Séance du 3 décembre 1998







M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant l'aménagement du territoire et l'environnement : II. - Environnement.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Oudin, en remplacement de M. Philippe Adnot, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le temps qui m'est imparti ne me laissera pas le loisir d'analyser en détail les crédits de ce projet de budget. Je me permets de vous renvoyer à l'excellent rapport écrit de notre collègue Philippe Adnot.
Je souhaite consacrer ce propos à certains problèmes de fond que soulève, notamment, la tentative de remise en cause par le Gouvernement de principes essentiels qui régissent, depuis plus de trente ans, toutes les actions publiques en faveur de l'environnement.
Le rapport de Philippe Adnot comporte des développements très pertinents sur les dispositions de l'article 30 et notre rapporteur général, lors de la discussion de la première partie de la loi de finances, a également expliqué les raisons de notre opposition.
Trois faits caractérisent l'évolution initialement prévue de ce budget pour 1999 : en premier lieu, l'incorporation du produit des cinq taxes regroupées au sein de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, qui étaient auparavant affectées directement à l'Agence de l'environnent et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME ; en deuxième lieu, la forte augmentation des prélèvements en question ; en troisième lieu, la progression, de toute façon très forte, des crédits hors TGAP.
Je citerai simplement quelques chiffres.
La TGAP comprise, le budget de l'environnement devrait plus que doubler, passant de 1,9 milliard de francs à 3,9 milliards de francs.
Si les recettes des cinq taxes fusionnées étaient restées à leur niveau de 1998, le montant des crédits serait non pas de 3,9 milliards de francs, mais de 3,3 milliards de francs et le taux de progression s'élèverait à 73,7 % au lieu de 107,8 %. Il y a longtemps qu'on n'avait pas connu un tel taux de progression.
Enfin, hors TGAP - on sait que cette taxe a été supprimée par le Sénat - l'augmentation du budget demeure très forte : elle avoisine 15 %, soit un rythme sept fois plus rapide que celui de l'accroissement moyen des dépenses de l'Etat. Faut-il s'en réjouir ? On pourrait être tenté de le faire.
Je vous rappelle, madame le ministre, que nous sommes tous, ici, très attachés à la protection et à l'amélioration de l'environnement, mais nous sommes également très soucieux de la rigueur budgétaire. En fait, ce qui est en cause c'est, au-delà des mécanismes financiers, une certaine conception de la politique de l'environnement et de sa mise en oeuvre.
La préservation ou la reconquête des espaces naturels et urbains est une préoccupation nationale, certes, mais qui doit se traduire essentiellement par des actions locales.
Les élus locaux que nous sommes, ici au Sénat, Grand conseil des communes de France, sont donc autant, si ce n'est plus, concernés que les quelques intégristes de l'environnement qui prétendent nous imposer leurs objectifs de façon arbitraire, soit au niveau national, soit - mieux - en passant par l'échelon européen.
Il n'y a pas de politique de l'environnement qui tienne sans adhésion des collectivités territoriales et, bien entendu, du Parlement. Cette politique doit demeurer décentralisée, contractuelle et partenariale et continuer à se fonder sur le principe suivant : une pollution, une ressource, une affectation, un organisme et, bien entendu, une politique ciblée et contrôlée.
Alors, pourquoi sommes-nous mécontents ?
Tout d'abord, mon collègue Philippe Adnot rappelle, dans son rapport écrit, que le ministère de l'environnement ne saurait échapper à l'effort de maîtrise des finances publiques qui s'impose à l'Etat. Il s'oppose, en particulier, aux renforcements d'effectifs prévus, non pour nier les besoins en cause, mais parce qu'il aurait voulu qu'il y soit pourvu par des transferts ou des redéploiements, plutôt que par des créations nettes d'emploi. Il tient à ce que le ministère de l'environnement demeure une administration de mission.
Il conteste également l'opportunité de la relance prévue des économies d'énergie et des énergies renouvelables, qui constitue la mesure nouvelle la plus importante de ce budget. Il en conteste non pas le principe, mais les modalités et peut-être aussi la préparation.
Mais, ce qui est beaucoup plus grave, c'est la remise en cause de l'un des principes fondateurs de la politique de l'environnement définie par le législateur et appliquée depuis trente ans.
L'opposition de la commission des finances à la TGAP a été longuement expliquée, me semble-t-il, dans la nuit du 25 novembre dernier : rupture du lien voulu par le Parlement, au travers de nombreuses lois successives, entre le pollueur et le payeur ; perte d'efficacité liée à la suppression de l'affectation des recettes à des organismes et à des objectifs précis ; mise en route d'une machine à taxer la TGAP ; enfin, menaces liées à l'intégration des ressources de l'ADEME dans le budget de l'Etat.
Le principe de la TGAP était d'affecter quelques milliards de francs supplémentaires au budget de l'Etat, dont nous connaissons le déficit : 236 milliards de francs. Nous sommes à peu près certains que les crédits qui seront prélevés ne seront pas consacrés intégralement à l'environnement. Cela a été l'un des motifs de l'opposition du Sénat à cette nouvelle mesure.
Ces ressources risquent, en effet, d'être détournées de leur objet, en dépit des garanties que le Gouvernement nous présente : loi de programmation, compte spécial du Trésor, contrat de plan. Nous avons déjà vécu des expériences malheureuses et nous connaissons la fragilité des engagements de l'Etat : les lois de programmation ne sont pas réalisées ; le compte spécial du Trésor n'offre aucune garantie ; les contrats de plan sont retardés, voire non respectés.
Il y a ensuite l'application du principe du deuxième dividende, que je considère comme une curiosité intellectuelle - pour employer une expression modérée - destinée à utiliser pour d'autres objectifs des ressources prélevées pour des actions bien précises. Ces risques ne sont pas imaginaires.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Une taxe sur la taxe ! M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Cette année, il était d'ores et déjà prévu qu'une augmentation de la taxe sur les déchets ménagers finance la nouvelle politique de l'énergie, qui devait comporter des mesures en faveur des ménages les plus démunis. On voit qu'il y a là une certaine imprécision dans la démarche. La majorité des taxes comprises dans la TGAP était, de surcroît, massivement augmentée.
Enfin, par-delà la mise à mal du système de l'ADEME, c'était toute la politique de l'eau qui était visée par les projets d'intégration, dans l'assiette de la taxe des redevances des agences - il est vrai que c'était tentant : 11 milliards de francs ! - en attendant d'autres prélèvements - taxe sur les granulats, écotaxe, etc. - toute activité humaine étant, par nature, polluante.
La TGAP constitue un gisement fiscal rêvé, un filon prometteur. Bien entendu, nous ne pouvions qu'y être opposés.
La technique utilisée permet, enfin, de diminuer de façon importante le contrôle du Parlement, car l'affectation du produit de la TGAP à l'ADEME serait globale et la loi organique - vous le savez, madame le ministre - n'autorise ni les députés ni les sénateurs à en préciser la répartition.
Pour en revenir aux agences de l'eau, je ne suis pas hostile, madame la ministre, à ce que soient reconsidérés certaines de leurs modalités d'action ou le calcul des redevances, à condition qu'elles soient maintenues dans leur rôle et qu'elles puissent disposer des ressources nécessaires à la poursuite de leurs actions.
Le 20 octobre dernier, une réunion importante a eu lieu au Sénat, où toute la communauté nationale de l'eau était présente. Celle-ci s'est prononcée, à la quasi-unanimité, en faveur des trois piliers du système actuel de la politique de l'eau : la gestion par bassin, la concertation au niveau local et l'autofinancement, c'est-à-dire l'affectation des ressources prélevées aux actions qui sont directement liées à la politique de l'eau.
Dans un rapport du Commissariat général du Plan, il a été estimé que les agences sont un lieu quasi idéal de concertation et qu'elles « ont fait la preuve de leur capacité à associer les collectivités territoriales, les industriels et peut-être bientôt le agriculteurs à la politique de l'eau ».
La concertation locale au sein des commissions locales de l'eau, associées à l'élaboration et à la mise en oeuvre des schémas d'aménagement et de gestion des eaux, les SAGE, est, notamment à cet égard, tout à fait exemplaire.
Or, ce partenariat, à nos yeux fondamental pour la politique de l'environnement, me semble actuellement menacé dans d'autres domaines, en ce qui concerne la parité au sein des commissions locales, entre les représentants de l'Etat et ceux des collectivités territoriales.
J'en donnerai deux exemples récents.
Premier exemple : dans une réponse à un courrier que je vous avais adressé, vous m'avez annoncé, madame la ministre, une réforme prochaine des conseils départementaux de l'environnement que vous m'avez dit juger peu utiles. Or, ces conseils présentent la particularité, qui, je l'espère, sera maintenue, de pouvoir être présidés non seulement par les préfets, mais aussi par les présidents de conseil général, lorsque le sujet de la délibération concerne une compétence départementale. Cette innovation avait été voulue, à l'époque, par le Parlement. Vous estimez que ce système n'est pas satisfaisant ; ce n'est pas notre avis.
Le deuxième exemple, c'est le changement de la composition des commissions départementales des sites, perspectives et paysages.
Récemment, le Conseil constitutionnel a estimé que la détermination de cette composition relevait du domaine réglementaire. Cela a permis qu'un décret du 23 septembre 1998 vienne modifier l'article 22 de la loi Barnier du 8 janvier 1993, de sorte que la composition de ces commissions n'est plus paritaire. Certes, le mot « paritaire » ne figurait pas dans l'article 22 de ladite loi, mais la composition prévue par ce texte était paritaire et comprenait pour moitié des représentants des collectivités territoriales et pour l'autre moitié des représentants de l'administration, des associations ainsi que des personnes qualifiées.
Actuellement, compte tenu de la nouvelle composition, six élus locaux se retrouvent face à six représentants de l'Etat, à six personnes qualifiées nommées par le préfet. Mais comme il existe quatre formations, au sein de chacune d'elle, il y a cinq autres personnalités elle aussi désignées par le préfet. En définitive, mes chers collègues, la composition de cette composition, qui était paritaire aux termes du vote du Parlement, est désormais la suivante : six élus face aux dix-sept personnes qualifiées ou représentants de l'administration et des associations. Ce n'est plus la parité. C'est peut-être tout de même un progrès car, alors que dans l'ancienne composition, nous étions quatre élus face à dix-sept, nous sommes désormais six contre dix-sept.
Cet abandon du principe de la parité, que l'on retrouve dans les commissions locales de l'eau - loi de 1992 - et qui constituait une avancée considérable, traduit une dérive qui me paraît dangereuse.
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Je puis vous assurer que le Sénat sera vigilant à cet égard, car la décentralisation de la politique de l'environnement est un point essentiel et une bonne garantie de son efficacité.
J'en viens à des remarques plus ponctuelles, mais faites dans le même esprit.
En ce qui concerne le réseau Natura 2000, prévu par la directive européenne « Habitats », je m'étonne que l'on soit en train de procéder à la délimitation du périmètre des sites et des zones concernés sans qu'aient été définies préalablement les contraintes correspondantes et les possibilités de développement économique autorisées. Tous les élus vous l'on dit, madame le ministre, et leurs doléances sur ce point ont sans doute été très nombreuses à remonter jusqu'à vous.
S'agissant du littoral, je déplore que le rapport annuel relatif à l'application de la loi du 3 janvier 1986, prévu par son article 41, ne soit pas encore publié, plus de douze ans après, en dépit des engagements pris par le Gouvernement, et notamment par vous-même, madame le ministre, dans cette enceinte, voilà quelques mois.
Enfin, il conviendrait, s'agissant toujours du littoral, d'éviter l'empilement de règlements qui deviennent d'une étonnante complexité et constituent finalement une entrave à l'application des lois relatives aux espaces protégés. Les contentieux se multiplient à l'excès. Or, dans un Etat de droit, les textes en vigueur se doivent d'être, autant que possible, clairs et compréhensibles par tous.
La commission des finances n'est pas opposée à une fiscalité dite « écologique » qui soit raisonnable, bien étudiée, ciblée et pertinente.
J'ai moi-même, voilà quelques jours, fait voter ici même un amendement sur la première partie du projet de loi de finances et dont le coût est modeste. Il s'agit d'inciter les propriétaires d'anciens marais salants à donner ces derniers en location à de jeunes professionnels qui remettent en pratique la culture du sel. La mesure proposée prévoit une exonération de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, de façon à restaurer ainsi l'écologie de ces milieux humides fragiles. Je souhaite, madame la ministre, que vous puissiez défendre cette disposition, à laquelle votre collègue des finances était totalement opposé.
En définitive, nous considérons que votre copie financière est globalement à revoir. C'est pour cela que nous avons supprimé la TGAP, qui nous semblait aller à l'encontre de l'efficacité de la politique de l'environnement, de la conception que nous en avons et de la modération fiscale.
La progression des dépenses, hors TGAP, nous a paru également exagérée, dans le contexte actuel, même si, nous le reconnaissons, il est nécessaire que la politique de l'environnement aille de l'avant.
Mes chers collègues, nous vous proposons d'adopter le présent projet de budget modifié par les amendements que nous vous soumettrons à la fin de ce débat.
Nous demandons à nouveau que la politique de l'environnement menée dans notre pays soit débattue au Parlement et ne résulte pas uniquement de décrets, qu'elle soit concertée, partenariale, et qu'elle puisse répondre aux exigences, certes, de l'environnement, mais aussi des activités économiques qui doivent être exercées dans un milieu protégé et dynamique. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Bizet, rapporteur pour avis.
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour 1999, le budget de l'environnement s'élève à 3,95 milliards de francs, soit une progression de 110 % par rapport à 1998. Cela résulte, à périmètre constant, d'une augmentation de 15,6 % du budget de l'environnement et, surtout, de la mise en place de la taxe générale sur les activités polluantes.
J'articulerai mon intervention, madame la ministre, autour de cinq observations, à propos des choix budgétaires que vous avez faits.
Vous avez ainsi décidé un accroissement sensible des effectifs du ministère et des établissements sous tutelle, ainsi qu'une forte augmentation des subventions aux associations de défense de l'environnement.
Il s'agit, d'abord, de renforcer les moyens des directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement et des directions régionales de l'environnement par la création de cent quarante emplois. C'était, sans doute, une mesure nécessaire, notamment en ce qui concerne l'inspection des installations classées, étant donné leur faiblesse ; par ces temps d'austérité budgétaire, on aurait cependant pu espérer que ce renforcement de moyens se fasse par redéploiement à partir des directions de l'agriculture, de l'équipement et de l'industrie.
S'agissant des associations, ensuite, les crédits qui leur sont affectés progressent encore fortement, pour atteindre 34 millions de francs.
A leur sujet, je voudrais, madame la ministre, attirer votre attention sur le manque de transparence qui caractérise encore nombre d'associations de défense de l'environnement, en ce qui concerne tant leur « raison sociale » que leurs moyens de fonctionnement. Je voudrais aussi déplorer que l'on puisse, à certains moments, avoir le sentiment d'une certaine confusion entre les objectifs défendus par vos services et les objectifs de ces associations, alors même que votre ministère doit, sauf à risquer de perdre en crédibilité, défendre, en toute occasion, l'intérêt général.
Le lobbying associatif que vous financez et entretenez, sous couvert de faire accomplir par des associations écologistes des actions d'intérêt général relevant de la compétence de l'Etat, est de plus en plus mal ressenti par les élus locaux,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Alain Vasselle. C'est vrai ! Fâcheuse habitude !
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis. ... et ce, je me permets de vous le dire, madame la ministre, quelle que soit la sensibilité même de ces élus. Loin de servir la cause de l'environnement, il est perçu comme une entrave à tout développement ou création de richesses locales.
Ma deuxième observation concerne la protection de la nature, dont les crédits progressent de 19 % et qui bénéficie de la création du fonds de gestion des milieux naturels pour permettre une meilleure lisibilité dans l'affectation des crédits budgétaires. L'essentiel des mesures nouvelles de ce fonds, soit 66 millions de francs, sera affecté à la mise en oeuvre du réseau Natura 2000. On peut toutefois regretter que rien ne soit encore formalisé s'agissant des cahiers des charges qui s'imposeront dans les zones Natura 2000, de la définition du principe de perturbation et des compensations qui seront définies pour les propriétaires et gestionnaires concernés.
M. Alain Vasselle. Eh oui !
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis. Quelles sont vos intentions sur la transmission à Bruxelles d'éventuelles nouvelles propositions de sites ? Où en est la concertation sur votre avant-projet de loi visant à transposer en droit français la directive Habitats naturels ? Il est bien regrettable que vous n'ayez pas saisi, sur ce sujet, l'occasion qui s'est présentée en juin dernier, lorsque le Sénat a adopté, sur le rapport de notre collègue M. Jean-François Le Grand, la proposition de loi relative à la mise en oeuvre de Natura 2000. Vous auriez gagné du temps en acceptant d'en discuter devant la représentation nationale et en présentant vos propres propositions.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Très bien !
M. Alain Vasselle. Il faut écouter le Sénat !
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis. Troisièmement, dans votre projet de budget pour 1999, s'agissant du financement de la politique de l'eau, vous instaurez un second fonds de concours à la charge des agences de l'eau, à hauteur de 140 millions de francs, pour contribuer notamment au financement de la police de l'eau exercée par l'Etat et au renforcement des moyens des gardes-pêche du Conseil supérieur de la pêche.
A l'évidence, l'instauration de ce fonds de concours constitue une atteinte au principe d'autonomie de gestion des organismes de bassin pour financer une compétence régalienne de l'Etat. En 1996, lors de l'instauration d'un premier fonds de concours pour financer des missions communes aux agences, la commission des affaires économiques s'était également déclarée très hostile au procédé.
Enfin, ma dernière observation concerne la mise en place de la TGAP et votre projet d'y inclure à terme tout ou partie des redevances des agences de bassin.
De manière générale, je pense que la TGAP constitue un formidable outil pour faire rentrer la manne fiscale « soi-disant » de façon indolore et que la protection de l'environnement a tout à perdre s'agissant de la dilution de ses ressources dans l'immensité du budget de l'Etat.
