Séance du 5 décembre 1998







M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les crédits relatifs à la communication : crédits du Conseil supérieur de l'audiovisuel, d'aides à la presse et à l'audiovisuel inscrits aux services généraux du Premier ministre.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Belot, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je voudrais tout de suite vous rassurer madame la ministre, nous avons communié aujourd'hui puisque nos deux villes, votre immense ville et ma petite ville, étaient centres de province du Téléthon ; si bien qu'il ne m'est pas possible d'être désagréable avec vous. (Sourires.)
Le Téléthon, cela a été, sur France 2, sur une chaîne publique, trente heures de télévision qui sont en train de se terminer. Il n'y a pas eu de souillure publicitaire et puis nous pouvons considérer que beaucoup d'argent public a été dépensé pour une bonne cause.
J'ai fait le calcul : une telle opération coûtera, pour la production et la diffusion, à peu près le quart du produit du Téléthon.
Une chaîne de télévision aura ainsi, en dehors de toute idée de spéculation ou de profit, fait oeuvre utile pour la nation. Cela démontre à l'évidence qu'il est nécessaire, dans ce domaine, d'avoir un regard particulier, de considérer que le marché ne règle pas tout. Il faut un secteur audiovisuel public.
M. Henri Weber. Très bien !
M. Claude Belot, rapporteur spécial. Le réduire à la souillure publicitaire n'est peut-être pas le meilleur critère. C'est en tout cas très réducteur.
Madame la ministre, vous aviez élaboré un projet de loi que vous avez eu la sagesse de retirer ou de reporter. Sans doute n'était-il pas tout à fait conforme à ce que vous souhaitiez. Des réactions vous avaient-elles alertée sur un certain nombre de difficultés ou d'insuffisances ?
Il y a place pour l'audiovisuel public, mais à la condition d'en redéfinir vraiment les objectifs, les contours et les moyens. Un certain nombre de préoccupations doivent être prises en compte et clairement énoncées. Je pense, en particulier, à la télévision régionale et à l'information locale.
On me répète sans cesse, à moi qui ai la responsabilité d'une petite sous-préfecture, bien loin de la préfecture de région ou de la chaîne de télévision, qu'aucun crédit de personnels ou d'essence n'est débloqué. On nous montre toujours - ce qui fait très plaisir à M. Jean-Pierre Raffarin - tout ce qui se passe dans un rayon de dix kilomètres autour de Poitiers, mais jamais le reste. Cela veut dire qu'il reste du chemin à parcourir dans ces domaines de la télévision locale, de la télévision régionale !
Ma commune est jumelée avec une ville du Québec et je mesure tout le travail qu'elle accomplit en matière d'information locale, d'audiovisuel, et cela sur fonds publics en général ! Nous en sommes loin !
Par ailleurs, nous sommes tous porteurs, héritiers, usufruitiers et responsables de l'avenir de l'une des plus grandes cultures du monde. Nous avons notre langue. Alors qu'il s'agit là d'une dimension fondamentale et hautement stratégique, nous sommes de moins en moins présents ; je dirais même que nous sommes pratiquement absents hors de l'Hexagone. C'est très gênant pour notre pays, pour la diffusion de notre culture, pour la connaissance que doivent avoir les autres de la France, de notre langue et de ce que nous sommes.
Cela signifie que l'audiovisuel public, en particulier la télévision, n'a pas les moyens de faire face à ce qui peut être raisonnablement une ambition.
A partir de là, on peut se demander comment régler le problème. Il est des choses qu'il faut avoir le courage de se dire.
J'ai bâti une longue vie de responsabilités publiques sur l'esprit de lucidité et sur l'esprit de responsabilité. J'observe aujourd'hui un bouleversement extraordinaire du paysage audiovisuel. Les choses n'ont jamais évolué aussi vite en ce domaine qu'à ce moment précis. Je redeviens un vieil étudiant. J'ai fait des choses qui n'étaient pas drôles pendant neuf ans, en travaillant sur le budget. Mais, là, je rencontre des gens passionnants qui vivent quelque chose d'exceptionnel avec leur oeil d'initié. J'observe un développement extraordinaire, un dynamisme exceptionnel du secteur privé audiovisuel français, que l'on trouve non seulement dans la création, mais aussi dans la diffusion.
TF 1 prend sans arrêt des initiatives ; M 6 connaît une croissance considérable. Des initiatives sont prises en matière de diffusion. Les bouquets satellites sont de véritables hubs de l'audiovisuel. CanalSatellite marche très bien. TPS, qui est tout jeune, progresse très vite et on y trouve les chaînes audiovisuelles publiques, mais pas toutes et peut-être plus pour très longtemps ; cela dépendra des réalités capitalistes.
Voilà deux ans, on comptait cinq cent mille abonnés, ce qui était encore peu, mais c'était le début. Au 31 décembre de cette année, on en comptera plus de 1,5 million. La croissance du nombre des abonnés est donc extrêmement rapide.
Autrement dit, la France possède un secteur audiovisuel privé, qui obéit aux règles du marché, qui progresse bien et qui utilise les moyens les plus modernes et les plus performants. Mais, nous le savons tous, nous sommes à un moment où les événements se précipitent et où il faut voir la réalité en face.
Le satellite est partout au-dessus de nos têtes. Il nous permet de joindre tout le monde et partout avec des moyens qui, une fois les premiers investissements réalisés, ne sont somme toute pas considérables. Les ingénieurs sérieux affirment même qu'on pourra bientôt, grâce aux lignes électrique et téléphonique, faire pénétrer dans tous les foyers français n'importe quelle information émanant de n'importe où. C'est déjà le cas de l'Internet et, pour le reste, bientôt signifie cinq ans au plus tard, m'a-t-on dit !
Quand on légifère, ce n'est pas pour l'année qui suit. C'est pour longtemps ! On s'aperçoit alors que toute attitude qui consisterait à considérer que la télévision, l'audiovisuel en général, a des frontières est totalement inadaptée aux réalités technologiques actuelles !
Par conséquent, il est nécessaire d'avoir un audiovisuel public doté d'un cahier des charges bien défini. Sur ce point, je crois, une très large majorité nous suivra, car nous sommes tous très attachés, ici, à la réussite de notre pays et à la diffusion de sa culture.
Mais prendre en compte l'audiovisuel public indépendamment de l'audiovisuel privé serait une erreur fondamentale à un moment où nous sommes à la croisée des chemins dans ce domaine-là. Il faut avoir une vision globale.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien ! M. Claude Belot, rapporteur spécial. C'est un fait fondamental qu'il ne faut pas ignorer et qui n'a pas été suffisamment pris en compte.
En vieil étudiant, je découvre des choses et elles ne cessent de me surprendre ! Nous vivons dans un monde où certains - en particulier dans le secteur privé - ont les moyens d'agir et anticipent largement la conquête du marché global. Je crois qu'il faut vraiment - et très vite - réussir à régler ce problème qui est à la fois fondamental et stratégique pour notre pays.
S'agissant des moyens, je vais jouer quelques instants les commissaires aux comptes et vous donner des chiffres : sur 18 milliards de francs environ, 12 milliards de francs proviennent de la redevance, 4 milliards à 5 milliards de francs proviennent de la publicité. Le reste, ce sont de maigres crédits qui proviennent du Premier ministre et de ministères comme celui des affaires étrangères, mais pas celui de la culture. En effet, si vous êtes notre vis-à-vis, ce n'est pas vous qui payez. C'est un héritage du logiciel de l'ORTF, de l'époque où le Premier ministre était le maître de la communication, ce qui n'est plus vrai aujourd'hui, j'en suis sûr.
M. Henri Weber. Heureusement !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il ne demanderait qu'à le redevenir !
M. Claude Belot, rapporteur spécial. Matignon n'a plus aucune influence aujourd'hui. Toujours est-il que c'est lui qui paie ! C'est une question de forme sans importance et, comme nous avons tous le sens de l'histoire et de son hystérésis, elle relève de l'anecdote !
Dans cette affaire, je vous incite, les uns et les autres, à regarder les choses en face. L'audiovisuel public ne fait pas face à ses missions, et cela est dû à un manque de moyens. On peut bien sûr toujours invoquer tel ou tel problème de productivité ou d'efficacité. Si je n'ai pas atteint un niveau de connaissances suffisant sur ce sujet pour porter une appréciation, je connais, en revanche, l'organisation d'une entreprise, et j'ai d'ailleurs l'intention de me rendre dans certaines d'entre elles.
Diminuer la publicité ? Cela risque d'arriver plus vite que vous ne le souhaitez ! Client par ailleurs de publicité télévisuelle et lançant précisément un appel d'offres en ce moment, je m'entends répondre - on ne sait pas ce que je fais dans cette belle maison - que, l'an prochain, France 2 et France 3 n'auront plus de publicité, que TF 1 aura l'exclusivité et augmentera ses tarifs... Ce discours n'est pas vieux, il date de deux jours ! Par conséquent, cela signifie que l'audiovisuel public risque en 1999 de ne même pas avoir les recettes publicitaires nécessaires à son équilibre, lequel est déjà aujourd'hui un déséquilibre. En effet, les responsables des chaînes publiques nous expliquent qu'il leur manque 200 millions de francs à coup sûr - nous avons fait le point au début du mois de novembre - pour boucler le budget de 1998 et que les crédits qui leur sont délégués ne sont pas suffisants.
Madame la ministre, je livre cela à votre sagacité, mais vous le savez beaucoup mieux que moi, car vous avez des moyens d'information que je ne possède pas. Il n'est pas possible en ce moment de remettre en cause les moyens publicitaires sans trouver d'autres ressources et on se demande où. Je crois qu'il faut avoir conscience de tout cela.
Je précise aussi que les responsables - c'est ce qu'ils me disent, mais je crois que cette réaction est logique parce que, à leur place, j'aurais la même - ces responsables de télévision publique ou ces créateurs publics voudraient bien pouvoir être des chefs d'entreprise entreprenants comme doit l'être un chef d'entreprise, augmenter leurs produits et être fixés sur la durée. On ne gouverne pas ce type d'entreprise, et encore moins qu'une autre, uniquement dans le très court terme ! Voilà une conviction très forte que j'ai acquise en m'entretenant avec différents responsables de haut niveau de ces entreprises. Il y a là une réflexion à conduire. Vous êtes devant une réalité. Des moyens sont nécessaires pour que l'audiovisuel public remplisse ses missions, missions qui sont insuffisamment conduites. Il faut donc les trouver quelque part !
