Séance du 4 décembre 1998







M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant l'équipement, les transports et le logement : I. - Services communs et II. - Urbanisme et logement.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Pelletier, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je vous présenterai successivement deux rapports, le premier consacré aux services communs, le second à l'urbanisme et au logement.
J'ajouterai qu'à ma place, l'année dernière, se trouvait notre ancien collègue Henri Collard, qui a effectué un excellent travail dans le domaine du logement et à qui je voudrais rendre hommage en commençant ce rapport.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. C'est très délicat de votre part !
M. Jacques Pelletier, rapporteur spécial. Les crédits consacrés aux services communs du ministère de l'équipement, des transports et du logement, c'est-à-dire, pour l'essentiel, les crédits de personnel et de fonctionnement de ce ministère, s'élèvent à 23,2 milliards de francs en 1999, soit une progression de 2,6 % par rapport à 1998.
Il faut savoir que cette présentation est nouvelle : l'an dernier, les crédits des services communs étaient présentés avec ceux de l'urbanisme. Cette présentation n'avait pas une grande cohérence et l'on ne peut que se réjouir que les crédits destinés à l'urbanisme soient rattachés aux crédits du logement pour 1999.
Cette évolution n'est pas seulement comptable, puisqu'elle fait suite à la fusion, par décret du 6 mars 1998, de la direction de l'aménagement foncier et de l'urbanisme et de la direction de l'habitat et de la construction, fusion préconisée par le rapport de M. Gilbert Santel.
Le présent budget est donc constitué de dépenses ordinaires à 99 %.
A structure constante, les moyens des services progressent de 2,7 %, pour s'établir à 22,9 milliards de francs en 1999.
Cette progression globale se décompose en une progression importante de 3,5 % des dépenses de personnel - rémunérations et charges sociales - et en une progression des dépenses de pension de 1,8 %, pour un total atteignant 20,6 milliards de francs.
Par ailleurs, on constate une diminution des dépenses de fonctionnement de 2 %, qui s'établissent à 2,3 milliards de francs.
Je ne présenterai que quelques observations sur ce rapport.
La première observation porte sur l'effort de compression des effectifs. En 1998, le ministère avait procédé à la suppression de 1 000 postes, dont 535 emplois d'agents d'exploitation des travaux publics de l'Etat et 220 postes d'ouvriers des parcs et ateliers. En 1999, l'effort de compression des effectifs sera réduit de moitié : 490 emplois seront supprimés, dont 170 postes d'agents d'exploitation des travaux publics de l'Etat et 173 postes d'adjoint administratif des services déconcentrés.
Il faut noter que la réduction des suppressions d'emplois pour 1999 est justifiée par le Gouvernement par la nécessité de préserver le secteur de l'entretien et de l'exploitation des routes, sur lequel a porté la majeure partie des réductions d'emplois les années précédentes, et ce en faveur des collectivités locales.
Toutefois, il faut savoir que les suppressions d'emplois ouvrent droit, pour les collectivités locales, à une compensation financière intégrée dans la dotation globale de décentralisation.
Ma deuxième observation porte sur l'effort d'adaptation des emplois.
L'effort d'adaptation des services déconcentrés se manifeste par un renforcement du potentiel technique du ministère, avec la création de 51 postes d'ingénieur des travaux publics de l'Etat et de 45 postes d'assistant technique.
Le renforcement des moyens de contrôle de l'application de la réglementation dans les transports terrestres, amorcé en 1998, est poursuivi en 1999, avec la création de 23 postes supplémentaires de contrôleur des transports terrestres et de 10 postes de contrôleur du travail et de la main-d'oeuvre. Compte tenu des besoins en ce domaine, il faut saluer l'effort réalisé depuis deux ans, mais souligner combien il est encore loin de répondre aux exigences de contrôle de la réglementation du travail.
La troisième observation porte sur la réduction programmée des crédits de fonctionnement.
Dans ce domaine, le budget du ministère de l'équipement enregistre une diminution de 2 %, conforme à l'application du contrat triennal conclu avec le ministère de l'économie et des finances.
L'application régulière de ce contrat ne peut qu'être saluée, car les mesures d'économies porteront essentiellement sur des dépenses immobilières. Il convient d'ailleurs que ce contrat soit renouvelé pour les années à venir.
En conclusion, la commission des finances vous propose d'adopter les crédits des services communs, sous réserve d'un amendement réduisant l'augmentation du titre III, amendement que je vous présenterai tout à l'heure.
J'en arrive à la partie de mon rapport consacrée à l'urbanisme et au logement.
Les crédits demandés pour le budget de l'urbanisme et du logement atteignent, pour 1999, hors effet des rebudgétisations, 41,4 milliards de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement, soit une hausse de 3,4 % par rapport au budget voté en 1998.
Les dépenses ordinaires, qui représentent 78 % des crédits du logement, continuent d'augmenter très sensiblement.
Les interventions constituent l'essentiel de ces dépenses, les moyens de fonctionnement du budget du logement étant assurés par la section « services communs » que je viens de présenter.
Les dépenses en capital représentent 6,4 milliards de francs, hors effet de la rebudgétisation des crédits pour le prêt à taux zéro.
J'en viens tout de suite aux éléments essentiels de ce budget.
J'observe tout d'abord que ce budget est un budget de continuité.
Dans le projet de loi de finances pour 1999, le budget du logement et de l'urbanisme progressera de 3,4 % à structure constante. Cependant, si l'on tient compte des comptes spéciaux du Trésor, notamment du fonds pour l'accession à la propriété et du fonds pour l'aménagement de l'Ile-de-France, la progression est plus modeste, soit 2,2 %.
Le projet de budget apporte deux nouveautés intéressantes : la prise en compte, d'un point de vue budgétaire, de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, et une amorce de réintégration dans le budget de l'Etat du financement du prêt à taux zéro.
Je commencerai donc par ces deux points, qui constituent de réels motifs de satisfaction, monsieur le secrétaire d'Etat. En effet, les dispositions de loi sur les exclusions sont financées pour 1999. La loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions a comporté un volet logement important modifiant les dispositifs existants, notamment ceux qui ont été mis en place par la loi du 31 mai 1990 et qui visent à appliquer le droit au logement.
Parmi les dispositions qui auront un impact budgétaire, je note que l'ouverture des aides des fonds de solidarité pour le logement, les FSL, aux sous-locataires, ainsi que l'interdiction de toute restriction d'accès aux fonds et la limitation des critères d'éligibilité aux seuls critères de niveau de ressources seront accompagnées d'une réévaluation importante des subventions budgétaires.
Pour 1999, les dotations accordés aux FSL s'établiront à 490 millions de francs, en progression de 44 %. En tenant compte de la participation obligatoire des départements, au moins égale à celle de l'Etat, et des participations volontaires, les moyens dont disposeront les FSL s'élèveront donc à peu près à 1,2 milliard de francs, ce qui semble constituer une dotation satisfaisante pour qu'ils puissent mener à bien leurs actions.
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'espère qu'avec cette dotation importante nous ne verrons plus des personnes en grande difficulté mises à la porte de leur logement parce qu'elles sont dans l'incapacité absolue de payer leur loyer ! Dans un pays développé comme le nôtre, à l'aube du troisième millénaire, ces expulsions sont inadmissibles et intolérables.
Par ailleurs, sur la ligne consacrée aux fonds de solidarité logement, 60 millions de francs de crédits nouveaux sont prévus pour les associations qui louent à des personnes défavorisées.
D'autre part, les autres mesures concernant l'aide au logement temporaire, l'ALT seront financées à hauteur de 40 millions de francs.
Enfin, la lutte contre le saturnisme bénéficiera d'une dotation supplémentaire de 50 millions de francs en 1999.
Mais vous n'êtes pas sans avoir, monsieur le secrétaire d'Etat, que la réhabilitation du logement privé est également un des moyens de lutter contre l'exclusion.
Le parc de logements privés est passé d'une phase de construction à une phase de rénovation.
S'agissant des moyens budgétaires, je me félicite que le projet de budget pour 1999 confirme les augmentations de crédits qui avaient été décidées pour 1998, notamment pour la prime à l'amélioration de l'habitat, la PAH, destinée à la réhabilitation du parc privé et qui sera maintenue à 800 millions de francs, et pour la subvention à l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, l'ANAH, en stabilité à 2,2 milliards de francs. Cette agence joue un rôle essentiel, qu'il faut consolider. Je pense notamment aux opérations programmées d'amélioration de l'habitat, les OPAH, qui sont un excellent moyen de remettre en location des logements vacants, avec le concours des collectivités territoriales.
Il convient cependant d'aller plus loin. La solution pourrait venir du domaine fiscal : nous venons d'adopter une réduction de taux de TVA pour les logements conventionnés à l'aide personnalisée au logement et bénéficiant de l'aide de l'ANAH. Pourquoi se limiter à ces quelque 10 000 logements ?
Concernant le financement du prêt à taux zéro, je tiens à souligner monsieur le secrétaire d'Etat, que la commission des finances tout entière salue la convention que vous avez signée le 3 août dernier avec l'Union d'économie sociale du logement.
Notre commission des finances s'est régulièrement opposée aux prélèvements « autoritaires » qui démantèlent le 1 % logement.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Absolument !
M. Jacques Pelletier, rapporteur spécial. Le 1 % logement remplit correctement ses objectifs et aide au « bouclage » de nombreux projets immobiliers, notamment dans le logement social.
La convention du 17 novembre 1996, aux termes de laquelle les collecteurs du 1 % logement finançaient une partie du prêt à taux zéro - à hauteur de 7 milliards de francs en 1997 et 1998 - arrivait à expiration fin 1998 sans qu'aucune solution ne se dessine.
Tout le monde sait que le ministère des finances préconisait une solution radicale, consistant à fiscaliser la collecte du 1 % logement, c'est-à-dire que la contribution des entreprises au logement de leurs salariés devenait une taxe et que le paritarisme était abandonné.
Vous êtes parvenu, monsieur le secrétaire d'Etat, à faire valoir votre point de vue et à signer cette convention qui prévoit un prélèvement décroissant sur le 1 % logement, de 6,4 milliards de francs aujourd'hui jusqu'à extinction en 2003.
De plus, le projet de loi de finances pour 1999 prévoit l'inscription de la moitié des crédits pour le prêt à taux zéro sur le budget du logement.
Toutefois, cette convention n'aura d'effet que si l'Etat parvient à dégager 15 milliards de francs sur la période quinquennale considérée. Il s'agit d'un effort très important, et le Sénat saura être vigilant sur ce point.
Il ne faudrait pas, par exemple, restreindre la portée de ce prêt réglementé, comme cela a déjà été fait en 1997 et en 1998, le prêt à taux zéro étant désormais réservé aux primo-accédants.
Enfin, nous nous félicitons qu'un dispositif de sécurisation des accédants à la propriété soit mis en oeuvre. Ce dispositif était considéré, en effet, par le précédent ministre du logement comme le complément indispensable de sa réforme compte tenu de la fragilité financière des ménages susceptibles de postuler à ce prêt à taux zéro.
A cet égard, l'exemple des prêts d'accession à la propriété, les PAP, est éclairant : les difficultés rencontrées par les ménages titulaires d'un PAP à taux fixe et annuités progressives consenti jusqu'en 1991 ont nécessité de procéder à un réaménagement des conditions financières des prêts. Ce réaménagement s'est traduit par une réduction du taux annuel de progressivité des prêts, pour un coût total de 14 milliards de francs - ce qui n'est pas rien ! - financé intégralement par l'Etat sur une période de quinze ans.
Nous ne pouvons donc que nous féliciter de ce nouveau dispositif, monsieur le secrétaire d'Etat, qui évitera des situations de surendettement désastreuses. Cependant, il est sans doute encore trop modeste : la séparation suivant que les personnes appartiennent ou non à une entreprise cotisant au 1 % logement, le report de mensualité limité à 50 % sur douze mois, alors que les ménages peuvent être confrontés à des situations durables de chômage, tout cela fait que vous aurez certainement à coeur d'améliorer ce dispositif.
J'en viens maintenant aux deux éléments qui posent encore problème : l'augmentation mécanique des aides personnelles au logement et les insuffisances de la politique du logement social.
Concernant les aides personnelles au logement, le projet de budget pour 1999 prévoit une dotation de 34,6 milliards de francs, en hausse de 4,5 % par rapport à 1998, afin de tenir compte de l'application en année pleine de la mesure de revalorisation décidée le 1er juillet 1998. Par ailleurs, ces crédits devraient permettre une actualisation des aides au 1er juillet 1999, pour environ 500 millions de francs.
Je souhaite qu'au-delà de cette augmentation mécanique la réflexion se poursuive afin d'harmoniser les différentes aides personnelles.
En 1998, un groupe de travail avait été mis en place pour accélérer l'harmonisation des barèmes. Et M. le Premier ministre a annoncé lors de la conférence de la famille, le 12 juin 1998, un alignement des loyers plafonds de l'aide personnalisée au logement et de l'allocation de logement social alors qu'actuellement des écarts de 4 % à 50 % subsistent, selon la zone géographique et la taille de la famille.
Ces harmonisations sont bienvenues, mais elles doivent être rapides, compte tenu de l'enjeu.
Par ailleurs, je note que, contrairement aux années précédentes, aucune révision des services votés n'est entreprise.
Il est vrai que les efforts réalisés par les précédents gouvernements pour contenir l'évolution rapide des aides personnelles n'ont pas réussi, c'est le moins que l'on puisse dire. Cependant, il est impératif de mettre en place une réforme des aides personnelles, de manière qu'elles soient réellement consacrées aux personnes qui ont besoin d'une aide à la location : la conjoncture économique actuelle et les propositions consistant à créer un statut social de l'étudiant sont autant d'incitations à la réflexion sur l'identité des bénéficiaires des aides personnelles.
En second lieu, je note, monsieur le secrétaire d'Etat, que votre projet de budget du logement pour 1999 comporte un point faible persistant, à savoir l'aide au logement locatif social.
En 1998, un effort très substantiel a pourtant été réalisé en faveur du logement social, notamment en termes de réhabilitation.
L'application du taux réduit de la TVA sur les travaux effectués sur les logements sociaux a constitué un avantage fiscal pour ces organismes, en réduisant le coût des réhabilitations subventionnées ou de celles qui sont réalisées sur fonds propres.
Par ailleurs, en 1998, le Gouvernement avait choisi d'accroître les moyens consacrés aux prêts locatifs aidés, les PLA, et de diversifier l'offre de PLA très sociaux.
L'attrait de ces logements destinés à accueillir des ménages dont les revenus sont inférieurs à 60 % des ressources d'un ménage pouvant bénéficier d'un logement PLA était en effet considéré comme insuffisant.
Or il apparaît aujourd'hui que le programme annoncé de création de 80 000 PLA ne sera pas réalisé. Je note même que la situation s'aggrave. En effet, seulement 13 000 PLA ont obtenu l'agrément en septembre 1998, contre 20 000 à la même époque en 1997 et 25 000 en 1996.
Le problème de l'insuffisance des produits PLA réside moins dans une insuffisance des dotations que dans la faiblesse de leur utilisation par les bailleurs sociaux, qui souhaitent construire moins.
Deux éléments pourraient permettre une légère amélioration, mais sans résoudre le problème de fond.
D'une part, le niveau des taux d'intérêt réels des crédits au logement social, considéré comme trop élevé, a diminué, en raison de l'abaissement d'un demi-point du taux du livret A. Il y aura donc une réduction du coût de construction des logements sociaux.