Chacun d'entre nous, madame la ministre, est particulièrement conscient que la TGAP évoluera à très court terme vers un concept précis, à savoir constituer une variable d'ajustement idéale pour corriger la dérive financière de l'Etat.
M. Alain Vasselle. C'est vrai !
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis. En ce qui concerne les agences de bassin, aux termes de vos dernières propositions, vous envisagez de prélever une partie seulement des redevances existantes pour les intégrer dans la TGAP, mais également d'en créer de nouvelles. En définitive, il en résultera un alourdissement de la fiscalité pesant sur les acteurs économiques et les consommateurs ; pour les agences de bassin, cela se traduira par des négociations ardues - peut-être à recommencer chaque année - pour définir la part des redevances qui leur reviendra. Le risque est grand de voir progressivement diminuer les ressources des agences, alors même que leurs raisons d'intervenir sont encore très importantes, ne serait-ce que dans le seul domaine de l'assainissement. Comment feront les petites communes, en zone rurale, pour boucler le financement de leur système d'assainissement si le montant des subventions versées par les agences doit être revu à la baisse ?
M. Alain Vasselle. C'est l'évidence !
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis. Par ailleurs, votre référence à la théorie du double dividende pour justifier le financement de politiques générales relevant du ministère de l'environnement par un prélèvement sur les redevances des agences laisse supposer que, à terme, pour être efficace, ce prélèvement augmentera de façon substantielle, générant un alourdissement de la fiscalité.
Vous voulez également dissuader certains comportements polluants en créant de nouvelles taxes, notamment sur l'utilisation des engrais et des pesticides, intégrées dans la TGAP, et non gérées par les agences. Avez-vous, madame la ministre, réellement pris la mesure de l'impact économique de ce nouvel impôt sur l'activité agricole ? Puisque cette taxe sera déconnectée du coût des travaux de dépollution, comment seront calculées les aides dont pourront bénéficier les agriculteurs pour polluer moins ? Qui financera ces travaux si les agences voient progressivement leurs ressources diminuer ? Je doute en fait que l'Etat puisse assumer seul, et sur le long terme, cette fonction.
Ces nouvelles propositions, vous le voyez, ne me rassurent pas et elles sont beaucoup trop complexes pour ne pas nuire à l'efficacité d'un système de gestion de l'eau auquel les collectivités locales, les entreprises et les ménages sont particulièrement attachés.
Pourquoi ne pas reprendre, dans un vrai climat de concertation, les propositions qui avaient fait l'objet de votre communication en conseil des ministres le 20 mai dernier et à partir desquelles ce système de gestion décentralisé et autonome pourrait être très valablement amélioré ?
En conséquence, et malgré certaines orientations positives relevées dans votre projet de budget, madame la ministre, la commission des affaires économiques a émis un avis négatif en ce qui concerne l'adoption des crédits de l'environnement proposés pour 1999. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Dupont, rapporteur pour avis.
M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur l'analyse détaillée des crédits du ministère de l'environnement à laquelle ont excellemment procédé MM. Jacques Oudin et Jean Bizet, au nom des commissions des finances et des affaires économiques.
Je me limiterai à un commentaire sur l'évolution générale des crédits du ministère de l'environnement, avant de présenter les réflexions que m'inspire la politique de protection de la nature telle qu'elle se traduit dans le projet de loi de finances.
Tout d'abord, je tiens à approuver le rejet de l'article 30 du projet de loi de finances instaurant la taxe générale sur les activités polluantes. La mise en place d'une « fiscalité écologique », dont l'inspiration et les contours demeuraient imprécis et dont les inconvénients potentiels soulevaient de graves interrogations, me semblait devoir faire l'objet d'un débat plus approfondi, permettant l'expression de la représentation nationale.
Hors subventions destinées à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, le budget de l'environnement progressera, en 1999, de 14,8 % pour atteindre 2 180 millions de francs en dépenses ordinaires et en crédits de paiement. Il s'agit là d'une progression substantielle, puisqu'elle est plus de sept fois supérieure à celle du budget global de l'Etat.
Mon objectif n'est pas, bien évidemment, de critiquer l'augmentation en tant que telle des crédits de l'environnement ; mais les orientations budgétaires que vous avez définies, madame la ministre, soulèvent de nombreuses questions.
Je m'interroge en premier lieu sur la transformation annoncée du ministère de l'environnement en « ministère de plein exercice », voire en « ministère régalien », pour reprendre vos propres termes.
Cette évolution est-elle souhaitable ?
J'observe à cet égard que le développement rapide des moyens propres du ministère n'apparaît guère opportun, à un moment où l'on doit s'efforcer de limiter la croissance des dépenses publiques. Ne risque-t-il pas, en outre, de dissuader les autres ministères de progresser dans la prise en compte des préoccupations en matière d'environnement et de développement durable, ces ministères se déchargeant de leurs responsabilités en la matière grâce à un « ministère de l'environnement qui deviendrait leur alibi » ?
J'en arrive aux crédits consacrés à la protection de la nature.
L'augmentation des dépenses de fonctionnement est particulièrement importante : elles s'élèveront à 341,5 millions de francs, ce qui représente une progression de 42 % par rapport à 1998. L'augmentation de 2,6 % des crédits de paiement est plus modérée ; les autorisations de programme atteignent cependant 364,5 millions de francs, soit une hausse substantielle de 11 %.
Je salue cette forte augmentation des moyens destinés à la protection de la nature qui rétablit une certaine cohérence entre la progression des espaces protégés et celle des ressources correspondantes. Cette cohérence constitue un progrès par rapport à 1998, année au cours de laquelle l'évolution des moyens était manifestement insuffisante pour faire face à celle des besoins.
En 1999, le nombre d'espaces protégés s'accroîtra de manière notable. Les parcs marins de Corse et de la mer d'Iroise ainsi que le parc de la forêt guyanaise s'ajouteront aux sept parcs nationaux existants. La politique des réserves naturelles sera poursuivie à un rythme accéléré : l'instruction de projets concernant la création de trente-trois nouvelles réserves est en cours.
Enfin, la mise en oeuvre du Fonds de gestion des milieux naturels permettra de renforcer la politique de préservation des milieux gérés de façon contractuelle. Outre le financement des parcs naturels régionaux, des conservatoires régionaux d'espaces naturels et des mesures de protection de la faune et de la flore, ce fonds assurera la mise en oeuvre du réseau Natura 2000.
Si l'on prend en compte les 151 nouvelles propositions de sites transmises par MM. les préfets en juin dernier, le réseau Natura 2000 devrait regrouper 1,6 million d'hectares, ce qui représente 2,8 % du territoire national.
Il me semblerait plus opportun à ce titre que l'approfondissement des réalisations dans les espaces protégés soit préféré à une extension de leur nombre, mal maîtrisée en termes budgétaires. Vous avez déclaré, madame la ministre, que les crédits destinés à la mise en oeuvre du réseau Natura 2000 devraient augmenter dans les années à venir, sans nous préciser d'ailleurs l'ampleur de cette montée en charge. Quelles seront les incidences budgétaires réelles du réseau Natura 2000 ? Répondront-elles à l'attente de ceux qui les subiront ?
La mesure nouvelle de 66 millions de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement prévue par le projet de loi de finances pour 1999 apparaît très insuffisante au regard du nombre d'hectares déjà éligibles au réseau Natura 2000 : elle représente 73 francs par hectare.
De manière plus générale, je me demande parfois si la multiplication des zones protégées et la juxtaposition de régimes de protection spécifiques ne doivent pas faire l'objet d'une réflexion approfondie.
A trop vouloir attacher d'importance aux espaces protégés, n'y-a-t-il pas un risque de négliger les portions du territoire ne faisant l'objet d'aucune protection ? Pour prévenir ce risque, il est essentiel de chercher à convaincre tous les agents économiques de la nécessité de prendre en compte, sur l'ensemble du territoire, les exigences de protection de la nature. Votre action doit également y contribuer.
Dans cette perspective, j'attire votre attention, madame la ministre, sur le bilan des actions menées en matière d'enfouissement des réseaux électrique et téléphonique, bilan auquel, cette année, j'ai consacré mon rapport écrit.
La mise en souterrain des lignes nouvelles est encadrée par des obligations légales ou conventionnelles adaptées.
Cependant, nous avons pu remarquer que l'effacement des réseaux existants se heurte à de nombreux obstacles. Il semble aujourd'hui difficile d'accélérer la mise en oeuvre d'une politique globale d'enfouissement car la marge de manoeuvre financière tant des opérateurs, soumis à une concurrence accrue du fait de la dérégulation, que des collectivités locales n'est pas à la hauteur des coûts considérables des travaux d'effacement.
Par ailleurs, la multiplication des pylônes nécessaires aux réseaux de téléphonie mobile a un impact majeur sur les paysages alors que les prescriptions environnementales, prévues par la loi du 26 juillet 1996, de réglementation des télécommunications ne s'imposeront pas avant dix ou quinze ans aux opérateurs. Il sera alors sans doute trop tard pour empêcher la prolifération d'antennes de téléphonie mobile et l'implantation désordonnée de ces dernières.
J'aimerais savoir, madame la ministre, si vous comptez mettre en oeuvre des instruments nouveaux dans ces domaines, afin de soutenir l'action des collectivités territoriales, par exemple, ou de pallier l'inadaptation du cadre législatif s'imposant aux opérateurs de téléphonie mobile.
Il me semble, et ce sera ma conclusion, que le développement des mesures préservant les espaces naturels et les sites remarquables ne doit pas être mené en oubliant la protection des paysages de droit commun qui constituent l'essentiel de notre cadre de vie.
Compte tenu des interrogations que soulèvent pour l'avenir le projet de budget du ministère de l'environnement, la commission des affaires culturelles a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat en ce qui concerne l'adoption ou le rejet des crédits de l'environnement pour 1999.
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 36 minutes ;
Groupe socialiste, 21 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 16 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 12 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 16 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, les interventions des différents rapporteurs sur ce projet de budget ont été tout à fait pertinentes, et je n'y reviendrai pas, sauf peut-être s'agissant de la TGAP.
En ce qui me concerne, je voudrais appeler votre attention sur quatre points, madame le ministre : le traitement des ordures ménagères, l'eau et l'assainissement, les marnières et les carrières, et enfin la chasse. Si ces thèmes peuvent vous paraître un peu marginaux au regard du budget de votre ministère, ils constituent cependant des sujets récurrents qui préoccupent l'ensemble des élus locaux et la population française.
Le premier point que j'aborderai concerne les ordures ménagères. Je vous ferai à cet égard un compliment, madame le ministre, à propos de la circulaire que vous avez prise dans le courant de cette année et qui avait pour objet de faire valoir qu'il était préférable de trier les déchets plutôt que de se lancer dans le « tout-incinération ». Voilà au moins un point positif de votre action gouvernementale !
Il est vrai que, quels que soient les gouvernements qui se sont succédé, nous avions tous, ici, dénoncé la loi de 1992, qui tendait à préconiser le « tout-incinération », dont l'application se traduisait ou se serait traduite par des coûts extrêmement importants pour l'ensemble des usagers, puisque les chiffres qui nous avaient été communiqués démontraient que le coût serait sans doute d'environ 500 francs par habitant et par an. Pour une famille de cinq ou six enfants, cela aurait représenté une somme très largement supérieure au montant de la taxe d'habitation !
Mais, madame le ministre, vous avez décidé, par voie de circulaire, d'orienter vers le tri l'action en matière de traitement des déchets. Nous nous en félicitons, et je me réjouis également que l'action conjuguée du Gouvernement et de l'Association des maires de France ait amené Eco-emballage à revoir son barème à la hausse pour la troisième fois consécutive.
Voilà une décision positive que le Sénat avait appelée de ses voeux à plusieurs reprises, par la voix d'orateurs de sensibilités politiques diverses, et qui va permettre - je l'espère tout au moins - de parvenir à un coût du tri se rapprochant de zéro.
Il fallait donner un caractère incitatif à cette action afin de mobiliser nos concitoyens, dans un esprit de civisme, à mieux trier leurs déchets ménagers pour que le solde des déchets relevant du centre d'enfouissement technique ou de l'incinération soit réduit au strict minimum.
Reste, madame le ministre, un problème majeur dans nos départements, en tout cas dans le département de l'Oise, qui se trouve aujourd'hui dans une situation quasi inextricable.
Il est bien évident qu'il s'écoulera deux, trois ou quatre ans avant la construction d'une usine d'incinération. En effet, un investissement de 400 millions de francs à 500 millions de francs ne se fait pas en deux jours ni même en deux années !
Or, les préfets ayant cloisonné les différents départements à cet égard, les déchets ne peuvent être transportés d'un département à l'autre. Il s'ensuit actuellement, compte tenu de la rareté des centres d'enfouissement technique, une situation de quasi-monopole des entreprises assurant le traitement des déchets, et donc une dérive des prix pratiqués au niveau du traitement.
Ainsi, la partie ouest du département de l'Oise, dans laquelle j'anime un syndicat mixte, n'a plus sur son territoire, aujourd'hui, qu'un seul centre d'enfouissement technique. Or, le projet d'incinération, s'il devait être réalisé, ne pourrait voir le jour avant trois ou quatre ans. Arrivant en fin de contrat, nous allons donc subir une hausse inévitable des coûts qui dépendra uniquement du comportement de cette entreprise, alors même que le schéma départemental n'a pas prévu la possibilité de créer de nouveaux sites.
Il est donc urgent, madame le ministre, que des instructions soient données aux différents préfets de manière que les conditions de la concurrence soient rétablies en matière de centres d'enfouissement technique.
Le deuxième point sur lequel je souhaite attirer votre attention concerne l'article 21 du projet de loi de finances, qui tend à ramener le taux de TVA à 5,5 % pour les emballages.
Je m'en félicite, tout en regrettant que les papiers journaux et les magazines, qui ne sont bien évidemment pas des emballages, ne puissent bénéficier du taux de TVA réduit à 5,5 % et continuent à supporter le taux de 20,6 %.
Actuellement, une distinction est faite par les collectivités locales assurant le tri des déchets ménagers entre les corps creux et les corps plats, ces derniers comprenant à la fois les magazines, les journaux et les emballages en carton.
Compte tenu du fait que les papiers et journaux représentent 25 % du tonnage des déchets triés et permettent une valorisation économique des déchets extrêmement importante qui contribue à l'équilibre du budget de la collecte et du traitement des déchets ménagers, les collectivités vont donc devoir demander à nos concitoyens d'opérer un tri supplémentaire, ce qui engendrera un accroissement de charge dans la mesure où il faudra prévoir un conteneur de plus. Il aurait donc été heureux, madame le ministre, que la bonne disposition que vous avez prise pour les emballages, à savoir la fixation du taux de la TVA à 5,5 %, s'applique également aux papiers journaux et aux magazines, bien sûr, mais encore aux journaux gratuits et aux prospectus de toutes sortes des grandes surfaces ou d'un certain nombre d'entreprises commerciales, qui envahissent nos boîtes aux lettres avant de souiller notre sol.
La progression de la taxe ADEME va encore alourdir le coût du service, qui est déjà beaucoup trop important. A cet égard, pouvez-vous nous dire - j'ai posé la même question à d'autres ministres avant vous - quelles dispositions financières le Gouvernement est prêt à mettre en oeuvre pour aider les collectivités à financer les grosses infrastructures de traitement des déchets, notamment les usines d'incinération ?
En effet, augmenter la taxe ADEME, c'est bien, mais encore faudrait-il que cette taxe permette d'alléger d'autant le coût des investissements supportés par les collectivités en matière de traitement des déchets. Or, on sait que les concours de l'ADEME restent très limités au regard de l'importance de ces investissements.
J'avais demandé, il y a quelque temps, que les collectivités puissent bénéficier de prêts à long terme sur trente ou quarante ans. En effet, la Caisse des dépôts et le Crédit local de France nous font des offres relativement limitées et à des taux encore élevés au regard des taux pratiqués sur le marché aujourd'hui. Quelles sont vos intentions et celles de M. le ministre des finances sur ce point, madame la ministre ?
S'agissant de l'eau et de l'assainissement, je rejoins les observations faites par ceux qui se sont succédé à cette tribune, notamment par les rapporteurs, concernant la TGAP. La préoccupation majeure des élus est de voir que cette taxe va venir alimenter le budget de l'Etat sans qu'ils aient la moindre assurance d'un retour pour soutenir les actions qu'ils mènent afin de limiter les actions polluantes. Qu'en sera-t-il, notamment, au regard de l'assainissement, et plus particulièrement en faveur des communes rurales, comme l'a demandé à juste raison M. Bizet ?
Aujourd'hui, la situation est telle qu'une commune rurale qui veut se lancer dans l'assainissement collectif, voire individuel, doit fixer le prix du mètre cube d'eau entre 30 francs et 40 francs. C'est totalement dissuasif. A ce prix, la capacité contributive des ménages risque d'être atteinte ; les ménages ne pourront plus payer ; les taux d'impayés seront relativement importants, d'autant qu'au prix de l'eau s'ajoutent celui des ordures ménagères mais également le poids des impôts locaux, qui ne cessent, malheureusement, d'augmenter compte tenu des charges qui incombent aux collectivités locales.
Quels concours pouvez-vous assurer aux collectivités, sur les recettes de la TGAP, pour continuer à mener une politique dynamique, et notamment aux communes rurales pour financer des réseaux qui coûtent extrêmement cher ?
Car c'est bien là un autre problème auquel sont confrontées nos collectivités que celui du nécessaire renforcement des réseaux d'eau dans les années à venir ! Les réseaux d'eau datent, pour la plupart, des années trente ou quarante, et nombre de communes rurales sont, de ce fait, confrontées au problème de la sécurité incendie. Certes, cette question n'est pas directement de votre ressort, madame le ministre, mais il est bien évident que, pour que les communes rurales puissent continuer à connaître un développement de leur urbanisation, elles doivent assurer leur sécurité incendie. Aujourd'hui, elles ne peuvent pas répondre aux normes que leur imposent les services départementaux.