La redevance ? A ce propos, je vais peut-être vous choquer, mais il faut regarder la vérité en face. Initialement, cette redevance était la contrepartie de l'accès à la télévision tout court, et cela à un moment où il existait très peu de chaînes. Aujourd'hui, avec tous ces bouquets satellites, avec les autres moyens de pénétration des foyers qui se préparent, la redevance pourrait être assimilée à la vignette automobile : ce serait une vignette pour la possession d'un téléviseur qui pourrait, à la limite, ne plus recevoir une seule seconde d'émission de chaîne publique.
Nous devons être très conscients, les uns et les autres, de la vitesse à laquelle les choses se modifient, de la révolution que nous sommes en train de vivre et des décisions stratégiques, sur les plans tant technique que financier, qui doivent être prises.
Voilà tout simplement ce que, à ce jour, je voulais vous dire. Les crédits et les moyens dont vous disposez sont ce qu'ils sont. La commission des finances, ainsi qu'elle vous le montrera au moment du vote, n'a pas jugé opportun, même si elle n'est pas d'accord avec tout ce qui s'est dit - mais comme le projet de loi est reporté, ce n'était que paroles ! - de vous compliquer la tâche. En conséquence, elle soutiendra les répartitions de crédits telles que vous les avez proposées. C'est, je crois, madame la ministre, une attitude extrêmement responsable.
M. Jean-Pierre Raffarin. Et courtoise !
M. Claude Belot, rapporteur spécial. Pas seulement, mon cher collègue et président de région !
La radio fait également partie de ce vaste domaine. J'avais commencé à creuser le sujet mais, comme vous changez les directeurs à chaque instant (Sourires), nous en parlerons un peu plus l'année prochaine, si Dieu nous prête vie et si les électeurs nous prêtent pouvoir.
Laissez-moi tout de même vous livrer un fait objectif. Aujourd'hui, dans l'ensemble du bassin méditerranéen occidental, que ce soit en Espagne, en Italie, ou ailleurs, la seule radio francophone que l'on puisse capter, c'est Radio Alger, réputée pour l'objectivité de ses informations et sa connaissance parfaite des réalités françaises ! L'ensemble des radios françaises qui peuvent être captées avec les moyens grand public actuels, en ondes courtes ou en grandes ondes, se sont tues. Les voix de la France se sont tues dans une grande partie du monde !
M. Michel Pelchat. Tout à fait !
M. Claude Belot, rapporteur spécial. J'en ai fait la remarque au directeur de RFI qui m'a expliqué qu'il dépendait des affaires étrangères, qu'il avait des missions bien précises pour ce qui concerne le continent africain, mais au sud du Sahara, que le Maghreb était un territoire intéressant mais que ses habitants devraient s'abonner à Internet s'ils voulaient savoir ce qui se disait sur les radios françaises, et sur Radio France en particulier.
Voilà une situation qui ne me semble pas conforme aux intérêts de notre pays, de notre culture, dans une partie du monde où il serait utile que nous soyons présents, surtout compte tenu de la force du transistor dans des pays qui n'ont pas l'électricité ou qui ont des difficultés de communication et de réception.
J'en resterai là, aujourd'hui, pour ce qui concerne la radio.
Pour ce qui est de la presse, j'ai rencontré beaucoup de responsables de presse. Ils m'ont tous dit : « C'est une usine à gaz, mais ce n'est pas la faute de Mme Trautmann, c'est un héritage de choses qui se sont stratifiées au fil du temps. »
C'est une usine à gaz, mais il ne faut pas trop changer les tuyaux !
L'aide au portage est très importante ; il faut la maintenir. L'aide aux transports est très importante également ; il faut la maintenir. La Poste hurle et la SNCF se fâche parce qu'elles sont souvent payées très en retard. Il y a des dettes significatives vis-à-vis de la SNCF, mais vous avez prévu, je crois, d'en rembourser au moins une partie.
Lorsque j'étais de l'autre côté, que je m'occupais du budget des charges communes, je voyais bien la situation de délabrement des entreprises publiques. On ne pouvait pas ne pas considérer qu'il n'était pas très sérieux de la part de l'Etat de confier des responsabilités et de ne pas les rémunérer comme elles auraient dû l'être. C'est une situation qui n'est pas tout à fait normale et dans laquelle vous ne pourrez pas vous installer. La Poste est une entreprise comme les autres et elle doit vendre le service à son prix, et non pas au prix que voudraient payer les responsables de la presse.
Tout cela n'aura qu'un temps parce que, un de ces quatre matins, la direction de la concurrence de Bruxelles va certainement étudier la question de très près. Disons que cela fait partie des habitudes qu'avait le pouvoir français, quel qu'il soit, en d'autres temps. Mais ces temps sont révolus, et vous ne pourrez pas vous installer dans cette situation.
Ayant eu, sur d'autres sujets, des relations étroites avec les gens de Bruxelles, ma conviction est qu'il vous faudra trouver un autre moyen. Avec quel argent ? Ce sera votre problème...
Toujours à propos de la presse, a été créé l'année dernière, sur l'initiative de l'Assemblée nationale, un fonds de modernisation de la presse. Pourquoi pas ? C'est un compte spécial du Trésor qui gère ce fonds, me semble-t-il. La recette provient des imprimés diffusés sans adresse par les entreprises spécialisées. Celles-ci doivent payer une dîme, et cette dîme alimente le fonds de modernisation de la presse. Le problème est que la dîme prélevée n'est pas aussi grasse qu'on l'avait prévu. Mais c'est peut-être parce que le calcul avait été mal fait ou parce que l'assiette avait été surestimée.
Toujours est-il que 2 millions de francs ont été prélevés et qu'aujourd'hui on ne parvient pas à affecter un seul centime sur ces 2 millions de francs, tout simplement parce qu'on n'est pas d'accord avec les fédérations de presse sur le concept de modernisation !
Madame la ministre, moi, je vais dire très clairement ce que je pense de cette affaire : ou vous vous mettez d'accord et vous parvenez à utiliser ce fonds de modernisation de la presse, ou ce prélèvement n'a plus aucun débouché parce que son but n'est pas atteint. Donc, il faudra régler le problème !
Permettez-moi de vous proposer une solution partielle. Vous avez diminué les crédits au téléphone en disant : « France Télécom a baissé ses tarifs à cause de la concurrence avec les autres opérateurs, et maintenant c'est moins cher. » C'est un fait. Vous avez donc décidé de transférer ces crédits sur le transport par fac-similé.
Le problème est que les responsables de la presse, qui ont beaucoup modernisé leurs outils, nous disent que le fac-similé, c'est comme le télex, c'est déjà un peu dépassé et qu'on veut leur imposer une technologie, sinon du xixe siècle, du moins de la fin du xxe siècle, en tout cas pas tout à fait du début du xxie siècle. Ils demandent que soient prises en compte les lignes numérisées, qui permettent, paraît-il, une meilleure qualité des opérations.
Moi, je crois que, si vous voulez utiliser pour la première fois le fonds de modernisation de la presse - il ne s'agit pas de beaucoup d'argent : à peu près 150 millions de francs - essayez donc d'aider les entreprises de presse à vivre avec leur époque au lieu de leur imposer une technique qui n'est déjà plus dans l'air du temps !
Ce faisant, vous seriez en dehors de cette attitude fréquente que l'on trouve dans l'Etat français et particulièrement dans une citadelle qui a quitté un bâtiment dont on parlait tout à l'heure pour s'installer dans un autre bâtiment très moderne, et qui pèse lourd dans la République française et chez vous. Cette attitude, c'est celle qui consiste à vouloir toujours imposer des règles qui sont obsolètes avant d'être écrites.
Voilà ce que je voulais vous dire, madame la ministre, sur la presse.
Il y aurait beaucoup de choses à dire, mais ce sont les seules recommandations que je me permets de vous faire.
Vous l'avez compris, tout cela est dicté par un esprit de responsabilité, avec la volonté de faire réussir notre pays dans un domaine hautement stratégique, qui est celui de l'information, qui conditionne, par sa qualité par ses techniques de diffusion, par son audience, la présence de la France non seulement chez elle, ce qui est fondamental, mais aussi dans le monde, ce qui, je le crois, nous réunira tous. (Vifs applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la communication audiovisuelle. Si je n'ai pas été étonné, madame la ministre, de la remise en cause du projet de loi concernant la partie audiovisuel public, j'ai été très surpris d'apprendre que l'examen du texte relatif à la transposition de la directive « Télévision sans frontière » avait été purement et simplement repoussé à une date non précisée et pour le moins incertaine.
Vous savez que cette directive comporte des mesures importantes qui doivent être transposées dans le droit français avant le 30 décembre 1998 ; vous savez aussi qu'en cas de retard la Commission européenne demandera à la France des explications qui la conduiront immanquablement devant la cour du justice de Luxembourg.
Vous n'ignorez pas non plus que la fixation de la durée horaire des messages publicitaires diffusés par la télévision publique - cause du report de l'examen du projet de loi - est une mesure purement réglementaire que le Premier ministre, qui y tient beaucoup, si l'on en croit la presse, peut prendre quand il veut.
Pourquoi, dès lors, n'avoir pas laissé le Parlement examiner le projet de loi et adopter les mesures que nous avons l'obligation impérieuse de transposer, en excluant du texte, par voie d'amendement, les trois lignes auxquelles le débat a été réduit ? Le Premier ministre garde sa liberté de prendre toutes les mesures réglementaires qu'il jugera utiles... quand il aura réuni la documentation qui lui manque encore.
C'est la solution que dictait l'intérêt national, celle qui aurait évité à la France d'inutiles et inopportuns déboires judiciaires, déboires inutiles car les dispositions à transposer ne posent aucun problème de fond, déboires inopportuns car, au moment où la France se prépare à consentir de nouvelles délégations de souveraineté, il n'est pas bon de mettre en relief certains aspects triviaux de ce processus. Il va falloir payer amende à l'Europe !