Le relèvement des plafonds de ressources pour l'accès aux logements sociaux à compter du 1er juillet 1998 devrait permettre d'élargir la demande solvable, en facilitant le lancement de nouveaux projets.
Dans ces conditions, le maintien des dotations aux prêts locatifs aidés pour un programme de 80 000 logements, alors que les crédits sont loin d'être consommés, ne semble pas correspondre à la situation réelle de ce type de produit.
Il est urgent qu'une réflexion d'ensemble s'engage sur les aides au logement locatif social, afin de les adapter aux besoins.
On constate, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'un certain nombre de logements ne sont pas occupés un peu partout en France. Les demandeurs n'en veulent pas, car ces logements sont souvent vétustes et se situent dans des zones à problème. Les sociétés d'HLM doivent faire preuve d'imagination : de petits lotissements dispersés à travers nos villes, par exemple, correspondraient mieux à la demande des locataires potentiels.
Le nouveau produit appelé « PLA construction-démolition »- c'est un très bon produit, à mon avis - va aussi dans ce sens. C'est une innovation intéressante, et il faut inciter les sociétés de construction à s'en servir.
Enfin, j'évoquerai un dossier qui n'est pas d'ordre strictement budgétaire, mais qui a une réelle importance pour le secteur du logement : la création du nouveau secteur privé conventionné.
En effet, le dispositif dit « amortissement Périssol » devait s'achever au 31 décembre 1998. Dans la loi portant diverses mesures d'ordre économique et financier du mois de juin dernier, ce régime a été prolongé jusqu'au 31 août 1999.
Compte tenu des besoins très importants dans le domaine du logement locatif et des effets très importants du régime Périssol sur la construction de logements neufs - de l'ordre de 45 000 unités par an - la commission des finances du Sénat avait appelé, à l'occasion de la discussion du DDOEF, à la poursuite d'un régime d'incitation fiscale pour le secteur locatif libre.
Le projet de loi de finances pour 1999 crée, en effet, un nouveau dispositif applicable au 1er janvier 1999, mais dans lequel l'avantage fiscal sera lié au conventionnement du logement. Il s'agit d'un « statut du bailleur privé » ; l'avantage fiscal sera donc lié à une contrepartie sociale.
Le nouveau système de conventionnement présente des inconvénients, notamment le risque de décourager certains investisseurs d'entrer dans un mécanisme dont l'Etat détient tous les paramètres. De plus, les critères retenus en termes de loyer pourraient décourager certains types d'investissements dans les grandes villes et pour les logements de petite taille.
Cependant, nous ne pourrons qu'être globalement favorable à ce dispositif qui a le mérite d'être pérenne, sous réserve de lui apporter certaines améliorations.
De plus, l'extension à l'ancien doit être saluée : pour une acquisition dans l'ancien, le propriétaire bénéficiera d'une déduction forfaitaire sur les revenus fonciers de 25 % pendant six ans, soit un taux majoré par rapport au droit commun, qui est de 14 %, sous la contrainte de louer pendant six ans à un niveau de loyer soumis à plafonnement.
Il est toutefois possible de regretter qu'avec ce nouveau dispositif le Gouvernement abandonne toute forme de soutien à l'investissement locatif en secteur libre, soutien qui existait sous différentes formes depuis 1984. Cet abandon repose sur le pari que la bonne tenue du marché du logement se poursuivra en 1999, grâce à la demande intérieure et malgré l'absence de soutien fiscal.
En conclusion, mes chers collègues, j'indique que la commission des finances vous propose d'adopter le budget de l'urbanisme et du logement sous réserve d'un amendement tendant à réduire l'augmentation du titre IV et que je présenterai tout à l'heure. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Bellanger, rapporteur pour avis.
M. Jacques Bellanger, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour l'urbanisme. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la création de la direction générale de l'habitat, de l'urbanisme et de la construction, et les transferts de compétences survenus entre le ministère de l'équipement et d'autres départements ministériels ont occasionné plusieurs transformations de la présentation budgétaire des crédits affectés à l'urbanisme.
Il serait souhaitable, monsieur le secrétaire d'Etat, de clarifier ce projet de budget et de limiter, à l'avenir, les « fusions », les « éclatements » de lignes budgétaires et les modifications d'intitulé. Oserai-je avouer devant la Haute Assemblée que j'ai éprouvé quelque peine à percer les mystères de la comptabilité de votre département ministériel ? Vos services nous sont heureusement venus en aide. Je tenais à vous en donner acte et à vous en remercier, tout en observant qu'eux-mêmes étaient parfois en légère difficulté !
La commission des affaires économiques s'est montrée particulièrement sensible à la nécessité de clarifier le droit de l'urbanisme et d'examiner son état d'application.
A ce titre, elle souhaiterait connaître les délais dans lesquels plusieurs décrets d'application de la loi du 30 décembre 1996 relative à la mise en valeur de la zone des « cinquante pas géométriques » dans les départements d'outre-mer seront publiés. Il est, en effet, nécessaire que la procédure de délimitation de la zone, qui constitue le préalable à la cession des terrains à leurs habitants, soit réalisée rapidement.
Nous souhaitons également que l'élaboration des directives territoriales d'aménagement soit poursuivie, et que, comme l'a recommandé un récent rapport du Sénat sur les espaces périurbains, on renforce la gestion intercommunale de l'extension urbaine grâce aux schémas directeurs cantonaux ou d'agglomération. En outre, les modifications et les révisions des plans d'occupation des sols pourraient n'être autorisées, à l'avenir, que dans les communes dont le territoire est inclus dans le périmètre d'un schéma directeur. Je rappelle au Sénat qu'actuellement plus du quart des POS font l'objet d'une procédure de révision et que nombre d'entre eux donnent lieu à l'utilisation de la procédure d'application anticipée, de façon souvent très inopportune.
Le Gouvernement a annoncé la préparation d'un projet de loi de modernisation de l'urbanisme. Beaucoup de thèmes y seront sans doute abordés. Mais la commission des affaires économiques est plus particulièrement sensible à quelques-uns.
En premier lieu, comment favoriser l'élaboration de plans d'occupation des sols dans les communes rurales ? Certaines communes n'ont pas les moyens d'élaborer ces documents si bien qu'en pratique le maire ne peut pas y délivrer les permis de construire au nom de l'Etat : la décentralisation y a donc quinze ans de retard !
En deuxième lieu, il serait probablement souhaitable que certaines procédures soient utilisées avec plus de discernement par les directions départementales de l'équipement, les DDE. Que dire, par exemple, de l'édiction d'un plan d'exposition aux risques qui a pour effet d'interdire toute construction nouvelle sur le territoire d'une commune ?
Ne serait-il pas souhaitable de communiquer au pétitionnaire, outre les motifs qui fondent le refus d'un permis de construire en zone de montagne ou en zone rurale, des indications lui permettant de revoir son projet ? Il semble que certaines DDE fassent une application très extensive des dispositions du code de l'urbanisme sur la constructibilité limitée et prohibent pratiquement toute construction nouvelle.
Ne serait-il pas envisageable de renforcer la contribution des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement, les CAUE, à la préparation des demandes de permis de construire ? Encore faudrait-il qu'ils disposent de moyens financiers suffisants ! Mais je le sais, monsieur le secrétaire d'Etat, cela ne relève pas de votre budget. Le constat alarmant dressé par notre collègue Mme Josette Durrieu lors de l'examen des trois derniers projets de loi de finances sur l'état des finances des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement, reste, hélas ! toujours d'actualité.
J'attire également votre attention, monsieur le secrétaire d'Etat, sur les difficultés rencontrées par les maires pour faire respecter les règles d'urbanisme. En cas de constructions que je qualifierai d'excessives, les procès-verbaux de constat établis par les directions départementales de l'équipement sont très fréquemment classés sans suite par le procureur de la République. Je sais la liberté d'appréciation des procureurs de la République et la surcharge de travail de leurs services. Il n'est toutefois pas possible d'accepter la généralisation de cette pratique.
La commission estime également qu'il est souhaitable de réfléchir à une meilleure prise en compte des spécificités locales en matière d'urbanisme. Elle a d'ailleurs décidé de créer un groupe de travail sur les modalités d'application de la règle de constructibilité limitée en zone rurale et en zone de montagne. Elle souhaite que les réponses à ces questions figurent dans le projet de loi portant modernisation de l'urbanisme.
C'est confiant dans cette perspective et dans votre volonté de réforme, monsieur le secrétaire d'Etat, que j'ai proposé à la commission d'émettre un avis favorable sur l'adoption des crédits de l'urbanisme, ce à quoi elle a unanimement consenti. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Plancade, rapporteur pour avis.
M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour le logement. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les crédits demandés pour l'urbanisme et le logement augmentent, à périmètre constant, de 2,2 % par rapport à 1998 et ils s'élèvent à 49,13 milliards de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement.
J'assortirai mon accord sur ce projet de budget, qui traduit la priorité donnée au logement par votre gouvernement, monsieur le secrétaire d'Etat, de quatre observations.
Premièrement, s'agissant de la consolidation de l'effort budgétaire en faveur de la pierre, il faut prendre acte de la reconduction des crédits affectés à l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, l'ANAH, à hauteur de 2,2 milliards de francs en autorisations de programme.
Mais, pour l'avenir, on ne peut que souhaiter une augmentation de cette dotation, compte tenu du développement du champ d'intervention de l'Agence et de son effet très positif en matière d'aménagement du territoire.
En ce qui concerne la construction neuve, 80 000 prêts locatifs aidés sont programmés pour 1999, dont 20 000 en PLA à loyer modéré et 10 000 PLA d'intégration.
Ce programme reconduit les objectifs fixés en 1998, mais il apparaît aujourd'hui que le programme annoncé ne sera pas tenu, puisque le nombre de PLA financés ne devrait représenter que 55 000 unités en fin d'année pour environ 45 000 mises en chantier.
La sous-utilisation des crédits affectés aux PLA est loin d'être conjoncturelle et les raisons en sont multiples : complexité des montages, coûts financiers élevés, maîtrise insuffisante des coûts de production, parfois absence de volonté politique de la part des organismes d'HLM et de leurs partenaires à vouloir construire des logements sociaux supplémentaires.
Il est urgent, mon éminent collègue M. Jacques Pelletier le disait à l'instant, que vous mettiez en place, au niveau national, une cellule de réflexion associant tous les partenaires concernés - collectivités locales, établissements de crédits, bailleurs sociaux et bailleurs privés - afin d'élaborer des propositions concrètes.
Deuxièmement, la recherche d'une plus grande justice sociale s'affirme à travers l'effort de revalorisation des aides à la personne mené depuis 1997. La dotation prévue pour 1999 doit permettre une actualisation au 1er juillet 1999 ; ces aides représentent 24,7 % de l'ensemble des financements publics affectés au logement.
Par ailleurs, l'effort de solidarité envers les personnes modestes consacre les engagements pris à travers la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions. Pour 1999, la dotation budgétaire pour les fonds de solidarité pour le logement augmente de 61,7 % ; elle est répartie en 490 millions de francs pour les FSL eux-mêmes et 60 millions de francs pour les associations qui pratiquent la gestion locative « intermédiée ».
Troisièmement, il convient enfin de noter que plusieurs mesures fiscales encouragent le logement, dont la plus importante constitue un encouragement durable en faveur de l'investissement immobilier privé.
Ainsi, l'article 68 du projet de loi de finances définit un régime fiscal pérenne applicable dans le neuf comme dans l'ancien, assorti d'une contrepartie sociale, à savoir le respect par le bailleur de plafonds de loyers et de ressources des locataires.
Le statut du bailleur privé prévoit également une sécurisation des bailleurs contre les impayés de loyers.
Ce dispositif doit permettre de développer de façon pérenne une offre locative privée de logements proposés à des loyers intermédiaires entre le secteur libre et l'offre de logements HLM. Mais, pour en assurer effectivement le succès, il faudrait, pour le rendre plus attractif et plus efficace - tout en prenant les précautions qui s'imposent pour éviter les abus -, élargir le champ d'application de ce dispositif notamment aux ascendants et descendants du bailleur. De plus, il conviendrait d'aménager un régime transitoire entre le neuf et l'ancien, afin de sécuriser les locataires en place, et permettre aux bailleurs qui le souhaitent de rester dans ce régime de loyers conventionnés.
Enfin, à travers le projet de loi de finances, le Gouvernement prend un double engagement, que le Sénat a déjà approuvé le 12 novembre dernier, en rebudgétisant progressivement le financement du prêt à taux zéro et en confirmant le rôle social du 1 % logement.
Pour conclure, même si l'on peut estimer que, dans tel ou tel secteur, un effort plus important aurait pu être fait, il n'en demeure pas moins que ce projet de budget va dans le bon sens. Aucun des secteurs du logement n'est oublié. Il autorise le développement d'une offre diversifiée, aussi bien dans le secteur public que dans le parc privé, dans le locatif et dans l'accession, et il renforce la lutte contre l'exclusion. Il reconnaît, bien sûr, un rôle économique et social aux bailleurs privés. Il sécurise non seulement le locataire et le bailleur, mais aussi l'accédant et le prêteur, contre les aléas de la vie économique et sociale des salariés.
Ce sont toutes ces raisons, monsieur le secrétaire d'Etat, qui ont conduit la commission des affaires économiques et du Plan à émettre, à l'unanimité, un avis favorable à l'adoption des crédits du logement pour 1999. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Bimbenet, rapporteur pour avis.
M. Jacques Bimbenet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour le logement social. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme chaque année, la commission des affaires sociales a examiné le projet de budget du secrétariat d'Etat au logement en s'intéressant plus particulièrement au logement social, qui constitue l'un des volets essentiels, mais aussi l'un des plus fragiles, de la politique du logement.
Le logement social ne peut toutefois être apprécié indépendamment des autres volets que constituent l'action en faveur du logement des personnes défavorisées, l'accession sociale à la propriété, les différentes formes de logement intermédiaire et les aides personnelles au logement.
Au regard de ces différents critères, la commission des affaires sociales a, comme l'année passée, formulé un avis contrasté sur les crédits du secrétariat d'Etat au logement, mais pour des raisons diamétralement opposées.
L'année dernière, en effet, la commission prenait acte de l'effort consenti en matière de logement social, qu'il s'agisse de construction ou de réhabilitation, et de l'actualisation des aides personnelles au logement, mais elle s'inquiétait aussi des menaces pesant sur l'accession sociale sur l'investissement locatif et de l'avenir des mesures en faveur des plus démunis.
Le projet de budget pour 1999 permet de lever en partie ces inquiétudes.
S'agissant du parc privé, ce projet de budget me paraît aller globalement dans la bonne direction, même si des ambiguïtés peuvent subsister ici ou là.
Ainsi, en matière d'accession sociale, la commission des affaires sociales se félicite de la pérennisation annoncée du prêt à taux zéro et de sa rebudgétisation progressive. Cela devrait permettre au 1 % logement de se redéployer vers ses interventions traditionnelles, notamment en faveur du logement social, et de mettre en place de nouvelles formes de soutien aux accédants en difficulté. La rebudgétisation ne devra pourtant pas s'accompagner d'une restriction des conditions d'attribution du prêt à taux zéro. Votre commission y sera très attentive.
De même, en matière d'investissement locatif, la commission des affaires sociales n'est pas opposée au nouveau « statut du bailleur privé ». Ce nouveau régime d'incitation fiscale présente en effet trois aspects positifs.