Autre sujet : êtes-vous disposée à faire une différence de traitement entre les marnières, à vocation purement agricole, et les carrières, qui ont une vocation uniquement industrielle ?
Ma dernière question portera sur la chasse. Le Conseil d'Etat a annulé, le 3 juillet dernier, le décret du 6 novembre 1995 définissant le statut des gardes, ce qui a entraîné la suppression de la base juridique régissant les relations entre les fédérations et l'Office national de la chasse.
Vous préparez un nouveau décret qui semble faire l'impasse sur l'affectation et le financement des gardes et les relations fédérations-ONC.
Vous avez créé un groupe de travail ; l'Union des fédérations a formulé des propositions. Entendez-vous y donner une suite favorable ?
M. le président. La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, du fait de la brièveté du temps imparti à notre groupe pour examiner les crédits de l'environnement, j'aborderai les aspects de ce budget que je juge essentiels et ceux auxquels je suis plus particulièrement sensible.
Les modifications introduites par la majorité sénatoriale en première partie de la loi de finances ont quelque peu modifié la structure du projet de budget qui nous est soumis.
Avec une progression de 15 % de ses crédits, madame la ministre, avant les amendements de notre Haute Assemblée, le projet de budget de votre ministère connaissait une progression que nous réclamions de longue date.
Cette augmentation des crédits de 270 millions s'accompagne de la création de la taxe générale sur les activités polluantes, et grandes sont les craintes à l'égard de cette taxe.
En effet, cette taxe unique, collectée par le ministère de l'économie et des finances, ne constitue-t-elle pas, à terme, un risque pour les crédits et les actions de l'ADEME, voire pour les agences de bassin dans le secteur de l'eau ?
En Bretagne, pour citer une région que je connais bien, la dépollution des cours d'eau, le désenvasement des plans d'eau, les politiques d'aménagement des fonds de vallées lancées par les collectivités locales, bref, le préventif et le curatif vont exiger des sommes colossales qui nécessiteront bien sûr l'intervention de l'Agence de bassin Bretagne-Loire.
Au regard des liens évidents entre agriculture et mesures environnementales, n'est-il pas nécessaire de coordonner davantage vos actions et celle du ministère de l'agriculture ? Il me semble urgent, à ce propos, de porter haut et fort les propositions suivantes.
Premièrement, la promotion d'une autre politique agricole et l'encouragement de pratiques agricoles comme celle du Centre d'études pour un développement agricole plus autonome, le CEDAPA, en Côtes-d'Armor, qui prouvent chaque jour qu'il est possible de produire mieux en polluant beaucoup moins, en travaillant moins et en dégageant des bénéfices comparables à ceux des exploitations de type productiviste.
Deuxièmement, la mise en oeuvre raisonnée de la circulaire Voynet - Le Pensec.
Troisièmement, l'encouragement à une politique offensive et cohérente en matière de reconquête de la qualité des eaux.
A l'examen de ce projet de budget, nous notons positivement la croissance du nombre des emplois environnementaux.
La multiplication des textes relatifs à l'environnement, ces dernières années, et le manque de personnel privaient jusqu'alors les dispositions législatives d'une réelle application. Cet effort devra se poursuivre dans le futur.
La nécessité de faire face, aujourd'hui, et davantage encore demain, aux enjeux environnementaux - qualité de l'air, qualité de l'eau, bruit, travail sur le milieu urbain, transports, préservation des milieux, etc. - appellera, à n'en pas douter, d'autres sources de financement que la stricte reconduction du principe pollueur-payeur ou que le recours, au-delà du possible, aux financements des collectivités territoriales.
Avec 0,30 % du budget civil de l'Etat - nous étions à 0,14 % l'an passé - nous sommes bien en deçà de ce que notre pays devrait consacrer aux dépenses environnementales. A ce titre, madame la ministre, les chiffres que vous avez cités à l'Assemblée nationale concernant la part du budget de l'environnement chez certains de nos partenaires européens sont éloquents, et nous souhaitons que votre opinâtreté vienne en renfort d'un rééquilibrage plus grand encore. D'ores et déjà, il est de grands axes de la politique environnementale pour lesquels nous formons quelques propositions.
Nous sommes attachés de longue date à la renationalisation du secteur de l'eau et nous pensons que la création d'une agence nationale de l'eau, qui aurait à charge, en concertation avec les agences de bassin, la gestion et la préservation de cette ressource, est nécessaire.
La gestion des déchets, qui pèse de manière accrue sur les charges des collectivités locales, appelle, elle aussi, des solutions adaptées, d'autant que l'augmentation de la taxe sur les déchets inquiète nombre d'élus locaux et que la fermeture des décharges à l'horizon 2002 soulève de multiples difficultés dans sa mise en oeuvre.
Il convient de réduire la part toujours trop grande des emballages dans les déchets. A cet effet, l'élargissement de l'assiette de la taxe sur le stockage des déchets aux emballages surdimensionnés et polluants pourrait permettre une réduction de ces derniers.
On associe souvent environnement et ruralité, environnement et nature, etc. Or le développement de notre territoire au cours de ce siècle s'est opéré essentiellement en milieu urbain. C'est vrai non seulement pour notre pays mais aussi à l'échelle mondiale.
C'est pourquoi nous pensons qu'une attention particulière doit être portée au milieu urbain.
De plus, l'émergence de besoins nouveaux en matière environnementale et écologique ne puise-t-elle pas sa source dans les contraintes du milieu urbain ?
Nous pensons qu'il se dégage là des possibilités d'actions transversales en concours avec la politique de la ville et que votre ministère pourrait y prendre une place importante, madame la ministre.
Notre démarche pour le projet de budget de votre ministère est à l'inverse de la démarche de la majorité de notre Haute Assemblée, qui ne raisonne qu'en termes comptables - en réduisant de plus de 178 millions de francs ce budget, au lieu de s'atteler aux besoins de nos compatriotes - et en termes de déficit publics pour subventionner la guerre économique menée contre l'emploi et le progrès.
Il s'agit là d'une visée à très court terme assez peu conforme aux besoins exprimés par nos concitoyens en matière d'environnement, de cadre de vie, de nuisances.
Notre conception de l'environnement s'oppose également à une approche qui consisterait, sous prétexte de préservation, en une sanctuarisation des sites jugés dignes de protection.
A ce propos, il m'apparaît urgent de définir clairement les notions de « perturbation » et de « détérioration » dans les zones Natura 2000, notions qui empoisonnent les bonnes relations souhaitables entre les acteurs de la ruralité et l'Etat.
Madame la ministre, les mesures financières d'accompagnement prévues dans ces zones seront-elles cumulables avec les aides du CTE ?
Enfin, je m'autorise à vous demander ce qu'a entrepris le Gouvernement eu égard aux menaces d'amendes de la Cour de justice des Communautés européennes, à la suite de l'adoption de la loi du 3 juillet 1998 relative aux dates d'ouverture anticipée et de clôture de la chasse aux oiseaux migrateurs. Qui servirait et qui desservirait une telle condamnation ? Je vous laisse le soin de répondre, madame la ministre.
Notre démarche environnementale doit avoir à coeur, selon nous, de concilier préservation et développement humain.
C'est en ce sens qu'il s'agit d'une démarche globale et nécessairement transversale, qui appelle un formidable renforcement des moyens financiers.
Dans ce cadre, les amputations opérées sur le budget de l'environnement ne nous permettront pas d'adopter le budget tel qu'amendé. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Raoult.
M. Paul Raoult. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la politique environnementale a besoin de temps et de moyens ; elle nécessite une action volontaire et durable. La protection et la valorisation de l'environnement demeurent ainsi un vaste et perpétuel chantier.
Le Gouvernement a clairement indiqué, au travers de ce projet de loi de financer pour 1999, sa volonté de lui donner une nouvelle importance, qu'il s'agisse des moyens budgétaires et humains proposés, des innovations fiscales à engager et des orientations nouvelles et interventions programmées.
Le contraste est saisissant avec les années précédentes, où les gouvernements n'ont pas toujours tenu leurs promesses et où il nous est arrivé d'avoir de fortes baisses sur certains chapitres budgétaires.
Aussi, madame le ministre, votre effort devra obligatoirement s'inscrire dans la durée pour être efficace, tant les besoins pour lutter contre les pollutions sont importants, tant les réparations des dégâts causés à l'environnement restent considérables.
Ce projet de budget de l'environnement pour 1999, en hausse significative, témoigne de la nécessité de considérer l'environnement comme l'une des préoccupations majeures de notre société. Il illustre la volonté clairement affichée de la majorité plurielle de réaffirmer une grande ambition politique et ouvre des perspectives nouvelles, notamment par la mise en place d'une fiscalité écologique.
Ce budget pose des bases techniques et financières en faveur d'un développement durable, car il faut bien comprendre que l'environnement se traduit par une demande sociale forte, croissante et légitime. Les attentes sont nombreuses, multiples. Nos concitoyens réclament aujourd'hui un droit légitime à bénéficier pour eux et les générations futures d'un environnement de qualité, protégé, accessible, source à la fois de richesse et d'épanouissement individuel.
Les préoccupations croissantes de nos administrés en matière de pollution de l'air, de l'eau, de consommation abusive d'énergies non renouvelables, d'atteintes irresponsables aux ressources naturelles, au paysage, nécessitent de la part des pouvoirs publics une prise en compte rapide et énergique de ces problèmes. La mise en oeuvre de mesures de protection et la diminution drastique des nuisances et des risques s'avèrent plus que jamais urgentes. L'actualité, à travers des événements divers - feux de forêts, innondations, érosion des sols, pollution accidentelle - nous le rappelle en permanence.
Dans le même temps, nous devons évoluer vers une réconciliation entre l'économie et l'environnement. Il faut écarter toute vision duale aujourd'hui dépassée. OEuvrer pour l'aménagement du territoire, c'est faire coïncider dynamisme économique et respect des ressources d'un territoire dans l'intérêt des gens qui y vivent.
L'environnement est désormais un facteur essentiel de développement, un atout majeur recherché par les investisseurs, une richesse valorisante et valorisable pour un territoire. Je peux en témoigner en tant que président d'un parc naturel régional dans le département du Nord.
Votre grande ambition politique en matière d''environnement se traduit par un accroissement très sensible des interventions budgétaires et par des orientations nouvelles en matière fiscale.
Sur le plan budgétaire, les crédits font un véritable bond en avant, traduisant un effort sans précédent : on passe ainsi de 0,14 % du budget civil de l'Etat à 0,30 %, soit une progression de 14,8 % si l'on retire la TGAP. Les crédits atteindront près de 4 milliards de francs en 1999. C'est un effort significatif, et tout cela dans un contexte général de maîtrise globale des dépenses publiques. Cette progression est sept fois supérieure à la progression moyenne des dépenses de l'Etat.
Sur le plan fiscal, la principale mesure qui est proposée est la création, à l'article 50, de la TGAP. C'est une innovation majeure qui dessine les prémices d'une fiscalité écologique dans la perspective d'une future écotaxe européenne.
C'est d'abord un changement de philosophie et la mise en application véritable du principe pollueur-payeur et non plus de celui du droit à polluer qui a prévalu jusqu'à présent.
Nombre de nos collègues de droite ont dénoncé les conséquences possibles de cette taxe unique, notamment dans le dispositif actuel des agences de l'eau. Membre d'un comité de bassin et du conseil d'administration de l'agence de l'eau Artois-Picardie, je considère qu'il est nécessaire de maintenir une gestion décentralisée des crédits de l'eau dans un souci d'efficacité et de proximité.
La centralisation de la collecte des taxes et redevances induites par la TGAP et l'affectation des ressources collectées au budget de l'Etat appellent craintes et inquiétudes de la part des élus et des représentants des comités de bassin. Nous attendons de votre part, madame la ministre, des assurances très fortes et précises sur ce point.
Il n'en reste pas moins qu'il me paraît excessivement important que, dorénavant, le Parlement soit étroitement associé à la définition de la politique nationale de l'eau, à la fois pour assurer la transparence totale de l'utilisation des redevances et pour faire valider les programmes pluriannuels.
Cette taxe doit offrir au ministère la possiblité d'être budgétairement responsable des politiques qu'il entend conduire ; mais il faudra veiller à ce que l'argent de l'environnement aille réellement à l'environnement.
D'autres mesures fiscales sont proposées qui me paraissent justifiées, en particulier celle qui conduit progressivement à la réduction de l'écart de taxation entre le super sans plomb et le gazole et celle de la baisse du taux de TVA à 5,5 % pour les opérations de collecte, de tri sélectif et de traitement des ordures ménagères. Cette mesure est très attendue par les collectivités locales et territoriales qui se sont engagées dans des programmes d'équipement importants et coûteux.
Sur le plan des orientations et des interventions, on constate très heureusement une augmentation substantielle des moyens en personnel. En 1999, les DIREN bénéficieront de 89 postes supplémentaires ; au total, ce sont 140 postes qui seront créés. Cette proposition est tout à fait judicieuse et répond pleinement à l'attente des élus locaux qui s'investissent dans les mesures environnementales : parcs, Natura 2000, contrats de rivière ou autres.
Pour appliquer ces politiques, il faut des agents qualifiés qui nous aident sur le terrain ; mais il faudra répartir ces effectifs de manière correcte entre les régions qui en ont besoin.
En ce qui concerne la prévention des pollutions et des risques, les dotations augmentent sensiblement, grâce à la TGAP, pour atteindre 1 768 millions de francs : 235 millions de francs iront à l'application de la loi sur l'air et 25 millions de francs aux plans de prévention, soit 50 % en plus. On enregistre une hausse de 15,3 % des crédits affectés à la gestion de l'eau et des milieux aquatiques, qui atteindront 265 millions de francs.
Ce secteur me touche particulièrement, en tant que président d'un gros syndicat intercommunal d'eau et d'assainissement. L'eau sera un enjeu majeur du siècle prochain. Des menaces pèsent sur l'approvisionnement et la qualité de l'eau, auxquelles s'ajoutent les interrogations légitimes des consommateurs quant au coût du mètre cube d'eau.
Des efforts restent à accomplir, en particulier dans la protection des champs captants, mais aussi, surtout, dans le domaine de l'assainissement autonome, où nous attendons encore un certain nombre de décrets qui permettront de mettre en oeuvre cette politique tant attendue.
Un autre objectif consiste en la maîtrise de l'énergie et le développement des ressources renouvelables. Une dotation de 500 millions de francs est affectée à l'ADEME. Cet organisme bénéficiera ainsi de moyens suffisants pour relancer de manière active et dynamique ses actions, qui visent à assurer réellement un développement socio-économique durable.
Les crédits affectés à la protection de la nature, des sites et des paysages augmentent fortement : de 19,7 %.
Le nouveau fonds de gestion des milieux naturels est doté de 164 millions de francs, dont 90 millions de francs pour les mesures nouvelles.
Je salue cette heureuse initiative, qui permettra de répondre aux besoins exprimés dans ce domaine.
Ma participation personnelle à la concertation sur un site LIFE Natura 2000 dans le département du Nord, en forêt de Thiérache, m'a convaincu de la nécessité absolue d'un soutien financier actif si l'on veut réussir la mise en place des mesures de gestion préconisées.
Je dois dire que, par la concertation, les relations avec les propriétaires, privés et publics, ont évolué très favorablement. Ces crédits sont donc indispensables pour ne pas décevoir ceux qui ont eu le courage de s'engager dans cette démarche intelligente.
Enfin, je voudrais également témoigner de l'importance des parcs régionaux sur le plan de la protection de l'environnement. Ces territoires constituent de véritables laboratoires d'expérimentation en matière d'aménagement durable. Ce sont des espaces privilégiés de concertation et de collaboration entre tous les acteurs d'un territoire : élus, partenaires associatifs et institutionnels, agents économiques.
Il convient, au côté des collectivités locales et territoriales, que l'Etat conforte les moyens humains et financiers. J'espère que cet effort sera poursuivi avec ténacité.
En conclusion, je dirai que l'environnement constitue aujourd'hui un vaste champ d'intervention sous l'effet d'un arsenal législatif national et européen particulièrement abondant et de plus en plus complexe. Il faut faire émerger un véritable ministère transversal. Il faut aussi mettre en oeuvre des gestions au plus près du terrain, au plus proche des réalités, avec les acteurs eux-mêmes, et encourager la concertation la plus étroite.
Madame la ministre, votre responsabilité sera donc de répondre aux attentes légitimes de nos concitoyens pour respecter et faire respecter l'environnement, et protéger encore plus un patrimoine naturel que nous léguerons aux générations futures.
Quant à nous, parlementaires, notre responsabilité est de vous donner les moyens législatifs et budgétaires sollicités pour mettre en oeuvre cette nouvelle donne environnementale.
Je connais votre détermination et votre vigilance pour rendre plus cohérent, malgré les difficultés, l'ensemble des politiques publiques dans ce domaine particulièrement exigeant. Je sais que vous respecterez vos engagements. Le groupe socialiste vous soutiendra dans votre démarche et votera donc votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. Madame la ministre, votre budget est, au sein du projet de loi de finances présenté par le Gouvernement, celui qui fait le bond le plus spectaculaire, avec une augmentation de 110 %. Il passe de 1,9 milliard de francs à 3,95 milliards de francs et devrait susciter auprès de tous les parlementaires attachés à l'environnement et à la qualité de vie un enthousiasme sans limites.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Ce n'est pas le cas !
M. Philippe Richert. Or, je viens d'écouter avec attention nos rapporteurs, qui font état de nombreuses interrogations voire d'oppositions très vives. Comment expliquer ce hiatus ?
M. René-Pierre Signé. C'est systématique !
M. Philippe Richert. Reconnaissons d'abord, madame la ministre, qu'il est aisé de relever dans votre budget maints éléments positifs, et je m'en réjouis.
En premier lieu, je salue la réduction du taux de TVA appliqué à la collecte sélective, au tri et à la valorisation matière. Cette disposition favorisera la part du recyclage dans le traitement des déchets, et je ne peux que m'en féliciter.
