées de moyens d'accompagnement et de réinsertion sociale, enfin 75 millions de francs d'autorisations de programme et 43 millions de francs de crédits de paiement figurant au titre VI permettront de poursuivre la rénovation des CHRS vétustes ou dépourvus des conditions normales de sécurité, de salubrité et de protection de la personne.
J'ajoute, même si cela ne relève pas formellement du programme de lutte contre les exclusions - l'esprit est toutefois proche - que 100 places nouvelles de CHRS spécialisés dans l'accueil des réfugiés et demandeurs d'asile sont créées, comme en 1998, dans le projet de budget pour 1999. Cette mesure vient à l'appui du dispositif d'accueil personnalisé adopté par le Gouvernement le 21 octobre dernier dans une douzaine de départements très concernés. Les deux autres axes annoncés dans le cadre de cette politique concernent les étapes ultérieures de l'intégration des immigrés : la lutte contre les discriminations et le raccourcissement des délais de naturalisation. Faire face à l'urgence sociale, c'est aussi mieux gérer les aides financières d'urgence.
L'expérience des fonds et missions d'urgence sociale du début de l'année a montré la voie. La bonne méthode réside dans la mobilisation coordonnée de tous les acteurs et instances concernés - conseils généraux, centres communaux d'action sociale, caisses d'allocations familiales, ASSEDIC - en veillant à ce que l'Etat prenne toutes ses responsabilités sans recentraliser ni se substituer aux responsabilités de ses partenaires.
Mme Borvo a exprimé son souhait de rapatrier auprès des ASSEDIC les fonds sociaux et de réabonder ces derniers en fin d'année. Comme vous le savez, il s'agit de décisions qui relèvent des partenaires sociaux, gestionnaires de l'assurance chômage.
Pour sa part, l'Etat s'attache à assurer la meilleure coordination des différents fonds avec la mise en place des commissions d'action sociale d'urgence, qui fonctionnent déjà dans quarante départements, auxquels trente-trois départements s'ajouteront dans les jours qui viennent. S'agissant des fonds partenariaux, l'Etat y augmente sa participation de 50 % pour 1999.
La coordination des aides est la clé de l'efficacité dans la prise en charge des situations de détresse. Elle démultiplie l'action de chacun des partenaires et garantit aux personnes qui s'adressent à l'un des guichets disponibles que leur dossier sera analysé dans tous ses aspects, orienté à qui de droit sans autre démarche de leur part et traité dans les meilleures conditions de rapidité et d'équité.
Au-delà des moyens financiers apportés par l'Etat aux fonds partenariaux mobilisables par les CASU - les fonds d'aide aux jeunes, les fonds de solidarité logement - 80 emplois de catégorie A viendront renforcer les DDASS, très impliquées dans l'appui aux CASU. Enfin, l'appareil de formation des travailleurs sociaux sera doté de 52 millions de francs de crédits nouveaux pour accroître de 10 % les effectifs d'étudiants et améliorer la qualité des filières de formation.
L'accent mis sur les mesures issues de la loi et du programme de lutte contre les exclusions ne doit pas occulter le fait que le RMI est le dispositif central tant de protection contre le dénuement et l'exclusion que de réinsertion vers l'emploi et l'autonomie sociale et personnelle.
M. le rapporteur spécial et MM. les rapporteurs pour avis se sont montrés soucieux de la progression persistante des effectifs du RMI.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Pour le moins !
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Il va de soi que nous partageons cette préoccupation. Nul ne peut se satisfaire que deux millions de personnes, dont 700 000 enfants, vivent avec des ressources aussi faibles et que l'insertion reste en deçà des attentes.
Il faut avoir l'ambition de faire baisser le nombre d'allocataires. Certes, l'amélioration de la situation de l'emploi produit ses premiers effets, et le taux de croissance des effectifs au premier semestre de 1998 est le plus faible jamais enregistré. Mais la clé de l'insertion et du retour à l'emploi tient dans la mobilisation des outils de la politique de l'emploi et la multiplication des accès à l'emploi, sous l'impulsion des acteurs locaux, élus, administrations, associations. L'expérience montre que c'est ainsi que l'on accroît les chances de sortir du RMI.
Le Gouvernement partage le souci de M. Othily de développer l'insertion professionnelle des bénéficiaires du RMI. Celle-ci doit être recherchée, dans le respect des textes existants, en utilisant notamment tous les nouveaux outils créés dans l'optique de la mise en oeuvre du programme et de la loi de lutte contre les exclusions. La récente modification du statut des agences d'insertion dans votre département et dans les autres départements d'outre-mer doit permettre de réelles avancées, en favorisant une plus large implication des collectivités territoriales au côté de l'Etat.