L'introduction d'un nouveau conventionnement devrait permettre de réorienter le dispositif vers le logement intermédiaire, qui rencontre aujourd'hui une atonie persistante. L'extension du champ d'application de l'incitation fiscale à l'ancien va également dans le bon sens. Et la mise en place d'une « sécurisation » des bailleurs contre les impayés de loyers est également positive.
En revanche, il subsiste une incertitude. L'amortissement Périssol était incontestablement un succès. Il n'est pas sûr que le nouveau régime, fiscalement moins avantageux, permette la poursuite de l'investissement locatif au même rythme.
L'effort en faveur de la réhabilitation du parc privé est, quant à lui, confirmé. Les primes à l'amélioration de l'habitat et les subventions de l'ANAH, dont je tiens ici à souligner l'importance notamment en milieu rural, sont reconduites, voir légèrement augmentées, et s'accompagnent de deux nouvelles mesures fiscales : le taux réduit de TVA s'appliquera aux travaux lorsque les bailleurs privés bénéficieront d'une subvention de l'ANAH, et le crédit d'impôt maximal lié aux travaux d'entretien à domicile sera plus que doublé.
S'agissant du logement des personnes défavorisées, l'effort budgétaire est important et permet très largement de donner une traduction financière au volet logement de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions. J'observe d'ailleurs que cette loi reprend très largement les dispositions prévues par le projet de loi de renforcement de la cohésion sociale présenté par le précédent gouvernement. Je constate que les crédits d'intervention connaissent une augmentation significative de 50 %, notamment en faveur des fonds de solidarité pour le logement, qui jouent un rôle capital pour l'accès et le maintien dans le logement.
En revanche, la commission s'inquiète de la diminution de près de 20 % des subventions d'investissement en faveur des opérations les plus sociales, même si cette diminution s'explique par le fait que ces crédits servaient aussi à financer les réquisitions et n'étaient pas consommées.
Malgré les effets très positifs du plan d'urgence de 1995, le parc de logements d'urgence et surtout d'insertion reste trop restreint. La diminution des crédits ne fera alors qu'accentuer les besoins. C'est sans doute regrettable.
Le projet de budget pour 1999 est donc, malgré les quelques incertitudes que je viens de signaler, plutôt favorable pour le parc privé et le logement des personnes défavorisées. A l'inverse, les perspectives sont beaucoup plus menaçantes pour les aides à la personne et, surtout, pour le logement social.
S'agissant des aides à la personne, la commission des affaires sociales prend acte du mouvement de revalorisation de ces aides. Il devrait se poursuivre par une nouvelle actualisation au 1er juillet 1999. Les aides à la personne sont en effet un moyen de solvabilisation souvent indispensable pour les familles qui, sans elles, rencontreraient des difficultés parfois insurmontables d'accès au logement.
La commission des affaires sociales observe néanmoins que la forte augmentation des aides constatée ces dernières années n'a pas permis d'améliorer leur efficacité sociale. Le « taux d'effort » des ménages reste globalement stable depuis une dizaine d'années.
Dès lors, votre commission juge nécessaire une réforme en profondeur des aides à la personne. La revalorisation des aides ne sera en effet en mesure d'accroître leur efficacité sociale qu'à la condition qu'elles soient réformées dans le sens d'une plus grande cohérence, d'une plus grande transparence et d'une plus grande équité. Or, dans ce domaine, les mesures envisagées par le Gouvernement paraissent un peu timides.
La principale lacune de ce budget réside incontestablement dans l'absence de mesures susceptibles d'enrayer le fléchissement de la construction de logements sociaux. Celui-ci est en effet très préoccupant, puisqu'on assiste à une diminution rapide du nombre de logements sociaux mis en chantier et financés par PLA. Alors qu'ils étaient plus de 72 000 en 1994, ils ne seront plus, au rythme actuel, que de 40 000 à 45 000 à la fin de l'année.
Face à cette crise inquiétante de la construction de logements sociaux, l'absence de mesures de simplification pour adapter le produit à la demande me paraît grandement regrettable. Tout laisse à craindre, en effet, que l'objectif de 80 000 logements PLA à construire ne sera pas réalisé. De nombreux ménages, même parmi les plus modestes, se détournent du parc social, aggravant ainsi la vacance. La dégradation de la situation financière des organismes d'HLM ne les incite pas non plus à consommer des PLA. Il s'agit là d'un produit à la fois complexe à gérer et coûteux pour les organismes qui n'arrivent plus à assurer l'équilibre d'exploitation des logements PLA.
Dans ces conditions, la relance de la construction de logements sociaux ne pourra passer que par une réforme des aides à l'investissement locatif social. Cette réforme devrait prendre une triple direction. La baisse du coût de la ressource pour les organismes d'HLM est d'abord nécessaire. En outre, une simplification de ces aides multiples et opaques devrait être engagée dans le sens d'une harmonisation, voire d'une unification. Une plus grande décentralisation dans la définition des aides est également souhaitable. A cet égard, certaines expériences innovantes menées à l'échelon local ont donné des résultats prometteurs.
C'est pour toutes ces raisons, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, et en souhaitant vivement qu'une adéquation intervienne enfin entre l'offre et la demande, que la commission des affaires sociales a décidé de s'en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée pour l'adoption des crédits consacrés au logement social. (Applaudissements.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 13 minutes ;
Groupe socialiste, 28 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 15 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 14 minutes.
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, compte tenu du temps de parole accordé à mon groupe et de l'examen commun de plusieurs domaines, mon collègue Pierre Lefebvre s'exprimera sur les services de l'équipement à l'occasion d'une intervention sur le titre III.
S'agissant plus particulièrement des crédits du logement et de l'urbanisme, l'arrivée de l'hiver et les baisses brutales de température qui le caractérisent éclairent d'une façon particulièrement dramatique l'étendue des problèmes liés au logement, ainsi que sur son rôle éminent d'intégration ou d'exclusion sociale.
Aussi devons-nous nous interroger sur le type de politique à mener pour offrir à nos concitoyens une réponse à la mesure des besoins exprimés et des conditions d'existence dignes d'un pays moderne et riche tel que le nôtre.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne peux commencer mon propos sans rendre hommage aux mesures que vous avez prises et qui vont dans le sens des propositions défendues par mon groupe depuis longtemps. Je pense particulièrement à la disparition des notions d'actifs et d'inactifs pour le calcul des plafonds de ressources d'accès aux HLM, à la revalorisation de ces plafonds - même si je la souhaitais plus significative - et, enfin, au relèvement du seuil de déclenchement du surloyer de solidarité, le SLS, même si j'aurais préféré sa disparition totale.
Les crédits destinés au logement augmentent - tenant compte des variations de structure observées cette année - de 2,2 %, ce qui correspond bien à un accroissement des dotations en valeur réelle qu'il convient de saluer. De plus, le Gouvernement reconduit les mesures positives amorcées lors du précédent budget.
Au-delà des chiffres, vous assignez à votre budget des objectifs auxquels mon groupe ne peut que souscrire.
Permettez-moi de citer, en tout premier lieu, l'augmentation de l'action publique en faveur des personnes les plus défavorisées. Les crédits sont la traduction des mesures introduites par la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions.
Il s'agit d'abord de l'augmentation notable, de 44 %, des crédits destinés au FSL. Cet accroissement jouera sans aucun doute un rôle majeur dans la prévention des expulsions.
L'engagement de l'Etat aux côtés des associations logeant des personnes défavorisées à titre temporaire est également une source de satisfaction.
En ce qui concerne la construction de logements sociaux, mon appréciation est plus nuancée. Si je me réjouis de l'intention de reconduire à 80 000 le nombre de PLA budgétés pour 1999, mes inquiétudes ne sont pas dissipées en ce qui concerne l'absence de reprise de l'investissement locatif social. En effet, les rapports de MM. Plancade et Bimbenet font tous les deux état de la sous-consommation, depuis plusieurs années, des crédits PLA prévus.
Alors que 80 000 PLA avaient déjà été budgétés en 1996 et 1997, leur taux de consommation s'inscrit respectivement à 68 % et 57 %. Il est d'ores et déjà probable qu'il n'y ait pas de redressement significatif de ce point de vue en 1998.
Or, parallèlement, la demande de logement reste très majoritairement plus élevée que l'offre. Cette pression est parfois énorme dans certaines communes et, paradoxalement, souvent dans celles qui font déjà beaucoup pour le logement social.
Certes, je conviens qu'un certain nombre de villes ne souhaitent plus accueillir du public dit « défavorisé », d'abord, en raison de l'accompagnement social important que cela suppose mais également de l'hostilité de la population des quartiers voisins. Cela doit donc nous engager à poursuivre plus avant notre réflexion sur le logement social. Doit-on le réserver exclusivement aux plus démunis ? Les salariés « dits moyens » n'y ont-ils plus leur place ? Quel type de mixité sociale souhaitons-nous mettre en place effectivement ? Comment travailler à « déstigmatiser » les quartiers HLM ?
Mais, nous le savons bien, si des villes font déjà beaucoup, d'autres n'ont jamais, ou très peu, contribué au logement social. La loi relative à la lutte contre les exclusions a amorcé un débat de réponse. Cela semble néanmoins insuffisant et trop peu contraignant à leur égard.
Cela dit, personne ne peut contester que le frein principal à la consommation des crédits PLA reste la difficulté à équilibrer financièrement ces opérations et, donc, à offrir des loyers de sortie compatibles avec les ressources de la population à laquelle elles s'adressent.
Cette situation montre l'urgence d'une réflexion et d'une réforme de l'aide à la pierre qui devrait augmenter significativement pour, d'une part, avoir une incidence réelle sur le prix des loyers et, d'autre part, se substituer à la logique actuelle continuant de privilégier l'aide à la personne.
S'agissant justement des aides à la personne, je me contenterai de juger positivement leur revalorisation, sans trop entrer dans les détails, car j'y reviendrai dans le débat. Elles représentent pour de nombreuses familles un ballon d'oxygène fort appréciable.
Toutefois, on constate, malgré cette revalorisation, que le taux d'effort consenti par les ménages ne diminue pas. Cette observation plaide pour une remise à plat du système, d'autant que la part que lui accorde le budget de l'Etat est considérable. On peut d'ailleurs s'interroger sur la capacité d'un gouvernement, quel qu'il soit, à suivre financièrement au fil des ans un poste budgétaire qui ne peut être qu'en augmentation compte tenu du nombre grandissant des allocataires dans le contexte actuel du logement.
Avec ce budget, vous visez un autre objectif : poursuivre l'effort de diversification et d'amélioration de la qualité du parc de logements.
Pour ce faire, les crédits destinés aux PALULOS sont reconduits au niveau de 1998. Il en est de même pour ceux qui sont affectés à la prime à l'amélioration de l'habitat et de l'ANAH.
La baisse de la TVA sur les travaux de réhabilitation et d'amélioration est également reconduite et étendue cette année aux bailleurs privés bénéficiant d'une subvention de l'ANAH.
Concernant l'intégration du financement du prêt à taux zéro dans le budget, j'ai eu l'occasion de dire récemment combien mon groupe se réjouissait de l'annonce de l'arrêt de la ponction sur les fonds collectés par la participation des employeurs à l'effort de logement, ponction décidée par le précédent gouvernement. Ce détournement participait en effet, avec quelques autres dispositifs, à la diminution de l'effort réel de l'Etat en matière de financement du logement.
Nous regrettons toutefois la progressivité si lente de ce retour à la situation normale qui occasionnera encore, l'année prochaine, un manque à gagner de 6,4 milliards de francs pour le 1 % logement, ce qui ne manquera pas d'avoir encore des conséquences importantes sur le logement social, sur l'activité dans le secteur du bâtiment et, plus particulièrement, sur le logement des salariés.
Par ailleurs, nous sommes favorables à une réévaluation de la « participation des employeurs à l'effort de construction » afin que les sommes collectées répondent mieux à leurs missions.
Il nous semble enfin important que le 1 % logement conserve son rôle prépondérant dans l'aide à la pierre.
L'article 68 du projet de loi de finances pour 1999 instaure un statut pour le bailleur privé. Cette mesure est, en fait, la sortie du scandaleux système de l'amortissement Périssol.
Votre choix en la matière a été, monsieur le secrétaire d'Etat, de maintenir le principe d'une option en faveur d'un amortissement accéléré. Toutefois, vous complétez le dispositif par un plafonnement des loyers et des ressources du locataire et assortissez donc cet avantage pour les bailleurs d'une contrepartie sociale, que j'ai à plusieurs reprises réclamée.
Si ce donnant-donnant a, pour le moins, le mérite d'exister, il ne répond pas entièrement au souci d'équité sociale qui doit être le nôtre. En effet, pour la construction neuve, après une durée de location de neuf ans, les bailleurs privés auront tout de même amorti la moitié de leur bien, ce qui est loin d'être le cas pour le logement social, et ce sans qu'aucun engagement ne leur soit demandé au terme de ces neuf ans.
Autre avantage consenti au logement privé et refusé au logement social : l'augmentation de 40 % des plafonds d'accès à ce parc. Cette différence risque d'accentuer la tendance qui s'amorce et qui consiste à réserver aux plus démunis le parc public et aux moins pauvres le parc privé conventionné.
Plus généralement, à propos de ce statut du bailleur privé, les associations de locataires que je rencontre régulièrement me font part de leurs regrets de n'être pas associées à cette réflexion.
Au-delà du strict budget, l'amélioration de la situation du logement implique une politique tournée vers la reprise économique, la relance de la consommation et la lutte contre le chômage. Ce sont en effet les conditions à réunir pour que le plus grand nombre de nos concitoyens soit en mesure d'honorer un loyer d'un logement décent, tout en modérant les crédits publics destinés à compenser l'insolvabilité des familles.
Sans attendre, l'Etat doit plus significativement orienter son intervention vers l'aide à la pierre. Je le répète, elle seule peut sensiblement réduire le prix des loyers.
Sur ce point, je ne partage pas l'avis de mon collègue Jean-Pierre Plancade, lorsqu'il affirme dans son rapport que la baisse du taux des prêts accordés aux bailleurs sociaux, ainsi que l'allongement de la durée des remboursements, offrent une marge de manoeuvre et une efficacité limitées. Je défends, pour ma part, non une baisse des taux de 0,5 %, mais une baisse d'au moins 2 %. Les taux d'emprunt pour les organismes HLM ne devraient en fait pas dépasser le niveau de l'inflation, et l'allongement de trois ans de la durée des PLA, qu'évoque notre collègue, ne semble pas suffisant non plus. Pourquoi ne pas envisager que cette durée puisse augmenter de huit ans ? Pourquoi, enfin, ne pas agir sur la durée d'exonération de la taxe foncière ?
Dans ces conditions, croyez-moi, mes chers collègues, les loyers de sortie se verraient considérablement diminués et la construction en serait dynamisée !
Autre mesure urgente qui me paraît faire défaut à votre politique du logement : l'instauration d'un fonctionnement et d'un contrôle démocratiques de la Caisse des dépôts et consignations. Il est en effet déplacé de voir cet organisme financier perdre 1 milliard de francs dans des opérations spéculatives alors qu'il accorde de plus en plus difficilement des prêts aux organismes construisant des logements sociaux, les contraignant à fournir toujours plus de garanties !
Il est par ailleurs nécessaire, monsieur le secrétaire d'Etat, de donner une suite à la conférence nationale du logement organisée cette année. Les débats fort intéressants qui ont eu lieu montraient l'exigence d'une large concertation. Il ne faut pas décevoir cette légitime attente.