Mais le Gouvernement a préféré s'obstiner dans une démarche de tout ou rien, qui nous garantit qu'il n'y aura pas de loi avant longtemps, donc pas de transposition des textes européens, qu'il y aura seulement la démonstration publique de l'incapacité d'une vieille nation juridique à s'acquitter d'obligations purement procédurales !
Certains trouveront que je noircis le tableau.
M. Henri Weber. Oui !
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis. Ils pensent que les problèmes tardivement révélés par le débat sur la publicité vont être résolus dans les prochaines semaines et que tout va redémarrer.
Il suffit, madame la ministre, de regarder de près le projet de budget de 1999 pour perdre toute illusion à cet égard.
Devant la commission des affaires culturelles du Sénat vous avez parlé d'un budget de préfiguration. Je parlerai plutôt d'un budget d'inextricables contradictions, préfigurant l'abandon de votre projet de loi, constatation faite de l'impossibilité d'assumer les conséquences financières d'une importante régression des ressources publicitaires.
Voyons donc quelles sont ces contradictions.
Plutôt piquante serait, de prime abord, la contradiction existant entre le radicalisme des objectifs publicitaires que vous continuez d'afficher et la modestie du premier pas consenti dans le cadre de ce « budget de préfiguration ».
Inquiétante m'apparaît en revanche la contradiction existant entre les estimations de recettes publicitaires présentées pour 1999 et les réalités du marché. Celui-ci pourrait bien précéder le Gouvernement dans la voie de la régression des ressources propres des chaînes : pénurie et déficits semblent se profiler.
Très grave me semble enfin, à terme, la contradiction existant entre le démantèlement immédiat des ressources budgétaires des chaînes et la réduction annoncée de leurs ressources publicitaires. Il faudra pourtant mobiliser massivement les ressources budgétaires pour faire face aux besoins de financement du secteur public de l'an 2000, quand une situation financière dégradée aura placé la télévision publique dans une position concurrentielle difficile face au secteur privé.
A ce propos, il ne faut pas craindre de parler de concurrence : prétendre mettre les organismes publics à l'abri de toute logique commerciale - il me semble citer le Premier ministre - n'a pas de sens, car il faudra bien que la télévision publique entre en concurrence avec les chaînes privées sur le marché des programmes,...
M. Henri Weber. Elle l'est !
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis. ... pour sauvegarder une audience qui est la raison d'être de la télévision publique généraliste.
Sur quelle autre source de financement que les crédits budgétaires pourrait-on compter pour faire face à ces besoins ?
La commission des affaires culturelles appelle depuis plusieurs années l'attention des gouvernements successifs sur les faibles perspectives de recettes nouvelles que la redevance offre. Ce prélèvement posera en effet problème quand l'évolution de la communication audiovisuelle lui aura donné un caractère manifestement artificiel et dépassé. Cela est déjà sensible pour nombre de nos concitoyens. Le Gouvernement semble en prendre conscience puisque l'augmentation des taux sera alignée en 1999 sur la hausse des prix. Encore faudrait-il en tirer les conclusions nécessaires en ce qui concerne l'évolution des autres recettes.
Or, il faut bien que j'y revienne, que trouve-t-on dans le projet de budget pour 1999 ? Au lieu de l'amorce d'une montée en puissance des crédits budgétaires pour préparer la compensation d'un manque à gagner de plus de 2 milliards de francs en l'an 2000, c'est-à-dire demain, on y trouve la suppression des crédits budgétaires des organismes de l'audiovisuel intérieur !
La solution, souvent présentée comme une panacée, du remboursement des exonérations de redevance, me semble avoir perdu toute réalité, et c'est vous, madame la ministre, qui lui avez porté le dernier coup puisque, d'une part, le taux de remboursement est réduit en 1999 à quelque 4 % des exonérations estimées, et que, d'autre part, l'unique bénéficiaire de ces remboursements sera RFI, à laquelle vous déniez - à juste titre, me semble-t-il - l'accès à la ressource de la redevance.
Vous conviendrez que nous marchons un peu sur la tête ! Ou alors il faut admettre que la notion de remboursement est fictive, en dépit de l'appellation officielle - comment peut-on d'ailleurs rembourser ce qui n'a pas été perçu ? - et que les prétendus remboursements sont de simples crédits budgétaires, c'est-à-dire le mode normal de financement de l'audiovisuel extérieur, ce qui ne me scandalise pas.
Je n'ai fait cette digression que pour le cas où vous nous annonceriez, madame la ministre, que le principe du remboursement aux chaînes publiques du moins perçu de recettes publicitaires serait inscrit dans la prochaine mouture de votre projet de loi. La compréhension de notre assemblée ne pourrait vous être alors acquise qu'au prix d'une incompréhension de la mécanique des finances publiques, trop manifeste pour être crédible.
Il suffit de lire votre projet de budget, madame la ministre, pour constater que, sauf à créer au forceps des recettes nouvelles plus ou moins arbitraires, l'avenir de la mesure que vous envisagez toujours de prendre est fort incertain. La modification des structures de financement de la télévision publique n'est pas forcément une mauvaise idée - je n'oppose aucune objection de principe, par exemple, au retour à la situation du début des années quatre-vingt dix - mais il s'agit d'une tâche de longue haleine qui s'accommode mal, nous le savons, de la recherche d'effets.
Cela dit, je n'oublie pas que votre projet de budget dotera les organismes publics de 2,6 % de moyens supplémentaires et que la mise en place de mesures nouvelles, parfois significatives, en sera facilitée.
Cette dernière perspective à court terme a conduit la commission des affaires culturelles à se voiler la face sur le moyen terme, espérant que la prudence prévaudrait, et à s'en remettre à la sagesse du Sénat pour l'adoption ou le rejet des crédits de la communication audiovisuelle pour 1999. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. de Broissia, rapporteur pour avis.
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la presse écrite. Madame le ministre, c'est avec un très grand plaisir que, au milieu des sollicitudes variées dont vous êtes l'objet ces jours-ci, s'agissant du délicat secteur de la communication, je vais pouvoir vous présenter deux compliments.
Je constate, d'abord, que le budget des aides à la presse sera, en 1999 - si les assemblées votent les crédits - en augmentation de 2,6 % par rapport à 1998, année « noire » marquée par une diminution de 1,03 %. Cette augmentation globale me semble satisfaisante puiqu'elle est supérieure à la croissance du budget de l'Etat, fixée à 2,2 %.
Vous avez ainsi élaboré ce que l'on peut appeler un budget de reconstitution, pour reprendre une formule que vous avez utilisée dans un autre contexte.
Je me réjouis ensuite, en étant moins critique que M. le rapporteur spécial, de la mise en place du fonds de modernisation de la presse quotidienne, créé par la loi de finances pour 1998.
Certes, il aurait été intéressant d'esquisser une étude de cet instrument : son premier mérite est d'opérer, au profit de la presse, le transfert d'une portion des investissements publicitaires dirigée vers le hors-média ; son second mérite - et il n'est pas des moindres - est de n'avoir pas servi de prétexte à la diminution des aides traditionnelles. L'objectif de ce fonds est de favoriser le lancement ou la poursuite de projets de modernisation dans un cadre contractuel et pluriannuel ; j'y reviendrai.
Si la mise en place du fonds est un peu lente, si les crédits à redistribuer sont nettement inférieurs aux estimations présentées lors de sa création - 140 millions de francs en 1998, peut-être 200 millions de francs en 1999, par rapport à une estimation un peu optimiste de 400 millions de francs - ce mécanisme me semble très prometteur et nous en suivrons les premiers pas avec attention.
Voilà pour les compliments. Il y aura aussi des nuances et des réticences.
L'évolution relative des différents postes d'aide directe ne me convainct pas.
Prenons, par exemple, la suppression de l'allégement des charges téléphoniques des correspondants de presse. Cette aide est remplacée par une aide à la transmission par fac-similé, dont le crédit est de 51,7 % inférieur aux dotations du fonds supprimé.
Cette opération facilite une assez large redistribution des crédits en faveur, d'une part, de l'aide au portage, qui progresse de 10 % - cela a été dit par M. le rapporteur spécial - et, d'autre part, des remboursements à la SNCF des réductions de tarifs accordées à la presse, qui augmentent de 7,4 % par rapport à la dotation de 1998.
Ces mouvements comportent des éléments positifs.
Je rappelle à mes collègues que le fonds d'aide au portage est destiné aux quotidiens et que les remboursements à la SNCF sont, depuis 1998, mieux ciblés en faveur de ces quotidiens.
Sont aussi privilégiés par le projet de budget le fonds d'aide aux quotidiens nationaux à faibles ressources publicitaires, qui augmente de 5,3 %, le fonds d'aide auxquotidiens régionaux à faibles ressources de petites annonces, qui progresse de 5,1 %, et le fonds d'aide à la diffusion de la presse hebdomadaire régionale, qui s'accroît de 5 %.
Tout cela correspond, madame le ministre, à votre souhait, légitime, de faire de la presse quotidienne la première bénéficiaire de la progression des crédits. Je vous en donne acte, mais je regrette - je l'avais dit à la commission des affaires culturelles - le clivage que vous établissez entre les différentes catégories de quotidiens. En raison de mécanismes que mon temps d'intervention m'empêche de rappeler dans le détail, la presse quotidienne régionale, dont la situation économique n'est pas florissante, va se trouver pénalisée par la suppression du remboursement des charges téléphoniques et par les modalités d'attribution de l'aide au portage. Il s'agit, en quelque sorte, d'un glissement des aides vers la presse quotidienne nationale au détriment de la presse quotidienne régionale.
J'ai parlé d'un budget de reconstitution. La reconstitution n'a de sens que si la consolidation vient la confirmer. Cela pose le problème de la pluriannualité des engagements de l'Etat - vous savez que j'y suis attaché, je l'ai dit dans une autre enceinte - qui me semble être un sujet majeur de réflexion pour les prochaines années.