L'expérience montre aussi - cela rejoint d'ailleurs les analyses de M. le rapporteur spécial - qu'il faut se garder de trop de pessimisme et surtout des idées reçues sur le RMI. En effet, la croissance des effectifs des bénéficiaires du RMI n'est pas explosive, et elle se ralentit même depuis trois ans. Par ailleurs, la part des jeunes de moins de trente ans n'augmente pas, puisqu'elle est stable à 30 % depuis 1989. Enfin, on ne s'installe pas dans le RMI, dispositif pour lequel les flux d'entrées et de sorties sont très importants, puisque plus de 360 000 personnes en sortent chaque année et que 50 % des bénéficiaires y restent moins de deux ans. Le « I » de RMI n'est pas en panne : ainsi, plus de 700 000 contrats d'insertion sont conclus chaque année, même si c'est avec une qualité de contenu et de suivi inégale.
Précisément, la loi de lutte contre les exclusions prévoit la mise en place des dispositifs d'accompagnement individualisé vers l'emploi qui renforcent cette dynamique d'insertion. Le dernier en date - il est entré en vigueur le 1er décembre - est le cumul possible, pendant un an, du RMI et d'autres minima sociaux avec des revenus d'activité professionnelle.
Madame Borvo, pour le Gouvernement, la véritable réponse à l'exclusion passe par une action déterminée sur ses causes, au premier rang desquelles figure le chômage. Dans ce domaine, la loi relative à la lutte contre les exclusions permet de mener une action d'envergure, en affirmant l'accès aux droits, dont le droit au logement, le droit à la santé et, surtout, le droit à l'emploi.
Nous avons également souhaité améliorer la situation des personnes qui dépendent, pour leur existence, des minima sociaux. Dois-je vous rappeler les majorations de l'allocation spécifique de solidarité de 8 %, de l'allocation d'insertion de 29 % et de l'allocation veuvage de plus de 1 000 francs pour la seconde année, la création de l'allocation spécifique d'attente pour les bénéficiaires du RMI et de l'allocation de solidarité spécifique, le cumul du RMI avec l'allocation pour jeune enfant et les majorations pour âge des allocations familiales ? Je pourrais parler aussi de l'intéressement, des barèmes logement, etc.
Tout cela, vous le savez. Mais il reste un point, qui a justifié, aux yeux de votre commission, le dépôt d'un amendement en réduction de crédits de 1,3 milliard de francs, soit 5 % de la dotation de 26,4 milliards de francs prévue en 1999. Il s'agit de l'ampleur des fraudes et de l'efficacité des contrôles.
Or, le RMI est, aujourd'hui, le dispositif social le plus contrôlé.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. La Cour des comptes n'est pas d'accord !
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. La fraude est devenue marginale - mesurée à 0,6 % en 1997.
Pour répondre à M. Darniche, je veux simplement dire, comme le souligne M. Chérioux dans son rapport, que les rares cas de jeunes bénéficiaires issus de familles aisées sont réglés dans le cadre de l'obligation d'insertion faite à tout bénéficiaire.
Il faut aussi se garder de confondre l'évolution des effectifs et la progression de la dépense. Celle-ci enregistre l'effet report de la croissance antérieure, mais aussi, en 1999, les modifications apportées au dispositif au-delà de la revalorisation de l'allocation, telles que la possibilité de cumuler le RMI et l'allocation pour jeune enfant pendant la grossesse et le fait que les majorations des allocations familiales pour l'âge des enfants ne s'imputent plus sur les revenus pris en compte pour calculer le RMI.
L'inertie de la dépense par rapport à l'évolution des effectifs explique que nous devrons compléter la dotation de 1998 dans le collectif budgétaire : 900 millions de francs sont prévus à cette fin, ce qui portera les crédits ouverts en 1998 à 26,2 milliards de francs.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la politique à l'égard des personnes handicapées est, je le sais, une préoccupation majeure pour la plupart d'entre vous - vous me permettrez de dire « d'entre nous ».
Notre politique en faveur des personnes handicapées est une politique globale, attentive à tous les aspects de la vie des personnes - éducation, emploi, vie sociale. Elle vise à favoriser en priorité leur intégration dans tous les dispositifs de droit commun en milieu de vie ordinaire.
Cet objectif est conforme à celui, toujours d'actualité, qui a été proclamé par la loi d'orientation du 30 juin 1975. Mais le contexte démographique, économique et social n'est plus le même. Les attentes des personnes handicapées ont changé, leur aspiration à l'autonomie s'est affirmée.
Une politique spécifique en faveur des personnes handicapées reste légitime, mais elle ne doit pas être cloisonnée par rapport aux autres politiques publiques - emploi, éducation, logement, accès aux services publics. Tous ces domaines doivent intégrer les préoccupations des personnes handicapées autour de l'objectif clé de l'intégration.
Monsieur Vidal, vous avez parfaitement décrit la manière dont se décline cet objectif d'intégration en termes de dignité et de citoyenneté. J'en reprends rapidement les lignes d'action concrètes.
La première est la socialisation et l'intégration des jeunes handicapés, auxquelles un prochain conseil national consultatif des personnes handicapées sera consacré, en liaison avec le ministère de l'éducation nationale, avec qui nous allons élaborer des schémas d'équipement et d'accompagnement pour l'enfance et l'adolescence handicapées.