De ce point de vue, nous attendons aussi avec impatience le projet de loi sur l'habitat que vous nous annoncez depuis un certain temps.
Vous le constatez, monsieur le secrétaire d'Etat, le groupe communiste républicain et citoyen formule des critiques et des propositions alternatives à l'égard du budget que vous proposez. Je les situe dans une conception riche et dynamique de la gauche. Elles animent naturellement le débat pluraliste qui doit avoir lieu au sein de la majorité qui a été élue pour gérer les affaires du pays.
Les sénateurs de mon groupe, tout en appelant de leurs voeux des réformes de fond visant à faire du logement un droit effectif, voteront ce projet de budget car il comporte des avancées non négligeables. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Vezinhet.
M. André Vezinhet. Monsieur le secrétaire d'Etat, depuis que vous avez pris en main le dossier du logement, je me surprends à ne vous adresser que des compliments. Il n'est pourtant pas dans mes habitudes de pratiquer la flagornerie, mais la loi de finances pour 1998, le volet « logement » de la loi de lutte contre les exclusions ou encore la récente loi modernisant l'emploi du fonds du 1 % logement sont autant de progrès que vous nous avez proposé d'accomplir en faveur de la cause du logement à laquelle nous sommes très attachés.
Avec des crédits s'élevant à 48,3 milliards de francs, soit une augmentation de 2,2 %, je vous adresse le même satisfecit s'agissant de votre projet de budget pour 1999. Celui-ci est en effet conforme aux ambitions et aux engagements énoncés, dès sa prise de fonctions par le Premier ministre, Lionel Jospin, dans sa déclaration de politique générale du 19 juin 1997, en totale rupture avec les pratiques de la précédente législature.
Il s'agit à la fois d'assurer pour tous le droit au logement et à un logement de qualité, de garantir la liberté du choix pour l'accession à la propriété ou pour la location, de contribuer à un développement équilibré de nos villes et enfin de dynamiser un secteur économique créateur d'emplois.
La loi de lutte contre les exclusions a largement pris en compte l'exigence du droit au logement pour tous.
Permettez-moi d'évoquer, pour mémoire et pêle-mêle, une part importante de son contenu : la réforme des expulsions, qui substitue une logique de prévention des difficultés et de traitement social à la logique de l'ordre public, en respectant à la fois les droits du bailleur et le droit d'avoir un toit ; les mesures visant à mobiliser le parc de logements dormants par l'instauration d'une taxe sur la vacance volontaire et par la réquisition avec attributaire ; la reconnaissance et le renforcement du rôle des associations aidant au logement et à l'accompagnement social des personnes défavorisées ; enfin, la mise en place de règles transparentes d'attribution des logements sociaux et l'obligation de définir des objectifs chiffrés de logement pour les plus démunis, dans l'optique de conférences intercommunales du logement.
Je souhaiterais cependant, monsieur le secrétaire d'Etat, et j'y insiste, que vous m'indiquiez quand paraîtront les décrets d'application, que nous attendons avec impatience.
Je me félicite que le projet de loi de finances pour 1999 traduise bien sur le plan budgétaire les priorités tracées par la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions.
Les aides à la personne augmentent de près de 6 %, pour atteindre 34,6 milliards de francs, et elles sont assorties d'actualisations régulières entamées en 1997, puis réévaluées au 1er juillet 1998. C'est là le respect des dispositions du code de la construction et de l'habitation que l'ancienne majorité avait ignorées durant quatre années. Cela conditionne le maintien de l'efficacité sociale de ces aides.
Malgré cela, je m'inquiète de voir le taux d'effort des ménages en constante augmentation. L'aide personnelle au logement est un instrument au service de la justice sociale. Elle concerne plus de 6 millions de ménages et représente les trois quarts du budget du logement. Aussi, conviendrait-il de s'interroger sur les moyens de renforcer son efficacité sociale.
Entendons-nous bien, monsieur le secrétaire d'Etat, je ne souhaite pas une nouvelle rationalisation ou unification de cette aide. Bien sûr, je sais qu'une telle pratique écarte certains ménages de son bénéfice. Je tiens simplement à pointer l'effet pervers constaté entre un coût de la construction locative sociale élevé et les aides personnelles qui perdent leur pouvoir solvabilisateur.
Je note cependant que les crédits de l'Etat en faveur des fonds de solidarité sur le logement sont fortement revalorisés. Avec 490 millions de francs, ils sont en hausse de 40 %.
L'aide aux associations est confortée : un crédit de 60 millions de francs est dégagé au titre de la gestion locative intermédiaire, et les moyens consacrés à l'aide au logement temporaire augmentent de 18 % en vue de permettre aux centres communaux d'action sociale de bénéficier de cette aide, initiative qui rapproche du terrain parfaitement connu par les CCAS. A ce propos, je peux vous dire, monsieur le secrétaire d'Etat, que, hier, au congrès des centres communaux d'action sociale du département de l'Hérault, auquel j'ai participé, j'ai enregistré une vive satisfaction au sujet de cette mesure ?
J'apprécie aussi les 50 millions de francs qui sont mobilisés pour mieux lutter contre le saturnisme, d'autant que cette action s'adresse en priorité aux enfants vivant dans de vieux logements.
Enfin, l'aide au secteur HLM n'est pas oubliée. Pour la construction de logements sociaux destinés aux personnes défavorisées, 20 000 PLA à loyer minoré et 10 000 PLA d'intégration sont budgétés.
Tous ces moyens sont autant de réponses apportées aux personnes confrontées à des difficultés multiples et qui ont ainsi l'espoir de pouvoir vivre dans un logement qu'elles auront choisi.
Le droit à l'habitat choisi est aussi, précisément, l'une des priorités de ce budget.
Pouvoir choisir son logement est en effet un souhait de nombre de nos concitoyens. Pour cela, nous devons leur offrir des logements plus diversifiés, dans le parc public comme dans le parc privé, en location ou en accession.
S'agissant de la demande locative, l'effort important de 1998 est maintenu, avec 50 000 PLA et 120 000 PALULOS. Les plafonds de ressources permettant l'accès au logement social ont été réévalués : désormais, 61 % de la population est éligible au logement social. Cette mesure était attendue dans un parc HLM qui connaît une paupérisation croissante.
Le retour des classes moyennes dans le logement social est un gage en faveur de la mixité sociale. Cette mesure va donc à l'encontre de la ghettoïsation des quartiers. Il en est de même de la limitation des efferts pervers du surloyer. Nous devons réaffirmer haut et fort que le logement HLM n'est pas un logement au rabais ni le logement des seules personnes défavorisées, faute de quoi la réinsertion de ces personnes serait vouée à l'échec.
Pour ce qui est du secteur locatif privé, je tiens à saluer la mise en oeuvre d'un parc conventionné. Le statut du bailleur privé devrait permettre l'émergence d'un parc locatif intermédiaire et ainsi mieux répondre à la demande locative dans les zones urbaines, plus particulièrement dans les grandes agglomérations. La constitution de ce parc est, je crois, très attendue par nos concitoyens qui habitent dans ces zones, le paradoxe étant que leurs revenus ne leur permettent de se loger ni dans le privé ni dans le parc HLM : dans un cas, ils sont jugés trop faibles et, dans l'autre, trop élevés !
Ce statut présente donc plusieurs avantages : il ne bouleverse pas l'ancien système d'aide à l'investissement locatif ; il s'agit d'un régime d'amortissement pérenne et stable contribuant à donner confiance aux professionnels de l'immobilier ; les aspects les plus choquants, voire inadmissibles disparaissent ; la dépense publique est rendue plus efficace et la justice sociale est renforcée, de même que la justice fiscale, car les avantages démesurés et coûteux de l'« amortissement Périssol » sont supprimés, l'avantage fiscal étant lié à une contrepartie sociale.
Le bénéfice de cette aide est accordé à des ménages dont les ressources ne dépassent pas le plafond HLM majoré de 40 %. Les bailleurs privés conventionnés bénéficieront, quant à eux, d'une sécurité liée à l'allocation logement versée directement et, dans le cadre de la convention conclue avec le « 1 % logement », ils pourront obtenir une garantie de paiement des loyers. Sachant que l'impayé de loyer est ce que redoutent le plus les bailleurs privés - et comment ne pas les comprendre ? - cette mesure devrait permettre de lever les réticences de nombre d'entre eux.
Le statut du bailleur privé comporte d'autres avantages : il permet sa participation aux grandes orientations de la politique du logement, même si cela n'est pas sa motivation première ; il contribuera en effet à la modération des références de loyer utilisées pour le renouvellement des baux.
Enfin, s'appliquant au neuf et à l'ancien, il dynamisera l'ensemble de la chaîne du logement. Dans ce dernier cas, l'aide prendra la forme d'une déduction forfaitaire, portée de 14 % à 25 % pour les revenus fonciers.
Pour ce qui est de l'accession à la propriété, le projet de loi de finances supprime d'inquiétantes dispositions qu'avait prises la précédente majorité. Il s'agit du financement du prêt à taux zéro. Je me félicite - j'ai déjà eu l'occasion de vous le dire, monsieur le secrétaire d'Etat - de l'engagement du Gouvernement de rebudgétiser progressivement le financement du prêt à taux zéro, levant ainsi toutes les hypothèques sur l'avenir de ce prêt et redonnant au « 1 % logement » toute sa capacité d'action, notamment en faveur du logement social. Je n'hésite pas à dire que c'est de la belle ouvrage !
Parallèlement, le Gouvernement a mis en place, en partenariat avec le « 1 % logement », un dispositif de sécurisation des accédants à la propriété. Il est tout à fait bienvenu. Associé à la réforme du surendettement contenue dans la loi contre les exclusions, il prévient les situations les plus critiques.
Je souhaite maintenant évoquer les questions qui sont à la confluence de la politique du logement, de celle de la ville, de celle de l'urbanisme et de celle de l'aménagement du territoire.
Nos rapporteurs se sont fait l'écho d'inquiétudes liées à la sous-consommation des crédits destinés à la construction et à la réhabilitation du logement locatif social.
Permettez-moi ici un petit aparté concernant mon département. Il est l'exception qui confirme la règle car, selon la Caisse des dépôts et consignations, au troisième trimestre il a totalement consommé les crédits alloués.
Pour le reste du territoire, la sous-consommation des crédits PLA et PALULOS est préoccupante, car la demande en logement social, notamment dans les zones urbaines, est toujours aussi forte. Nous ne savons plus y répondre de manière efficace, à la fois sur le plan social et sur le plan économique. Les loyers de sortie des constructions neuves sont trop élevés, pendant que le patrimoine HLM vieillit. La population s'en détourne, même lorsqu'il a été réhabilité, et la vacance augmente.
Cela conduit à ne pas répondre à la demande, plus diversifiée, plus exigeante aussi. La situation financière de certains organismes d'HLM se dégrade, quand elle n'atteint pas un niveau franchement catastrophique. Les communes qui ont sur leur territoire un parc HLM important sont confrontées à de lourdes difficultés tandis que d'autres s'exonèrent de l'effort d'accueillir un parc social de logements.
Le temps semble venu de remettre à plat notre politique du logement social dans les villes. Il faut désormais raisonner en termes d'habitat, de services rendus à la population, des services publics, d'infrastructures ou encore de commerces. Il nous faut sortir des égoïsmes locaux pour rendre la ville plus belle, plus attractive. Le fait urbain s'est imposé de façon plus ou moins réfléchie - parfois de façon anarchique - plus ou moins réussie. Il faut, aujourd'hui, faire avec ce passé mais aussi préparer l'avenir.
Le Gouvernement a, à cet égard, mobilisé une enveloppe de 10 milliards de francs de prêts au taux de 3,8 % auprès de la Caisse des dépôts et consignations en vue de réaliser des opérations de démolition-reconstruction. C'est intéressant pour traiter l'urbain dégradé, mais ce n'est pas suffisant. Ces opérations restent lourdes et coûteuses. Elles ne peuvent que difficilement s'appliquer aux copropriétés dégradées.
Je vous ai souvent entretenu de cette question, monsieur le secrétaire d'Etat ; peut-être même vous ai-je un peu lassé ! Mais c'est un vrai fléau. Les copropriétés dégradées concentrent souvent tous les maux : insalubrité, développement de squats, trafics en tout genre, marchands de sommeil, et j'en passe. Je crois qu'il est urgent que l'on se dote d'outils juridiques permettant d'intervenir avant qu'il ne soit trop tard. A quand une réforme de la loi de 1965 qui régit les copropriétés ?
Nous devons nous doter de nouveaux instruments d'urbanisme, mieux maîtriser le foncier et veiller à la cohérence des actions menées sur un même territoire. Le projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire contient des propositions très intéressantes en créant l'obligation de contrats d'agglomération intégrant un volet foncier et prévoyant la création d'un établissement public foncier.
Le Gouvernement a fait aussi des propositions intéressantes en matière d'organisation urbaine et de simplification de la coopération intercommunale. Les communautés d'agglomération seront dotées de blocs de compétences obligatoires et toutes intimement liées : le développement économique, l'aménagement de l'espace, le logement et l'équilibre social de l'habitat. Il les dote aussi d'outils fiscaux et financiers, donc de véritables instruments de développement urbain.
Ces nouvelles dispositions renforceront celles qui figurent la loi contre les exclusions, avec la création de conférences intercommunales du logement chargées de la politique d'attribution des logements sociaux dans certains bassins d'habitat.
Ce que vous avez fait pour la politique d'attribution des logements sociaux, il faut désormais le faire pour la construction de logements sociaux. Il faut dépasser la logique de la loi d'orientation pour la ville, qui prévoyait une simple sanction pécuniaire à l'encontre des communes des grandes agglomérations qui refusaient de participer à la politique d'intérêt général de construction de logements sociaux. Le droit au repli sur soi doit être banni. Cela conditionne l'équilibre social de notre société urbaine.
Enfin, j'évoquerai mon dernier motif de satisfaction : votre projet de budget contribue à l'emploi en ce qu'il contient des mesures favorables aux entreprises de main-d'oeuvre du bâtiment. A cet égard, je citerai l'application du taux réduit de TVA à 5,5 % sur les travaux subventionnés par l'ANAH, ou encore le doublement du crédit d'impôt pour travaux d'entretien effectués par les ménages.
Quand le bâtiment va, tout va, a-t-on coutume de dire. Le bâtiment va mieux. La croissance repart, l'emploi, qui est la priorité des priorités, aussi. Votre budget y est pour quelque chose, monsieur le secrétaire d'Etat. Le groupe socialiste ne peut donc que le soutenir. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républain et citoyen. - M. le rapporteur spécial applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le présent projet de budget du logement affiche une hausse de 2,2 %, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter, même s'il reste insuffisant pour résoudre l'ensemble des problèmes auxquels nous avons à faire face et qui sont, il est vrai, très profonds.
Je limiterai mon propos à l'évocation de trois préoccupations.
La première a trait au statut du bailleur privé que vous proposez de mettre en oeuvre, monsieur le secrétaire d'Etat. Ce statut est présenté comme la contrepartie des obligations sociales liées au nouveau dispositif d'amortissement.
A ce propos, permettez-moi de formuler deux remarques.
Votre objectif est de créer un secteur intermédiaire entre le privé et le social. Pourquoi pas ? Mais n'aurait-il pas fallu maintenir un mécanisme d'amortissement sans contrepartie sociale pour le secteur libre ? Je le crois, car l'amortissement Périssol, même s'il est parfois critiqué, a largement prouvé son efficacité. Il a en effet permis un redressement du secteur de la construction et une réorientation de l'épargne vers l'investissement locatif, qui a progressé ainsi de 24,8 % depuis 1995.
