Séance du 3 décembre 1998







M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
Le premier, n° II-44, est présenté par M. Chérioux, au nom de la commission des affaires sociales.
Le second, n° II-57, est déposé par M. Michel Mercier.
Tous deux tendent à insérer, après l'article 83, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le deuxième alinéa de l'article 11-1 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales est ainsi rédigé :
« Il en est de même lorsqu'ils sont susceptibles d'entraîner pour les budgets des collectivités territoriales des charges injustifiées ou excessives compte tenu d'un objectif annuel ou pluriannuel d'évolution des dépenses délibéré par la collectivité concernée en fonction de ses obligations légales, de ses priorités en matière d'action sociale et des orientations des schémas visés à l'article 2-2 de la présente loi. »
La parole est à M. Chérioux, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° II-44.
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. Cet amendement a pour objet d'apporter une modification à la loi du 30 juin 1975 afin d'étendre aux établissements sociaux et médico-sociaux, financés par l'aide sociale des conseils généraux un dispositif de taux directeur opposable dans des conditions identiques à celles qui sont prévues dans le présent projet de loi de finances et dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour les établissements sociaux et médico-sociaux financés respectivement par le budget de l'Etat et par l'assurance maladie.
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour défendre l'amendement n° II-57.
M. Michel Mercier. Bien entendu, je fais miens les arguments exposés par M. Chérioux.
Il s'agit simplement de parfaire le dispositif proposé par le Gouvernement cet automne dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale et dans l'article 84 du projet de loi de finances pour 1999. On ne comprendrait pas que cette disposition de la loi de 1975 ne soit pas parallèlement modifiée.
Je souhaite que le Gouvernement nous soutienne dans cette réparation.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Ces deux amendements sont justifiés dans leur principe.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale vise à encadrer les dépenses des établissements médico-sociaux financés par l'assurance maladie. Quant au projet de loi de finances, il tend à encadrer les dépenses des établissements sociaux et médico-sociaux financés par l'Etat.
Dès lors, il paraît logique d'encadrer également les dépenses des établissements sociaux et médico-sociaux financés par les départements.
Toutefois, dans la mesure où ces amendements ne concernent pas le budget de l'Etat, ils n'ont manifestement pas leur place dans un projet de loi de finances.
J'invite donc leurs auteurs à les retirer pour les présenter ultérieurement dans un cadre législatif plus adéquat, c'est-à-dire lors de l'examen du prochain texte relatif aux collectivités territoriales.
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, monsieur Mercier, cédez-vous à l'invitation de M. le rapporteur spécial ?
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. Non, monsieur le président.
M. Michel Mercier. Moi non plus, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Je serais tentée de m'en remettre à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s II-44 et II-57.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole contre les amendements.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Bien entendu, ces amendements me paraissent inacceptables, et d'abord parce que je mets en cause le principe même des enveloppes rigides prédéfinies, destinées à réguler comptablement les dépenses du secteur médico-social,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Apologie de la dépense !
Mme Nicole Borvo. ... secteur où les acteurs et services concernés accueillent avec beaucoup d'attention et de qualité les personnes handicapées, les personnes âgées, pour lesquelles on manifeste ici toujours tant de compassion, qu'il me soit tout de même permis de le rappeler.
Par ailleurs, je doute de l'opportunité d'un tel dispositif intervenant avant même la réforme, déjà engagée, de la loi de 1975 et celle de la tarification des structures en question.
Je l'ai dit en intervenant sur l'article 27 du projet de loi de finances et lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, je suis totalement opposée à ce taux directeur, qui a été introduit par l'Assemblée nationale sur l'initiative du Gouvernement.
Il nous a été proposé d'étendre ce dispositif aux établissements sociaux et médico-sociaux financés par l'aide sociale obligatoire de l'Etat. Or, compte tenu notamment du vieillissement de la population, les besoins en la matière sont appelés à augmenter dans les années qui viennent. Dès lors, cette mesure ne permettra pas de préserver l'équilibre entre les besoins des usagers, les impératifs liés à l'activité des structures et les moyens financiers disponibles.
Afin de boucler la boucle, M. Chérioux nous propose maintenant d'appliquer la même mesure aux établissements financés par les départements.
Ainsi, l'ensemble du secteur médico-social, quelle que soit l'origine de son financement, se verra opposer un taux directeur identique à celui qui est applicable, notamment, au secteur hospitalier.