Le deuxième objectif concerne l'accompagnement des personnes handicapées dans leur vie quotidienne, en milieu ordinaire et dans les institutions spécialisées ; des expérimentations sur des aides techniques propres à favoriser la vie à domicile sont en cours.
Le troisième objectif est la formation et l'emploi des travailleurs handicapés. Les lignes directrices d'une relance de la politique d'insertion professionnelle ont été présentées au Conseil supérieur pour le reclassement professionnel et social des personnes handicapées.
Sur l'hypothèse que vous avez évoquée, monsieur Chérioux, d'un transfert à l'AGEFIPH des crédits de l'Etat,...
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. J'ai parlé non pas d'hypothèse, mais de faits, et j'ai posé une question.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Disons alors que, s'agissant des crédits inscrits au budget de l'emploi relatifs au financement des équipes de préparation de suite et de reclassement, les EPSR, je tiens à apporter les précisions suivantes.
Si la convention pluriannuelle d'objectifs qui sera prochainement signée entre l'Etat et l'AGEFIPH laisse ouverte une telle possibilité, aucune décision quant à sa mise en oeuvre n'a, pour l'heure, été arrêtée.
Une telle mesure serait cohérente avec la vocation d'insertion des travailleurs handicapés de l'AGEFIPH et avec le fait que cet organisme finance déjà pour partie les EPSR privés.
Toutefois, la contrepartie d'un tel transfert devrait être le redéploiement des crédits correspondants sur le renforcement des moyens de fonctionnement des commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel, les COTOREP. Une telle mesure requiert, cependant, un examen complémentaire de la part des partenaires compétents.
Mais l'intégration des personnes handicapées dans le milieu de vie ordinaire n'enlève rien au rôle des institutions, qui sont et resteront indispensables, notamment pour les personnes les plus lourdement handicapées.
Cette problématique rejoint l'objectif de la réforme engagée sur l'autre loi du 30 juin 1975, non pas la loi d'orientation en faveur des handicapés, mais celle qui est relative aux institutions sociales et médico-sociales.
Pour en revenir au projet de budget pour 1999, dont 40 % des crédits, soit 31,7 milliards de francs, sont consacrés aux personnes handicapées, les rapporteurs soulignent la croissance élevée de la dépense d'allocation aux adultes handicapés, qu'ils mettent au compte d'un défaut de maîtrise des dépenses sociales obligatoires.
Leurs analyses sont néanmoins plus nuancées que cette conclusion. Ainsi, monsieur Oudin, je ne peux que souscrire à vos explications relatives à un meilleur accès au droit, à l'inertie de la structure par âge de la population bénéficiaire ou à l'éviction du marché de l'emploi que subissent les personnes fragilisées par un ou plusieurs handicaps.
C'est ainsi que la dotation de 1999, établie à 24,57 milliards de francs, est fondée sur une hypothèse de progression en volume de la dépense de 3,8 %, au-delà de la provision de 1,2 % pour revalorisation qu'il faudra en effet - vous l'avez, je crois, évoqué, monsieur Chérioux ! - aligner comme le veut la loi sur la progression du minimum vieillesse. Il faut aussi souligner que la loi dite « Chevènement » de mai 1998 a quelque peu élargi le champ des bénéficiaires de l'AAH.
Sans trop anticiper sur la discussion des articles, j'indique que l'article 83 du projet de loi de finances, qui étend la présomption d'inaptitude au travail à l'âge de soixante ans à tous les bénéficiaires de l'AAH a pour objet de leur permettre d'accéder à une pension de vieillesse et en aucun cas de stigmatiser les personnes handicapées qui travaillent ou pourraient souhaiter travailler au-delà de soixante ans. Au demeurant, la mesure n'a rien de brutal, comme le montre son effet marginal sur la dotation pour 1999, à savoir une économie de 31 millions de francs.
S'agissant des centres d'aide par le travail, auxquels le budget de la solidarité consacre plus de 6,2 milliards de francs, je rappellerai que leur développement s'inscrit dans le programme pluriannuel adopté par le Gouvernement pour la période de 1999-2003 et qui prévoit - vous l'avez rappelé, monsieur Vidal - la création de 5 500 places de maisons d'accueil spécialisées et de foyers à double tarification, de 8 500 places de centres d'aide par le travail et de 2 500 places d'ateliers protégés. Dans ce projet de budget, nous prévoyons et finançons la création de 2 000 places nouvelles de CAT, pour un coût de 131 millions de francs.
Au risque, là encore, d'anticiper sur la discussion des articles, je souhaite évoquer l'opposabilité des enveloppes introduites à la fois dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale et dans le projet de loi de finances, qui témoigne de la volonté du Gouvernement de poursuivre sa démarche de maîtrise des dépenses médico-sociales. Elle permettra de lever la contradiction, source de contentieux, entre des dotations budgétaires limitatives et l'absence de régulation des dépenses des établissements. Mais en aucun cas elle n'exclut le nécessaire débat contradictoire sous le contrôle du juge et, bien sûr elle ne fait nullement obstacle à l'augmentation des moyens dont dispose ce secteur en expansion.