Au moment où le Gouvernement reconnaît, au profit de l'audiovisuel public, la nécessité pour l'entreprise moderne de communication de disposer de repères pluriannuels sur l'engagement financier de l'Etat, il serait légitime de réfléchir à une évolution permettant à la presse de prévoir les concours qu'elle peut attendre de l'Etat en moyenne période.
Certains jugeront injustifié de traiter de la même façon des entreprises publiques dont l'Etat est l'actionnaire et des entreprises privées appelées à assumer un risque économique. L'argument est faible. Ce qui motive le fait que soient écartées les conceptions intégristes de l'annualité budgétaire, c'est la mission d'intérêt général confiée aux organismes de l'audiovisuel public.
La pluriannualité c'est, en fait, l'exécution, dans de bonnes conditions, d'une mission d'intérêt général essentielle au bon fonctionnement de notre démocratie. Or chacun connaît le rôle premier de la presse, et spécialement, bien sûr, de la presse d'information générale et politique à cet égard.
En outre, la pluriannualité - je m'adresse à mes collègues de la commission des finances - ne serait pas si exorbitante qu'on le dit parfois. En effet - l'argument m'apparaît important à souligner - voilà un certain temps déjà que l'Etat en a implicitement reconnu la nécessité. On se dirige de plus en plus vers des mécanismes d'aides ciblées à caractère partiellement pluriannuel. Je pense à la création d'aides à durée limitée destinées à certaines catégories d'organes de presse. C'est le cas de la compensation des charges liées au portage des quotidiens. On peut parler d'une aide pluriannuelle, puisque le maintien du mécanisme est assuré pour une durée de cinq ans et que le montant des aides versées est garanti par l'automaticité du mode de calcul. Mais il s'agit d'une « pluriannualité-couperet », puisque ces mécanismes sont promis, de façon logique, à une fin brutale.
Le second aspect de la pluriannualité balbutiante des concours de l'Etat est ce que l'on pourrait appeler l'aide aux projets. Elle a pris de l'ampleur avec la création, en 1993, d'une aide budgétaire au plan social de la presse parisienne. On peut également mentionner l'aide à la modernisation des Nouvelles messageries de la presse parisienne, les NMPP, créée aussi en 1993.
Le nouveau fonds de modernisation de la presse quotidienne créé, en 1998, illustre aussi l'idée d'aide pluriannuelle au projet. Cette forme de pluriannualité présente des avantages.
Il serait intéressant que, par rapport aux besoins de financement liés à la crise de la presse et aux impératifs d'une modernisation de longue durée, dans le contexte de transition vers une société globale de l'information, l'Etat soit enclin à opérer une sélection dans l'attribution des aides créées pour faire face à ces besoins.
Après ce plaidoyer pour la pluriannualité, je concluerai mon propos en faisant allusion au régime fiscal des journalistes. Il y a encore, en ce moment, des perturbations dans les rédactions. Elle ne sont dues qu'aux initiatives systématiquement décalées de l'Assemblée nationale sur ce dossier.
Le bon sens voudrait que l'on s'en tienne à la position adoptée par la commission de finances du Sénat, la seule raisonnable et la seule solide sur le plan juridique, et que le Gouvernement se mette sérieusement au travail pour mettre, l'année prochaine, un terme définitif à ce dossier. Sur ce sujet, l'Etat offre le spectacle de palinodies consternantes.
Il faut en effet le répéter : la suppression des niches fiscales entreprise par M. Alain Juppé s'inscrivait, dans le projet de loi de finances pour 1997, dans un processus, d'allégement général du barème de l'impôt sur le revenu des personnes physiques. Depuis, ce dispositif a été supprimé par le Gouvernement auquel vous appartenez. Il conviendra, à cet égard, d'adopter une position définitive.
Enfin, je rappelle que la commission des affaires culturelles a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat pour l'adoption ou le rejet des crédits de la presse en 1999.
Je souligne avec bonheur que la commission des finances a, dans la pratique, « sanctuarisé » les crédits concernant la presse, ce qui montre par excellence notre attachement commun à une presse vecteur premier de la démocratie. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste : 18 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 16 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants : 16 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 18 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 12 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en guise d'introduction et d'encouragement, je veux proposer à votre méditation ce que le philosophe Henri Lefebvre écrivait de la télévision en 1961, dans le tome II de son ouvrage Critique de la vie quotidienne , avant même l'extension du parc de téléviseurs en France : « Dans son fauteuil, l'homme privé, qui ne se sent même plus citoyen, assiste à l'univers sans avoir prise sur l'univers et sans en avoir le souci. Il regarde le monde, il se mondialise, mais en tant que pur et simple regard, un regard social posé sur l'image des choses, mais réduit à l'impuissance, à la détention d'une fausse conscience et d'une quasi-connaissance, à la non-participation. C'est bien un regard privé, un regard de la privatisation. »
Vous le voyez, les philosophes sont comme les artistes : ils travaillent avec des mains d'avenir.
L'examen de ce budget vient à un moment où la communication et plus particulièrement l'audiovisuel public sont au coeur de bien des débats. Au-delà des polémiques, cela témoigne bien d'un besoin de réflexion, de concertation et de confrontation d'idées.
En ce sens, nous apprécions la décision du Gouvernement de reporter l'examen du projet de loi relatif à l'audiovisuel public non pas par évitement, mais, à l'inverse, parce que nous savons que ce temps sera mis à profit et permettra de doter notre pays d'un texte sur l'audiovisuel conforme aux enjeux, aux mutations et au développement de ce secteur.
Une telle ambition doit concerner tout l'audiovisuel, public et privé. Nous ne pouvons, en effet, appréhender et débattre sur le fond de la place et du rôle de l'audiovisuel dans la société en limitant notre action et notre réflexion au seul secteur public, au risque de voir perdurer un espace audiovisuel comportant des droits étendus pour les uns et des devoirs stricts pour les autres.
Nous devons traiter le sujet dans son ensemble, et élaborer ce que Jack Ralite appelait tout à l'heure une « loi générale ». Pourquoi ne pas associer à ce débat, pour une fois, les premiers concernés, ceux qui regardent la télévision ou écoutent la radio et ceux qui s'en détournent ?
Compte tenu de l'intérêt de nos compatriotes pour l'audiovisuel - aujourd'hui, c'est très souvent, il faut bien l'admettre, l'unique vecteur d'information, de distraction et de culture - le moment nous paraît propice pour organiser, au sein-même de la télévision, plusieurs débats sur l'audiovisuel. Cette démarche novatrice et citoyenne permettrait d'éclairer d'un jour nouveau la réflexion sur la télévision, la création télévisuelle et l'attente de nos concitoyens.
Le budget que nous examinons, que l'on dit en mutation, progresse de 2,6 % par rapport à 1998, avec, il est vrai, une inflexion dans la politique audiovisuelle menée jusqu'à présent quant aux recettes publicitaires. Ainsi, la part des ressources publiques enregistre-t-elle une progression de 3,2 %. La dépendance de France 2 à l'égard de la recette publicitaire est en recul.
France 3, qui ne devrait plus bénéficier de crédits budgétaires sous forme de dotations propres, voit son budget en hausse de 3,6 % afin de permettre, notamment, un développement des programmes régionaux, retardé, il est vrai, par une abscence cumulée de budgets adaptés.
Si Radio France connaît également une progression des moyens qui lui seront affectés de 2,4 %, les situations des personnels décentralisés sont assez peu conformes aux missions de service public.
Après deux grands mouvements, en 1990 et en 1994, les animateurs souhaitent en effet que soient respectés les engagements pris par leur direction.
Paiement au cachet, contrats renouvelables sous forme de contrats à durée déterminée, statuts différenciés, telle est la réalité de la vie des animateurs des stations locales de Radio France qui entrave, selon nous, les missions du service public et qui participe à l'envahissement de la précarité dans notre pays, y compris dans le secteur public.
Un autre sujet d'inquiétude porte sur les crédits de Radio-France Internationale. Il y a, madame la ministre, une faiblesse de l'effort public sur le terrain de la francophonie. La réduction des crédits de Radio-France Internationale participe encore au délaissement d'une question essentielle au rayonnement culturel de notre pays et de notre langue bien malmenée partout dans le monde.
J'en viens à présent aux aides à la presse. Alors que le gouvernement précédent diminuait ces aides de 14 % en 1997, vous proposez une hausse de 2,6 % des crédits avec le développement du fonds d'aide aux quotidiens nationaux. Cette mesure est positive.
Au-delà des chiffres, il nous semble opportun de réexaminer dans le détail les aides à la presse. Est-on bien certain qu'elles tiennent compte des difficultés des entreprises de presse ?
La presse écrite est aujourd'hui confrontée à deux défis : d'une part, le développement de nouvelles technologies de l'information et de la communication et, d'autre part, la concentration, les tendances lourdes au rachat des titres et à la constitution de grands groupes de communication, y compris avec des investisseurs étrangers.
La multiplication et la sédimentation des différentes mesures rendent opaque un dispositif que nous savons néanmoins essentiel à l'existence d'une presse écrite malmenée de toutes parts.
Parmi les aides à la presse, mais aussi dans le cadre du développement du rayonnement de notre pays que j'évoquais à l'instant, l'AFP occupe un rôle essentiel. Garant de son indépendance, son statut original, ni privé ni public, en fait un instrument privilégié qu'il nous appartient de sauvegarder. Il faut y veiller et, surtout, ne pas revoir à la baisse la convention AFP-Etat, c'est-à-dire le montant des abonnements de l'Etat.
Ce bref tour du budget de la communication permet d'entrevoir et de mesurer les enjeux et la complexité de ce secteur. Encore avons-nous fait jusqu'à présent l'économie du problème de la création.
Les enjeux de l'audiovisuel, le statut de la publicité, les aides à la presse, voilà un tout que l'on range ordinairement sous le vocable de la communication. A cet égard, le projet de loi sur l'audiovisuel qui nous sera proposé dans quelques mois se doit de prendre en compte ces multiples dimensions. Nous pensons que les choses vont dans le bon sens, comme en témoignent les projets d'amendement dont nous avons pu avoir connaissance.