Ce n'est pas ainsi, j'en suis convaincue, que nous parviendrons à moderniser le secteur médico-social. Il serait bien plus sage d'attendre la remise à plat de la loi de 1975.
M. Michel Mercier. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Ces amendements présentent aussi, selon moi, une utilité évidente pour le budget de l'Etat.
Certains prix de journée sont fixés de manière conjointe par le représentant de l'Etat dans le département et par le président du conseil général. Il s'agit notamment de tous les prix de journée relatifs aux établissements accueillant des enfants, qui leur sont confiés par les services judiciaires ou par les services de l'aide sociale à l'enfance.
Si des règles différentes s'appliquent à deux autorités qui doivent fixer le même prix de journée, cela aura, directement ou indirectement, des répercussions sur le budget de l'Etat.
Je pense donc qu'il ne s'agit absolument pas d'un cavalier budgétaire. Ces amendements ont bien une incidence sur le niveau des dépenses de l'Etat.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Si on nous prend par les sentiments ! (Sourires.)
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. M. Mercier et M. Chérioux sont de fins stratèges ! Ils accompagnent par anticipation des dispositions proposées par le Gouvernement, dispositions que nous regrettons et que nous condamnons.
Je crois qu'il y a là une rupture avec la volonté réviser la loi de 1975 et avec l'attente d'une réforme de la tarification pour les établissements accueillant des personnes dépendantes.
Au passage, je tiens à dire que cette réforme est en cours d'élaboration depuis si longtemps qu'on peut sérieusement se demander si elle aboutira un jour. Mais, on peut tout de même espérer qu'elle interviendra dans les prochains mois.
Avec cet amendement, c'est un mauvais coup qui est perpétré au détour de la discussion budgétaire, vers vingt-trois heures trente.
M. Michel Mercier. Vous avez voté le projet de loi de financement de la sécurité sociale !
M. Guy Fischer. Le secteur concerné est tout de même très important : 22 000 associations, 800 000 personnes, 500 000 emplois à temps plein. Tout le monde est prêt à négocier. Mais il faut que cela se fasse sur des bases claires.
M. Michel Mercier représente, ici, non seulement le département du Rhône, mais aussi l'ensemble des conseils généraux...
M. Michel Mercier. Et même tout le pays, comme vous !
M. Guy Fischer. Mais vous êtes tout de même le président de la commission des affaires sociales de l'assemblée des présidents de conseils généraux, mon cher collègue !
Quoi qu'il en soit, ce soir, se prend une décision qui aura des conséquences importantes sur la vie des établissements, c'est évident, mais aussi sur celle des familles.
Nous ne disons pas qu'il ne faut rien faire, mais nous considérons qu'il est inadmissible de procéder comme MM. Chérioux et Mercier nous le proposent : alors qu'une réforme est annoncée et que certains y travaillent déjà, on veut l'encadrer financièrement. Cela, nous ne pouvons l'accepter.
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Chérioux, rapporteur pour avis.
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. M. Fischer me fait un grand honneur en me traitant de fin stratège. En réalité, si cet amendement a été déposé par la commission des affaires sociales, à ma demande, d'ailleurs, c'est parce que nous avons le sens de l'intérêt de l'Etat, le sens de l'intérêt général et aussi le sens de l'intérêt des collectivités publiques qui travaillent avec l'Etat. Nous avons un souci de bonne gestion !
Vous invoquez, monsieur Fischer, le préjudice que subiraient les associations et leur personnel. Je vous renvoie à mon rapport écrit et à l'exposé que j'ai fait à la tribune : je vous ai indiqué qu'un tel taux directeur ne pouvait s'appliquer qu'à la condition que soient revues les conditions dans lesquelles travaillent actuellement les associations, de façon qu'elles ne subissent pas indûment toutes les contraintes qu'elles connaissent, par exemple les normes techniques, certaines mesures prévues par les conventions collectives, etc.
Par conséquent, que l'on ne me dise pas que, au travers de ce taux directeur, nous voulons porter atteinte au milieu associatif, dont nous avons besoin et que nous aiderons toujours.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Guy Fischer. C'est une façon de remettre en cause toutes les conventions collectives !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s II-44 et II-57, repoussés par la commission et pour lesquels le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 83.

Article 84