Les rapporteurs ont abondamment développé l'application au secteur médico-social de la loi du 13 juin 1998 sur la réduction du temps de travail.
Je suis convaincue que le secteur médico-social associatif saura faire de cette loi une chance, à condition d'anticiper, comme il a toujours su le faire, une organisation du travail souple et adaptée à des activités très hétérogènes et spécifiques, mais aussi veiller à ce que la réduction du temps de travail ne se traduise pas par des charges qui viendraient s'imputer sur les moyens nouveaux mis en place pour répondre aux besoins des usagers.
Madame Heinis, vous avez évoqué les questions que posent la mise en place de la prestation spécifique dépendance, le PSD, ainsi que la réforme de la tarification des établissements accueillant les personnes âgées dépendantes.
Je veux rappeler que la loi du 24 janvier 1997 instituant cette prestation est mise en oeuvre à domicile dans l'ensemble des départements et dans la grande majorité d'entre eux s'agissant des établissements. Le Gouvernement a estimé qu'il convenait d'attendre que cette application soit intervenue sur une période d'un an afin de pouvoir procéder à une évaluation précise, objective et exaustive des apports et des faiblesses de cette loi.
Un premier bilan de l'application de cette loi a été présenté au début du mois d'octobre au comité national de la coordination gérontologique. Le bilan et les conclusions qui ont été déposés par la mission des inspections générales des affaires sociales et des finances chargée d'une redéfinition de l'ensemble des aides à domicile conduiront le Gouvernement à prendre ou à proposer au Parlement, le cas échéant, les modifications nécessaires.
Le Gouvernement entend par ailleurs mener, dès 1999, l'indispensable réforme de la tarification des établissements accueillant des personnes âgées dépendantes, dont les textes d'application paraîtront prochainement.
Cette réforme de la tarification instaurera trois sections tarifaires au lieu de deux actuellement à l'intérieur du budget des établissements.
L'équilibre entre les trois financeurs que sont principalement l'usager, au titre des dépenses liées à l'hébergement et à la dépendance, l'assurance maladie, au titre des soins, et le conseil général au titre de la PSD et de l'aide sociale à l'hébergement, sera préservé. Cela signifie - j'insiste sur ce point - que les charges des pensionnaires ne seront pas accrues. En effet, les mesures nouvelles ouvertes ces dernières années par l'assurance maladie seront poursuivies et permettront d'améliorer la qualité de la prise en charge des personnes âgées dans ces établissements grâce à des personnels plus nombreux et mieux formés.
Je me permets de rappeler que nombre de difficultés de ce texte créant la PSD tiennent à sa nature décentralisée, gérée par les conseils généraux, ainsi que votre Haute Assemblée l'a voulu.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Vous avez ensuite évoqué, madame Heinis, la loi du 30 juin 1975 sur les institutions sociales et médico-sociales. Depuis un rapport d'évaluation de l'IGAS de 1996, chacun reconnaît l'obsolescence de cette loi, dépassée tant par l'évolution de la décentralisation que par celle des pratiques et des demandes sociales. Les orientations du texte sur lequel nous travaillons vont dans le sens du développement de la participation effective de la personne bénéficiaire à sa prise en charge d'une meilleure répartition de l'offre, du soutien aux formules innovantes de prise en charge, notamment à domicile, y compris sous forme de réseaux pluridisciplinaires, enfin, de l'introduction d'outils d'évaluation et de coordination.
L'intérêt et le consensus recueillis autour de ces pistes nous ont conduits à relancer la concertation officielle. Cette concertation n'est pas achevée. Le texte de notre projet est encore susceptible d'évoluer, et nombre de reproches que vous avez formulés, madame le sénateur, sont fondés sur des rédactions qui ont été abandonnées.
Je voudrais aussi faire écho à l'analyse de M. Chérioux - à qui M. Bernard Kouchner souhaitait répondre d'une façon précise - sur la dérive des décisions judiciaires de tutelle d'Etat.
Nous avons engagé la réflexion sur le devenir de ce dispositif de protection juridique, en concertation avec les principales associations tutélaires, afin de revoir son mode de financement et de contrôle. Nous le faisons à la lumière des conclusions des rapports confiés par les ministres compétents aux trois inspections générales - finances, justice et affaires sociales. Pour l'heure, nous avons remis à niveau la dotation affectée aux tutelles, par une augmentation de 11 % qui la porte à 571 millions de francs.
Dans un ordre d'idée un peu comparable, vos rapporteurs ont souligné un certain nombre de difficultés liées à l'existence d'arriérés de paiement qui affectent l'équilibre financier des opérateurs de certaines politiques sociales de l'Etat. J'en évoquerai deux.
Les objecteurs de conscience d'abord. La réforme du service national a retourné la progression antérieure du nombre des objecteurs de conscience, de sorte que la dotation pour 1999, avec 108 millions de francs, est bien ajustée aux besoins. Il reste que des arriérés de paiement demeurent encore, que nous avons bien commencé à résorber l'an dernier. Le collectif de 1998 poursuivra avec une ouverture de 140 millions de francs au total.