Les tunnels publicitaires sont insupportables à l'ensemble des téléspectateurs. C'est pourquoi la réduction de la publicité proposée par le projet de loi est une très bonne disposition. Nous apprécions ainsi votre volonté de soustraire l'audiovisuel public du carcan de l'audimat.
Pour autant, ces questions ne sauraient être isolées d'un débat plus général et plus approfondi sur le financement de l'audiovisuel privé et public. On ne peut prendre ces mesures en ignorant le déséquilibre qui existe entre le secteur public et le secteur privé. Si la publicité, que le premier ne peut plus capter, va au second, les conséquences en seront terribles et contraires à l'objectif recherché.
Aux termes de la loi, TF1 et M6 sont investies de missions de service public. Dès lors, nous estimons que des quotas de diffusion publicitaire doivent également leur être imposés.
Le débat sur l'audiovisuel est indissociable d'un débat plus large encore sur la production audiovisuelle. La numérisation de l'information, l'apparition de nouveaux médias, le développement d'Internet, qui devrait rendre possible dans un délai très court la diffusion d'émissions télévisuelles, le câble, le satellite, cette énumération démontre bien que le défi à venir sera celui du contenu de l'information et du développement des programmes.
Comment résister à l'envahissement de productions importées d'outre-Atlantique si ce n'est en répondant à l'échelon tant national qu'européen aux besoins de la production de programmes, de logiciels, plus largement de créations audiovisuelles et informatiques dans un contexte où la frontière entre les deux est on ne peut plus mouvante ?
Il y a là, madame la ministre, mes chers collègues, un enjeu économique important mais également des enjeux culturels fondamentaux dans le cadre d'une mondialisation des échanges qui ne devrait pas s'opérer sur le seul secteur marchand avec l'hégémonie sans lendemain des plus forts sur les plus faibles.
Nous avons le devoir de doter le service public de l'audiovisuel d'instruments lui permettant de faire face à ces enjeux.
Des coopérations du type de celle qui est conduite avec la SEPT-Arte devraient être multipliées sous la forme de groupements d'intérêt économique avec nos partenaires européens et, dans le même temps, par souci de pluralisme et pour sauvegarder la création audiovisuelle, les dispositifs anti-concentration capitalistique devraient être renforcés pour l'audiovisuel.
Voilà une façon de construire l'Europe bien différente de celle qui a cours aujourd'hui.
Priver l'audiovisuel public d'un outil de production propre, c'est, de l'avis de très nombreux professionnels, conduire celui-ci à l'impasse, à plus ou moins court terme, et annihiler une part importante souvent la plus originale de la création.
C'est pourquoi nous pensons que la SFP doit être intégrée au pôle de l'audiovisuel public et ses missions redéfinies.
Le rôle de l'INA, fragilisé par la diminution de ses ressources de 5 %, doit être inscrit de manière précise dans la loi afin de ne pas limiter ce dernier aux missions d'archivage aussi indispensables soient-elles.
Dans un secteur audiovisuel en pleine mutation, l'Institut national de l'audiovisuel ne doit rien concéder sur le terrain de la recherche et de l'innovation. Il y va de l'intérêt même des chaînes de service public, et c'est vrai que cela appelle de nouveaux investissements.
Il n'y aura pas de développement de la production audiovisuelle tant nationale qu'européenne sans investissements publics.
L'assise budgétaire du financement audiovisuel sur la redevance est nécessaire ; encore convient-il que l'Etat rembourse mieux qu'il ne le fait les exonérations de redevance, encore en baisse dans le projet de budget qui nous est soumis.
Le secteur public audiovisuel se doit d'être présent dans le champ du secteur concurrentiel. Car la réalité d'aujourd'hui nous amène, enfin, à constater la place prépondérante des chaînes thématiques et des bouquets satellitaires.
Seules des stratégies à long terme permettront au service public de retrouver le rôle qu'il n'aurait jamais dû cesser de jouer, la régulation n'étant pas le moindre.
Avec l'audiovisuel, nous sommes à la frontière de l'économique, de l'industriel - l'audiovisuel appelle des moyens financiers et humains importants - et de la création qui ressortit à notre patrimoine collectif. Ce n'est pas ancien et le politique a toujours eu, de manière heureuse ou parfois malheureuse, conscience de cette dualité. C'est dire combien le débat sur l'audiovisuel public nécessite que l'on manie avec circonspection ces différents facteurs. Le succès du service public dépendra de notre manière d'intégrer l'ensemble des contraintes que je viens d'évoquer.
Qu'il s'agisse de la présence sur le terrain de l'innovation, de la présence sur le terrain de la qualité et de l'originalité des programmes, d'où la nécessité de renforcer les outils de production, ou de la présence sur le terrain de la démocratie, les téléspectateurs et les personnels sont les grands absents de la réflexion menée actuellement : voilà des axes incontournables des réorientations de notre politique audiovisuelle. Je crois aussi qu'il vous faudra intégrer la télévision de proximité dans votre réflexion globale.
Cette réforme, madame la ministre, nous l'appelons de tous nos voeux et nous sommes prêts à nous atteler à vos côtés à ce vaste chantier. Dans un contexte où le secteur concurrentiel bénéficie d'avancées importantes, puisse le budget que nous nous apprêtons à adopter être le budget de transition d'une réforme de l'audiovisuel devenue aujourd'hui indispensable ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en 1996, derniers chiffres disponibles, 94,5 % des foyers français étaient équipés d'au moins un téléviseur. La durée d'écoute moyenne quotidienne par foyer pour les chaînes hertziennes était de cinq heures et quatre minutes. Permettez-moi, mes chers collègues, d'insister sur le rôle social, culturel et démocratique de la télévision.
Premier loisir, premier moyen d'information, principal voire unique moyen de contact avec la culture et le savoir, l'importance de la télévision dans la vie des Français indique, à l'évidence, que l'Etat ne peut se désintéresser de ce secteur.
Pourquoi ne pas le dire, madame la ministre : en examinant aujourd'hui le budget de la communication pour 1999, nous avons tous les yeux fixés sur l'importante réforme que vous allez bientôt présenter. Et, si ce budget est un budget de transition, il marque déjà fortement la volonté du Gouvernement de renforcer le secteur public, en augmentant et en clarifiant son financement.
L'augmentation des ressources de la télévision publique, plus que jamais nécessaire, ne doit plus passer par la hausse des recettes publicitaires, sous peine de réduire à néant notre objectif principal qui est de donner au service public les moyens de conforter son identité et d'assumer ses missions.
Aussi pouvons-nous nous réjouir que le budget de l'audiovisuel public soit en augmentation, avec, d'une part, une clarification du rôle de la redevance, qui est en hausse de 2,6 % quand le budget n'augmente que de 2,2 %, et, d'autre part, un coup d'arrêt à la progression des ressources publicitaires des chaînes publiques.
Vous poursuivez, madame la ministre, la restauration des moyens de l'audiovisuel public, commencée avec le budget pour 1998, en augmentation déjà de 3,3 % par rapport à l'année précédente, année des importantes coupes claires effectuées par le gouvernement Juppé à coup d'économies forcées et de régulations budgétaires, qui s'étaient traduites par une baisse de 1,5 % des crédits de l'audiovisuel public dans le budget pour 1997.
On se souvient ainsi des quelque 530 millions de francs de réduction de crédits publics pour France-Télévision, des 40 millions de francs d'économies imposées à Radio France, l'obligeant à un coûteux désengagement des ondes moyennes, et des 140 millions de francs d'économies demandées au budget d'Arte et de la Cinquième, dont les programmes ont nécessairement fait les frais, au prétexte imprudent d'une fusion que le Parlement était censé entériner sans discuter. Mais, caprice des urnes aidant, cette fusion n'est toujours pas votée.
Revenons à ce budget sur lequel je formulerai deux séries de remarques, l'une sur le montant global des ressources du secteur public, l'autre sur la structure de son financement.
S'agissant des ressources globales du secteur public, les chaînes publiques françaises disposent de beaucoup moins de moyens que leurs homologues européennes. D'après la dernière étude de l'Observatoire européen de l'audiovisuel, les ressources des deux chaînes de la BBC, financées sans publicité, sont plus d'une fois et demie supérieures à celles de France Télévision. Celles des deux chaînes publiques allemandes, ARD et ZDF, sont deux fois et demie plus élevées.
Plus périlleux encore est le déséquilibre entre les moyens des trois chaînes publiques et ceux des trois chaînes privées hertziennes françaises. En 1997, les chiffres d'affaires nets cumulés de TF1, de M6 et de Canal Plus s'élevaient à un total de 18,4 milliards de francs. En 1998, les chaînes publiques disposaient, quant à elles, de 12,68 milliards de francs, ou de 13,88 milliards de francs si l'on ajoute RFO.
Ce déséquilibre flagrant, au détriment du secteur public, justifie certainement que celui-ci rassemble ses forces et rationalise ses moyens. Mais, au-delà des remaniements structurels, nous devrons trouver des recettes complémentaires augmentant à la même vitesse que celles des concurrents, pour que le secteur public ne soit pas mis dans l'incapacité de s'approvisionner sur le marché des droits, qu'il s'agisse de fictions ou de programmes de sports. L'un des enjeux de la prochaine réforme doit être de remettre France Télévision à armes égales avec ses principaux concurrents français et européens ; j'y reviendrai dans quelques instants.
J'aborderai, à présent, la structure du financement du secteur public dans cette loi de finances. Nous nous trouvons là au coeur de la définition des missions de la télévision publique.
La redevance est presque entièrement consacrée aux opérateurs nationaux de l'audiovisuel. Cette clarification me semble la bienvenue. Les Français accepteront d'autant mieux la redevance qu'ils sauront précisément à quoi elle sert. Le financement de TV5 et de RFI par crédits budgétaires est plus conforme à leurs missions.
Moderne ou archaïque, je ne sais, la redevance n'en est pas moins une ressource stable et prévisible, indispensable à la sécurité et à la visibilité financière dont a besoin le secteur public pour pouvoir planifier son développement. Nous devons la préserver, la pérenniser et chercher à améliorer son rendement.