En outre, ce dispositif, à long terme, rapporte à l'Etat plus qu'il ne lui coûte grâce à la TVA dégagée et aux emplois créés.
On peut donc craindre un repli de la reprise des investissements, ce qui serait très fâcheux.
En outre, l'adoption d'un statut de bailleur privé correspond à une nécessité, car, faute de pouvoir obtenir de leur épargne investie dans le logement locatif une rémunération normale, les Français pourraient se détourner de ce type d'investissement, au risque de prolonger l'insuffisance du nombre de logements sur le marché.
Les mesures annoncées de sécurisation des bailleurs, par le biais d'une garantie de recettes locatives grâce au versement de l'allocation logement en tiers payant ou de la possibilité d'obtenir dans certains cas une garantie de loyers dans le cadre de la convention relative à la modernisation du « 1 % logement », vont dans le bon sens.
Mais elles sont malheureusement insuffisantes, car elles sont limitées aux futurs logements conventionnés et suscitent, à cet égard, des interrogations teintées d'un certain scepticisme.
En effet, compte tenu de la durée de l'engagement, le niveau réduit de loyer ne sera peut-être pas compensé par la majoration de la réduction forfaitaire. Quant à la garantie de loyer, la question de la pérennité de son financement peut être posée.
Mais l'instauration d'un véritable statut du bailleur privé impliquerait surtout un mécanisme de préservation du bien et de la capacité d'en disposer.
Or, sur ce point, force est de constater que la récente loi sur l'exclusion reprend d'une main ce que le projet de loi de finances pour 1999 donne de l'autre avec, notamment, l'instauration d'une taxe sur la vacance et les mesures relatives aux expulsions.
Cette loi correspond à une vision, à mon avis, passéiste du bailleur privé, considéré comme un nanti. Plusieurs études récentes s'accordent à contredire une telle vision : près de 71 % des bailleurs privés ont un revenu équivalant au revenu moyen mensuel des Français ; les ouvriers et les professions intermédiaires représentent à elles seules 44,3 % des futurs investisseurs dans le logement locatif.
La mise en location de leur logement joue donc, pour la plupart des propriétaires, un rôle essentiel dans le bouclage du budget familial. Cela mérite, par conséquent, une protection du droit de propriété.
Le fonction sociale des bailleurs privés ne me semble pas suffisamment reconnue. En effet, selon une étude de l'INSEE, le Logement des ménages pauvres en 1996, 26 % de cette population de 2,8 millions de personnes est logée dans le parc locatif privé, contre 24 % dans le secteur d'HLM, et pratiquement tous les ménages à bas revenus trouvent leur premier logement dans le parc locatif privé.
Par sa fluidité, le locatif privé est le seul à accompagner la mobilité résidentielle des Français dans un contexte de ralentissement du taux de rotation dans le parc social.
Au regard de ces chiffres, les mesures adoptées dans le cadre de la loi relative à la lutte contre les exclusions, heureusement tempérées par le Conseil constitutionnel, apparaissent souvent injustes. Elles risquent, par ailleurs, de se retourner contre leurs promoteurs. En effet, déjà peu confiants dans l'efficacité de la loi, qui change souvent, les propriétaires, avant d'accepter un locataire, prennent des précautions supplémentaires en demandant des cautions ou des dépôts de garantie plus élevés.
Cette pratique s'étend d'ailleurs au logement social, créant autant de barrages à l'entrée du logement pour les plus démunis. J'en rencontre de multiples exemples chaque jour dans ma commune : des jeunes, des femmes seules avec enfants ou des familles nombreuses que personne ne souhaite héberger et qui se tournent vers leur maire.
Cela conduit les communes à se substituer à l'Etat en développant leurs acquisitions foncières et en mettant à disposition de tels ménages des logements dont elles se portent acquéreurs. On peut, là encore, se demander si cela relève bien de la responsabilité des communes. Une fois de plus, face à la démission de l'Etat, trop souvent constante, ce sont les collectivités locales qui prennent le relais.
Il convient, me semble-t-il, de prendre davantage de mesures de sécurisation des bailleurs qui tiennent compte de leurs craintes.
Ainsi, selon une étude de l'INSEE, sur le long terme, trois raisons motivent les propriétaires qui envisagent de vendre leur bien : la médiocrité des loyers, le poids de la fiscalité, les difficultés à trouver un locataire solvable.
Le recours à l'assurance ou à la création d'un fonds de garantie fonctionnant sur le modèle de la réassurance permettrait une couverture du risque d'impayé.
L'abolition de la taxe sur la vacance, ainsi que l'indemnisation du propriétaire et la réduction des délais de la procédure d'expulsion me semblent également nécessaires.
Enfin, plutôt que d'instaurer une taxe, pour lutter contre la vacance, il conviendrait d'aider les propriétaires à remettre sur le marché le logement qu'ils ne peuvent entretenir ; c'est la deuxième préoccupation.
Une étude réalisée à la demande des entreprises artisanales montre, en effet, que 41 % des ménages n'ayant pas réalisé de travaux évoquent un problème de ressources financières.
La majoration du crédit d'impôt pour travaux d'entretien, adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale, me semble aller dans le bon sens, même si une réduction du taux de TVA à 5,5 % serait préférable.
Il convient toutefois d'aller plus loin en développant un magnifique outil à notre disposition et qui n'a plus besoin de prouver son efficacité : l'ANAH.
La stabilisation des crédits proposée cette année n'est pas suffisante, d'autant que cette agence a vu ses missions accrues en zone de revitalisation rurale, où les besoins sont énormes.
Je me permettrai de vous citer encore quelques chiffres qui se passent de tout commentaire : en 1995, 4,7 milliards de francs de subvention ont induit 19 milliards de francs de travaux et plus de 105 000 emplois. En 1996, l'écart entre la collecte de la taxe additionnelle au droit de bail et le budget de l'ANAH a été supérieur à 1 milliard de francs, soit l'équivalent de 285 000 emplois.
L'entière réaffectation de cette taxe additionnelle à l'ANAH semble constituer la solution évidente. Je vous invite instamment à y réfléchir, monsieur le secrétaire d'Etat.
Le dernier point sur lequel je souhaite brièvement attirer votre attention concerne les difficultés rencontrées par les organismes d'HLM. Selon l'Union nationale des HLM, en comparant les premiers mois de 1997 et de 1998, les consommations effectives des crédits se situent à des niveaux alarmants : moins 60 % pour les PLA ordinaires, moins 10 % pour les PLALM et moins 6 % pour les PALULOS.
Malgré cette flagrante sous-consommation des crédits, vous maintenez le nombre d'opérations au même niveau qu'en 1998. Avouez que cette décision est à même de susciter l'étonnement et l'incompréhension.
Vous semblez ne tenir aucun compte des difficultés rencontrées par les organismes de logement social tenaillés entre leurs impératifs sociaux et leurs contraintes économiques. En effet, les logements neufs sont très difficiles à financer et sont souvent déficitaires pendant douze à dix-huit ans du fait du recours important à l'emprunt et du différentiel négatif entre la hausse des loyers et la croissance des charges.
La dégradation de la situation financière des organismes est due à la conjugaison d'un faisceau de facteurs tels que la faible revalorisation des loyers, la baisse de la solvabilité des locataires, l'érosion de l'APL, l'augmentation des charges fiscales et financières, la progression de la vacance malgré la pression de la demande pesant sur leur équilibre financier futur, d'autant qu'ils ont également pour mission la réhabilitation du parc existant et le suivi social de leurs locataires.
Les chiffres des PLA sont donc révélateurs de l'impossibilité des bailleurs sociaux à accomplir leurs missions, ce qui est d'autant plus préoccupant que les besoins en construction sont énormes, comme j'ai déjà eu l'occasion de le souligner.
Je souhaite donc connaître les mesures que vous envisagez de prendre rapidement, monsieur le secrétaire d'Etat, afin d'épauler un secteur social bien mal en point. Nous devons imaginer des dispositifs nouveaux.
En conclusion, monsieur le secrétaire d'Etat, votre budget montre que le Gouvernement est prêt à faire des efforts, mais des efforts pas toujours adaptés pour résorber des déséquilibres qui se creusent.
Par conséquent, je suivrai la position de la commission des finances. (Applaudissement sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Piras.
M. Bernard Piras. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'arrivée prématurée de l'hiver nous a malheureusement rappelé que le manque de logements pouvait conduire à des situations douloureuses, voire dramatiques. Sans aller jusqu'à ces cas extrêmes, le logement constitue un élément primordial, même s'il n'est pas le seul, de cohésion et d'intégration sociales.
A cet égard, si l'on constate une amélioration globale en matière de logement depuis 1980, avec une diminution de la part des revenus consacrée au logement et une augmentation du nombre de propriétaires, une paupérisation persistante est constatée.
Face à cette situation, il est nécessaire que les pouvoirs publics aient une démarche volontaire et ambitieuse, laquelle recouvre deux aspects : permettre la construction de logements en nombre suffisant pour couvrir les besoins de l'ensemble de la population, et permettre à chacun, quels que soient ses revenus, de se loger de manière décente.
Je souhaite dès à présent souligner que le projet de budget qui nous est présenté, et qui s'élève à 49,219 milliards de francs de moyens de paiement - soit une augmentation de 2,3 % par rapport à 1998 - répond à cette attente. En effet, il prévoit de nombreuses mesures favorables, lesquelles contribuent de manière positive à la consolidation et au développement des divers aspects de la politique du logement : l'investissement privé, en vue de l'accession ou de la location, ou l'investissement public ; la réhabilitation, privée ou publique ; la location sociale ; l'aide personnelle.
En ce qui concerne l'investissement privé, il faut distinguer celui qui est réalisé en vue de l'accession à la propriété et celui qui est prévu pour le locatif. Pour le premier, la budgétisation progressive du prêt à taux zéro, donc sa pérennisation, est une excellente nouvelle. Avec l'octroi, à la fin du mois d'août, de 315 693 prêts, cette disposition a fait la preuve de son efficacité.
Même si elle ne relève pas uniquement de l'investissement public ou privé, puisqu'elle concerne aussi la réhabilitation, et en raison du lien étroit qui existe, et qui perdurera jusqu'en 2003, avec le prêt à taux zéro, il faut souligner l'intérêt de la convention conclue entre l'Etat et l'Union d'économie sociale du logement au sujet du 1 % logement.
Cet accord organise l'extinction progressive du prélèvement de l'Etat sur les ressources du 1 % logement et le maintien de la finalité habituelle de celui-ci en matière de construction et de travaux. En outre, la convention signée prévoit une sécurisation des accédants à la propriété, laquelle prend deux formes.
La première est ouverte à tous les accédants modestes qui ont souscrit un prêt à l'accession sociale et qui seraient touchés par le chômage. Un report d'une partie de leurs mensualités - 50 % - est ainsi assuré pendant une période de douze mois.
La seconde, qui s'applique aux personnes dont l'employeur est assujetti au 1 % et qui sont éligibles au prêt à taux zéro, se met en place lorsqu'une baisse importante des ressources, due au chômage ou à l'éclatement familial, est constatée. Il semble qu'un élargissement du premier dispositif soit nécessaire.
La modernisation du 1 % s'inscrit aussi par l'instauration d'aides à l'emménagement - cela est très important - compte tenu de la mobilité actuelle des salariés et par un nouveau système de prise en charge gratuite des cautions et garanties d'impayés des loyers, mesure qui est plutôt orientée vers les jeunes.
Mais l'investissement privé n'a pas uniquement pour finalité l'accession à la propriété, puisqu'il peut avoir également pour objectif la location. Là aussi, les pouvoirs publics doivent orienter l'épargne vers l'investissement locatif.
Dans ce secteur, le système d'amortissement Périssol, qui s'achèvera au 31 décembre 1998, date à laquelle le permis de construire devra avoir été obtenu, avait comme principal défaut d'être plus attentif aux investisseurs qu'aux locataires.
Le dispositif que vous nous proposez, monsieur le secrétaire d'Etat, véritable statut du bailleur privé, est beaucoup plus conforme à la finalité de cette forme d'aide publique. En outre, il s'applique au neuf et à l'ancien.
Pour le neuf, il ouvre droit à une déduction au titre de l'amortissement des dépenses de construction et d'agrandissement égale à 8 % du montant des dépenses pour les cinq premières années et 2,5 % de ce montant pour les quatre années suivantes, sous réserve de mise en location pour neuf ans et du respect de plafonds de loyers et de ressources du locataire.
Pour l'ancien, la déduction forfaitaire sur les revenus fonciers passe de 14 à 25 %, la location minimale exigée étant de six ans, des conditions de plafonds et de ressources devant aussi être respectées.
Je tiens à vous informer que le groupe socialiste souhaite apporter trois amendements au statut du bailleur privé tel qu'il nous est proposé.
Les deux premiers consistent à faire passer la durée d'amortissement de neuf à quinze ans en maintenant les obligations fixées en matière de ressources et de plafonnement, afin que ces logements restent bien dans le secteur intermédiaire, avec des loyers maîtrisés. Cela permettra ainsi de faire la jonction avec le dispositif de l'ANAH, sécurisant ainsi tant les bailleurs que les locataires.
Le troisième amendement a pour finalité d'étendre ces dispositions aux descendants et ascendants, mais pas pour faire plaisir aux « fils de famille aisée », car des conditions contraignantes doivent être prévues : respect des conditions de ressources et de loyer, non-appartenance au même foyer fiscal, absence de versement de pension alimentaire donnant droit à déduction. Cet amendement a pour objectif de modérer le montant des loyers des petites surfaces, souvent élevé, et de détendre le marché de l'immobilier pour étudiants.
L'autre facette de l'investissement concerne l'investissement locatif social, qui est un secteur dans lequel le Gouvernement actuel a accompli de nombreux efforts.
Le dispositif, qui prévoit une aide indirecte sous la forme d'un taux de TVA réduit, une subvention versée directement à l'emprunteur et une subvention versée à l'établissement prêteur, concerne les subventions et les prêts locatifs aidés qui sont attribués pour des logements destinés à être occupés par des locataires dont l'ensemble des ressources est inférieur à un montant fixé par décret.
Il faut rappeler que ces PLA peuvent être de différente nature - à caractère expérimental, à loyer minoré, d'intégration, ou de construction-démolition - ce qui engendre l'octroi de subventions supplémentaires, et s'appliquer soit à des constructions neuves, soit à des opérations d'acquisition-amélioration.
Vous avez souhaité, monsieur le secrétaire d'Etat, reconduire les budgets de 1998, avec quatre-vingt mille PLA, dont vingt mille PLA à loyers minorés et dix mille PLA d'intégration. Cette volonté est sans doute louable, mais elle se heurte à la non-utilisation constatée et dénoncée par beaucoup des crédits prévus pour 1997 ou 1998.
Le fait d'abaisser d'un demi-point le taux d'intérêt servi aux titulaires du livret A, permettant ainsi à la Caisse des dépôts et consignations de baisser d'autant ceux des prêts pour les opérations de construction et de réhabilitation, est une bonne chose, mais risque d'être insuffisant pour réduire cet échec.
Les différentes explications avancées sont sans doute vraies : la complexité du montage des dossiers, une demande plus difficile, une concurrence grandissante de l'accession à la propriété, un habitat social ayant mauvaise presse, une maîtrise insuffisante des coûts de construction, un coût excessif de l'acquisition foncière, enfin, une rentabilité incertaine de l'investissement due à des loyers jugés trop bas.