L'autre point concerne la gestion difficile du chapitre 66-20 où figurent notamment les crédits contractualisés du plan d'humanisation des hospices. Là encore, le collectif prévoit un effort important de 113 millions de francs, à comparer aux 346 millions de francs de crédits de paiement ouverts en 1999, pour apurer l'insuffisance de crédits héritée du passé et permettre à l'Etat d'honorer ses engagements.
Consciente que je suis loin d'avoir épuisé les commentaires possibles sur le budget de la solidarité, je ne peux conclure cette partie sans mentionner l'effort très significatif du Gouvernement en matière de droits des femmes dont je suis désormais chargée et dont le budget augmente de plus de 10 %.
Ces mesures permettront de financer le plan national d'action en faveur de l'emploi des femmes, la lutte contre les violences et leur prévention, ainsi qu'une vaste campagne sur la contraception.
Enfin, je rappelle que, en 1999, la France accueillera la conférence européenne sur la participation équilibrée des femmes et des hommes à la prise de décision.
J'en viens maintenant au budget de la santé, et je vous demande une certaine indulgence sur cette partie.
Ce budget s'établit, en 1999, à pratiquement 3,8 milliards de francs, ce qui est légèrement supérieur au niveau de 1998, avec une augmentation de 0,3 %.
Toutefois, pour comparer les deux budgets à structure constante, il faut tenir compte du transfert, pour 120 millions de francs, du financement des centres d'hygiène alimentaire et d'alcoologie sur l'enveloppe médico-sociale de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie, conformément au statut qui leur est conféré par l'article 72 de la loi de lutte contre les exclusions et l'article correspondant du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
En termes réels, ce budget augmente donc de 3,6 %, et j'ai lieu de m'en réjouir, car cette progression permet des choix clairs et structurés.
Sans doute, l'essentiel de la politique de la santé s'exprime-t-il à travers le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Cependant - et, sur ce point, je suis sans difficulté votre rapporteur pour avis - tout l'intérêt de ce budget est de mettre en exergue des choix de santé publique et de souligner l'importance cruciale de la prévention, car tout ne se réduit pas aux soins.
Ce budget de la santé publique s'organise en quatre lignes directrices.
La première est que la santé est un enjeu de la lutte contre les exclusions.
La loi de lutte contre les exclusions l'affirme : l'accès aux soins est un droit fondamental. Ce budget met en place les moyens de le traduire dans les faits.
La mise en place des programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins constitue l'un des points forts du volet « santé » du programme de lutte contre les exclusions, avec les permanences d'accueil des plus démunis dans les hôpitaux et, bien sûr, la couverture maladie universelle, qui sera prochainement soumise à la discussion parlementaire.
L'objectif de ces programmes est d'amener le système de santé à prendre en compte la précarité sans stigmatiser les personnes ni leur réserver un traitement à part. Ils permettront d'identifier les besoins spécifiques aux personnes en situation de précarité, de mettre au point et de coordonner les actions de prévention, de soins et de suivi qu'appellent les risques identifiés : pathologies mal soignées et devenues chroniques, souffrances psychiques, conduites à risque.
L'enveloppe de 250 millions de francs, annoncée le 4 mars lors de la présentation du programme, sera disponible en 1999, grâce à l'apport de 194 millions de francs de mesures nouvelles. Ces mesures sont réparties sur divers chapitre, actions de santé publique bien sûr, qui reçoit 100 millions de francs, chapitres toxicomanie, alcoolisme, lutte contre les maladies transmissibles, mais aussi titre III, car il essentiel que les services déconcentrés portent cette politique nouvelle.
M. Louis Boyer, vous reconnaîtrez sans doute que cette répartition, qui correspond à la diversité des approches de la santé des populations en situation de précarité, est parfaitement transparente dans le « bleu » et qu'elle ne prête à aucun double compte, à aucun effet d'optique dans la présentation de l'action gouvernementale.
La réalité, en revanche, est que ces programmes vont renouveler la vision et les modes de travail de tous les acteurs - administration, praticiens, travailleurs sociaux - appelés à coopérer au sein des réseaux médico-sociaux, avec les équipes de psychiatrie de secteur ou d'établissement, dans les consultations d'alcoologie organisées dans les centres d'hébergement, dans les lieux d'écoute des jeunes désocialisés.
Le deuxième axe est la prévention et la prise en charge des maladies infectieuses et des dépendances à l'égard des drogues de toute nature, mission traditionnelle et essentielle de l'Etat, qui représente le tiers du budget de la santé mais dont le champ s'élargit sensiblement en 1999.
Les crédits de lutte contre la toxicomanie s'élèvent à 1,52 milliard de francs, répartis entre deux chapitres, dont l'un porte les crédits interministériels de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie.
Le Premier ministre, je vous le rappelle, monsieur Darniche, a demandé à la présidente de cette mission de faire des propositions avant la fin de l'année sur l'organisation de la mission interministérielle, en lui demandant d'élargir son champ d'action à l'ensemble des toxiques, légaux ou illégaux.