Elle rapportera, en 1999, 12,25 milliards de francs à l'audiovisuel, soit une progression de près de 5 %, permise par une hausse modérée de 1,2 % et par une amélioration du taux de recouvrement. Observons qu'à 744 francs pour un poste couleur, elle se situe à l'un des plus bas taux d'Europe et que, par ailleurs, les exonérations sociales amputent de quelque 2,6 milliards de francs le montant total qu'elle devrait rapporter. On voit qu'une marge importante de ressources supplémentaires pour le secteur public existe.
Pour compenser la baisse de 2 milliards de francs de ressources publicitaires qui devrait, dit-on, résulter de la future loi, la première des ressources complémentaires que nous devons restituer au secteur public réside bien dans les 2,6 milliards de francs d'exonérations sociales.
J'en viens maintenant à ce qui est le signal fort de ce budget. C'est la première fois depuis 1992 que la part de la publicité est stabilisée dans les ressources des chaînes. Celle-ci avait enregistré une hausse de 9,5 % en 1996 et de 20 % en 1997.
Sur France 2, les recettes publicitaires devraient représenter 50 % du financement de la chaîne contre 50,1 % en 1998. Elles demeurent stables sur France 3 et sur La Cinquième.
Ce coup d'arrêt, annonciateur de la prochaine réforme, est doublement indispensable.
Il l'est tout d'abord pour l'équilibre financier des chaînes car, malgré les apparences, il y a aujourd'hui une relative désaffection des annonceurs pour la télévision, les investissements y augmentant moins vite que l'ensemble du marché. Les recettes publicitaires encaissées par France 2 et France 3 en 1998 seront vraisemblablement inférieures de 100 millions de francs aux prévisions sur chacune de ces chaînes, ce qui devrait nous amener, d'ici à quelques semaines, à leur répartir les 121 millions de francs d'excédents de redevance pour leur permettre de terminer leur exercice à l'équilibre.
Cela m'amène à souligner au passage que ceux qui ont trop vite conclu que les 2 milliards de francs perdus par le secteur public, dans l'hypothèse du vote de votre projet de loi, iraient directement sur TF 1 et M 6 s'aventuraient peut-être un peu vite.
L'arrêt du gonflement des recettes publicitaires est également indispensable pour libérer les chaînes publiques de l'emprise grandissante de la publicité sur les programmes.
La durée de la publicité sur France 2 et France 3, entre dix-neuf heures et vingt-deux heures, tranche horaire qui assure plus de 60 % des recettes publicitaires de France Télévision, a augmenté de 65 % en cinq ans.
Sur France 3, c'est 95 % des recettes publicitaires qui sont réalisées dans la tranche comprise en dix-huit heures trente et la fin du journal Soir 3. Il n'est pas étonnant que les téléspectateurs aient cette impression désagréable de tunnels interminables !
Le CSA a d'ailleurs analysé ce point dans son très intéressant rapport sur les liens entre audiovisuel et publicité : l'influence des annonceurs sur les grilles de programmes est de plus en plus grande. On connaissait leur préférence pour les programmes courts. On a ainsi assisté à l'émergence des fictions de vingt-six minutes après celle de cinquante-deux minutes ! Mais le pire était à venir : on voit aujourd'hui se développer en France la technique américaine bien connue du programming, qui permet une intervention directe des annonceurs dans la production. Je ne saurais être plus claire que le président d'Etoile TV, filiale de Publicis, qui s'exprime ainsi : « Avant, les producteurs avaient une idée d'émission et cherchaient leur sponsor, maintenant c'est l'inverse : nous travaillons le concept en fonction de l'annonceur. » Tout est dit. La télévision publique ne peut rester fidèle à ses missions dans un tel contexte.
Je ne ferai qu'une allusion aux 473,2 millions de francs de mesures nouvelles de votre projet de budget. Ces crédits seront destinés, sur toutes les chaînes, à renforcer la production et à poursuivre la modernisation et la diversification thématique.
Je souhaite, madame la ministre, que notre prochain rendez-vous d'automne soit consacré au vote du budget d'un secteur public rassemblé et renforcé, doté de moyens plus importants, stabilisés et assurés sur trois ans par des contrats d'objectifs pour des missions réaffirmées et clarifiées. Il est en effet indispensable - je crois l'avoir suffisamment démontré - que cette réforme du secteur public ait lieu rapidement.
L'incertitude créée par la situation actuelle serait en effet extrêmement dommageable à l'ensemble de notre secteur public et privé des industries de l'image. Ce secteur économique est aujourd'hui un secteur industriel à fort potentiel de créations d'emplois. Nous ne devons pas oublier qu'il est soumis à la concurrence internationale, et avec quelle puissance, puisque cette concurrence est principalement celle des Etats-Unis ! Les opérateurs publics et privés ont donc besoin de sécurité juridique et financière pour pouvoir relever le défi, assurer leur développement sur le secteur stratégique des chaînes thématiques et des bouquets numériques. Nous devons, par ailleurs, donner à nos concitoyens l'assurance qu'ils pourront, quel que soit le mode de réception choisi, recevoir sans abonnement les chaînes publiques financées par la redevance. La saisine, cette semaine, par la Commission de Bruxelles, de la Cour de justice des Communautés, pour mettre en demeure la France de transposer la directive TSF, constitue un argument supplémentaire pour vous permettre, madame la ministre, de convaincre l'ensemble du Gouvernement de l'urgence de cette réforme.
J'espère que le budget de l'an 2000 sera pour nous l'occasion de distribuer au secteur de la télévision deux nouvelles ressources que nous pourrions faire naître dans la prochaine loi.
La première ressource serait destinée au secteur public, afin de faire évoluer ses ressources aussi vite que celles du secteur privé, soit autour de 6 % par an, alors que la redevance suivra forcément une évolution plus lente.
Nous pourrions envisager de demander au secteur des télécommunications, dont le chiffre d'affaires à travers l'explosion des portables et la transmission de données suit une progression très forte, de contribuer au financement de nos chaînes publiques. Ce serait un juste retour des choses, puisque leur transmission par Internet risque de devenir, comme pour les opérateurs satellitaires, un atout commercial.
Si le chiffre d'affaires des trois principaux opérateurs de télécommunications français était à peu près de 170 milliards de francs en 1997, une contribution de 0,5 % dégagerait presque 1 milliard de francs supplémentaire pour l'audiovisuel public, soit un peu moins de 10 % du produit de la redevance.
La seconde ressource que je souhaiterais voir créer dans le prochain texte, si les grandes lignes du projet de loi connu sont, ce que je souhaite, préservées, est la taxe sur les recettes publicitaires supplémentaires des chaînes privées. Celle-ci devrait bien entendu financer prioritairement l'industrie de programmes, mais il me semble qu'elle devrait également, à travers un fond ad hoc , permettre d'introduire de nouveaux acteurs qui font aujourd'hui cruellement défaut dans notre paysage audiovisuel cartellisé et répétitif : je veux bien entendu parler des télévisions locales ou de proximité, à faibles ressources publicitaires, souvent associatives, et qui ont aujourd'hui besoin d'un statut et d'un financement public.
Après ces anticipations, j'achèverai mon propos en vous disant, madame la ministre, qu'il sera enfin possible au groupe socialiste de voter l'un des projets de budget du Gouvernement, puisque la commission des finances a épargné les crédits de la communication. Une fois n'est pas coutume ! (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Diligent.
M. André Diligent. Madame la ministre, je ne suis pas de ceux qui se réjouissent des quelques difficultés que vous avez pu recontrer ces derniers temps. Nous n'avons d'ailleurs pas l'habitude, au Sénat, de harceler quiconque de flèches : nous ne sommes pas un groupe d'archers ! Au contraire, compte tenu de votre personnalité et des témoignages de bonne volonté que vous avez donnés jusqu'à présent, sachez que nous ne considérons pas comme une catastrophe le fait que l'examen de votre projet de loi soit reporté, à condition, bien entendu, que cette situation ne se prolonge pas pendant des mois.
Je crois, au contraire, que vous pourriez mettre à profit ce délai supplémentaire pour prendre en considération un certain nombre de suggestions que nous allons formuler à l'occasion de ce débat budgétaire.
Je ferai une première remarque, qui a sans doute déjà été énoncée : je ne crois pas qu'il soit bon de discuter séparément du secteur public et du secteur privé. En effet, toute décision concernant le financement, les compétences ou les vocations de l'un engendre fatalement des contraintes et des opportunités pour l'autre. On souhaiterait par conséquent qu'une grande politique de l'audiovisuel puisse être définie pour les deux secteurs simultanément.
Par ailleurs, je souhaiterais que vous saisissiez dans cette étape de réflexion qui vous est offerte l'occasion de donner une ambition nouvelle à notre radio et à notre télévision.
Aussi, faisant miennes la plupart des remarques de nos excellents rapporteurs sur les problèmes financiers et techniques, je souhaite simplement consacrer quelques observations à la politique des programmes. On parle en effet beaucoup des tuyaux, mais jamais du contenu ! (Sourires.)
Je me permets de poser en premier lieu la question préalable ; elle est fondamentale et nous ne cessons de la poser : qui oriente, choisit, décide la politique des programmes sur les chaînes publiques ?
Ce n'est certainement pas le CSA, malgré le rôle très intéressant qu'il joue et le bon travail qu'il fait ; ce ne sont certainement pas les conseils d'administration - j'en suis témoin - malgré le qualité des hommes qui les composent ; ce n'est pas non plus le ministre, comme ce fut le cas dans des temps révolus, et j'en suis heureux d'ailleurs.
En réalité, c'est une direction des programmes, c'est-à-dire une poignée de professionnels de l'audiovisuel, dont je ne nie pas les grands talents, mais dont, en tout bien tout honneur, je me permets de contester la représentativité.
C'est pourquoi je vous renvoie à la séance du Sénat du 20 février 1997 durant laquelle nous avions institué, par voie d'amendement, un comité consultatif des programmes, projet d'ailleurs soutenu par la commission des affaires culturelles et dont je crois me souvenir qu'il avait fait l'objet d'un vote unanime dans cet hémicycle.