Je relève aussi la progression importante des crédits de la connaissance de l'environnement : plus 34 % ; nous savons tous qu'une protection efficace ne peut s'envisager que sur la base d'une connaissance approfondie.
Il en va de même des budgets consacrés à la protection de la nature qui permettent de faire face aux besoins générés par la mise en protection institutionnelle de nouveaux espaces sensibles. Le concept d'environnement évoluant, les dimensions sociales et sanitaires se renforcent ; mais il ne faut pas pour autant négliger la protection des espèces, des écosystèmes précieux et des paysages. L'environnement ne doit pas faire oublier l'écologie ! Vous prouvez que vous y êtes sensible.
Bravo aussi pour les crédits de l'INERIS, l'Institut national de l'environnement industriel et des risques, dont certains services étaient très largement sous-dotés et se trouvent ainsi mis à niveau.
Pour clore ce chapitre, permettez-moi d'exprimer ma satisfaction de voir relancée la politique d'économie et de maîtrise de l'énergie. Vous voyez que je ne suis pas avare de compliments !
Toutefois, ce projet de budget est aussi la traduction d'une approche qui porte en elle de multiples aspects négatifs, voire détestables. J'en évoquerai trois.
Le premier concerne la méthode. Ce qui la caractérise est une concertation que j'estime largement insuffisante. Les projets de loi sont déposés ou des décisions lourdes de conséquences sont prises sans véritable débat en amont. Je me rappelle le temps où vous et vos amis « verts » n'étiez pas au Gouvernement ni membre de la majorité. Que n'a-t-on pas entendu sur le besoin de démocratie, de débats sur les grands choix !
Quelle surprise de constater qu'aujourd'hui toutes vos décisions vous semblent légitimées par le simple fait que vous appartenez à une coalition majoritaire à l'Assemblée nationale. Cette attitude a, par exemple, prévalu pour l'arrêt du surgénérateur Superphénix.
Ne pensez-vous pas, madame la ministre, qu'un grand débat sur l'énergie soit nécessaire dans notre pays, avant que des décisions stratégiques d'une importance essentielle soient prises ?
Nous connaissons votre opposition à l'électricité produite par le nucléaire et je suis, moi aussi, partisan de relancer la politique de diversification énergétique et de maîtrise ou d'économie de l'énergie. A-t-on cependant sérieusement évalué les conséquences en termes de pollution atmosphérique ou d'effet de serre si le basculement du nucléaire sur le fuel ou le charbon se fait sans précaution ou étude suffisantes ? Si la part du charbon et du fuel devait augmenter, nous risquerions de réserver à nos enfants des lendemains incertains. Pourquoi dès lors ne pas ouvrir ce débat d'autant que certains de nos partenaires européens - je pense à l'Allemagne en particulier, vous vous en doutez - ont annoncé un changement d'orientation assez radical ?
Le deuxième aspect négatif se rapporte au décret que vous avez publié récemment et qui concerne la surveillance de la pollution atmosphérique.
Vous êtes de ceux qui affirment, et je crois à juste titre, que les particules fines, les hydrocarbures imbrûlés issus de nos moteurs diesel notamment, mais pas seulement, sont aussi nocifs pour la santé que les polluants chimiques comme l'ozone, les oxydes d'azote, le dioxyde de soufre.
Pour tous ces polluants, en cas de pic de pollution, il existe trois seuils définis par la loi en fonction de la gravité de la situation. Le niveau 3 correspond à « l'alerte » ; c'est lui qui conditionne la mise en oeuvre des mesures obligatoires de réduction de la pollution. Pour l'ozone, le niveau 3 n'a jamais été atteint en France. Pour les oxydes d'azote, ce seuil est rarement franchi. En revanche, pour les particules fines, le seuil d'alerte défini par le conseil supérieur d'hygiène est atteint plus régulièrement.
Pouvez-vous m'expliquer, madame la ministre, pourquoi votre décret publié plus de dix-huit mois après l'adoption de la loi - il ne peut donc être question d'oubli dû à la précipitation - omet de parler des particules fines ?
Je voudrais enfin - c'est le troisième aspect négatif - m'insurger contre l'instauration de la TGAP par le biais d'un article de la loi de finances, car il s'agit en fait d'un changement fondamental de la façon d'aborder la protection de l'environnement et les relations pollueur-payeur.
Que ce soit bien clair, je ne dis pas non à une fiscalité écologique bien pensée ; mais j'estime qu'il s'agit d'un débat stratégique et qu'il aurait mérité une meilleure préparation.
Que proposez-vous dans l'immédiat ? La centralisation au ministère de crédits et taxes divers. Quelles en sont les conséquences très directes ? Le gonflement artificiel de votre budget et le contrôle des fonds par Bercy.
Je comprends votre position, car, dès cette année, ce sont près de 1,5 milliard de francs supplémentaires qui transitent par votre ministère et celui-ci devient, selon vos propos, un « ministère de plein exercice ». Votre marge de manoeuvre financière, et donc votre pouvoir, s'en trouvent accrus.
Je comprends aussi la satisfaction de Bercy. C'est pour lui l'aboutissement d'un rêve vieux de vingt ans. Au nom de l'orthodoxie budgétaire que l'on évoque souvent dans cet hémicycle, il parvient à mettre la main sur des recettes qu'il ne maîtrisait pas. Le processus a commencé d'ailleurs en 1996, avec la mise en place d'un premier fonds de concours des agences de l'eau. En 1997 et 1998, ce sont 110 millions de francs que Bercy a ainsi récupérés. En 1999, ce sera pire : il leur sera soutiré 140 millions de francs supplémentaires.
Autant de crédits inscrits au budget du ministère, mais qui viennent en réduction de l'action des agences. Et ce n'est pas fini : l'an prochain, l'enjeu est de plus de 10 milliards de francs puisque vous ne proposez ni plus ni moins que de rapatrier à Paris les redevances collectées par les agences de l'eau.
Vous savez, madame la ministre, que personne ne veut de ce texte, mis à part quelques théoriciens qui vous sont proches. Et pour faire passer la pilule, il n'y a rien de mieux que de noyer le dispositif dans le débat sur le projet de loi de finances... à une heure du matin !
La redevance sur l'eau sera-t-elle plus efficace en transitant par Paris ? En mettant davantage encore les agences de l'eau sous tutelle et en les gérant de la capitale, seront-elles plus efficaces ? En étant démotivés, les acteurs de terrain travailleront-ils mieux ? On a l'impression qu'il s'agit d'appliquer un dogme, une approche idéologique.
Pour moi, cette attitude anti-décentralisation, anti-terrain est incompréhensible et inacceptable. Mais elle est révélatrice d'un état d'esprit qui tend à accréditer que seul le ministère est en mesure de proposer les bonnes solutions.
Cette réforme va d'ailleurs engendrer de nombreuses autres conséquences, dont il me faut au moins citer les principales : la remise en cause du principe pollueur-payeur, car c'est de cela qu'il s'agit, mais aussi l'abandon de l'affectation automatique des taxes récoltées à la lutte contre la pollution.
Il est en effet clair qu'avec ce système plus rien ne garantit que les fonds collectés au titre des différentes taxes constituant la base de la TGAP seront consacrés à l'objet pour lequel ils auront été prélevés. La création d'un compte spécial ne constitue un leurre pour personne. Demain, la redevance sur l'eau peut très bien servir à financer le déficit d'une entreprise publique... ou l'achat de missiles.
Le système pollueur-payeur est ainsi totalement dévoyé.
Lorsque la taxe générale sur les activités polluantes sera instaurée, nous aurons créé un nouvel impôt dont les premiers contributeurs seront les usagers de l'eau domestique. Mais ceux-ci n'auront plus aucune garantie quant à l'affectation des fonds collectés, à la qualité de l'eau, à sa distribution ou à sa protection. C'est donc bien une taxe générale qui est mise en place. Une taxe dont le taux pourra être modifié sans tenir compte des besoins environnementaux.
Cette réforme, telle qu'elle nous est présentée, tourne le dos à un modèle pourtant éprouvé. Elle privilégie l'approche budgétaire centralisatrice et idéologique, et son efficacité est incertaine. Dans ces conditions, le groupe de l'Union centriste ne votera pas votre projet de budget en l'état. (MM. les rapporteurs applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, partageant très largement les points de vue exposés par mes collègues, je m'attarderai plutôt sur une réflexion liée à la politique de l'environnement.
La politique que vous menez en matière d'environnement m'inquiète, madame le ministre, car elle me semble très éloignée de ce que doit être une véritable politique de l'environnement pour nos concitoyens, même si quelques points heureux sont à souligner et l'ont déjà été.
En effet, la protection de la nature doit tenir compte d'un aspect fondamental de l'évolution de notre monde, qui est le mouvement.
Une société se développe, bouge, se perpétue au niveau des espèces par-delà la mort de chaque individu, et la nature fait de même. C'est le perpétuel mouvement de la vie, dont doit tenir compte toute politique de l'environnement et de protection de la nature. La vie est programmée pour se reproduire et s'adapter, la loi de l'adaptation tempérant celle de la jungle, faisant que c'est non pas nécessairement le plus fort qui gagne, mais le plus adapté.
Or notre époque vit sous la dictature de l'instant, sorte de photographie figée d'un moment aussitôt disparu, et sélectionnée dans un film en vertu d'on ne sait quel critère ou plutôt si, malheureusement, celui des goûts et des passions de tel ou tel groupe de pression qui veut imposer sa loi à la société,...
M. René-Pierre Signé. Oh là là !
Mme Anne Heinis. ... au mépris de tout esprit démocratique et de toute vision dynamique des choses.
Cependant, nous constatons que notre société se complexifie au fil du temps, suivant en cela les lois naturelles de l'évolution, qui, dans l'ordre de la création, est partie du plus simple, pour aboutir, après bien des aléas, au cerveau pensant de l'homme, lequel culmine par la complexité extrême de son système nerveux. Or c'est peut-être cette complexité, que nous dominons mal, qui fait peur et pousse certains à se réfugier dans l'instant, tendance largement amplifiée par des médias de plus en plus puissants, qui, eux-mêmes, ne vivent que de l'instant.
« Ô temps, suspends ton vol », disait le poète pour goûter un peu plus la beauté d'un moment, mais il savait bien que c'était impossible et que ce n'était qu'un regret.
Cette dictature de l'instant mène, comme toutes les dictatures, à une sorte de terrorisme intellectuel, qui conduit l'écologie à se manifester sous la forme d'une guerre de tranchées, parfois meurtrière, où chacun campe sur ses positions. Quelle dérive ! L'écologie devrait être une recherche commune pour organiser notre action sur le monde, autour de l'homme, et non l'inverse, car la nature a été faite pour l'homme, et non l'homme pour la nature.
Cela oblige à une vision dynamique et non statique, à une projection permanente dans le futur, puisque nous sommes tous tributaires du temps. C'est peut-être aussi ce mot « dynamique » qui gêne, les équilibres dynamiques, qui sont ceux du mouvement, étant, bien sûr, les plus complexes et les plus difficiles à saisir.
Comme tous les êtres vivants, l'homme est naturellement un prédateur, qui vit toujours aux dépens d'une autre espèce animale ou végétale, parfois des deux. Tant que la voracité de l'un ne fait pas disparaître l'autre, et que les conditions de vie restent globalement favorables, les espèces en cause subsistent, parfois d'ailleurs à l'aide d'une ingéniosité stupéfiante.
Cette observation fonde la différence entre protection totale et protection suffisante, que la Cour européenne de justice, sans doute trop loin des réalités naturelles, ne semble pas avoir saisie. C'est l'exemple des cormorans.
M. René-Pierre Signé. Il s'agit du budget !
Mme Anne Heinis. C'est tout à fait lié !
L'histoire du monde montre que, au fil du temps, bien des espèces ont disparu, pour des raisons que nous ne connaissons pas toujours, d'ailleurs, et la nature est indifférente à cet état de choses. C'est nous qui souhaitons que les espèces connues à ce jour perdurent, et c'est tout à fait légitime. C'est une des justifications de la « sanctuarisation », qui doit rester dans ses limites, au bénéfice de l'homme et de la recherche, qui tous deux doivent y trouver leur intérêt, aussi bien en termes d'épanouissement qu'en termes scientifiques. C'est probablement à un sentiment de « sanctuarisation » excessive et imposée que se heurte Natura 2000.
En effet, la France, par sa géographie et son climat, présente deux caractéristiques particulières par rapport à ses voisins européens. Elle est beaucoup plus riche en espèces animales et en habitats, et sa population s'est répartie historiquement sur son territoire d'une façon beaucoup plus dispersée.
Elle doit donc tenir compte de ces facteurs dans ses propres équilibres internes.
D'une façon générale, tant que le rapport entre les activités humaines et la nature est resté en faveur de la nature, celle-ci n'en a guère souffert. En revanche, le développement des sciences et des technologies et la multiplication de l'espèce humaine tendent à inverser ce rapport d'autant que le caractère prédateur de l'homme, si l'on n'y prend pas garde, reprend très vite le dessus, car le seul et unique prédateur de l'homme, c'est l'homme.
Or, nous n'avons pas su prévoir en temps voulu les conséquences du développement, lequel a fait beaucoup de dégâts et, ce qu'on nous demande aujourd'hui, c'est justement de les prévoir et de les prévenir.
C'est ce qui justifie une politique de l'environnement : réparer les dégâts, bien sûr, mais, ce qui est beaucoup plus important, prévenir leur prolifération et organiser la gestion de l'environnement pour et en fonction de l'homme, de ses besoins, de ses aspirations et de ce qui concourt à la fois à sa survie et à son bonheur.
Dans nos sociétés développées, l'homme, au cours du temps, a façonné la nature et s'y est intégré. L'accélération brutale et mal maîtrisée du développement déséquilibre ce qui a été construit pendant des siècles et nous perturbe.
La politique de l'environnement doit donc être une recherche permanente d'un nouvel équilibre, devenu dynamique et non plus statique, où les règles d'action l'emportent sur la réglementation, qui tend vite à momifier la vie à un instant donné, et ce n'est plus la vie, où l'incitation doit l'emporter sur la répression, car, pour réussir, cette politique nécessitera beaucoup d'efforts en commun, d'échanges entre les différentes approches, ce qui devrait permettre une meilleure connaissance des phénomènes.
L'idée du respect de la nature a beaucoup progressé dans les esprits et c'est une excellente chose. Il n'en reste pas moins qu'il y a une hiérarchisation des objectifs à déterminer et qui doit se retrouver dans une bonne politique de l'environnement.
A ce titre, je ne crois pas que la création de 140 postes supplémentaires de fonctionnaires dans votre ministère aille dans le bon sens, même si quelques-uns pouvaient être nécessaires.
Je crains que cela n'accentue la confusion entre les objectifs défendus par le ministère de l'environnement et ceux des associations dites de protection de l'environnement, ce qui risque de nuire à la crédibilité de ce ministère, qui doit se préoccuper d'abord de l'intérêt général.
Malheureusement, il semble que l'écologie soit beaucoup trop vue au travers de lunettes « militantes », soutenue par les lobbies dont on sait que le poids est beaucoup plus fonction de leurs moyens financiers que de leur audience.
Au fond, madame le ministre, c'est à plus de sagesse, de tolérance mutuelle, de concertation que j'appelle, pour que l'écologie ne se transforme pas en idéologie.
Virgile disait : « Chacun a son penchant qui l'entraîne. » Nous devons en tenir compte. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'accroissement et la diversification des tâches incombant au ministère de l'environnement supposaient sans doute un renforcement de ses moyens.
En hausse très sensible - 15,6 % - ce projet de budget pour 1999 traduit la volonté du Premier ministre de faire de l'environnement une véritable priorité gouvernementale. On pourrait ajouter avec un peu de malice que ce choix vous donne, madame la ministre, un motif de satisfaction et donc de soutien à son égard !
Néanmoins, on peut légitimement s'interroger sur l'articulation de ce budget.
Les crédits de l'administration générale augmentent à eux seuls de 13 % ; c'est considérable, c'est hors de proportion, et c'est soit de la mauvaise gestion, soit du clientélisme. La fonction publique ne pèse-t-elle pas déjà trop sur le budget général et la charge fiscale des citoyens ? Espérons que ces fonctionnaires de l'environnement exerceront leur vigilance en se fondant sur des réalités techniques, économiques et humaines et non sur une vision écologique dogmatique.
Au-delà de cette critique, je prends acte d'un certain nombre d'avancées positives dans les domaines de la gestion des espaces naturels et de la prévention des pollutions, notamment la réorientation de la politique des déchets et la réduction de l'écart de taxation entre le gazole et l'essence.
Je n'entrerai pas dans le détail, d'autres s'en sont chargés avec compétence, et je m'associe pleinement aux propos que mon collègue de groupe, M. Bernard Joly, tiendra à son tour.
J'axerai mon intervention sur un point qui me tient à coeur : la nécessaire réconciliation entre l'agriculture et l'environnement.
Car, il faut l'affirmer, madame la ministre, il n'y a pas d'incompatibilité de principe entre l'activité agricole et la préservation de l'environnement, bien au contraire.
Vous désignez les agriculteurs comme des coupables : ils n'ont pas de leçon à recevoir de ceux qui élaborent des discours fondamentalistes et abstraits, rédigés bien loin de la réalité agricole et environnementale.
Au cours des siècles, les agriculteurs ont modelé nos paysages, ont rendu les terres accessibles à chacun d'entre nous et ils contribuent toujours largement à entretenir et à valoriser le territoire. Dans la plupart des régions, ils favorisent une gestion à long terme de l'eau et du sol et ils demeurent essentiels au développement local.
Les agriculteurs français sont des jardiniers de l'espace naturel, alors cessez de les désigner systématiquement comme des pollueurs.
Bien sûr, il y a eu des excès. Mais l'utilisation massive, donc parfois excessive, d'engrais, de fumier organique ou de produits agrochimiques est née du besoin de rendements toujours supérieurs, dû à la baisse des revenus à l'hectare. Cette baisse des revenus a contraint les agriculteurs à augmenter leurs surfaces et donc à mécaniser lourdement et à forcer la terre par un apport massif d'intrants. Ils l'ont fait non pas par plaisir, mais par nécessité.