Ainsi monsieur Louis Boyer, sans précipitation, en tenant compte des leçons des dysfonctionnements antérieurs, se dessine le plan véritablement interministériel dont vous regrettiez l'absence. C'est si vrai que le Gouvernement a prévu d'abonder les crédits de la mission dans le collectif de fin d'année pour compléter les moyens de cette politique.
Madame Borvo, il est indispensable de développer des réponses diversifiées pour les adolescents qui consomme en trop grand nombre des drogues illicites mais aussi de l'alcool, du tabac et des médicaments.
C'est la raison pour laquelle nous avons créé soixante-quinze « points écoute » plus particulièrement destinés à l'accueil et à l'orientation des jeunes usagers de drogues.
La lutte contre le sida et le chapitre 47-18 qui lui était entièrement consacré s'élargiront en 1999 à d'autres maladies transmissibles relevant d'une approche globale et de problématiques comparables, principalement l'hépatite C, qui touche 600 000 personnes en France.
Ainsi recomposé, le chapitre s'établit à 523,5 millions de francs, dont 16 millions de crédits nouveaux pour amorcer un plan national de lutte sur quatre ans contre l'hépatite C, qui sera mis en oeuvre dès 1999.
Ces mesures nouvelles, complémentaires du projet de loi de financement de la sécurité sociale, permettront d'organiser le dépistage, le diagnostic et le traitement de ces patients, mais aussi de soutenir la surveillance épidémiologique, des programmes de prévention et la formation des personnels sanitaires et sociaux.
La lutte contre l'alcoolisme comporte une mesure nouvelle de 25 millions de francs qui s'intègre, je le répète, dans les 194 millions de francs de crédits nouveaux affectés aux PRAPS, les programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins.
Quant à la lutte contre le tabac, c'est principalement sur le budget de l'assurance maladie qu'a porté notre effort. Ainsi, les crédits consacrés à la prévention en matière de tabagisme, au sein du fonds national de prévention, ont été portés en trois ans de moins de 20 millions de francs à plus de 70 millions de francs.
S'agissant de la prise en charge des malades atteints par le VIH, vous avez interrogé M. Kouchner, madame Borvo, sur l'avenir de l'hôpital Pasteur. Du fait de l'évolution thérapeutique actuelle concernant cette maladie - systématisation de la trithérapie notamment - l'activité de l'établissement a considérablement chuté et, de cinquante à soixante malades en moyenne par jour, elle est descendue à cinq à dix malades.
L'avenir de l'établissement fait actuellement l'objet de discussions. Ces discussions interviennent dans le cadre d'un bilan programmé depuis un an. Une décision sera prise d'ici à deux ou trois mois. Cela nous laisse le temps de conduire un examen objectif et concerté des perspectives d'évolution de cet établissement.
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. Une fermeture serait bien regrettable pour les malades !
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. La lutte contre les maladies chroniques n'est pas oubliée, monsieur Oudin. M. Kouchner a décidé, vous le savez, une politique audacieuse de lutte contre le cancer, dont la base législative vient d'être votée dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Cette politique, qui porte sur deux axes essentiels - le dépistage et l'organisation des soins - permettra, pour la première fois, d'engager les médecins généralistes dans un vaste mouvement de dépistage encadré techniquement de manière que cette généralisation aille de pair avec l'amélioration de la qualité des prestations.
Vous avez évoqué le Conseil national du cancer, monsieur le sénateur. Ce dernier n'a pas été supprimé, mais la création du Haut Comité de la santé publique, puis de la conférence nationale de santé, enfin du comité de prévention prévu dans le cadre de la convention d'objectifs et de gestion passée avec la CNAM sont autant de lieux où se débat et se prépare une politique globale de santé publique.
En ce qui concerne le prix des chimiothérapies, il existe, certes, une grande disparité, et nous nous efforçons de la réduire.
Enfin, à propos de la nomenclature, le niveau de remboursement des actes de radiologie a été réduit. Il a cependant été maintenu pour la radiothérapie afin de préserver le suivi le plus actif possible des patients cancéreux.
J'ajoute quelques mots, monsieur Vidal, pour vous répondre sur la politique développée par l'établissement français des greffes concernant le don d'organe.
L'année 1998 a été celle d'une large mise à disposition du public d'informations sur le prélèvement et la greffe, avec la mise en service du registre national du refus. A ce jour, quinze millions de Français ont eu accès à ces informations et près de trente mille personnes sont inscrites au registre.
Après sept ans de diminution, puis de stabilité, l'année 1998 devrait se caractériser par une augmentation d'environ 10 % des prélèvements d'organe par rapport à 1997, ce qui témoigne du renforcement d'une organisation efficace du prélèvement dans les établissements de santé.
La troisième ligne directrice du budget de la santé publique, c'est l'organisation du système de soins. Celle-ci nécessite des moyens et des outils que le budget pour 1999 contribue à conforter. L'agrégat qui les regroupe est doté de plus de 1,5 milliard de francs.