J'ai pu constater, dans mon département, que les élus locaux ne manquaient pas d'ambitions dans ce domaine, mais qu'ils se heurtaient bien souvent à des obstacles qui les décourageaient : zèle du service d'architecture ou projet jugé trop éloigné de l'agglomération.
J'en profite pour souligner que le développement du logement social doit absolument être encouragé en milieu rural. Une telle volonté aurait, me semble-t-il, plusieurs avantages : un brassage et un rééquilibrage de la population, une revitalisation du milieu rural, un aménagement du territoire plus cohérent.
J'ajoute à cela la nécessité d'assouplir la loi montagne, qui empêche parfois la délivrance de nombreux permis de construire et contrarie la volonté des élus locaux de lutter contre la désertification rurale. J'insiste donc tout particulièrement sur ce point, qui m'apparaît très important.
Quoi qu'il en soit, le constat est là : l'investissement locatif social est insuffisant et, en tout cas, il ne répond ni à l'attente ni aux prévisions des pouvoirs publics. La réflexion à ce sujet doit se poursuivre, celle-ci devant impérativement associer de manière beaucoup plus étroite les collectivités locales, notamment les communes.
Mais l'impulsion des pouvoirs publics n'est pas uniquement axée sur la construction ; elle est aussi orientée vers la réhabilitation des logements existants. Le budget prévu pour 1999 soutient cette démarche nécessaire, tant dans le parc privé que public d'occupation sociale. Ainsi, dans le parc privé, étaient encore recensés, en 1996, 934 000 logements dénués de tout confort.
A ce titre, il faut se féliciter de la consolidation des avancées de 1998 en matière de prime à l'amélioration de l'habitat, puisque les crédits augmentent de 2 %, s'élevant ainsi à 816 millions de francs, ce qui correspond à la réhabilitation de quatre-vingt mille logements.
Rappelons que cette prime est une subvention octroyée aux personnes physiques, sous conditions de ressources, qui effectuent des travaux d'amélioration dans des immeubles ou des logements dont elles sont propriétaires et qui constituent leur résidence principale. Un relèvement des plafonds serait sans doute souhaitable pour élargir le bénéfice de ce dispositif. Il est regrettable, par ailleurs, que la réglementation européenne ne permette pas l'extension de l'abaissement de la TVA à l'offre locative privée.
Il est également à noter, en matière de réhabilitation du parc privé, que les moyens mis à la disposition de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, l'ANAH, sont reconduits à hauteur de 2,2 milliards de francs.
A cela s'ajoute la réduction de 5,5 % du taux de TVA sur les opérations de réhabilitation menées par l'ANAH. Ces aides concernent des locaux privés, dans des immeubles achevés depuis plus de quinze ans, loués à usage principal d'habitation.
Je tiens à nouveau à souligner la mesure, tant attendue dans les zones reculées et adoptée cet été, qui étend l'intervention de l'ANAH à la transformation en logements locatifs d'immeubles non affectés à un usage principal d'habitation dès lors qu'ils se situent dans des zones de revitalisation rurale. J'espère que la simple reconduction des crédits ne sera pas un obstacle financier à l'application de cette réforme.
Pour ce qui est de la prime à l'amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale, dite PALULOS, le budget a prévu la réhabilitation de 120 000 logements sociaux. Cette aide se traduit par un taux réduit de TVA à 5,5 % et une subvention de 10 %.
Je viens d'évoquer les efforts publics consacrés en matière de construction, de transformation et de réhabilitation de logements afin de répondre aux besoins de l'ensemble de la population et, plus particulièrement, des ménages les plus modestes.
Ainsi, l'Etat doit veiller à l'existence de logements suffisants pour répondre à la demande, mais aussi à la mise sur le marché de logements, à des prix ou loyers plafonnés, pour les familles les plus modestes. Ce budget répond à la nécessité d'amélioration, de diversification et d'augmentation du parc des logements, notamment sociaux.
L'intervention des pouvoirs publics ne porte pas uniquement sur les logements ; elle concerne aussi les personnes et, plus particulièrement, celles qui n'ont pas de revenus suffisants pour financer seules leur budget logement. Ces aides représentent plus de 75 milliards de francs de prestations versées et concernent plus de 6,15 millions de ménages, dont trois millions ayant des ressources comprises entre le SMIC et le RMI.
Les aides à la personne recouvrent l'aide personnalisée au logement, l'ALP, l'allocation de logement familiale, l'ALF, et l'allocation de logement sociale, l'ALS. Après quatre années de gel, je souligne l'actualisation réalisée en 1997, poursuivie en 1998 et promise pour 1999. Celle-ci était nécessaire en vue de garantir la cohésion sociale assurée par ces aides. Cela se traduit par une augmentation de 4,4 % avec un budget de 34,629 milliards de francs pour les aides personnelles.
Mais la politique sociale du Gouvernement ne s'arrête pas là, puisque est prise en compte, d'un point de vue budgétaire, la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, ce qui est une nouveauté. Ce point représente l'aspect le plus novateur de ce budget.
Ainsi, la dotation de l'Etat versée au fonds de solidarité pour le logement connaît une très forte revalorisation, de l'ordre de 44 % par rapport à 1998, soit un doublement par rapport à 1997. Avec la participation obligatoire des départements, le FSL disposera de 1,2 milliard de francs.
Cela permettra, notamment, l'ouverture des aides du fonds de solidarité pour le logement aux sous-locataires, l'interdiction de toute restriction d'accès au fonds et les limitations des critères d'éligibilité aux seuls critères de niveau de ressources. Il faut aussi noter que, à la ligne consacrée aux fonds de solidarité pour le logement, 60 millions de francs sont prévus en faveur des associations qui louent des logements à des personnes défavorisées.
En ce qui concerne l'aide au logement temporaire, l'ALT, accordée aux associations hébergeant à titre temporaire des personnes défavorisées et financée par le fonds national d'aide au logement, le projet de loi de finances pour 1999 prévoit de porter les crédits de 110 millions de francs à 130 millions de francs, afin de financer l'extension aux centres communaux d'action sociale de la prestation d'aide au logement temporaire.
Telles sont, brièvement présentées, les raisons qui me font penser que le budget qui nous est présenté est bon. En effet, il n'oublie notamment aucun des aspects qu'une politique du logement cohérente et efficace doit comporter. En outre, une politique du logement réussie est également bénéfique pour l'économie, l'aménagement du territoire, la politique de la ville ou la cohésion sociale.
Je remarque que la commission des affaires économiques et la commission des affaires sociales du Sénat ont expressément ou tacitement approuvé ce budget, alors que la commission des finances propose une diminution de l'ordre de 500 millions de francs de crédits affectés au financement des aides personnelles. J'ose espérer que, comme le fera le groupe socialiste, la majorité sénatoriale, dans sa sagesse, s'opposera à toute réduction budgétaire.
Nous voterons donc ce budget, en incitant fortement le Gouvernement à poursuivre dans cette voie. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi, tout d'abord, de remercier vivement vos rapporteurs, MM. Pelletier, Plancade, Bimbenet et Bellanger, ainsi que leurs collaborateurs, dont je sais combien le concours est précieux. Ils vous ont présenté les grandes orientations et les principaux chiffres du projet de budget du logement et de l'urbanisme pour 1999. La qualité de leurs rapports et de leurs exposés, que j'ai écoutés avec beaucoup d'attention, facilite grandement ma tâche et me permettra d'abréger quelque peu mon propos, même si, par quelques digressions, je m'efforcerai d'apporter des réponses aux principales questions qui m'ont été posées par les intervenants.
Toute l'action du Gouvernement, au cours de ces derniers mois, a consisté à mettre en place, vous l'avez compris, les fondations d'une nouvelle politique du logement plus globale, plus juste et plus stable.
A ce titre, nous avons donné au logement social des moyens accrus ; tout le monde l'a relevé. Toutefois, des inquiétudes subsistent. Elles ont été exprimées ici même par vos rapporteurs, MM. Pelletier, Plancade et Bimbenet, ainsi que par Mme Terrade, MM. Piras et Vezhinet. Je veux leur dire à tous que le Gouvernement partage leurs inquiétudes.
Vous vous êtes fait l'écho des constructeurs de logements sociaux qui font état d'obstacles expliquant, à leurs yeux, les difficultés à consommer les crédits. Des obstacles, il en subsiste certainement et notre volonté est bien de continuer à nous y attaquer. Mais, d'ores et déjà, nous en avons levé plusieurs. Ainsi, les taux des prêts ont été abaissés d'un demi-point au mois de juin et les plafonds de ressources ont été relevés, en moyenne, de 10 % au mois de juillet.
Quant à l'incertitude ressentie par les collecteurs du 1 % lorsqu'il leur fallait assumer le coût du prêt à taux zéro, elle est désormais levée et l'horizon est clarifié depuis la signature de la convention quinquennale intervenue le 3 août dernier.
Les gestionnaires du 1 % logement savent donc désormais qu'ils ont retrouvé la possibilité de s'engager dans le financement d'opérations locatives HLM, à un niveau annuel d'engagement de 4,5 milliards de francs, mais cette disposition ne s'appliquera, bien évidemment qu'à compter du 1er janvier 1999.
Il n'est donc pas anormal, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'il faille attendre un certain délai pour que les mesures que je viens d'énumérer prennent corps et se traduisent concrètement dans les faits. La plus ancienne, qui a trait au 1 % logement, a moins de six mois et ne sera effective et applicable que lorsque les engagements concernant le prêt à taux zéro ne seront plus assumés par le 1 %, c'est-à-dire à partir du 1er janvier prochain. C'est donc normalement sur les résultats de 1999 que nous devrions enregistrer les premiers effets positifs de ces efforts que vous nous avez invité à entreprendre, ce dont je vous remercie.
Toutefois, vous le savez, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, tout ne peut venir de l'Etat dans ce domaine. Nous avons besoin de la participation et de l'engagement des collectivités locales. Vous savez combien leur volonté et, à tout le moins, leur complicité sont essentielles à la réalisation de tout projet.
Parallèlement aux efforts en faveur du logement locatif social, nous avons voulu consolider l'accession à la propriété et mieux la sécuriser afin de prendre en compte la fragilité croissante des ménages force non seulement au chômage mais aussi aux aléas familiaux.
Notre politique, nous l'avons voulue aussi plus juste, au regard notamment des dispositions de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions. L'exclusion du logement, la ségrégation urbaine ou la précarité sont autant de défis auxquels nous nous devons d'apporter des réponses.
Mme Terrade puis M. Piras ont évoqué l'actualité de l'hiver. Combien ils ont raison ! Mais c'est bien sûr tout au long de l'année qu'il faut agir afin que la saison la plus froide ne soit pas dramatique pour nos concitoyens les plus fragiles.
Ainsi, une circulaire concernant tout le volet « logement » de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions a été adressée, le 13 octobre 1998, à tous les préfets.
Sur les quinze décrets dépendant de mon secrétariat d'Etat - et je réponds là aux questions de M. Vezinhet - deux ont été publiés le 15 novembre, à savoir le décret sur la gestion locative, c'est-à-dire sur le financement de la médiation locative, et le décret relatif au surloyer. Huit autres sont en cours d'examen au Conseil d'Etat et devraient être publiés dans les six à huit semaines qui viennent. Les cinq derniers décrets sont prévus pour le premier semestre 1999, car ils nécessitent soit une concertation approfondie - c'est le cas du décret concernant les FSL, pour lequel une concertation doit être engagée avec l'Assemblée des présidents de conseils généraux - soit une expérimentation - c'est le cas du décret concernant la réforme des attributions d'HLM.
La circulaire relative à la prévention des expulsions qui est en préparation prend en compte la nécessité de résoudre rapidement les problèmes d'insolvabilité des locataires de bonne foi en difficulté.
Cette mesure, M. Ostermann en conviendra, n'est pas contraire aux intérêts des bailleurs. Je veux dire par là que nous n'opposons pas les deux parties mais que nous cherchons des dispositifs permettant de déboucher sur des solutions qui conjuguent les intérêts légitimes des uns et des autres.
Nous avons voulu que cette politique plus globale et plus sociale soit également plus stable, c'est-à-dire qu'elle s'inscrive dans la durée.
C'est, à nos yeux, une condition d'efficacité des interventions publiques, particulièrement des acteurs du logement. C'est évidemment tout le sens du statut du bailleur privé qui, sur ce point, est en rupture totale avec la logique conjoncturelle du précédent dispositif. C'est tout le sens également du travail de fond que nous menons avec le mouvement HLM pour consolider le logement social. Certains d'entre vous ont souhaité que des représentants de la Haute Assemblée et d'autres instances participent à ce travail de fond au sein d'un groupe de travail. Nous sommes, bien sûr, ouverts à cette proposition.
C'est, enfin, dans cette logique que s'inscrit la convention quinquennale conclue avec les partenaires du 1 %, qui ouvre de nouveaux champs d'intervention et renforce le paritarisme.
Il importe aussi d'agir dans la durée en matière de renouveau urbain. La politique de l'habitat doit contribuer plus qu'elle ne l'a fait jusqu'à présent à la qualité de la vie urbaine et aux équilibres indispensables à la cohésion sociale. J'ai, à cet égard, écouté avec beaucoup d'attention les propos de M. Bellanger.
Le projet de budget du logement et de l'urbanisme pour 1999 s'inscrit dans cette politique volontariste, qui a été menée tout au long de ces derniers mois et qui se décline autour de quatre axes prioritaires.
Le premier axe est, bien évidemment, la consolidation, en 1999, de l'effort budgétaire significatif de 1998. Cette consolidation porte à la fois sur les moyens budgétaires globaux et sur les programmes physiques.
Ainsi, les crédits du logement et de l'urbanisme pour 1999, après les amendements adoptés à l'Assemblée nationale, s'établissent à 49 370 millions de francs en moyens d'engagement, soit une augmentation de 3,7 % par rapport à 1998, et à 49 219 millions de francs en crédits de paiement, soit une progression de 2,3 % par rapport à 1998.
Comme vous le voyez, ces évolutions montrent clairement que les crédits du logement sont largement consolidés en 1999 après s'être accrus de plus de 10 % en 1998, en tenant compte des efforts fiscaux.
Ainsi, 80 000 PLA seront à nouveau effectivement financés, dont 20 000 PLA à loyer minoré et 10 000 PLA d'intégration. L'équivalent de 120 000 PALULOS est également retenu dans le budget pour 1999.
En ce qui concerne la réhabilitation du parc privé, nous avons, là aussi, une consolidation des avancées de 1998 : les crédits de la prime à l'amélioration de l'habitat augmenteront de 2 % pour atteindre 816 millions de francs, soit un potentiel de 80 000 logements réhabilités par leurs propriétaires occupants. Quant à l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, son enveloppe sera reconduite à 2,2 milliards de francs.
Dans le domaine de l'urbanisme - j'admets avec M. Bellanger qu'il y a encore des progrès à faire dans la présentation budgétaire - les dotations augmenteront en 1999 de plus de 13 %, ce qui mérite d'être souligné. Comme les propos de M. Bellanger le démontrent à travers quelques aspects très concrets, les moyens en matière d'urbanisme conditionnent directement notre capacité collective à mieux aménager, à mieux construire et, par la même, à mieux répondre aux aspirations de nos concitoyens en matière de cadre de vie. C'est la première fois depuis des années, mesdames, messieurs les sénateurs, que le budget de l'urbanisme connaît une croissance, et qui plus est, elle est à deux chiffres. Ces moyens nouveaux permettront d'accroître les capacités d'expertise et d'études des services locaux dans le domaine de l'urbanisme et de la connaissance des territoires. Dans la même logique, les interventions au bénéfice des agences d'urbanisme sont accrues de 5 millions de francs et portées à 58 millions de francs, soit une croissance de près de 10 %. Les interventions concernant l'action foncière de l'Etat et les grandes opérations d'urbanisme dont, monsieur le président de la commission des finances, Euroméditerranée, sont portées de 44 millions à 80 millions de francs. Dans le même temps, le financement des architectes et paysagistes conseil sera consolidé.