M. René-Pierre Signé. Polluer, c'est gratuit !
M. Aymeri de Montesquiou. Aujourd'hui, l'agriculture veut choisir et contrôler ses rapports avec l'environnement.
Le développement de l'agriculture biologique doit être favorisé ; mais ce choix ne peut être celui de tous les agriculteurs, car les produits issus de cette « nouvelle » forme d'agriculture ne sont accessibles qu'à une clientèle restreinte et les exportations agricoles sont une vocation naturelle, qui participe largement à notre excédent commercial.
Au lieu de prendre les agriculteurs comme cible, madame la ministre, il eût mieux valu les considérer comme de véritables partenaires et privilégier le dialogue.
Les agriculteurs ne vous ont pas attendue pour prendre leurs responsabilités et s'atteler à la tâche. Ils se sont engagés dans des actions volontaires multiples sur l'ensemble du territoire : Ferti-mieux, Irri-mieux, Phyto-mieux, opérations « rivière », Farre, suivi-évaluation de la directive « Nitrates ».
Je souligne que les crédits consacrés aux programmes de maîtrise des pollutions d'origine agricole, aux bâtiments d'élevage de zone de montagne ou encore aux mesures agri-environnementales ont toujours été insuffisants dans le budget de l'agriculture.
L'avenir de ces mesures semble aujourd'hui devoir s'imbriquer dans les contrats d'objectifs de Natura 2000 et dans des contrats territoriaux d'exploitation largement inspirés par les Verts. Or, pour l'un comme pour l'autre, les lignes budgétaires nationales ou européennes sont très minces et en tout cas très floues.
En ce qui concerne la taxe écologique, seules les actions fondées sur un changement concerté sont de nature à apporter une réponse durable à la lutte contre les pollutions agricoles.
Or, en ce qui concerne la mesure qui caractérise votre projet de budget, l'instauration de la TGAP, je ne vois pas de concertation. Vous avez déjà décrété que cette taxe, dont le principe n'est pas encore adopté, serait élargie à d'autres ressources, comme celles des agences de l'eau, ainsi qu'à toute nouvelle taxe ayant une finalité environnementale, tout en affirmant que ces étapes seraient franchies dans la plus grande concertation. Ce n'est pas cohérent. Madame la ministre, votre méthode est surprenante.
Sur le fond de ce projet, l'instauration de cette taxe générale serait grave, car elle mettrait fin à un système qui fonctionnait bien et marquerait la première étape d'une fiscalité centralisatrice dont les bénéfices pour l'environnement ne sont pas démontrés.
M. René-Pierre Signé. Mais redistribués !
M. Aymeri de Montesquiou. Tout d'abord, le système des cinq taxes affectées jusqu'ici à l'ADEME fonctionne bien. En envisageant d'élargir la TGAP aux agences de l'eau en l'an 2000, vous mettriez alors fin à leur fonctionnement décentralisé et à leur autonomie financière, alors même que ce système est proposé comme modèle de gestion à l'échelon communautaire.
Ensuite, en voulant faire rentrer la fiscalité de l'invironnement dans le pot commun des finances publiques, comme l'a souligné mon collègue M. Richert, vous contribuez aux ressources de l'Etat. Vous mettez automatiquement en danger l'attribution de ces recettes à la protection de l'environnement du fait de la règle de non-affectation des ressources. Craignez les ponctions autoritaires du ministère de l'économie et des finances au regard des potentialités fiscales de votre projet : déjà 600 millions de francs supplémentaires pour 1999 !
Madame la ministre, souhaitez-vous vraiment remettre en cause la politique de l'eau telle qu'elle fonctionne depuis les lois de 1964 et de 1992 ? Comment pouvez-vous défendre un projet qui n'obligera plus à affecter l'intégralité des redevances à des actions concernant la protection des eaux ?
Enfin, s'agissant de l'efficacité de votre proposition, je crains que les mesures de taxation que vous envisagez sur les sacs d'engrais ou les bidons de produits phytosanitaires n'aient pas l'effet dissuasif escompté. Soit l'augmentation du prix des intrants n'incitera pas les agriculteurs à s'en passer, à moins d'atteindre un niveau prohibitif incompatible avec leur capacité financière. Soit la taxe est d'un niveau faible et elle apparaîtra immanquablement comme un « droit à polluer », décourageant les exploitants qui se sont engagés dans des programmes de maîtrise des pollutions.
Pour parvenir à modifier le comportement des agriculteurs, un système de taxation ne semble pas efficace. Il faut plutôt favoriser des actions incitatives, à base d'information et de formation ; les initiatives locales en ce sens sont déjà nombreuses.
En conclusion, puisque votre gouvernement prône le dialogue, je formulerai un souhait : que le projet de loi d'orientation agricole soit l'occasion d'établir un dialogue véritable afin de réconcilier l'agriculture et l'environnement.
Mon groupe suivra la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller. Tout au long du débat qui est engagé depuis plusieurs semaines autour du projet de loi de finances devant le Parlement, vous avez tenu à souligner, madame la ministre, combien le Gouvernement faisait de la protection de l'environnement l'une de ses priorités. Et l'on ne peut pas contester que le projet de budget de votre ministère en porte témoignage.
Il me paraît cependant équitable de souligner ici combien cette détermination est partagée, et souvent depuis longtemps, par les acteurs de terrain, notamment les élus locaux, qui, dans ce domaine, portent une responsabilité difficile et conduisent des actions très souvent tout à fait exemplaires.
Il faut traverser notre pays pour mesurer quels efforts ont été entrepris par les uns et par les autres, quels dispositifs variés et ingénieux ont été mis en oeuvre, quel travail de communication a été conduit pour sensibiliser et mobiliser nos concitoyens, quels engagements financiers ont été pris, et aussi quels résultats significatifs ont d'ores et déjà été obtenus, y compris dans les domaines de compétence qui ne relèvent pas directement des collectivités locales ; je pense en particulier aux déchets industriels banals et aux déchets hospitaliers. Et tout cela est effectué dans une très grande diversité, au plus près des réalités locales.
Or, les élus locaux ont trop souvent l'impression d'être mis en accusation, comme s'ils étaient eux-mêmes les générateurs des pollutions qu'ils s'efforcent de combattre. Ils ont trop souvent l'impression que l'on sous-estime les difficultés politiques, techniques et surtout financières auxquelles ils sont confrontés, alors que c'est à un véritable esprit de partenariat qu'ils aspirent.
Compte tenu du temps très court qui m'est imparti, et pour ne pas reprendre des choses qui ont déjà été dites, et fort bien dites, notamment au sujet de la TGAP, je me conterai d'évoquer le problème des déchets ménagers, et singulièrement du coût qu'à travers les collectivités locales ils engendrent pour nos concitoyens.
Cela est déjà vrai pour l'eau et l'assainissement, secteurs dans lesquels les coûts augmentent en moyenne de 5 % par an.
Dans le même temps, pour la collecte, le tri et le traitement des ordures ménagères, on assiste à une véritable explosion des coûts du fait d'une réglementation de plus en plus sévère, de dispositifs sans cesse améliorés, mais aussi - il n'est pas inutile de le souligner ici -, du fait de la détermination des élus très fortement motivés par ce combat-là.
Les charges supportées à ce titre par les collectivités locales ont augmenté de 131 % entre 1990 et 1997, pour atteindre 17,8 milliards de francs actuellement.
Une extrapolation faite par l'ADEME à partir des plans départementaux déjà établis laisse apparaître que les investissements initiaux à réaliser sur la durée des plans se chiffrent à 60 milliards, soit 1 037 francs par habitant, à quoi il convient d'ajouter 40 milliards qui servent à traiter les déchets industriels banals et qui seront inéluctablement répercutés par les entreprises sur les consommateurs.
Mais, par-delà ces investissements, les charges de fonctionnement induites connaîtront un accroissement exponentiel.
Aussi avons-nous salué avec satisfaction l'abaissement du taux de TVA relative à la collecte sélective, au tri et à une certaine forme de valorisation.
Cependant, cette disposition apparaît, à l'examen, d'une portée assez illusoire, car beaucoup trop restrictive et, de surcroît, d'interprétation hasardeuse.
En effet, en même temps qu'est prise cette mesure la taxe sur l'incinération et sur la mise en décharge des déchets ménagers est augmentée de 50 %.
Quand on sait que 47 % des déchets ménagers vont en décharge et 40 % en incinération, on voit bien que l'on a très largement repris d'une main ce que l'on a donné de l'autre et que le bilan global de ces mesures n'est guère favorable aux collectivités locales.
Nous pensons tous qu'il faut aller vers plus de tri et de valorisation ; une mesure incitative peut effectivement être de nature à accélérer cette orientation.
Mais on semble faire, a priori, un procès d'intention aux élus locaux. On les soupçonne de freiner les évolutions souhaitées alors qu'un abaissement généralisé du taux de la TVA sur l'ensemble du service des ordures ménagères leur apporterait, sur le plan financier, cette bouffée d'oxygène qui leur permettrait précisément d'aller plus loin et plus vite dans le sens préconisé, sans alourdir excessivement la charge fiscale de leurs concitoyens.
Il est temps, me semble-t-il, de mettre un terme à la guerre des filières et de reconnaître que la diversité des situations géographique et démographique appelle des réponses diversifiées et complémentaires, dont aucune n'est à diaboliser, même si certaines sont à privilégier.
Il existe aujourd'hui des usines d'incinération extrêmement performantes sur le plan du traitement des fumées. Quand on voit le volume et la composition des polluants qui y sont captés, inertés et mis en décharge de classe I, on est en droit de s'interroger sur la pertinence du retour au sol naturel du compost issu des déchets ménagers.
Par ailleurs, chaque tonne d'ordures ménagères traitée par incinération avec valorisation énergétique représente l'équivalent de 150 litres de fioul. Et certains process permettent aujourd'hui de coïncinérer des déchets ménagers et les boues de station d'épuration trop chargées en pollution pour être épandues, apportant ainsi une réponse à un problème insuffisamment résolu jusque-là, et cela sans consommation d'énergie fossile.
J'ai donc déposé un amendement tendant à généraliser le taux de 5,5 % à l'ensemble du service des déchets ménagers, comme c'est déjà le cas pour les services publics de l'eau, de l'assainissement et des transports.
Cette mesure permettrait d'accélérer la mise en oeuvre d'une politique environnementale à laquelle nous sommes tous attachés et en rendrait le coût plus supportable pour nos concitoyens.
Certes, l'Etat perdrait ainsi une recette. Ce serait le prix équitable, à nos yeux, de son partenariat pour une action dont il affirme qu'elle constitue pour lui une priorité, mais pour laquelle ce sont les élus locaux de nos villes et de nos campagnes qui se trouvent en première ligne.
Quant au coût de cette mesure, compte tenu de l'accroissement des dépenses des collectivités locales dans ce domaine, plus on attendra, plus la perte de recettes pour l'Etat sera significative et plus les réticences du ministère des finances seront grandes.
Il y a là, me semble-t-il, un signe fort à adresser à ceux qui, sur le terrain, sont aux prises avec ce problème difficile. Ce signe s'adresserait également à l'ensemble de nos concitoyens pour qui l'addition des prélèvements de toutes sortes représente une charge atteignant la limite du supportable et qui, de surcroît, sont de plus en plus souvent les acteurs positifs d'une gestion intelligente des déchets engendrés par notre mode de vie.
Aussi serons-nous particulièrement attentifs, madame la ministre, aux réponses que vous voudrez bien apporter à notre interpellation. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé. Madame le ministre, je suis d'autant plus satisfait de prendre la parole sur les crédits de votre département ministériel que ce projet de budget témoigne d'un engagement fort en faveur de l'environnement et qu'il me donne l'occasion d'une intervention dont la tonalité sera quelque peu différente de tout ce que vous avez entendu jusque-là, à l'exception de l'intervention de mon ami Paul Raoult.
Ce projet de budget, en augmentation de près de 15 %, enregistre même un record absolu de progression depuis la création de votre ministère en 1971.
Au-delà des chiffres, je salue l'orientation politique majeure qui tend à tansformer enfin votre ministère, dit « de mission », en un véritable outil de l'action régalienne de l'Etat. J'en veux pour preuve les quelque 140 emplois venant renforcer directement les effectifs du ministère ainsi que les 550 postes créés dans les administrations qui en dépendent directement.
Cet effort est d'autant plus remarquable qu'il se situe, nous le savons, dans un contexte de stabilisation des effectifs globaux du personnel de l'Etat. Il s'agit en fait d'une orientation nouvelle attestant que l'environnement est plus que notre cadre de vie : il est le milieu, au sens scientifique du terme, où se joue prioritairement l'avenir de nos sociétés.
J'observe d'ailleurs qu'aucun de nos collègues de l'opposition au palais Bourbon n'a jugé votre budget dépensier. C'est assez dire à quel point ces 15 % sont une avancée fondamentale : tous peuvent en convenir.
Mais l'effort qualitatif est, lui aussi, de grande ampleur. La taxe générale sur les activités polluantes constitue une innovation majeure. Elle centralisera désormais les fonds collectés par les diverses écotaxes existantes.
Chacun connaissait les inconvénients du principe originel d'affectation à l'ADEME de ces taxes « pollueur-payeur ». En intégrant ces sommes au budget de l'Etat, on évitera désormais l'assimilation du paiement de la taxe à l'acquisition d'un « droit à polluer » et, par là même, le dévoiement du principe « pollueur-payeur ». La TGAP permet de revenir à la pleine application de ce principe.
J'observe par ailleurs que cette taxe est la pierre angulaire d'une opération pluriannuelle de revalorisation des crédits du ministère de l'environnement. Comme vous l'avez évoqué dans une heureuse formule, la nouvelle taxe représente bel et bien « l'an I de la fiscalité écologique ».
Dès l'an prochain, cette taxe sera le réceptacle des redevances perçues par les agences de l'eau.
Politiquement utile, la TGAP est enfin économiquement et juridiquement efficace. Elle est en effet conçue pour recueillir, dans les prochaines années, le produit des futures « écotaxes » sur le dioxyde de carbone ou sur l'utilisation des engrais et produits phytosanitaires.
Son instauration s'accompagne d'une augmentation de 50 % du produit attendu de la taxe de mise en décharge. Il s'agit, à travers cette mesure, de privilégier la valorisation des déchets au détriment de cette simple mise en décharge. Dans le même esprit, je relève avec satisfaction que l'article 21 du projet de loi de finances applique le taux réduit de TVA aux opérations de collecte et de tri sélectif.
L'ADEME, pour sa part, ne perd pas son objet ni ses financements : d'une part, parce que, pour la première année, l'intégralité du produit de la TGAP lui sera affectée et, d'autre part, parce que la répartition de la subvention qui lui sera versée dans les années suivantes reconduira les montants qui lui étaient consacrés jusqu'alors.
La TGAP est donc un progrès incontestable. Néanmoins, je souhaite comme d'autres, attirer votre attention, madame le ministre, l'ont fait, sur le fait que la TGAP, en intégrant au budget de l'Etat le produit de taxes précédemment affectées, rend en quelque sorte vulnérable le produit de ces taxes en le soumettant aux traditionnels arbitrages entre les différents crédits ministériels. C'est un risque que les élus locaux ont appris à connaître.
Toutefois, dans l'immédiat, le risque me paraît tout théorique car, au vu du budget que vous nous présentez, je fais confiance à votre pugnacité pour défendre la pérennité des orientations qui sont aujourd'hui définies.
J'ai noté, d'autre part, la progression substantielle du volet relatif à la protection de la nature, notamment les lignes de crédit nouvelles dédiées à la gestion des milieux naturels, dotées pour 1999 de 164 millions de francs.
Par ailleurs, et j'y suis particulièrement sensible, présidant moi-même un parc, un effort est entrepris pour classer de nouveaux parcs naturels régionaux et pour conforter ceux qui ont renouvelé leur charte.
Nos parcs naturels régionaux - il en existe près de quarante - couvrent environ 10 % du territoire national. Leurs responsables accomplissent un travail de fond sur l'environnement non seulement naturel mais également social et économique. Depuis plusieurs décennies, ses parcs ont incarné ainsi, et parfois avant l'heure, le développement durable dont chacun saisit désormais l'importance et qu'a évoqué mon ami Paul Raoult.
Leurs chartes expriment, par le biais de l'engagement des collectivités territoriales qui les cosignent, leur rôle privilégié en faveur du développement croisé et harmonieux des territoires et des populations qui les constituent. Plus simplement, elles renvoient au principe de base : un territoire, un contrat, un projet.
A cet égard, il convient de souligner, pour s'en réjouir, la pertinence des nombreux projets de pays, dont on constate chaque jour l'émergence. Toutefois, dans les cas où se superposent sur le même espace un pays et un parc, nous devons également préciser les modalités de leur existence.
Tout en relevant d'une même logique de développement, les parcs et les pays relèvent d'approches nettement distinctes, qui justifient leurs personnalités juridiques différentes.
Les parcs sont, au premier chef, des éléments structurants des régions qu'ils couvrent. Il leur revient de définir des projets globaux de grande ampleur, touchant à tous les domaines du développement.
Les pays, pour leur part, sont des structures informelles par définition légères, qui ne sont jamais plus utiles que quand elles concourent d'abord à la mise en commun des volontés.
Il n'y a donc non pas une opposition entre les parcs et les pays, mais bien une complémentarité, qu'il revient au législateur d'assurer et d'organiser.
A contrario il serait regrettable que, faute d'une orientation précise, les pays et les parcs naturels régionaux présents sur des territoires identiques soient conduits, malgré eux, à une concurrence entre leurs projets. C'est ensemble qu'ils doivent solliciter des concours extérieurs au financement de leurs opérations, notamment par le biais des fonds structurels de l'Union européenne et des sommes prévues au titre des contrats de plan Etat-région.