Cet amendement avait pour origine une proposition d'un mouvement de téléspectateurs réunissant, d'un côté, la Ligue de l'enseignement, de l'autre, l'Union nationale des associations familiales, ce qui prouve bien qu'il faisait l'objet d'un large consensus, au-delà de tous les clivages.
Cet amendement partait de l'idée que, si l'audimat peut apporter certains renseignements, il n'est pas le directeur des programmes. En effet, l'audimat indique simplement la répartition des choix des téléspectateurs. D'ailleurs, si, un jour, tous les programmes étaient médiocres, l'audimat apporterait quand même des réponses, avec sans doute les mêmes pourcentages. Mais l'audimat n'apporte aucune indication sur la satisfaction, sur les souhaits, sur les besoins et encore moins sur la qualité des programmes. Alors qui peut en parler ? Qui peut en décider ?
Bien des problèmes se posent par ailleurs, qu'il importerait d'éclaircir, sur la valeur et la technique des sondages qui, en tout cas, ne doivent être qu'un élément parmi bien d'autres des motivations et des choix.
Dès lors, nous avions proposé l'institution d'une commission consultative, composée de ce que j'appellerai des téléspectateurs actifs, représentatifs et voulant exercer leur responsabilité de citoyens dans les domaines qui leur sont propres : représentants de l'enseignement, des associations de parents d'élèves, des mouvements familiaux, des associations de téléspectateurs, des mouvements de jeunes, et autres.
Ce vote du Sénat a provoqué un grand mécontentement chez certains, et, malheureusement, l'Assemblée nationale l'a rejeté.
Redoutant un nouvel amendement, la direction de France Télévision a cru pouvoir prendre les devants en organisant pour chacune des chaînes ce qu'elle a appelé un « comité d'orientation des programmes ».
Ces comités se sont, paraît-il, réunis trois fois depuis leur naissance : en avril, en juin et en novembre. Mais, les résultats des travaux sont restés si confidentiels que les rapporteurs des commissions parlementaires concernées ignoraient jusqu'à ce jour leur existence ! Dans ces conditions, qui peut en profiter ? Pourtant, nous vivons dans une société où tout le monde demande la transparence et la participation ! Où sont-elles, s'agissant de ce secteur très important dans la mesure où chaque citoyen passe chaque jour, en moyenne, trois heures devant son petit écran ?
Je n'irai pas jusqu'à dire que ces comités travaillent en secret, et je ne les critiquerai pas, comptant plusieurs amis parmi leurs membres.
En tout cas, ces comités ne sont nullement représentatifs du public, alors que la télévision est faite non pas seulement pour les professionnels, mais aussi pour le public ! J'ai la preuve de ce que j'affirme : sur les douze membres du comité d'orientation de France 3, j'ai relevé le nom de dix professionnels de l'audiovisuel, qu'ils soients producteurs, réalisateurs, responsables d'antenne, anciens directeurs, etc. Sont-ils vraiment représentatifs du public ? Ils représentent des intérêts très intéressants, mais il ne leur appartient pas de dicter la politique des programmes.
Une nouvelle politique des programmes que j'appellerai la démocratie participative permettrait sans doute d'améliorer les services que rend la télévision, ainsi que de coordonner, d'organiser des programmes complémentaires au sein des chaînes publiques et concurrentiels avec les chaînes privées.
Elle permettrait aussi d'éviter l'impression désastreuse que les téléspectateurs ressentent certains soirs quand les chaînes semblent s'ingénier, comme si c'était un mot d'ordre qui était passé, à n'offrir toutes que des spectacles sans intérêt ou, au contraire, que des programmes de qualité.
J'en terminerai avec l'audiovisuel en abordant un point que j'ai déjà souvent soulevé : la violence à la télévision.
J'enrage quand je lis dans une savante étude commandée par nos chaînes publiques ce constat : « L'influence de la représentation de la violence sur les comportements n'a jamais pu être démontrée. »
Il faut avoir l'humilité de reconnaître ce qui est évident : la violence dans le monde scolaire a pris des proportions inquiétantes. On a même vu, à l'entrée des écoles et des lycées, des fouilles organisées pour vérifier que les élèves ne détenaient pas d'armes de poing ou d'armes à feu.
Allez donc sur le terrain, allez discuter avec les professeurs, avec les instituteurs, avec les parents d'élèves, avec les jeunes eux-mêmes. Et vous verrez comme les plus fragiles sont encore marqués par ce qu'ils ont vu la veille !
D'ailleurs, comment peut-on prétendre que l'influence de la représentation de la violence n'est pas démontrée, alors que l'on s'efforce dans le même temps d'inventer une signalétique pour la détecter et pour permettre aux parents de l'éviter ? Il y a là une contradiction insoluble. Par conséquent, on ne peut pas soutenir que la représentation de la violence à la télévision n'a pas d'influence sur les comportements.
Que les programmes de la télévision ne soient pas la seule cause de la montée de la violence, c'est évident. Mais qu'ils en soient l'une des causes, comment peut-on le nier ? C'est ainsi que, certains soirs, aucune des cinq chaînes que je reçois en tant que citoyen moyen n'est exempte de séquences violentes, d'ailleurs présentées avec un manque total d'imagination : fusillades - de préférence dans les parkings - poursuites en voitures dans des rues encombrées, enlèvements et prises d'otages, voitures qui flambent... sans oublier les sempiternelles bagarres à main nue où ce qui est le plus épatant est la résistance physique des protagonistes.
Comme je l'ai dit un jour, mitraillettes et galipettes sont les deux ressources de notre télévision. (Sourires.)
Peut-être s'agit-il là d'une exagération, mais c'est en tout cas l'impression que cela donne, car cette violence n'est pas comme celle de nos bons vieux westerns ou des romans de cape et d'épée, qui se déroulaient dans un autre univers, à une autre époque.
Il serait bon, peut-être, de s'attaquer maintenant à ce problème, même s'il risque de n'être jamais totalement résolu, je le sais bien. Mais comment s'attaquer à un péril si l'on en nie l'existence ?
En terminant sur cette question, et sans tomber dans l'angélisme et la naïveté, je souhaite que, à l'heure où l'on parle tant de citoyenneté, de démocratie représentative, la télévision joue pleinement son rôle en étant elle-même à la pointe d'un double combat en faveur d'une plus grande participation du public et, surtout, d'une plus grande transparence.
J'en arrive à une question qui m'est venue à l'idée tout à l'heure en lisant un journal du matin : je souhaite, madame la ministre - et ne voyez aucune agressivité dans mon propos - que vous puissiez répondre aux questions posées à l'occasion de la saisine de la Commission de Bruxelles par le commissaire européen à l'audiovisuel, M. Ortega, qui a porté plainte contre la France. Je suis certain que vous pourrez répondre facilement à certains titres de journaux à cet égard !
J'en arrive maintenant au problème de la presse écrite.
N'oublions pas que, en matière de publicité à la télévision, il était question à l'origine non seulement d'établir des quotas, mais aussi de reverser un pourcentage des bénéfices publicitaires de la télévision aux journaux de presse écrite en difficulté. Il s'agissait de défendre le pluralisme de cette presse, non par des discours édifiants mais par des mesures concrètes.
Depuis lors, ces notions ont été rangées aux oubliettes et, parallèlement, beaucoup de titres ont disparu ou ont été intégrés dans de grands groupes de presse.
Madame la ministre, vous aviez prévu dans votre projet de loi de restreindre la publicité sur les chaînes publiques, ce qui, bien entendu - leurs responsables ne s'en cachaient guère - aurait d'abord profité aux chaînes privées. Mais, pour ne pas pénaliser la télévision publique, vous aviez prévu un système un peu compliqué, qui consistait à créer une taxe sur le chiffre d'affaires des chaînes privées, taxe destinée au fonds de soutien de l'industrie audiovisuelle.
Pourquoi, dès lors, et dans l'hypothèse où cette disposition serait maintenue dans la future loi, ne pas prévoir qu'une partie de cette taxe serait destinée directement à la défense du pluralisme dans la presse écrite et à son enracinement régional ?
Et pourquoi pas, poussant plus loin le raisonnement, ne pas affirmer que le reversement de cette taxe serait inversement proportionnel au tirage, ce qui permettrait de ne pas continuer à enrichir les riches et à creuser l'écart entre eux et les entreprises qui survivent difficilement ? La réforme paraîtra peut-être audacieuse, mais elle est simple et juste.
C'est d'ailleurs ce que nous reprochons aussi à l'article 39 bis du code général des impôts, que nous ne cessons de dénoncer depuis des décennies et qui permet aux entreprises de presse d'affecter leurs bénéfices à l'investissement, échappant ainsi à l'impôt. Mais encore faut-il faire des bénéfices ! Autrement dit, une fois encore, on agrandit l'écart entre riches et pauvres, au risque de favoriser la disparition du pluralisme.
Permettez-moi un mot sur l'aide au portage, qui a été instituée en 1997. Nous en avons parlé tout à l'heure et je n'y reviendrai pas, sinon pour rappeler simplement que même M. Le Guen - que vous connaissez bien - s'est interrogé sur l'équité du choix consistant à privilégier le développement du portage au détriment des entreprises qui l'ont choisi depuis longtemps et qui ont assumé un rôle de pionnier dans cette technique de distribution, aujourd'hui encouragée par les pouvoirs publics.
J'insiste sur ce point étant donné l'importance que prend le portage dans la fidélisation du lecteur.
J'en termine avec un sujet qui, généralement, n'est pas abordé à cette tribune, ni dans les débats sur la presse : je veux parler de la formation et de la qualification de journalistes.
Il s'agit ici de la qualité de l'information, cette qualité à laquelle ont droit les lecteurs de la presse écrite comme les téléspectateurs et les auditeurs de radios.
Cette qualité, c'est-à-dire le sérieux, la compétence, la clarté dans l'exposé des faits comme dans les commentaires, ne repose pas seulement sur la conscience, mais aussi sur la qualification des journalistes.