Outre les crédits de formation des professions médicales et paramédicales, qui se stabilisent en 1999 après des baisses successives, les composantes les plus notables de l'agrégat sont la subvention à l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, le financement des agences régionales de l'hospitalisation et la dotation du fonds d'investissement pour la modernisation hospitalière. Ces trois points, en tout cas, ont retenu l'attention des rapporteurs.
La formation des professions médicales a également été abordée par M. Autain, qui s'interroge sur une éventuelle dévalorisation de la formation des étudiants en chirurgie dentaire.
Celle-ci fait l'objet d'une attention soutenue puisque la durée minimale de leurs études a récemment été portée de cinq à six ans. Un troisième cycle a en effet été créé ; il comporte deux voies : l'une, courte, d'un an, et l'autre de trois ans, avec la mise en place d'un véritable internat.
Au moment de la sortie de la promotion d'internes, M. le secrétaire d'Etat entend évaluer, avec l'ensemble des intéressés, cette première expérience pour y apporter, le cas échéant, les améliorations qui conviennent.
En ce qui concerne l'ANAES, la subvention de l'Etat est reconduite au niveau de 1998, soit 37,33 millions de francs, auxquels s'ajoute la dotation globale versée par les caisses d'assurance maladie, 74,66 millions de francs.
Cette stabilité n'est pas une stagnation qui pourrait inquiéter. S'il est vrai que la montée en charge de l'activité de l'établissement est progressive, il est aussi de bonne pratique d'avoir fixé la dotation budgétaire à un montant qui anticipe le niveau de croisière. Sur un effectif autorisé de 128 personnes, issues des différentes professions de santé, l'effectif réel est, à l'heure actuelle, de plus de soixante-dix personnes. L'ANAES est en état de fonctionnement, et les tests d'accréditation ont commencé. L'établissement pourra mobiliser ses réserves en 1999, afin d'accélérer la montée en puissance de l'accomplissement de ses missions en matière d'accréditation et de nomenclature, ce à quoi j'entends veiller.
La subvention aux agences régionales de l'hospitalisation, dont le rôle est désormais bien défini et consolidé, s'élève à 107,7 millions de francs en 1999.
Leur budget est, dans une moindre mesure, abondé par les contributions des régimes d'assurance maladie. Actuellement, deux cent vingt-deux personnes travaillent pour les agences, y compris les vingt-six directeurs et les quarante-sept agents mis à disposition par l'assurance maladie au titre des apports prévus par les conventions constitutives.
Une mesure nouvelle affecte 5 millions de francs aux études nécessaires à l'élaboration, déjà largement avancée, des nouveaux schémas directeurs d'organisation sanitaire.
La rémunération des directeurs d'agence régionale sera prochainement définie de façon plus transparente, ce qui permettra d'harmoniser les niveaux de rémunération par référence à ceux des emplois de direction de l'administration. Le projet a aujourd'hui sa forme finale.
Le Fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux, le FIMHO, est un outil important de l'organisation de l'offre de soins, qui permet de compléter le financement d'opérations choisies pour leur effet structurant.
Le fait de ne couvrir qu'une partie du financement est délibéré, d'abord parce qu'il s'agit d'encourager des projets économiquement efficaces, ensuite pour donner au fonds un effet de levier important.
Il faut bien voir que ce fonds s'inscrit dans un cadre pluriannuel, qui lisse la variation des dotations annuelles. L'inscription de 250 millions de francs d'autorisations de programme en 1999 après 500 millions de francs en 1998 est non pas une régression, mais simplement l'ajustement aux besoins liés à un choix de projets qui répondent bien à des critères connus et mesurables, ce qui exclut la précipitation.
J'ajoute une remarque qui mérite d'être mentionnée : le financement des services de santé dans les territoires d'outre-mer et à Mayotte est porté à 179 millions de francs, ce qui permettra d'engager un redressement significatif de la situation financière du service de santé de Wallis-et-Futuna.
A ce propos, monsieur Othily, je souhaite, en réponse à votre question sur les centres de médecine collective en Guyane, souligner que le Gouvernement s'est prononcé en faveur du principe du transfert au service public hospitalier des activités de soins des centres de médecine collective, tout en souhaitant que leur rôle soit adapté pour tenir compte des évolutions économiques et sociales.
A cette fin, le conseil général, l'Etat et l'agence régionale de l'hospitalisation seront chargés de définir le champ des compétences et des activités à transférer au service public hospitalier et de déterminer les conditions de ce transfert. Il en résultera un nouveau projet médical pour le centre hospitalier de Cayenne.
M. René-Pierre Signé. C'est une question orale !
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Par ailleurs, monsieur Othily, je voudrais souligner que les budgets des trois établissements hospitaliers de Guyane connaissent une forte progression.
M. René-Pierre Signé. Il ne s'agit pas du budget !
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. L'effort de 1998 est confirmé pour 1999, avec une évolution moyenne de la dotation hospitalière régionale de Guyane de plus 3,53 %, évolution très supérieure à l'évolution métropolitaine, qui est de 2,04 %. (Marques d'impatience sur diverses travées.)
Mesdames, messieurs les parlementaires, je peux comme vous apprécier le soin que M. Kouchner a apporté à répondre avec la plus grande précision à toutes vos questions.