L'ensemble des éléments que j'ai brièvement évoqués ici renvoient à une orientation gouvernementale plus large, dont participent, au-delà de cette discussion budgétaire, plusieurs projets législatifs qui nous seront bientôt soumis : le vôtre, bien sûr, madame le ministre, mais également le projet de loi d'orientation agricole à l'origine duquel se trouve notre collègue Louis Le Pensec, sans oublier celui qui est relatif à l'intercommunalité.
Ces projets ne manqueront pas de susciter notre intérêt, au même titre que le projet de budget que vous nous présentez aujourd'hui et que je voterai évidemment, comme l'ensemble de mes collègues socialistes.
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, un budget s'examine à l'aune des défis auxquels nous sommes confrontés. Avant d'aborder les priorités qui ont été retenues pour 1999, j'aimerais évoquer brièvement l'état de l'environnement en France.
En dépit d'une prise de conscience réelle et de certaines avancées, l'Institut français de l'environnement constate que les progrès sont sensiblement plus lents que prévu, et la France reste souvent à la traîne par rapport à ses voisins européens.
Pour ce qui est de l'air, malgré une réduction générale des émissions polluantes, les pics de pollution sont en augmentation. La congestion du réseau routier a augmenté de 60 % en dix ans. L'élaboration des plans de déplacements urbains accuse un retard important. Les véhicules électriques demeurent peu nombreux et les biocarburants, d'apparition récente, ne font l'objet d'aucune réglementation.
En ce qui concerne l'eau, la France est l'un des pays européens les mieux équipés en infrastructures d'assainissement et l'on constate un recul sensible de la pollution par les rejets industriels et urbains. Pourtant, la qualité de l'eau continue à se dégrader. Entre 17 millions et 20 millions de Français boivent une eau non conforme aux normes sanitaires européennes !
Le traitement des déchets ménagers est un autre défi majeur de notre fin de siècle. La loi de 1992 prévoyait, dans un délai de dix ans, la mise en décharge des seuls déchets ultimes. A trois ans de cette échéance, le retard considérable pris dans l'élaboration des plans départementaux d'élimination des déchets ménagers est dû, en grande partie, à la remise en cause des objectifs par votre ministère.
Enfin, un salarié sur quatre subit des nuisances sonores sensibles et 13 % sont exposés à un bruit supérieur à 85 décibels, niveau jugé pénible.
C'est dire que les efforts engagés doivent se poursuivre et même être accentués.
Le ministère de l'environnement a joué un rôle important. Ses missions se sont élargies, et quand on est, comme je le suis, attaché à cette cause, on ne peut que s'en féliciter. Doit-on pour autant souhaiter que ce département devienne régalien ?
En effet, la hausse des moyens, souvent réclamée, déroge, d'une part, à la nécessaire maîtrise des dépenses publiques et elle fait craindre, d'autre part, une recentralisation progressive des procédures de gestion et de décision. Or le succès des actions environnementales dépend plus des collectivités locales, des entreprises et des établissements déconcentrés que des effectifs et des crédits propres de votre ministère.
Permettez-moi de m'interroger également sur ce que recouvre la hausse des crédits destinés aux associations. Renouer le dialogue, les impliquer davantage dans le processus de décision, les utiliser comme relais auprès des usagers, faire vivre un certain nombre de contre-pouvoirs : tout cela relève de la démocratie. Cependant, madame la ministre, de quelles associations s'agit-il ? Quels seront les critères retenus pour les financer ? Quel contrôle exercera-t-on sur l'utilisation des fonds ?
On peut légitimement s'interroger, compte tenu de l'obstruction systématique pratiquée par certaines d'entre elles, qui agissent au nom d'une doctrine écologique intransigeante et bloquent les projets de développement économique que lancent les élus locaux.
Enfin, je voudrais exprimer d'expresses réserves quant à la taxe générale sur les activités polluantes.
Actuellement, elle intègre les taxes perçues par l'ADEME. Annoncée comme évolutive, elle doit, dès l'an 2000, absorber les redevances pollution des six agences de l'eau.
Le conseil d'analyse économique a estimé que la France possédait un « gisement d'écotaxes » dont le produit pouvait atteindre, à terme, de 50 milliards à 125 milliards de francs. Ce que vous présentez comme un outil de simplification s'apparente plutôt à un monstre fiscal ou à un prétexte à de nouveaux prélèvements !
D'autre part, la France s'est dotée d'une politique de l'eau cohérente et efficace, dont s'inspirent de nombreux pays dans le monde. Le dispositif des agences de bassin a permis d'obtenir, en trente ans, des résultats considérables, en impliquant par la concertation tous les acteurs et en engendrant à la fois une grande efficacité financière et une meilleure rentabilité sociale.
Pourquoi remettre en cause un modèle de « bonne gouvernance », de démocratie locale, par le biais d'un projet de fiscalité écologique centralisateur, autocrate et régressif ? Cela risque d'ouvrir une période de turbulences pour les collectivités locales, confrontées aux problèmes quotidiens du financement des équipements et de la mise en conformité avec les directives européennes d'ici à 2005.
Toutefois, votre budget, madame la ministre, contient de bonnes mesures. A cet égard, je citerai d'abord la réorientation de la politique des déchets vers une valorisation, de préférence à l'incinération, qui coûte cher aux collectivités locales. La baisse de la TVA sur les opérations de collecte et de tri sélectif des ordures ménagères va dans ce sens. Nombre d'entre nous l'avait réclamée depuis longtemps.
Cependant, les collectivités locales, soucieuses de mettre en place des filières de recyclage industriel de qualité, doivent obtenir des assurances quant aux objectifs poursuivis et aux aides qu'elles pourront demander.
Autres points positifs : le rattrapage de l'écart de taxation entre le gazole et l'essence sans plomb ainsi que le relèvement du plafond de l'exonération de la taxe intérieure sur les produits pétroliers accordée aux taxis pour le GPL et le GNV.
Mais cette dernière mesure constitue-t-elle une incitation suffisamment efficace à l'adoption de carburants propres par les taxis ? Une prime à l'équipement des véhicules, de l'ordre de 10 000 francs, combinée à une réduction progressive du volume de carburant actuellement exonéré, selon la proposition que j'ai formulée il y a deux ans, serait sans doute plus incitative.
Pourquoi ne pas mettre également à l'étude la possibilité d'une incitation financière lors de l'achat d'un véhicule propre par un particulier, à l'instar de ce qu'on a appelé les « balladurettes » ?
Madame la ministre, l'action en faveur de l'environnement ne se limite pas à dénoncer les activités nuisibles, à lutter contre les pollutions, à créer une police écologique ; elle doit aussi s'attacher à valoriser et à faire connaître les richesses naturelles de notre pays.
La France possède de fortes potentialités : variété et beauté des paysages, parcs naturels nationaux et régionaux, réserves naturelles. Ces sites, tout comme le milieu rural, constituent un véritable pétrole vert, une ressource considérable pour le tourisme français ; elle est pourtant encore insuffisamment exploitée.
Il existe aujourd'hui une clientèle touristique urbaine nombreuse, en particulier européenne, à la recherche de grands espaces, d'authenticité et de repos. L'écotourisme répond à cette évolution de la société et aux nouvelles aspirations.
Considéré jadis comme le tourisme de cueillette, ou celui du pauvre, le tourisme de proximité, de découverte, de nature, de randonnée a aujourd'hui ses adeptes et ses connaisseurs.
Les initiatives et les projets locaux ne manquent pas. Certains professionnels ont développé des projets d'« écovillage », avec pratique du sport, énergie solaire, architecture paysagère, traitement des déchets, découverte de la nature, ferme biologique.
Ce tourisme vert doit aujourd'hui se structurer, dans le respect de son authenticité et de la nature, en identifiant et en conquérant des clientèles diverses, notamment celles des classes vertes, qui sont un bon vecteur de l'écologie auprès des enfants, et en trouvant des partenariats.
Toutefois, son développement dépend étroitement de la conjonction d'investissements publics et privés, en vue de la valorisation des sites naturels pouvant constituer des points d'ancrage, de la préservation des paysages, de l'aménagement des lieux culturels, de la réhabilitation de l'habitat ancien et de villages, de la remise en navigation des rivières anciennement éclusées et jadis naviguées.
Certaines actions relèvent directement de votre ministère, aussi bien au titre de l'aménagement du territoire qu'à celui de l'environnement.
Je note d'ailleurs avec satisfaction la création d'un fonds de gestion des milieux naturels, doté de 164 millions de francs. Celui-ci doit permettre de financer la mise en oeuvre du réseau Natura 2000, le renforcement du réseau des espaces protégés et des actions en faveur des sites et des paysages.
Vous avez relancé la procédure de classement de zones protégées par la directive « habitat ». Celle-ci provoque de vives polémiques entre certains acteurs, qui plaident pour le développement économique, et les « intégristes de l'environnement », qui voudraient en faire des déserts vivants. Or il n'y a pas d'incompatibilité de principe entre la protection de l'environnement et le développement économique.
Des activités adaptées aux caractéristiques, aux contraintes et aux atouts de l'environnement pourraient s'y développer harmonieusement, et je reviens là au tourisme vert.
L'activité touristique est, dans l'esprit de certains, synonyme de pollution, de destruction, mais il ne s'agirait pas de laisser se développer un tourisme à grande échelle ou sauvage. Je laisse cela à votre réflexion, madame la ministre. (Applaudissements sur les travées du RDSE. - MM. les rapporteurs applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Lepeltier.
M. Serge Lepeltier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, débattre de la politique de l'environnement, c'est, à l'évidence, examiner les moyens budgétaires qui lui sont alloués. Mais c'est plus encore s'interroger sur l'évolution de nos législations, qu'il s'agisse de l'application du principe « pollueur-payeur », de la fiscalité de l'écologie ou encore de la nécessaire harmonisation européenne. C'est certainement aussi réfléchir à une nouvelle approche de la protection et de la sauvegarde de la nature, susceptible de répondre aux attentes légitimes et grandissantes de nos concitoyens en ce domaine.
Incontestablement, l'environnement n'est plus, aujourd'hui, un domaine marginal, et la société française, notamment dans ses composantes les plus jeunes, en fait un axe prioritaire de préoccupation et de mobilisation.
Je me félicite, dès lors, madame la ministre, de plusieurs aspects encourageants de votre projet de budget, même si, vous le dévinez aisément, les sujets d'inquiétude l'emportent largement chez moi sur les motifs de satisfaction.
Une augmentation de 14,8 %, à périmètre constant, par rapport à la loi de finances initiale pour 1998, ce n'est pas négligeable, et les défenseurs de l'environnement que nous sommes tous ne peuvent que s'en réjouir, à la condition, toutefois, que d'éventuellles mesures de régulation budgétaire - comme nous en voyons, hélas ! trop souvent - ne viennent pas ternir, dans les mois à venir, cette croissance prometteuse.
De même, je note avec intérêt la prévision de financement, à hauteur de 164 millions de francs, du futur fonds de gestion des milieux naturels prévu par le projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, que vous avez par ailleurs déposé, madame la ministre, devant le Parlement.
Dans la présentation qui nous en est faite, ce fonds devrait participer au financement de la politique de préservation des milieux naturels et de la biodiversité avec, notamment, en 1999, 68 millions de francs destinés à l'accompagnement de la constitution du réseau européen Natura 2000, qui, je le rappelle, vise à la conservation des habitats naturels, ainsi que de la faune et de la flore sauvages.
S'il s'agit donc, par la création de ce nouveau fonds, de conforter l'émergence de préoccupations environnementales dans la gestion des territoires, de sorte que les milieux naturels deviennent à l'avenir, par leur qualité, des atouts de développement. Je ne peux que m'associer à une telle démarche. Encore faudra-t-il juger de sa réalité sur le terrain !
Que dire, en revanche, de la principale innovation qui nous est proposée ? Je pense, bien sûr, à la déjà trop fameuse taxe générale sur les activités polluantes.
Beaucoup s'inquiètent d'une telle réforme, et il est vrai que les craintes sont, pour le moins, multiples et fondées. D'ailleurs, le Sénat en a déjà largement débattu la semaine dernière.
Qui garantirait, en effet, dans les années à venir, la pérennité des dotations budgétaires environnementales ?
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Personne !
M. Serge Lepeltier. Comment ne pas redouter une déresponsabilisation des pollueurs, puisque la nouvelle taxe serait déconnectée des besoins réels de financement des actions de prévention ou de réparation des dégâts liés aux activités polluantes ?
Plus encore, comment ne pas comprendre, partager les très vives interrogations des agences de l'eau, qui seraient confrontées, à partir de l'an 2000, au nouveau dispositif avec l'intégration des redevances relatives à la pollution de l'eau ?
Toutes ces incertitudes, nombre d'entre nous les ont exprimées ; je n'insisterai donc pas.
Une seule certitude pourtant : il s'agirait bel et bien d'une mesure de centralisation, ce qui est pour le moins paraxodal, il faut en convenir, à une époque où la déconcentration et la décentralisation sont par ailleurs largement prônées par le Gouvernement.
Quelles en sont les motivations ? Ne s'agit-il pas de faire du ministère de l'environnement un ministère de plein exercice, de créer, en quelque sorte, une administration spécifiquement nouvelle ?
Or le ministère de l'environnement ne devrait-il pas, a contrario , rester un ministère transversal, aiguillon du Gouvernement ?
Devant toutes ces interrogations relatives, en particulier, à la taxe générale sur les activités polluantes, vous le savez, madame la ministre, le Sénat a fait un choix : en rejetant - chacun l'a rappelé - l'article 30 du projet de loi de finances pour 1999, il a décidé de s'opposer à la création de la nouvelle taxe.
Il faut, en effet, approfondir la réflexion sur les motifs de la fiscalité écologique ou environnementale, qui doit d'abord s'appuyer sur un principe fort de responsabilisation. Dans cette affaire - et c'est peut-être, madame la ministre ce que l'on peut le plus vous repprocher - vous agissez dans la précipitation, sans permettre une réflexion approfondie.
Par ailleurs, surtout lorsqu'on recherche un effet incitatif, il semble opportun que la fiscalité écologique s'inscrive dans un cadre pluriannuel.
Enfin, il faut, naturellement, tenir compte du type de pollution et s'interroger sur les objectifs précis que l'on veut assigner à une fiscalité environnementale : s'agit-il essentiellement de rechercher un effet incitatif et de limiter les atteintes à l'environnement ou s'agit-il de dégager des ressources ?
Autant de questions, autant d'approches, à la fois différentes et complémentaires, qui méritent, pour le moins, une réflexion approfondie.
Membre de la délégation du Sénat pour la planification, j'attache personnellement la plus haute importance à ces sujets, car, au-delà des débats budgétaires ou théoriques, ils concernent directement la vie quotidienne de nos concitoyens, avec finalement un enjeu sous-jacent de santé publique indéniable.
C'est pourquoi j'estime que la politique de l'environnement doit prioritairement - cela a été relevé par de nombreux intervenants - privilégier les acteurs de terrain, et particulièrement les élus locaux. Elle doit essentiellement reposer sur chacun d'entre nous, favoriser la transparence et les initiatives de sensibilisation, même si, naturellement, des mesures contraignantes sont quelquefois indispensables. Encore faut-il qu'elles ne se heurtent pas, sur le terrain, à d'autres impératifs. Je pense, bien sûr, à une politique des déchets qui se donne pour objectif la valorisation agricole, alors que les normes des produits agricoles empêchent l'utilisation des composts. Comment, dès lors, en appeler à la responsabilité de chacun ?
J'aimerais, naturellement, madame la ministre, aborder encore bien des points de votre projet de budget, mais, hélas ! le temps qui m'est imparti ne me le permet pas.
Toutefois, sur la politique des déchets, permettez-moi simplement de formuler une dernière interrogation.
A l'évidence, les plans départementaux d'élimination des déchets ont dû être réorientés et des retards persistent dans leur élaboration.
Comme vous le savez, le recours à l'incinération a été largement surestimé. Pouvez-vous nous donner des informations sur les conséquences de cette surestimation ? Pensez-vous que l'objectif fixé pour 2002 sera respecté ?
Telles sont, madame la ministre, les trop brèves observations que je souhaitais faire.
« Personne n'a le monopole de l'environnement », si vous me permettez cette expression, même s'il prend souvent la figure emblématique de votre personnalité. Nous sommes tous concernés, quelles que soient nos propres sensibilités politiques.
Si votre projet de budget comporte, il est vrai, certaines avancées, je redoute, comme beaucoup, en dépit de son apparence encourageante, les menaces qu'il pourrait faire peser sur l'avenir, en particulier le risque d'une banalisation administrative de votre ministère, alors même que les autres ministères doivent impérativement intégrer les préoccupations environnementales. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais, pour commencer, remercier vos trois rapporteurs, M. Oudin, qui est intervenu au nom de M. Adnot, et MM. Bizet et Dupont, pour la clarté de leur présentation du budget, même si, vous n'en serez pas surpris, je ne partage ni leurs analyses ni leurs conclusions.
Permettez-moi de revenir quelques instants sur le bilan de l'année écoulée.
Beaucoup de choses ont déjà été faites, me semble-t-il, et de nombreux chantiers ont été ouverts ; j'en citerai douze.
Premier chantier : la relance de Natura 2000, dossier que j'avais trouvé bloqué lors de mon arrivée et sur lequel je reviendrai.
Deuxième chantier : la protection de nouveaux espaces - préparation de trois nouveaux parcs nationaux, de plusieurs parcs naturels régionaux, dont le Périgord-Limousin et le Gâtinais français, préparation et mise en place de nouvelles réserves naturelles.
Troisième chantier : des initiatives visant à mieux maîtriser les pollutions d'origine agricole, en particulier dans les zones d'excédents structurels, initiatives qui sont menées en concertation avec le ministère de l'agriculture, comme l'a demandé M. Le Cam. Ces initiatives ont soulevé d'énormes difficultés suscitant l'incompréhension de citoyens exaspérés par le contraste entre l'ampleur des dégâts, le montant des sommes qu'ils sont amenés à consacrer à la réparation de ces dégâts et la relative inefficacité, sur le plan de l'environnement, des mesures prises jusqu'alors.