Enfin, les aides spécifiques aux agglomérations nouvelles les plus endettées seront augmentées, alors même que la dotation d'équipement dérogatoire aux villes nouvelles prend fin, comme vous le savez, en 1998.
Le deuxième axe de la politique sociale du logement m'invite à faire le point sur les aides personnelles au logement.
Plus de 75 milliards de francs de prestations seront versés à plus de 6 150 000 ménages. Il s'agit de ménages socialement très ciblés, monsieur le rapporteur spécial. En effet, 3 000 000 d'entre eux disposent de ressources comprises entre le RMI et le SMIC et 3 000 000 ont un revenu compris entre un et deux SMIC. Pratiquement, plus personne n'est éligible à ces aides au-delà d'un revenu supérieur à deux SMIC. Ces prestations constituent, vous le comprenez bien, dans ce contexte - et c'est pourquoi il est difficile de les amputer - un moyen primordial de justice sociale en favorisant l'accès et le maintien dans le logement des personnes modestes et défavorisées.
Comme le Gouvernement s'y était engagé, la politique d'actualisation régulière de ces prestations, reprise au 1er juillet 1997 après quatre années de quasi-gel, a été poursuivie en 1998, avec une actualisation au 1er juillet 1998 des barèmes aussi bien de l'aide personnalisée au logement que des allocations de logement.
Au total, les mesures prises par le Gouvernement depuis dix-huit mois portent, pour les aides personnelles et les allocations de logement, sur une somme globale de 4,5 milliards de francs. Je me permets d'insister sur cette somme en vous invitant, mesdames, messieurs les sénateurs, à la rapprocher de l'effort demandé aux bénéficiaires des allocations familiales, qui étaient jusqu'à présent allouées sans condition de ressources, effort situé entre 3,5 milliards et 4 milliards de francs. Cela signifie que, pour les seules allocations familiales se rapportant au logement et visant les familles les plus modestes, ce nouvel effort, compte tenu de ces actualisations, débouchera sur une somme supérieure à l'effort qui a été demandé aux familles les plus aisées, et qui va l'être, par application du quotient familial révisé.
A celles et à ceux qui affirmaient que le Gouvernement menait une politique familiale restrictive, la réponse est là. C'est un autre ciblage ; c'est une politique de soutien familial plus sociale, mais il n'y a pas régression. Dans le seul domaine du logement - je ne parle pas de l'allocation de rentrée scolaire - cela représente une somme plus élevée que celle qui résulte de l'effort de solidarité demandé aux familles les plus aisées.
Cette actualisation, qui assure le maintien de l'efficacité sociale de ces aides pour les familles les plus modestes, sera poursuivie en 1999 dans le cadre des crédits qui vous sont proposés pour la ligne concernant ces aides au logement. Je pense que cela va dans le sens des préoccupations de Mme Terrade et de M. Vezinhet, même si la réglementation nécessite encore des adaptations, ainsi que l'ont souligné les rapporteurs MM. Pelletier, Plancade et Bimbenet, pour simplifier les aides et en améliorer l'efficacité sociale.
Ainsi, au sein du projet de budget pour 1999, la somme prévue pour les aides personnelles qui s'élève à 34 629 millions de francs, est en hausse de 4,4 % par rapport à la loi de finances initiale de 1998. Cette augmentation tient à la fois à l'actualisation et à l'augmentation du nombre des bénéficiaires. Aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, j'appelle votre attention sur ce point car, bien évidemment, une réduction de cette ligne ne permettrait pas d'atteindre cet objectif. Or, en conscience, chacun de vous ne peut que le partager.
La politique sociale du Gouvernement trouve une autre traduction forte dans le projet de budget pour 1999 du logement. Il reprend en effet en totalité, comme cela a été indiqué, les engagements pris par le Gouvernement lors de l'examen et du vote de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions. Les dotations de l'Etat au Fonds de solidarité pour le logement, le FSL, sont fortement relavorisées, comme l'a relevé M. le rapporteur spécial. En effet, elles augmentent de 44 % par rapport à 1998. Elles s'élèvent à 490 millions de francs, contre 340 millions de francs, en 1998, soit un quasi-doublement par rapport à la loi de finances initiale de 1997, c'est-à-dire en deux ans. Elles permettront notamment d'éviter les expulsions dans des dizaines de milliers de cas, expulsions qualifiées, pour toutes les personnes de bonne foi, d'inadmissibles et d'inacceptables, comme l'a indiqué M. le rapporteur spécial.
Par ailleurs, les associations qui assurent la gestion de logements au bénéfice de personnes défavorisées seront désormais aidées par l'Etat, indépendamment du soutien qu'elles trouvaient auprès du FSL. Un crédit de 60 millions de francs, vous l'avez remarqué, est prévu à cet effet. Les moyens consacrés à l'aide au logement temporaire, l'ALT, sont effectivement étendus aux structures d'accueil des centres communaux d'action sociale, qui n'y avaient pas accès jusqu'à présent.
Comme l'a noté M. Vezinhet, les centres communaux d'action sociale de l'Hérault ont apprécié cette mesure ; j'en suis heureux. Cela correspond à une augmentation de 18 %, avec une dotation de 130 millions de francs.
En outre, une dotation de 50 millions de francs est affectée à l'accompagnement des actions de lutte contre le saturnisme. Elle s'ajoutera aux subventions de l'ANAH, qui a, de son côté, porté son taux pour ce type de travaux à 70 %. Enfin, les crédits permettant la résorption de l'habitat insalubre progressent de plus de 3 %.
Le troisième axe que je souhaite aborder devant vous, c'est la création d'un statut du bailleur privé.
L'an dernier, j'avais eu l'occasion de vous annoncer que le Gouvernement souhaitait respecter l'engagement pris par le candidat Lionel Jospin lors de l'élection présidentielle de 1995. Il ne s'agit donc pas d'une idée qui aurait été récemment sortie d'un chapeau. Cet engagement concernait la mise en place d'un nouveau système pour remplacer les dispositifs en vigueur d'incitation à l'investissement locatif privé.
L'objectif est de dégager une offre locative destinée à ceux de nos concitoyens ne pouvant bénéficier d'un logement aidé, ou souhaitant avoir une liberté de choix - car dans l'ancien il y aura parfaite complémentarité entre l'offre sociale et l'offre privée conventionnée - ou ne pouvant pour autant s'adresser au secteur totalement libre.
Le secteur social est ouvert à plus de 60 % des ménages depuis que nous avons relevé les plafonds de ressources correspondants et est donc bien loin d'être cantonné aux ménages démunis. Il y a donc là une place en complément et non en concurrence pour ce secteur intermédiaire.
Je vais citer quelques chiffres qui vous montreront la cohérence de nos propositions.
Cette année, seront sans doute construits 280 000 logements, soit 10 000 de plus que l'an dernier. Les trois quarts de ces 280 000 logements dépendent de l'action publique : 110 000 prêts à taux zéro bonifiés, 55 000 logements locatifs HLM, 45 000 logements acquis avec l'aide fiscale que constitue l'amortissement accéléré. Par conséquent, 210 000 logements sont totalement tributaires de l'action publique. Cela signifie qu'aujourd'hui 25 % seulement de nos concitoyens peuvent résoudre leur problème de logement par eux-mêmes. Certes, les pouvoirs publics ne s'en désintéressent pas. Pour autant, ils n'ont pas de devoir particulier à mettre en place des systèmes d'aide pour des personnes qui, heureusement, peuvent trouver une solution par elles-mêmes.
Sur les trois quarts de nos concitoyens qui ne peuvent pas trouver une réponse par eux-mêmes, 61 % sont éligibles au parc social HLM. Mais on peut très bien considérer que, pour des considérations de localisation ou d'adaptation à leurs besoins, ces 61 %, pour la fraction d'entre eux relevant du locatif, veulent avoir le choix entre le locatif social public et le locatif privé conventionné. Voyons bien cette complémentarité. L'aide que nous mettons en place pour le locatif neuf privé conventionné peut tout à fait être ce logement intermédiaire répondant aux besoins de la demande locative de ceux de nos concitoyens qui se situent entre les 61 % éligibles pour le logement social et les 75 % qui ont de toute façon besoin d'une offre dépendante de l'action publique. Que ce soit dans l'ancien ou dans le neuf, vous constatez une parfaite complémentarité entre les deux offres, que l'on ne saurait évidemment opposer.
Donc, afin de développer dans le parc privé cette offre à loyer maîtrisé, répondant aux besoins que je viens d'exposer, l'article 68 du projet de loi de finances, que vous examinerez ultérieurement, prévoit l'instauration de ce statut pérenne et équilibré du bailleur privé.
Comme cela a été fort bien dit, le principe consiste à accompagner les aides fiscales d'une contrepartie sociale.
En outre, et c'est là une grande rupture avec le système antérieur, le nouveau dispositif s'applique aussi bien au secteur de l'ancien qu'aux logements neufs. Dans le cas de ces derniers, il prendra la forme d'un régime d'amortissement, avec, comme contrepartie, l'obligation, il est vrai, pour le bailleur de respecter des plafonds tant en matière de loyer qu'en matière de ressources des locataires. Le taux de l'amortissement sera de 8 % pendant cinq ans et de 2,5 % au cours des quatre années suivantes. Dans le cas du parc existant - donc, le parc privé ancien - la formule sera différente puisqu'il s'agira d'une déduction forfaitaire, portée de 14 % à 25 % pour les revenus fonciers, ce qui créera un avantage supplémentaire en termes d'impôt sur le revenu.
L'attractivité du dispositif sera accrue par la mise en place de mesures destinées à assurer une meilleure sécurisation pour les bailleurs. D'une part, l'allocation logement leur sera directement versée ; d'autre part, les dispositifs de l'accord conclu avec le 1 % permettront la mise en place de garanties de paiement du loyer et des charges au-delà de la partie couverte par l'aide à la personne versée directement, et ce pendant une durée de trois ans.
Il s'agit donc bien là d'un changement total de logique. D'un système temporaire, en quelque sorte équivalent aux primes accordées pour relancer le marché de l'automobile, nous passons à une formule durable, équilibrée, qui se mesurera non pas seulement par des avantages fiscaux, mais également par la reconnaissance d'une fonction économique et sociale des bailleurs privés, répondant ainsi, me semble-t-il, au souhait que vous avez exprimé, monsieur Ostermann. A ce propos, je me permets de vous inviter à considérer la lutte contre la vacance au regard de cette approche radicalement nouvelle à l'égard du métier de bailleur.
Le quatrième axe est la modernisation du 1 % logement et la pérennisation du prêt à taux zéro par rebudgétisation de l'accession sociale à la propriété.
Je n'insisterai pas sur ce point, que j'ai eu l'occasion de développer devant vous le 12 novembre dernier, lors de la présentation du projet de loi relatif à la participation des employeurs à l'effort de construction que vous avez bien voulu adopter à l'unanimité. Je rappellerai donc brièvement que la convention conclue pour cinq ans le 3 août dernier, convention que la commission des finances a saluée à l'unanimité, ce à quoi je suis sensible, prend en compte l'évolution du marché du logement et des conditions de vie des salariés, tant sur le plan familial que professionnel, conditions de vie qui sont marquées par une mobilité croissante et par une certaine instabilité.
En réponse à cela, les emplois du 1 % logement sont désormais étendus à la sécurisation des accédants à la propriété, au financement des travaux d'entrée dans les lieux, à l'occasion des changements de logement pour mobilité professionnelle, et, enfin, dans le secteur locatif - social ou privé - à de nouveaux systèmes de prise en charge gratuite des cautions et garanties d'impayés de loyer.
Parallèlement à ces nouveaux emplois, les interventions traditionnelles du 1 % logement, en particulier l'apport financier complémentaire aux constructions et travaux de logements HLM et l'aide à l'accession des salariés à la propriété, sont bien entendu réaffirmées et consolidées.
J'ajoute que, pour mieux impliquer les partenaires sociaux, en particulier les salariés, les comités interprofessionnels du logement, les CIL, seront transformés en unions d'économie sociale.
Enfin, la convention conclue clarifie les relations financières entre l'Etat et le 1 % logement en organisant la réduction progressive, sur cinq ans, de la contribution financière du 1 % au budget du logement, qui devra être nulle en 2003.
Consécutivement à la baisse des prélèvements sur les ressources du 1 % logement, le financement de l'accession sociale sera donc rebudgétisé.
Les moyens prévus au projet de budget pour 1999 permettront de poursuivre la distribution de ces prêts au même niveau et aux mêmes conditions qu'en 1998, soit environ 110 000 prêts.
Vous le savez, les taxes locales grevant les ventes de locaux d'habitation - les droits de mutation - sont réduites de plus de 20 % par la suppression de la part régionale de la taxe sur ces ventes depuis le 1er septembre 1998. Il en résulte, en année pleine, un allégement fiscal de 3,7 milliards de francs pour les ménages, ce qui, selon les professionnels, facilitera les transactions et améliorera la fluidité du marché immobilier.
Le taux réduit de TVA à 5,5 % s'appliquera aux dépenses d'amélioration de l'habitat lorsque les bailleurs privés bénéficieront d'une subvention de l'ANAH et d'un conventionnement éligible à l'APL. Plus de 10 000 logements devraient être concernés, complétant ainsi les mesures prises l'an dernier pour les travaux d'amélioration du parc locatif HLM avec lequel un parallèle pouvait se faire.
J'ai bien entendu le souhait de voir étendre cette mesure au parc locatif privé. Il y a un problème d'eurocompatibilité à cet égard. Toutefois, comme M. le Premier ministre l'a annoncé au congrès de l'Union professionnelle artisanale, la France demande à Bruxelles d'adopter sur ce point sa position, à savoir d'aller effectivement dans cette direction.
Par ailleurs, un amendement voté en première lecture à l'Assemblée nationale et que les commissions du Sénat ont également adopté a plus que doublé le crédit d'impôt pour les travaux d'entretien et de revêtement à domicile, en portant le taux de 15 % à 20 % et en doublant les plafonds de dépenses, en les portant par exemple de 10 000 francs à 20 000 francs pour un couple. Cette mesure permettra bien évidemment de soutenir efficacement l'activité du bâtiment et de lutter contre le travail au noir.
Enfin, vous le savez, plusieurs mesures fiscales ont été adoptées dans le cadre de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions. Il s'agit notamment de l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties pendant quinze ans, ce qui devrait faciliter les opérations d'acquisition-amélioration de logements locatifs sociaux dont on sait l'intérêt tant pour revitaliser nos centres-villes et nos centres-bourgs que pour produire des logements adaptés aux besoins d'intégration des ménages les plus en difficulté.
On peut par ailleurs espérer que la clarification du régime fiscal de la sortie du bail à réhabilitation permette une relance de cette formule dans l'habitat ancien privé.
Comme vous le voyez, le projet de budget pour 1999 s'inscrit dans la recherche d'une plus grande justice sociale, dans l'établissement d'un cadre stable pour les nombreux acteurs publics, privés et associatifs intervenant dans le secteur du logement et, également, dans le souci du développement de l'emploi dans le bâtiment.