Je suis partagée entre la liberté que je prendrai d'abandonner là mon message...
M. Michel Mercier. Oui !
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. ... et ce que je crois être mon devoir : transmettre, comme je l'ai promis, l'intégralité du message de M. Kouchner.
M. le président. Je suis aussi partagé que vous ! (Sourires.)
M. Michel Mercier. Vous êtes parfaite, madame ! (Sourires.)
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Enfin, l'offre de soins n'est pas seulement, et de loin, une affaire de quantité et de répartition des moyens. C'est aussi l'affaire des malades et de leurs droits, comme le montrent les rencontres qui s'organisent dans le cadre des états généraux de la santé.
L'une de mes priorités à ce titre est la lutte contre la douleur, celle des enfants et celles des personnes en fin de vie, notamment.
J'ai annoncé un plan de lutte contre la douleur portant sur quatre ans dont les grandes lignes vous sont déjà connues et qui, je l'espère, va permettre de faire évoluer les mentalités de tous.
Je remercie M. Neuwirth de son intervention et je tiens à lui répondre que le Gouvernement a décidé de soutenir par des mesures concrètes la lutte contre la douleur.
Ainsi, 150 millions de francs ont été prévus dans l'ONDAM 99 pour développer l'offre - unités, équipes mobiles et soins d'accompagnement à domicile - et 50 millions de francs du fonds d'action sociale de la CNAM seront consacrés à la formation des bénévoles, au financement des gardes-malades et à la prise en charge des prestations non remboursables nécessaires comme les nutriments.
D'autres actions viseront l'information et la formation des professionnels de santé. Par ailleurs, la fin de vie sera l'un des thèmes majeurs des états généraux. En outre, M. le Premier ministre a saisi le Conseil économique et social sur le congé d'accompagnement, et un rapport lui sera remis à la fin du mois de février.
J'en viens à la quatrième ligne directrice : le dispositif de veille et de contrôle de la sécurité sanitaire, qui est très significativement renforcé.
La loi du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme organise et complète le dispositif mis en place au début des années quatre-vingt-dix.
Les premiers établissements de veille et de contrôle sanitaires - l'Agence française du sang, l'Agence du médicament, puis l'Etablissement français des greffes et l'Office de protection contre les rayonnements ionisants - ont montré la pertinence du schéma d'organisation sur lequel reste fondée la loi du 1er juillet : des entités spécialisées, responsables, capables de répondre aux alertes sanitaires.
Le dispositif est désormais complété par la création de trois nouveaux établissements publics : l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments et l'Institut de veille sanitaire. La loi prévoit également, à terme rapproché, l'intégration des centres de transfusion sanguine dans un établissement français du sang, l'EFS, constitué en opérateur unique et public de la transfusion sanguine autour de l'actuelle Agence française du sang.
Ce nouveau paysage institutionnel se traduit dans le budget, même si, par anticipation, le budget 1998 avait prévu l'essentiel des moyens nouveaux nécessaires sous la forme d'une provision de 80 millions de francs. Compte tenu des transferts de crédits vers le chapitre qui regroupe les subventions, les contributions versées par l'Etat à ces établissements représentent 339 millions de francs.
Je souhaite enfin évoquer, pour m'en réjouir, les acquis du budget 1999 en matière de renforcement des moyens de l'administration sanitaire et sociale, et d'abord ses moyens humains, sur qui reposent la mise en place et la réussite de nos politiques.
L'orientation que le Gouvernement donne à l'action publique, spécialement sans doute dans les domaines de compétence du ministère de l'emploi et de la solidarité, se caractérise de plus en plus par une approche à la fois globale, transversale entre santé, social et emploi, et personnalisée. De ce fait, nos politiques dans ces domaines exigent de plus en plus de temps et une implication de plus en plus grande des agents qui y travaillent.
C'est pourquoi il faut se féliciter de la création d'emplois dans les services déconcentrés - j'ai déjà évoqué, à propos des aides d'urgence, la création de 80 emplois - mais aussi dans les services centraux qui ont besoin de renforcer leur capacité d'expertise, de pilotage et d'évaluation.
Il faut aussi poursuivre le processus, bien engagé, de résorption de l'emploi précaire au sein de ce ministère, ce que fait ce budget en créant 155 emplois d'accueil des agents à statut précaire.
Il faut enfin remédier au blocage des carrières des agents de catégorie C par des transformations massives d'emplois et par une revalorisation substantielle des enveloppes de primes.
Tout cela a été obtenu dans le budget 1999. Cette politique mérite qu'on la défende et qu'on la poursuive, plutôt qu'on risque de la compromettre par des coupes peu réalistes dans les crédits. Je suis convaincu que la plupart d'entre vous partagent ce point de vue.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre indulgence et de votre patience. (Applaudissements.)
M. le président. Nous saluons votre performance, madame la secrétaire d'Etat. Votre situation n'était pas aisée. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la présidence a fait preuve de souplesse.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant l'emploi et la solidarité : II. - Santé et solidarité.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 182 105 026 francs. »