Quatrième chantier : la réforme des instruments de gestion de cette ressource rare et collective qu'est l'eau ; j'y reviendrai longuement.
Cinquième chantier : l'ouverture d'une politique permettant une réelle diversification de nos choix énergétiques, ainsi que les progrès concernant un meilleur contrôle et une plus grande transparence en matière nucléaire.
Sixième chantier : la révision de notre politique de traitement des déchets ménagers et des déchets industriels.
J'ai noté que M. Vasselle se réjouissait de la qualité de la circulaire qui a été élaborée. Outre cette circulaire, il a été envisagé de procéder, dans chacun des départements, à une analyse des plans départementaux. Des conseils ont été donnés aux préfets. Ont été pris en charge les plans régionaux d'élimination des déchets spéciaux et le problème des déchets de chantiers. Des centaines de réunions ont eu lieu. De nombreux rendez-vous ont été pris. Bien peu de parlementaires ne sont pas allés chercher des conseils auprès des quatre malheureux fonctionnaires chargés de cette politique dans mon ministère. Ont également été élaborés des textes tendant à apporter la sécurité aux agriculteurs qui acceptent d'épandre des boues et aux consommateurs des produits alimentaires récoltés sur ces terres. Tout cela a été et demeure encore extraordinairement lourd.
Septième chantier : le meilleur contrôle et l'amélioration de la connaissance des sites pollués.
Huitième chantier : l'accélération, sur les plans national et communautaire, de la lutte contre la pollution de l'air ; j'y reviendrai.
Neuvième chantier : une nouvelle dynamique en matière de lutte contre l'effet de serre, à la suite des conférences de Kyoto et de Buenos-Aires.
Dixième chantier : la mise en place de la fiscalité écologique, qui ne se limite pas à la TGAP.
Onzième chantier : la création de près de dix mille emplois-jeunes dans le secteur de l'environnement.
Enfin, douzième chantier : le lancement d'un grand chantier pour engager la réforme de l'utilité publique.
Cependant, beaucoup reste à faire pour que chacune et chacun d'entre nous modifie ses comportements quotidiens et acquièrent le « réflexe environnement ».
Beaucoup reste à faire pour que la politique de préservation et de valorisation de l'environnement soit perçue non comme du « poil à gratter », comme un ensemble de contraintes et de règlements, mais comme une volonté commune, au service de l'ensemble des habitants, des générations présentes comme des générations futures, des citoyens comme des entreprises, au service de l'emploi et du développement durable, comme l'a bien montré M. Raoult. Il semble que l'on en soit loin, puisque l'on continue ici à caricaturer les aspirations de millions de Français à une eau pure, à un air sain, à des milieux vivants, à des aliments de qualité. Cela fait longtemps que je n'avais pas entendu parler des quelques « intrégristes de l'environnement » qui prétendent imposer leurs objectifs de façon arbitraire. En vous écoutant, je me suis sentie rajeunir !
Au regard de l'immensité des tâches qui restent à accomplir, j'ai pris conscience, assez rapidement, de l'inadéquation flagrante entre les moyens dont dispose le ministère chargé de l'environnement et les attributions que les gouvernements successifs et la société tout entière lui ont confiées.
Depuis près de dix ans, le ministère de l'environnement est resté « collé » aux environs de 0,14 % du budget civil de l'Etat. Pourtant, dans le même temps, combien de nouvelles missions, combien de nouvelles attributions lui ont été confiées !
Dans les domaines de la nature et des paysages, des déchets, de la lutte contre la pollution de l'air ou de l'eau, ou encore de la prévention des risques, le ministère de l'environnement, au service d'une exigence citoyenne, a peu à peu été doté - que cela plaise ou non ! - de missions régaliennes. Il prépare la loi et la met en oeuvre. Il participe au droit communautaire et à son application. Il exerce des missions de police, préventives ou répressives. Il tente de répondre à des attentes de plus en plus fortes, de plus en plus précises et de plus en plus complexes des citoyens.
Il s'agit bien de faire de ce ministère un ministère de plein exercice, avec de vrais personnels. Les personnels de l'environnement, dévoués et compétents, ne s'y trompent d'ailleurs pas lorsqu'ils réclament un véritable service public de l'environnement, des moyens plus importants pour accomplir leur travail.
Monsieur Lepeltier, c'est votre rapporteur lui-même qui qualifie ce ministère de « ministère de l'impossible ». La seule chose qui le soit, impossible, c'est de continuer à faire « comme si », avec des bouts de ficelles, et en ayant la seule satisfaction d'être l'aiguillon, ou la mouche du coche. Je n'ai pas la vocation !
Le budget de l'environnement français est plus faible que celui de la plupart des pays européens, qu'ils aient une structure politique fédérale ou unitaire. Il est plus faible que dans des pays moins riches que le nôtre, que dans des pays suspectés, parce qu'ils sont du sud de l'Europe, d'une plus grande indifférence à la qualité de l'environnement.
C'est pourquoi j'ai plaidé auprès du Premier ministre pour que l'environnement figure, pour la première fois, dans les priorités budgétaires du Gouvernement, telles qu'elles sont établies par les lettres de cadrage. J'ai plaidé pour que cette priorité se traduise non pas par quelques points supplémentaires de progression, mais par une véritable première étape de mise à niveau.
J'ai été entendue ! Le projet de budget de l'environnement que j'ai présenté affiche une progression, à périmètre et fonctions constants, de 15,6 % de projet de loi de finances à projet de loi de finances, et de 14,8 % de loi de finances initiale à projet de loi de finances. Je le dis avec plaisir, avec fierté, et je remercie MM. Raoult, Signé, Le Cam et Richert, qui, avec d'autres - qui se sont exprimés avec peut-être moins de force et moins de générosité - ont souligné cette progression.
A périmètre et fonctions modifiés, la progression est de 110 %.
Je reviendrai, naturellement, sur les composantes de cette progression, qui, je l'ai bien entendu, suscite quelques interrogations de votre part et que votre rapporteur vous propose de réduire.
A périmètre et fonctions constants, le budget de l'environnement qui vous est proposé s'établira, en 1999, à 2 180 millions de francs. Les mesures nouvelles, qui s'élèvent à environ 300 millions de francs, répondent à trois priorités : renforcer le socle du ministère, mieux assurer la gestion et mieux valoriser les espaces et milieux naturels, enfin mieux prévenir les risques - naturels, industriels ou technologiques - qui menacent les personnes et les biens.
Les effectifs du ministère de l'environnement sont de 2 412 agents, soit 0,13 % des effectifs civils de l'Etat. Ces effectifs ne permettent ni d'assurer les fonctions essentiels d'une administration centrale, en particulier dans les domaines juridique, international, de gestion des ressources humaines ou d'expertise économique, ni d'assurer, dans les DIREN, la mise en oeuvre des politiques de l'environnement.
Aussi, 140 emplois seront créés en 1999, dont 89 dans les DIREN, 29 en administration centrale et 22 dans les DRIRE, au titre de l'inspection des installations classées. Ainsi, nous atteindrons, dans les DRIRE, un effectif de 796 personnes, en comptant les inspecteurs des services vétérinaires, pour plus de 63 000 établissements à contrôler. Est-ce de la mauvaise gestion ? Est-ce du clientélisme ? Monsieur de Montesquiou, vous auriez du mal à répéter vos propos devant nos inspecteurs des installations classées.
Il ne s'agit pas là de contribuer à un gonflement des effectifs de l'Etat, comme ont semblé le déplorer MM. Oudin et Bizet. Vous l'avez vu, cet effort en faveur de l'environnement, comme celui qui est effectué, par exemple, en faveur du ministère de la justice, s'accompagne d'une stabilité globale des emplois de l'Etat.
C'est pourquoi, en dehors de l'expression d'une position de principe, qui me paraît quelque peu dogmatique puisque vous avez vous-même dit, monsieur le rapporteur, qu'il ne s'agissait pas de nier les besoins en cause, je ne comprends pas les raisons qui vous conduisent à proposer la suppression de ces 140 créations d'emplois. Je le comprends d'autant moins que j'ai eu l'occasion, interpellée par vous-même lors d'une séance de questions orales, de vous expliquer très sincèrement et très directement les difficultés auxquelles mon ministère est confronté sur le terrain juridique, sur le terrain international, pour répondre au courrier, pour prendre en charge des politiques aussi lourdes que celle qui concerne les déchets, par exemple.
Je vous indique au passage que le rapport annuel prévu par l'article 41 de la loi du 3 janvier 1986 relève des responsabilités du ministère de l'équipement, du logement et des transports. Voilà quelques mois, vous m'avez dit que cela faisait douze ans que vous réclamiez ce rapport. C'est peut-être parce que vous n'avez pas frappé à la bonne porte ! Je serai donc heureuse de relayer votre demande auprès de mon collègue Jean-Claude Gayssot.
Ce renforcement du socle du ministère s'accompagne aussi de moyens de fonctionnement supplémentaires : en matière de formation, dans le domaine de la communication et de l'information, dans le secteur de nos activités internationales et communautaires, en matière d'informatisation des services - tant centraux que déconcentrés - et, enfin, dans le domaine immobilier.
Je souhaite, en particulier, que les agents des DIREN puissent travailler dans des conditions plus décentes et que les services, lorsqu'ils sont éparpillés sur plusieurs sites, puissent être regroupés.
Le renforcement du socle du ministère n'a de sens que si ces moyens de fonctionnement supplémentaires sont mis, avec efficacité, au service des politiques conduites par le Gouvernement.
S'agissant de la protection et de la valorisation des milieux et espaces naturels, il s'agit, là encore, de rattraper le retard accumulé depuis bien des années, en particulier pour Natura 2000.
C'est ainsi qu'il sera procédé, en 1999, à la création et à la dotation du fonds de gestion des milieux naturels, le FGMN. Ce fonds a pour objet de favoriser toutes les politiques contractuelles en faveur des espaces naturels et de la diversité biologique.
Il assurera notamment, comme l'a bien montré M. Ambroise Dupont, le financement de la politique de connaissance et d'inventaire de la diversité biologique et des milieux naturels, ainsi que du suivi de leurs évolutions, qui ont été saluées par M. Richert.
Il assurera le financement de Natura 2000 et des actions communautaires.
Monsieur Ambroise Dupont, vous avez souligné que les sommes consacrées à ce thème représentent 73 francs par hectare. C'est un calcul un peu rapide. En effet, il s'agit, dans cette première phase, de rédiger les cahiers d'habitat, d'élaborer les documents d'objectifs, d'animer et de suivre sur le plan scientifique ces sites, avec l'aide d'ailleurs de crédits LIFE, l'instrument financier pour l'environnement.
Vous comprendrez qu'il n'est pas question encore d'indemniser ou de rémunérer un service rendu à la collectivité, puisque, à ce stade de concertation, ce service est uniquement virtuel.
Je voudrais souligner l'état d'esprit très constructif qui prévaut au sein des instances de concertation à l'échelon national et local, mais aussi sur le terrain, comme l'a rappelé d'ailleurs M. Raoult.
Monsieur Joly, il n'y a d'opposition entre les bons protecteurs de l'environnement et les intégristes que dans vos fantasmes, me semble-t-il. Sur le terrain, cela se passe bien. Je peux vous assurer que, s'agissant de notre région, par exemple, je n'aurais pas, voilà un an, imaginé que l'on pourrait, dans un si bon esprit, communiquer des sites aussi importants, des sites sur lesquels sont impliqués des chasseurs, des forestiers, des agriculteurs, des protecteurs de l'environnement, qui, globalement, et sans l'intervention ni de la ministre ni du sénateur, ont réussi à se parler.
Le FGMN contribuera aussi à la politique des parcs naturels régionaux, des conservatoires régionaux d'espaces naturels et des réserves de biosphères.
Sur ce point, je voudrais rassurer M. Signé. Je suis très consciente de l'intérêt majeur de la politique des parcs naturels régionaux. A bien des égards, ils ont montré que l'on pouvait concilier qualité des milieux, création d'emplois, développement local et dynamique économique. Ils ont été les modèles de bien des projets de pays, parce que ce qui est possible dans ces zones difficiles doit l'être ailleurs. Je n'ai donc absolument pas l'intention, à l'occasion de la présentation du projet de loi d'orientation d'aménagement et de développement durable du territoire, de laisser planer le moindre doute sur ce point. Les parcs naturels régionaux et les pays doivent être compatibles, dans le respect du rôle et de l'identité des uns et des autes. Comme vous l'avez souligné, les pays, ce seront avant tout des espaces de projets, qui ne devraient donc pas, dans leur définition, dans leur périmètre, entrer en compétition avec les dynamiques déjà à l'oeuvre sur le terrain.
Le FGMN assurera également le financement du programme de conservation de la diversité biologique, et principalement les espèces sauvages telles que l'ours, le lynx, ou les espèces végétales sauvages, par le biais des conservatoires botaniques nationaux.
Ce fonds sera doté, en 1999, de 164 millions de francs, dont 90 millions de francs de mesures nouvelles. Natura 2000 bénéficiera de plus de 100 millions de francs.
De la même manière, ce budget prévoit une progression de la dotation affectée aux réserves naturelles, ce qui permetra de créer neuf nouvelles réserves en 1999, après les huit créations de 1998.
La dotation dont bénéficiera le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres sera, elle aussi, augmentée et portée à 135 millions de francs en autorisations de programme, contre 125 millions en 1998.
La cotutelle exercée par mon ministère sur le Muséum national d'histoire naturelle et sur l'Ecole du paysage sera renforcée.
Cet ensemble de mesures et de moyens nouveaux s'accompagne de dispositions en faveur du monde associatif. Je crois en effet beaucoup à la vertu du dialogue. Je ne crois pas, monsieur Richert, avoir déposé le moindre projet de loi sans concertation, ni dans le domaine de l'environnement, ni dans le domaine de l'aménagement du territoire. S'agissant du projet de loi d'orientation, d'aménagement et de développement durable du territoire, cette concertation a duré des mois, trop longtemps, même, si j'en crois ceux qui auraient souhaité que ce texte soit examiné plus tôt par le Parlement.
Je crois à la vertu du dialogue, disais-je, mais aussi à la force de la contre-expertise exercée par le monde associatif, dès lors que les problèmes sont traités en amont. Les résultats des concertations menées, dans le cadre de la commission nationale du débat public, à l'occasion des dossiers de Port 2000 et de la ligne à très haute tension Boutre-Carros, en témoignent.
Je voudrais, ici, vous rassurer : je ne crois pas, pour ma part, que les associations constituent en quoi que ce soit des obstacles au développement économique. Bien souvent, elles interviennent en amont des problèmes, elles font en sorte que la loi soit respectée. Je souhaite que cette augmentation des moyens qui seront accordés aux associations permette de renforcer les contre-pouvoirs, de favoriser, notamment de façon contractuelle, une participation plus efficace des associations en amont de la prise de décision, d'améliorer les projets et de réduire les contentieux.
L'octroi de ces subventions répond à des règles précises, monsieur Joly, beaucoup plus transparentes, si j'en crois certains articles de presse, que celles qui président à l'utilisation de la réserve parlementaire.
Je suis de bonne humeur et il est tard mais, vous me permettrez de le dire, je n'apprécie guère les accusations larvées de manque d'objectivité dans l'attribution des subventions. Je rappelle qu'elles sont très largement déconcentrées et que seule une part modeste est utilisée sur le plan national pour des associations d'envergure nationale dont vous avez la liste et que vous connaissez bien. Ces associations relèvent de la loi de 1901, certaines étant d'ailleurs reconnues d'utilité publique.
Le partenariat que je souhaite instaurer entre les élus, l'administration et le milieu associatif a un prix. Il me semble, en conséquence, que la proposition de votre rapporteur de procéder à la réduction, de 11,5 millions de francs, des crédits consacrés au monde associatif est contre-productive, au regard de l'objectif que nous cherchons tous à atteindre.
La prévention des risques, naturels, technologiques ou industriels, constitue une autre priorité pour mon ministère.
Cette prévention, pour être efficace, demande tout d'abord que soient développés les instruments de connaissance des milieux et d'évaluation des risques. C'est pour cela que j'ai décidé un renforcement de l'Institut français de l'environnement, l'IFEN, et de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques, l'INERIS. M. Joly a bien voulu utiliser les travaux les plus récents de l'IFEN pour étayer son argumentation, ce qui montre la qualité des travaux de cet institut, qui bénéficiera, en 1999, de mesures nouvelles pour un montant de 8 millions de francs.
L'INERIS bénéficiera, quant à lui, de mesures nouvelles d'un montant supérieur à 22 millions de francs. Cela devrait notamment lui permettre de développer deux nouveaux pôles de compétences, l'un consacré aux carrières, l'autre à l'écotoxicologie, sujets importants, même si votre rapporteur propose de réduire le nombre d'emplois dans cet institut.
Parallèment, il s'agit aussi d'organiser, sur le terrain, une meilleure prévention, au service de la protection des biens et des personnes.
Ainsi, le plan « Loire », qui abordera, en 1999, sa deuxième phase, et le programme décennal de prévention des risques naturels bénéficieront d'une dotation globale de 346 millions de francs. De plus, j'ai décidé qu'il convenait que l'Etat cesse de se désintéresser de son domaine public fluvial, outre celui de la Loire. Une mesure nouvelle, à hauteur de 9 millions de francs, est ainsi inscrite en dépenses ordinaires.
Parallèlement, le système d'annonces de crues sera renforcé, à travers une augmentation de plus de 15 % de la dotation qui lui est allouée.
Comme vous le savez, les lois du 22 juillet 1987 et du 2 février 1995 ont institué, d'une part, un droit du citoyen à l'information sur les risques naturels et technologiques majeurs, et, d'autre part, le renforcement de la protection de l'environnement à travers des plans de prévention des risques, les PPR.
Dans son rapport remis au début de l'année 1998, l'instance d'évaluation et de prévention des risques naturels a préconisé d'aller au-delà de l'objectif initial de 2 000 plans de prévention des risques en l'an 2000, et d'en réaliser 10 000 au cours des dix prochaines années.