Nous avons quelques signaux d'amélioration de la situation du bâtiment depuis l'été 1998. En effet, pour la première fois depuis six ans, le secteur du bâtiment ne perd plus d'emplois. Mais cette reprise est encore fragile, et il faut donc que le budget pour 1999 la consolide afin que le bâtiment contribue dès l'an prochain à la croissance économique générale de notre pays et à l'emploi.
Face à la préoccupation majeure de nos concitoyens de pouvoir disposer d'une offre de logements diversifiée à des conditions accessibles et compatibles avec leurs ressources, la politique du logement doit bien entendu disposer de moyens à la hauteur de cette attente et s'inscrire dans un environnement fiscal amélioré. C'est dans ces deux directions que nous progresserons en 1999.
Mais cette priorité du Gouvernement devra être prolongée et complétée par des réformes indispensables pour la mettre au service de politiques urbaines renouvelées, pour que nos quartiers, nos communes et nos agglomérations soient des lieux d'équilibre, de mixité sociale et urbaine, et non des lieux de ségrégation.
Pour cela, il faut mettre en cohérence, à l'échelle de l'agglomération, les différentes politiques sectorielles et l'ensemble des démarches de planification. Il faut aussi renforcer la mixité urbaine par une diversification de l'offre d'habitat et par un développement urbain équilibré à la fois socialement et dans l'espace. Pour atteindre ce but, les communes qui ont le moins d'habitat social devront faire le plus grand effort. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Le secteur privé conventionné doit être mis, lui aussi, au service de cet objectif. C'est sur le terrain qu'il faut y veiller, d'où l'importance de la responsabilité assumée par les élus locaux.
Il faut également limiter l'étalement urbain et la dispersion de l'habitat. Pour cela, il faut pouvoir faciliter la reconstruction de la ville sur elle-même par des outils renouvelés d'urbanisme opérationnel qui permettent d'intervenir efficacement aussi bien dans les quartiers d'habitat social que dans les quartiers anciens dégradés, dans le secteur locatif, comme dans les copropriétés connaissant des difficultés, monsieur Vezhinet.
Enfin, il faut développer, dans le domaine de l'habitat et dans celui de l'urbanisme, de nouvelles formes de partenariat entre l'Etat et les collectivités locales, ainsi qu'une plus forte participation des citoyens à l'évolution de leur cadre de vie.
Ces objectifs me semblent couvrir les préoccupations qui viennent d'être exprimées par MM. Bellanger, Pelletier et Piras.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, la consolidation de l'action menée par le Gouvernement est loin d'être achevée.
Avant de conclure, je veux répondre précisément à la question de M. Bellanger, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour l'urbanisme, qui m'a demandé dans quels délais seront publiés les décrets d'application de la loi du 30 décembre 1996 relative à la mise en oeuvre dans les départements d'outre-mer de la zone des cinquante pas géométriques.
Le décret qui institue la commission des titres est paru le 14 septembre dernier et celui qui porte création des agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone des cinquante pas géométriques a été publié le 1er décembre. Trois autres décrets sont en cours d'élaboration dans le cadre d'un comité de suivi. J'appellerai l'attention de mon collègue secrétaire d'Etat à l'outre-mer, qui pilote ce dossier, sur l'impatience que vous avez exprimée.
M. Jacques Bellanger, rapporteur pour avis. Merci !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Mesdames, messieurs les sénateurs, le logement, dans toute l'évolution que connaîtra notre société, demeurera la condition première de l'autonomie personnelle et familiale, et donc de l'épanouissement de chacun. Aux besoins liés à la mobilité, qui est une caractéristique forte de la société contemporaine, s'ajoutent ceux qui naissent des nouvelles conditions de vie - études plus longues, parcours professionnels plus chaotiques, ruptures et recompositions familiales plus nombreuses, allongement constant de l'espérance de vie - et d'aspiration à une plus grande qualité. Enfin, cette offre diversifiée de logements, vers laquelle il faut tendre, doit pleinement contribuer aux équilibres sociaux et territoriaux qu'il faut souvent reconstituer dans l'habitat de nos quartiers et de nos agglomérations, en même temps qu'il faut les préserver dans nos villages et nos bourgs ruraux.
Beaucoup a déjà été réalisé pour progresser vers cet objectif, très largement partagé, du droit au logement pour tous, mais aussi du droit à un logement choisi s'intégrant dans une réelle qualité de la ville. Je tiens à dire que ces progrès doivent beaucoup à la détermination de Jean-Claude Gayssot, à qui je sais gré d'avoir fait du logement une priorité.
Mais si beaucoup reste encore à faire, le projet de budget du logement et de l'urbanisme pour 1999, que je viens de vous présenter en m'efforçant de le situer dans son contexte, constituera non seulement une consolidation, mais bien plus encore, me semble-t-il, une nouvelle avancée dans cette voie.
C'est pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande de bien vouloir l'approuver. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. Daniel Hoeffel applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, après Michelle Desmessine et Louis Besson, qui vous ont présenté avec talent et conviction les projets de budget du tourisme, de l'urbanisme et du logement, il m'appartient de vous présenter secteur par secteur, tout au long de la soirée et même dimanche, semble-t-il, les principales orientations du projet de budget du ministère de l'équipement, des transports et du logement.
La forme de ce débat sera donc un peu parcellisée, et c'est la raison pour laquelle je souhaite, dans cette première intervention qui porte formellement sur la section des services communs, donner un éclairage un peu général.
Mais je voudrais tout d'abord remercier l'ensemble des rapporteurs pour la qualité de leur travail et de leur réflexion. Je voudrais également remercier tous ceux d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, qui sont intervenus à propos des principales orientations et priorités affichées dans mon projet de budget, même si, comme l'an passé, la commission des finances du Sénat envisage de réduire le montant des crédits de fonctionnement et d'intervention de mon ministère ; mais nous aurons l'occasion d'y revenir.
Vous connaissez les grandes lignes de mon projet de budget, et nous en débattrons lors de l'examen de chaque section budgétaire.
A ce stade, je voudrais exposer une première réflexion sur les tendances lourdes que l'on peut dégager au vu de l'évolution des crédits.
La procédure budgétaire débute par la lettre de cadrage du Premier ministre. Celle-ci fixe, depuis plusieurs années, un objectif de stabilisation, en francs courants, des dépenses du ministère de l'équipement, des transports et du logement. Sous cette contrainte, l'importance de la masse salariale du ministère conduit inévitablement à une croissance des dépenses de personnel. Cette dernière, compte tenu du fait que les crédits s'inscrivent dans un volume global, est automatiquement compensée, au cours de l'exercice de préparation budgétaire, par une diminution quasi équivalente du montant des dépenses d'intervention et d'investissement. Telle est la règle du jeu.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est mortel, à terme !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. C'est donc exactement ce qui s'est produit depuis quelques années pour mes prédécesseurs - comme vous le dites, monsieur le président de la commission des finances, c'était mortel, à terme - et cela continuera ainsi dans les années qui viennent, si l'objectif de stabilisation des dépenses est reconduit dans les mêmes formes...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je le répète, c'est donc mortel, à terme !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. ... ou si des ressources nouvelles ne sont pas mobilisées pour financer les infrastructures et les services de transport.
Ainsi, en 1999, la lettre de cadrage prévoit une augmentation des dépenses de personnel de l'ordre de 550 millions de francs, et c'est un montant équivalent qui a été repris sur les crédits d'investissement et les moyens d'intervention du ministère.
Je dois également constater que, compte tenu des masses en cause, la réduction d'environ 16 000 emplois qui a été décidée par mes prédécesseurs depuis une quinzaine d'années n'a pas été de nature à freiner cette évolution,...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Est-ce que vous vous comptez dans ces quinze années ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. ... ce qui nous amène à réfléchir les uns et les autres.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Sur ces quinze années, vous avez gouverné onze ans !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Les dépenses en capital du ministère de l'équipement représentent plus de 21 milliards de francs d'autorisations de programme. Dans les dépenses civiles de l'Etat, le secteur de l'équipement est ainsi le seul à disposer d'une capacité d'investissement significative, ayant ainsi un effet sur la croissance et sur l'emploi, comme vient de l'indiquer M. Louis Besson.
Or, inéluctablement, du fait des circonstances que j'ai rappelées, les budgets d'investissement de ce ministère sont en régression, de 500 millions à 600 millions de francs par an en moyenne.
Cette évolution ne résulte pas d'une analyse des besoins ou de mesures de rationalisation. C'est simplement, je le répète, la conséquence arithmétique de l'objectif de croissance zéro du budget de l'équipement inscrit dans les lettres de cadrage successives.
Cela pose d'ailleurs une question : doit-on apprécier l'évolution des besoins et des charges de l'Etat par rapport au seul budget précédent ou par rapport à l'évolution du produit intérieur brut, par exemple ?
Les besoins d'investissement, de maintenance et de réhabilitation demeurent, même s'ils se modifient. Ils concerneront de plus en plus la sécurité des déplacements, ce qui doit nous conduire à poursuivre le programme d'autoroutes et d'aménagements routiers. Ils concerneront également, notamment, la lutte contre le bruit et les nuisances, l'aménagement des agglomérations. Il s'agira de plus en plus d'investissements d'un montant élevé, souvent en milieu urbain.
Je considère, pour ma part, que l'Etat doit conserver des moyens d'intervention importants pour financer des projets lourds, s'insérant dans l'espace national et européen - tel est le cas des ports ou des réseaux ferrés - pour contribuer, avec les collectivités locales s'il y a lieu, à l'aménagement, au désenclavement ou à la restructuration des milieux qui le nécessitent.
Je voulais vous faire partager ce souci, notamment à la veille de la négociation des contrats de plan entre l'Etat et les régions, qui exigent que l'Etat conserve les ressources nécessaires à la contractualisation avec les régions.
Cette réflexion est très importante au regard de l'environnement économique et de l'emploi.
M. le secrétaire d'Etat au logement vient d'y faire allusion, la tendance à l'amélioration de l'activité de construction et d'entretien de bâtiments depuis 1997 se poursuit, et cette tendance devra être encore confortée en 1999.
La progression de la construction de logements neufs et la croissance des travaux d'entretien et de réhabilitation expliquent en partie ce dynamisme, facilité par des taux d'intérêt plus attractifs.
Cette amélioration est toutefois surtout sensible dans le secteur du logement. Dans le secteur des travaux publics, l'activité des entreprises devrait connaître, en 1998, une légère diminution de près de 1 % en volume, essentiellement en raison du repli des dépenses de travaux publics des grandes entreprises nationales.
Il faut donc - et vous comprendrez l'attention que je porte aux crédits budgétaires qui me sont alloués - rester très vigilant quant au niveau des investissements publics dans le secteur.
Après ces remarques d'ordre général, j'en viens plus précisément au projet de budget pour 1999.
Le projet de budget que je vous présente consolide, je le crois, les orientations suivies en 1998.
Il y a - j'y ai insisté devant vos commission et j'y insiste encore aujourd'hui - continuité des engagements et des priorités. Je veux l'illustrer, en premier lieu, avec les moyens en personnel.
Oui, il est clair et net que je veux redonner au ministère de l'équipement les moyens nécessaires à ses missions.
Dès ma prise de fonctions, j'ai constaté qu'un programme triennal élaboré en 1996 par nos prédécesseurs prévoyait une réduction de 1 000 postes en 1998, puis d'autant en 1999. Faisant suite à 16 000 suppressions d'emplois en quinze ans, cette logique de réduction systématique, massive et, de surcroît, souvent aveugle des emplois était inacceptable.
Nombre de parlementaires - et, parmi eux, d'ailleurs, de nombreux sénateurs - m'ont écrit à ce sujet pour s'en plaindre. Il vous appartiendra de prendre vos responsabilités à leur égard en défendant tout à l'heure vos amendements !
En 1998, il n'y eut qu'un début d'infléchissement, avec la résorption d'emplois précaires et un flux net d'embauches d'environ 200 personnes.
Cette année, j'ai souhaité pouvoir aller plus loin, notamment pour ceux qui assurent l'entretien et l'exploitation de la route. C'est en effet ces secteurs d'activité qui ont, jusqu'à présent, contribué très fortement aux réductions d'emplois.
Comme beaucoup d'entre vous, comme M. Lefebvre, notamment, je suis particulièrement sensible aux difficultés rencontrées par les services de l'équipement. Ces difficultés, je les ai constatées lors de mes visites sur le terrain, dans mes rapports avec les sénateurs, les députés, les maires et les conseillers généraux.
Le bon entretien des routes, notamment en période hivernale, est un objectif essentiel, pour lequel les agents de l'équipement font des efforts de modernisation tout à fait importants mais que la poursuite des politiques antérieures viendrait gravement compromettre.
En conséquence, au cours de la préparation du budget, j'ai demandé que le ministère de l'équipement soit traité plus équitablement que par le passé, dans le cadre du maintien global du niveau des effectifs qui a été fixé par le Gouvernement dans l'objectif de cadrage général pour l'ensemble de la fonction publique de l'Etat.
J'ai obtenu partiellement satisfaction. Le budget pour 1999 marque bien une rupture : le rythme de réduction est divisé par deux sur l'ensemble du ministère, avec une réduction des effectifs qui ne sera plus de 1 000 emplois, comme cela a été prévu, mais de 490 emplois. Pour les agents d'exploitation et d'entretien, cette réduction est même divisée par trois.
Je peux vous l'assurer, je suis bien décidé à poursuivre pour les futurs budgets dans cette voie du redressement !
Vous constatez, monsieur le rapporteur spécial, que les crédits de personnel devraient augmenter en 1999 de plus de 3 % en volume, ce qui, à vos yeux, pourrait conduire à une situation tout à fait dramatique et irait à l'encontre d'une stabilisation des dépenses de l'Etat.
Mais il faut être clair : une grande partie de cette augmentation - soit 370 millions de francs - est le résultat arithmétique de l'accord salarial dans la fonction publique et non d'une politique de recrutements massifs.
L'accord salarial a un impact indiscutable sur notre ministère, dans la mesure où les personnels d'exploitation et de catégorie C bénéficiaires de mesures spécifiques sur les bas salaires y sont proportionnellement plus nombreux que dans les autres départements ministériels.
Mais je veux aller plus au fond, car je ne vous suis pas dans votre analyse. Les enjeux de service public, de qualité de service, la nécessité d'emplois publics de proximité, la garantie de compétence et de technicité des fonctionnaires vont, selon moi, à l'encontre de la politique systématiquement restrictive des recrutements que vous semblez vouloir promouvoir.
Enfin, les mesures prises par le Gouvernement sur les bas salaires - et ils sont nombreux à l'équipement - participent de la même reconnaissance des métiers des personnels de l'équipement. Si j'ajoute l'effort fait sur les crédits d'entretien routier, en augmentation de 6 %, je crois que nous avons réuni des conditions plus positives pour assurer l'avenir d'un grand service public auquel les personnels sont très légitimement attachés - ainsi que nos concitoyens - et qui est indispensable au bon fonctionnement de notre réseau routier. (Applaudissement sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. Je rappelle au Sénat que les crédits concernant les services communs, l'urbanisme et le logement inscrits à la ligne « Equipement, transports et logement » seront mis aux voix le dimanche 6 décembre à la suite de l'examen des crédits affectés à la mer. Mais j'appellerai en discussion les amendements présentés par la commission des finances sur les titres III et IV.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 94 188 268 francs. »