Avec seulement 1 800 documents valant PPR approuvés à la fin de 1998, nous sommes loin du compte. Aussi, la dotation consacrée à la réalisation de ces plans comme à l'information préventive passera de 42 millions de francs en 1998 à 67 millions de francs en 1999.
J'entends aussi consolider notre effort tant dans la lutte contre la pollution atmosphérique que dans la lutte contre l'augmentation de l'effet de serre.
Plus de 235 millions de francs seront ainsi affectés, dans mon budget, à la mise en oeuvre de la loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie.
M. Richert, s'intéressant au dispositif concernant les particules fines, s'est demandé pourquoi le décret du 6 mai 1998 ne reprenait pas cet élément effectivement très important. Le Gouvernement attache une importance particulière, monsieur Richert, à la pollution des particules, comme en témoigne le relèvement de la fiscalité sur le gazole - dont je veux bien admettre qu'il aurait pu être plus marqué, comme l'un des honorables parlementaires l'a souligné et demandé - ainsi qu'au développement en France d'une véritable mesure des particules fines grâce aux crédits de mon ministère ; plus de cent capteurs ont été achetés. Je rappellerai aussi l'accord du Conseil européen de juin 1998 pour fixer des valeurs limites basses et ambitieuses spécifiquement pour les particules. Des efforts importants nous attendent pour respecter ces valeurs limites, si elles sont confirmées.
Je pense encore à la pression que nous maintenons sur les installations fixes avec l'arrêté « petites installations de combustion » de l'an passé.
Si le décret du 6 mai 1998 n'a pas repris de valeurs pour les particules fines, c'est tout simplement parce que la réglementation européenne est en train d'être révisée, de manière rapide. Dès que les directives européennes seront finalisées, le Gouvernement en tirera les conséquences pour fixer de nouveaux seuils réglementaires. La priorité reste pour nous le développement de la surveillance et de l'information. C'est le préalable à la mise en place de procédures d'alerte.
Outre ces trois priorités, deux éléments modifient fortement le périmètre et les moyens alloués au ministère de l'environnement.
En premier lieu, comme vous le savez, le Premier ministre a décidé, en février 1998, qu'il convenait de relancer la politique française de maîtrise de l'énergie et le développement des énergies renouvelables. Nous avons, dans ce domaine, accumulé un retard important. Or, vous le savez, la seule énergie qui ne pollue pas est celle qui n'est pas consommée.
J'ai été étonnée, que dis-je ? scandalisée, de voir que, dans le rapport qui vous était présenté, la relance de la politique de maîtrise de l'énergie et des énergies renouvelables était qualifiée de « prématurée ». Quant aux économies d'énergies, « elles ne correspondent pas à une nécessité urgence dans le contexte économique actuel ». Les bras m'en tombent !
Peut-on sérieusement considérer que le poids des factures d'électricité, de gaz, de fioul ou de l'achat de carburant n'ont pas de répercussion sur le budget des familles modestes ? La campagne contre le chauffage électrique n'a-t-elle vraiment aucun intérêt social ?
Je voudrais vous convaincre que la diminution des émissions de gaz par les voitures, les autobus, les poids lourds, ou encore l'isolation des logements sont des mesures qui, au même titre que la réduction de la consommation dans le domaine énergétique proprement dit, allient justice sociale, création d'emplois - M. Raoult l'a bien souligné - et développement d'activités économiques. J'invite ceux qui doutent encore à visiter l'année prochaine le salon Pollutec. De très nombreuses PMI et PME témoignent de la vitalité de ce secteur, qui, je le précise, fonctionne sans aides publiques.
En accompagnement de cette relance, il a été décidé une dotation nouvelle, annuelle et donc pérenne, à hauteur de 500 millions de francs. Cette dotation sera versée à l'ADEME, qui a en charge cette mission nouvelle. Les deux tiers de cette dotation, soit 333 millions de francs, seront versés par le ministère chargé de l'environnement et le solde sera versé par le secrétariat d'Etat à l'industrie, si l'Assemblée nationale confirme le vote qu'elle a émis en première lecture.
Je constate en effet qu'un des amendements présentés par M. le rapporteur spécial conduirait à ne pas mettre en oeuvre cette nouvelle politique. Je souhaite que votre assemblée ne retienne pas cette proposition et qu'elle considère, avec le Gouvernement, qu'il est fondamental que notre pays se donne les moyens de diversifier, progressivement et au rythme où il le souhaite, ses choix énergétiques.
Ce serait d'ailleurs l'occasion d'allier l'efficace en termes d'emploi à l'agréable sur le plan environnemental en ce qui concerne les lignes à très haute tension. L'effacement de ces dernières est non seulement difficile d'un point de vue technique mais aussi presque infinançable, comme M. Dupont, rapporteur pour avis, l'a souligné avec beaucoup de lucidité.
Je tiens à rappeler que toutes les sources d'énergie décentralisées, toutes les économies d'énergie peuvent être utilisées utilement pour limiter l'impact paysager et le coût de lignes électriques qui zèbrent le paysage avec des conséquences que nous déplorons tous évidemment.
Enfin, comme vous l'avez constaté en supprimant, dans la partie recettes, les dispositions de l'article 30 du projet de loi de finances, le Gouvernement vous a proposé l'institution d'une taxe générale sur les activités polluantes. Cette taxe est l'un des éléments majeurs du volet relatif à la fiscalité écologique que le Premier ministre, Lionel Jospin, a appelé de ses voeux, sur ma demande, dès l'automne 1997.
Je voudrais essayer de vous convaincre de l'importance de cette mesure et de ses vertus environnementales.
Tout d'abord, la TGAP n'est pas un impôt supplémentaire. Elle est un instrument innovant pour une fiscalité environnementale plus simple, plus moderne, plus efficace.
Jusqu'à présent, la fiscalité écologique, héritière des années pionnières du ministère de l'environnement, était fondée sur des principes défensifs, par le biais de taxes affectées. Il s'agissait, à travers ces taxes affectées, non pas de dissuader les activités polluantes et d'inciter à des comportements plus vertueux, mais simplement de dégager les ressources permettant de réparer les dommages occasionnés à l'environnement par les activités polluantes.
C'était une première application du principe « pollueur-payeur », mais une application imparfaite, assimilée davantage par certains à un principe « pollueur-sociétaire » ou « pollueur-mutualiste ». Or le fait d'avoir payé pour financer la réparation d'une pollution ne doit pas conduire à pérenniser les conduites polluantes.
Il n'y a rien à voir avec le principe pollueur-payeur que nous souhaitons appliquer grâce à la TGAP. Il s'agit de renforcer le lien entre, d'une part, le niveau et l'intensité de la pollution et, d'autre part, le niveau de la contribution. Contrairement à ce qu'a cru pouvoir affirmer la commission des finances du Sénat, je tiens beaucoup à ce lien, car il s'agit d'adresser un message de prévention, et donc une incitation à un comportement plus vertueux. Dès lors, la déconnexion entre le rôle tenu par l'instrument fiscal et le montant nécessaire à la réparation est inévitable.
C'est cette déconnexion qui permettra, à prélèvements globaux constants, de dégager de nouvelles ressources fiscales et donc de réduire notamment des prélèvements pesant sur l'emploi. C'est ce que l'on appelle le « second dividende ». M. Oudin l'a qualifié de curiosité. Je veux bien. Mais il s'agit d'une curiosité qui fonctionne dans certains pays de l'Europe du Nord.
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis. De moins en moins !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. En 1999, la TGAP concernera les taxes jusqu'alors prélevées directement par l'ADEME. Cela permettra un renforcement de cette dernière, sans lui faire perdre une quelconque once d'autonomie. Globalement, l'ADEME bénéficiera, en 1999, de ressources d'un montant supérieur d'environ 40 % au rendement estimé des taxes parafiscales en 1998.
En effet, il est clair, pour moi, que l'ensemble des organismes dont l'origine du financement serait modifiée à l'occasion de la TGAP doivent bénéficier d'une garantie de ressources dans la durée leur permettant de mettre en oeuvre et de développer les missions qui leur sont confiées.
Cette garantie de ressources devrait, pour l'ADEME, être assurée par la signature d'un contrat de plan entre l'agence et l'Etat. Mais au-delà, qui d'autre que le Parlement peut accorder cette garantie, à l'occasion de l'examen des lois de finances annuelles ou de lois de programmation pluriannuelles ?
Je suis, à cet égard, quelque peu étonnée de constater que la réforme de la fiscalité écologique est quelquefois critiquée parce qu'elle serait « recentralisatrice », alors qu'il me semble au contraire qu'elle redonne au Parlement le rôle qui est le sien en cette matière. Je suis d'ailleurs d'autant plus étonnée lorsque ces critiques émanent des parlementaires eux-mêmes !
J'ai entendu tout à l'heure M. Gérard Le Cam en appeler à une nationalisation des services de l'eau. Je voudrais le convaincre que la mise en place d'un outil facilitant une approche non seulement plus globale mais aussi plus redistributive et plus solidaire pourrait sans doute l'aider à avoir une vision plus juste des moyens mobilisables pour cette politique et pour une redéfinition des responsabilités de ce service, responsabilités qui ont été rappelées dans une communication que j'ai faite le 20 mai dernier en conseil des ministres.
Je suis particulièrement chagrinée que votre rapporteur, en proposant la suppression de la contrepartie budgétaire de la TGAP, propose par là même que le Parlement renonce, à l'avenir, à l'exercice des pouvoirs qui lui sont pourtant confiés par la Constitution.
S'agissant de l'application de la TGAP à l'eau, j'avais annoncé, dès cet été, qu'elle ne ferait l'objet d'aucune inscription au projet de loi de finances pour 1999. J'avais également indiqué que les décisions du Gouvernement ne seraient prises qu'après concertation avec l'ensemble des acteurs concernés.
Cette concertation a commencé, et elle continue. C'est pourquoi je considère qu'il y a sans doute eu, ici ou là, quelques campagnes de désinformation à cet égard.
D'ailleurs, après avoir écouté le scénario catastrophe de M. Vasselle, je ressens le besoin de rappeler un certain nombre de choses que j'ai souvent dites.
Tout d'abord, il est hors de question de remettre en cause le système des agences de bassin et l'autonomie financière de celles-ci. Je constate d'ailleurs que, si M. le rapporteur spécial a cité quelques phrases élogieuses émises par le commissariat général du Plan à propos des agences de bassin, il a passé sous silence les préconisations de ce même commissariat général du Plan visant à rendre le système plus juste, plus efficace et plus démocratique.
Dans son intervention, il s'est d'ailleurs dit prêt à reconsidérer les modalités d'action et le dispositif de financement des agences de bassin, à condition que ces dernières soient confirmées dans leur rôle et qu'elles puissent disposer des ressources nécessaires à la poursuite de leurs actions. Je m'engage sur ce point.
En effet, nous avons retenu le principe de l'examen par le Parlement d'un projet de loi de programmation pluriannuelle permettant de définir très précisément les programmes agence par agence et les moyens qui doivent y être affectés, ainsi que le mode d'évolution des redevances.
MM. Bizet et de Montesquiou ont craint que les agriculteurs ne soient amenés, dans l'avenir, à voir leur contribution accrue. C'est probable, et je dirai même que c'est souhaitable.
Une bonne partie des irriguants, par exemple, n'ont toujours pas de compteur permettant de vérifier l'ampleur des prélèvements dans les nappes phréatiques.
M. Aymeri de Montesquiou. C'est faux !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Non, ce n'est pas faux ! Ou alors il faut admettre que vous n'allez jamais sur le terrain, monsieur le sénateur !
M. Aymeri de Montesquiou. Je suis agriculteur !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je veux alors bien admettre que vous ayez, vous, un compteur ; mais - bien des gestionnaires de syndicats des eaux le savent - notre appréciation de l'ampleur des prélèvements dans certaines régions d'irrigation est extrêmement vague pour la simple raison qu'il n'y a pas de compteurs !
M. René-Pierre Signé. Evidemment !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je ne souhaite pas désigner les agriculteurs comme des pollueurs et je salue les efforts qui ont été faits par la profession. Je constate seulement que l'on est encore loin du compte et que, loin d'adopter des mesures de prévention à la hauteur des besoins, nous sommes en général en retard, et notre course derrière les pollutions n'a que très peu de succès.
Je considère en tout cas pour ma part qu'il est indispensable d'encourager de bonnes pratiques agricoles, ou dans le cadre des CTE ou dans certains secteurs de l'agriculture, qu'il s'agisse de « niches » ou de secteurs appelés à prendre du poids.
Il est certain que l'agriculture biologique, qui est chère, c'est vrai, ne bénéficie pas, en général, de prime à l'hectare pouvant atteindre ou dépasser 3 000 francs et qu'elle assume des coûts supplémentaires, liés, d'une part, à de bonnes pratiques agricoles et, d'autre part, au nombre de bras, souvent plus important qu'ailleurs, auquel ces exploitations doivent faire appel.
Le débat sur l'agriculture de demain n'est pas clos, et je me réjouis de voir que bien des agriculteurs - une majorité d'entre eux sans doute - ont pris conscience de la nécessité d'agir davantage en amont et de modifier leur pratique. Mon ministère sera heureux d'y contribuer pour ce qui le concerne.
Mais j'en reviens à la TGAP.
La concertation a commencé, disais-je. Elle n'est pas achevée. Lors de la réunion de concertation qui s'est tenue le 20 novembre à mon ministère, une proposition d'application de la TGAP au secteur de l'eau a été soumise aux représentants de chacun des bassins. Il me semble, compte tenu des réactions des uns et des autres, que nous tenons là une piste susceptible de recueillir l'assentiment, si ce n'est l'adhésion, des uns et des autres. Cette piste doit encore être affinée. J'aurai néanmoins l'occasion de la présenter devant les responsables des comités de bassin à Orléans, dans quelques jours.
J'en viens à la taxe de mise en décharge et à la baisse de la TVA sur la collecte sélective et le tri, ainsi que sur la valorisation matière. MM. Vasselle et Eckenspieller m'ont interpellée sur cette politique.
Vous l'aurez compris, il s'agit de donner des signes encourageant l'adoption de bonnes pratiques et décourageant des comportements que nous considérons comme moins intéressants du point de vue de l'environnement.
Monsieur Eckenspieller, je ne soupçonne pas les élus locaux de freiner les évolutions ; je constate une réalité contrastée, et j'essaie de me donner les moyens d'accélérer la prise de conscience et les décisions concrètes sur le terrain.
Tout n'est pas parfait. J'ai bien noté la remarque de M. Vasselle concernant la collecte de journaux et de magazines. Nous n'avons pas été capables de monter un dispositif crédible et applicable. Je souhaite pouvoir y revenir prochainement, car - je le dis tout net - je partage la critique de M. Vasselle à l'égard du dispositif que nous avons conçu.
S'agissant de la chasse, loin de faire l'impasse sur le lien entre les fédérations et les gardes, j'ai engagé, lorsque le Conseil d'Etat a annulé le statut des gardes, le chantier de la rénovation de ce statut. J'ai été confrontée à une difficulté imprévue : la décision prise par les présidents des fédérations de chasse d'interrompre du jour au lendemain le service de la paye et la prise en charge des factures liées au fonctionnement de la garderie.
Ces payes ont été prises en charge très rapidement par l'Office national de la chasse, mais dans des conditions que je qualifierai d'acrobatiques. Aujourd'hui, c'est dans un contexte complètement renouvelé que nous travaillons à l'évolution du statut des gardes.
« Qu'a entrepris le Gouvernement pour éviter la condamnation de la Cour de justice ? », m'a demandé M. Le Cam ? Les choses sont très claires : depuis des mois, j'ai essayé de vous convaincre du fait qu'il n'y avait aucune chance de modifier la directive dans la mesure où la quasi-totalité des pays européens l'avait mise en oeuvre sans difficulté particulière et, en général, dans un bon climat entre chasseurs et protecteurs.
Un quotidien du matin a publié, hier, un article de Mme Ritt Bjerregaard, commissaire européen à l'environnement : « La Commission considère... que les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse, fixées par la législation française, ne sont pas compatibles avec le droit communautaire pour plusieurs espèces. » Je poursuis : « La décision de la Commission est d'autant plus inévitable que le Parlement français a adopté, cette année, une nouvelle loi rendant encore plus flagrante l'infraction à la directive communautaire. » Je passe les explications : « Comme la mise en oeuvre de la directive concerne l'Union européenne, j'ai demandé à tous les Etats membres et à mes services d'explorer les clarifications éventuelles de la directive qui permettraient à la France de mieux cerner les aménagements à apporter à la loi française pour se conformer à la directive. »
Vous l'aurez noté, il est proposé non pas de modifier la directive, mais de voir comment la France pourrait adapter sa loi. Je poursuis la citation : « Les diverses démarches que j'ai entreprises n'ont eu, à ce jour, aucun résultat tangible en France. L'infraction subsistant, je n'ai pas eu d'autre choix que de recommander à la Commission de saisir la Cour de justice européenne. »
Je n'ai aucune satisfaction particulière, monsieur Le Cam, à constater que mes prévisions se réalisent, et ce peut-être plus rapidement encore que je le pensais. Je reste à la disposition des parlementaires qui ont choisi d'adopter une proposition de loi contrevenant manifestement à l'esprit et à la lettre de la direction européenne pour les aider à remettre l'ouvrage sur le métier.
Pour ce qui est de l'intervention de Mme Heinis, j'avoue n'avoir pas bien saisi si elle relevait de la philosophie, de la morale, de la théologie, de la mathématique, de la littérature, de la zoologie, de l'alchimie, de la métaphysique...
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Tout à la fois !
Mme Anne Heinis. Cela fait beaucoup !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Quoi qu'il en soit, madame Heinis, mes lunettes militantes me suffisent pour oser un diagnostic : il ne s'agissait en tout cas pas du budget, et je me sens donc très à l'aise pour conclure ici mon intervention.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les grandes orientations de ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C et concernant l'aménagement du territoire et l'environnement : II. - Environnement.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 162 578 344 francs. »