Cette profession doit rester ouverte, la question ne se discute même pas. Mais le meilleur moyen de s'y préparer reste d'acquérir une formation dans les centres spécialisés et réputés tels le CFPJ, le centre de formation de la profession de journaliste, appelé encore Ecole de la rue du Louvre, ou l'ESJ, c'est-à-dire l'Ecole supérieure de journalisme, située à Lille, ou encore d'autres filières, à Strasbourg notamment - vous devez bien les connaître ! - et qui sont reconnues par les instances professionnelles.
L'Ecole de la rue du Louvre ayant rencontré depuis quelques années des difficultés financières, qui risquaient de mettre en cause son existence même, vous avez montré, madame la ministre - et permettez-moi de vous en féliciter - que vous vouliez aider cette institution à surmonter ses difficultés.
A cette occasion, madame la ministre, vous avez voulu élargir le débat, vous avez réuni une table ronde et demandé un rapport pour faire le point sur la situation de l'enseignement du journalisme en France. Mais nous ne connaissons pas les conclusions de ce rapport, ni celles que vous en avez vous-mêmes tirées.
Vous ne serez pas surprise qu'un élu du Nord, en posant cette question, évoque la situation paradoxale de l'Ecole supérieure de journalisme de Lille, qui mérite aussi toute votre attention. J'ai dit « situation paradoxale », parce que la doyenne des écoles de journalisme en France, et la plus « féconde », selon le rapport Sales, risque de souffrir de son développement et du succès de ses initiatives en France, en Europe et sur tous les continents.
En France, outre sa vocation généraliste, elle a multiplié les formations spécialisées dans nombre de disciplines, elle a créé un centre de recherche et d'éthique ainsi qu'une filiale de formation continue à destination des entreprises de presse.
A l'étranger, ce sont 3 000 anciens élèves, en exercice dans 140 pays. C'est, pour cette seule année, 130 étudiants en Bulgarie, en Hongrie, en Tunisie, en Bosnie, avec l'ouverture emblématique d'une école à Sarajevo. C'est également 570 stagiaires en Pologne, en Hongrie, au Cameroun, en Côte d'Ivoire, au Liban, au Mali, en Roumanie.
En outre, l'Ecole a fondé et assume le secrétariat du « Réseau Théophraste », regroupant les écoles francophones de journalisme de quatorze pays. Elle a aussi créé un diplôme franco-québécois de journalisme international. Enfin, elle projette l'ouverture d'une école de journalisme au Viêt-nam, où elle a également contribué au lancement d'une émission télévisée quotidienne en langue française. L'ESJ a vu son budget passer de 7 millions de francs à 21 millions de francs depuis le début de la décennie, mais avec une aide de l'Etat strictement symbolique.
Bref, cette école peut afficher un palmarès dont on se félicite souvent. Mais, sans capital ni fonds propres, ses dirigeants sont confrontés à la quadrature du cercle.
C'est pourquoi, madame la ministre, je souhaite que vous preniez en main ce problème majeur. En effet, à une époque où la défense de notre culture, de notre langue est devenue essentielle, aider ces écoles est, croyez-moi, l'un des meilleurs placements qu'un gouvernement français puisse faire. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat. Madame le ministre, vous nous avez annoncé que ce budget de l'audiovisuel serait le préalable à une réforme profonde qui aurait dû se concrétiser en matière financière avec le budget pour l'an 2000, et que 1999 serait une année clé pour la réorganisation de l'audiovisuel public.
Cette annonce avait de quoi nous réjouir, c'est vrai. Mais, en analysant ce projet de budget, on constate qu'il est frileux et sans véritable ambition, en tout cas pour l'audiovisuel public.
Permettez-moi de vous faire part, d'abord, de mon étonnement devant la contradiction de ce projet de budget par rapport à l'essence même de votre projet de loi de réforme de l'audiovisuel.
Je n'ai sûrement pas lu, à cet égard, le même texte que M. Diligent, parce que je constate que vous annoncez depuis des mois une hausse considérable de la contribution de l'Etat dans le financement de l'audiovisuel public, alors que son montant dans ce projet de budget est réduit de 22 % par rapport au budget précédent. Vous annoncez une réduction importante, pour les futurs budgets de l'audiovisuel public, du budget de la publicité, mais je constate que les ressources publicitaires sont maintenues cette année au niveau de l'année dernière, voire sont en légère augmentation. Mais peut-être avez-vous une lecture différente ?
Venons-en maintenant aux différents budgets des chaînes tels qu'ils nous sont présentés dans le « jaune budgétaire » cette année et tels que, je l'espère, ils continueront de nous être présentés dans les prochains budgets. Je m'explique : je pense en effet qu'il n'est pas souhaitable que le président de la holding future soit le seul à répartir les crédits dans les différentes chaînes de la télévision publique et je considère que le Parlement ne doit pas être dessaisi de son pouvoir de répartition des montants alloués aux différentes chaînes.
On peut d'ailleurs mettre en doute la constitutionnalité de cette mesure, l'article 34 de la Constitution conférant au seul Parlement la responsabilité de l'allocation et de l'utilisation des fonds publics.
J'espère donc que vous nous présenterez les prochains budgets de façon telle que nos assemblées parlementaires pourront continuer à répartir les fonds attribués aux chaînes publiques.
Par ailleurs, vous annoncez 158 millions de francs de dotations pour des « mesures nouvelles » à France 2, dont le budget est de 5,3 milliards de francs. Je vous pose la question : croyez-vous que ces 158 millions de francs redonneront à France 2 les moyens de remplir son rôle de chaîne généraliste de référence, comme cela a d'ailleurs été dit par certains de vos amis à l'Assemblée nationale ? J'en doute !
Je me réjouis, en revanche, que le budget de La Cinquième soit en nette progression par rapport à l'an passé et que celui de La Sept-Arte permette enfin à celle-ci de retrouver une situation financière plus réaliste et équilibrée. Je crois en effet au rôle essentiel de ces chaînes en matière de programmes éducatifs et culturels.
Je note au passage que vous n'avez toujours pas donné à ces deux chaînes les moyens juridiques d'exister puisque vous avez stoppé le processus de fusion qui avait été engagé il y a deux ans.
Quant à la radio, madame le ministre, vous ne la traitez pas convenablement. Pourtant, comme l'a montré un tout récent sondage, 83 % des Français écoutent chaque jour la radio ! La radio, c'est le média le plus populaire, en France comme à l'étranger. C'est pourquoi je trouve regrettable que, comme notre collègue M. le rapporteur spécial l'indiquait tout à l'heure, RFI soit négligée dans votre budget.
Ne vous y trompez pas : RFI, c'est le contact avec la France pour tous nos amis francophones, pour nos compatriotes résidant à l'étranger, mais c'est aussi - et c'est très important - une présence francophone dans des pays qui ne le sont pas forcément !
Or voici que son budget pour 1999 baisse de 1,2 % par rapport à 1998 et de 3,6 % par rapport au budget voté par son conseil d'administration, et ce alors même que M. Jean-Paul Cluzel vient d'être renouvelé dans ses fonctions de président de RFI. J'y vois une certaine contradiction et, en tout cas, un défaut d'ambition pour RFI.
Pour ce qui concerne le secteur public de la télévision, j'espère que les prochaines lois de finances apporteront des modifications profondes à son système de financement, sur trois éléments.
D'abord, concernant l'assiette de la redevance, comme vous le savez, le poste de télévision - dont la possession cumulée au point de réception est le fait générateur de la taxe - est, dans sa configuration technique actuelle, amené à se réduire fortement dans les prochaines années, du fait des évolutions technologiques.
Considérons, par conséquent - c'est en tous cas ce que je souhaiterais - que seul le point de réception devrait être le fait générateur de cette taxe.
A la place d'une redevance de la télévision, nous aurions une redevance de la communication, qui serait payée uniquement pour un droit à la réception de tout moyen de communication, quel qu'il soit.
Par ailleurs, l'Etat devrait s'engager à permettre à chaque foyer de recevoir un signal dont la qualité lui donnerait accès, dans un confort d'écoute normal, aux différents programmes et services qui seront développés sur le réseau hertzien en clair, ce qui n'est pas le cas actuellement pour La Cinquième et la Sept-Arte, chaînes qui ne sont reçues que par environ 80 % à 85 % d'auditeurs.
Ensuite, la redevance est aujourd'hui amputée de plusieurs centaines de millions de francs parce qu'on prélève sur son produit une taxe de 5,5 % pour contribuer au financement du fonds de soutien à la production. Cela réduit considérablement les moyens de financement public mis à la disposition de l'audiovisuel. De plus, reconnaissez qu'il n'est pas très logique de prélever une taxe sur une redevance destinée à financer l'audiovisuel et non d'autres activités, si nobles soient-elles, je n'en disconviens pas. Que cette taxe concerne toutes les recettes à caractère privé, cela se conçoit, mais pas la redevance de communication ! C'est un crédit public qui ne peut pas être frappé d'une taxe.
Bien entendu, il ne faut pas pour autant que le compte de soutien en soit affecté. Il faut donc augmenter la taxe à due concurrence sur les autres recettes. Cela sera demain possible, puisque les chaînes privées vont connaître une hausse de leurs recettes de publicité, contrairement aux chaînes publiques qui les verront diminer. Une partie importante de ces recettes retomberont ainsi sur le secteur privé, ce qui devrait lui permettre de contribuer davantage au fonds de concours, ce qui apporterait plusieurs centaines de millions de francs au secteur public.
En troisième lieu - d'autres orateurs l'ont indiqué avant moi - il incombe à l'Etat de rembourser intégralement les exonérations qu'il accorde, à juste titre, à un certain nombre de Français. Cela fait partie de sa politique sociale. Je crois savoir qu'un amendement de dernière minute a été déposé en commission des affaires culturelles à l'Assemblée nationale ; encore faut-il qu'il soit voté. Ce point de vue, vous le savez bien, je le défends depuis de nombreuses années.
J'espère donc que ces moyens verront le jour pour renforcer la solidité de l'audiovisuel public.
J'espère aussi que, pour développer ce secteur audiovisuel public, seront pris en compte dans les années à venir les enjeux de la révolution numérique, car ils sont considérables.
Je disais, voilà un an, dans ce même hémicycle, à l'occasion de l'examen du budget de l'audiovisuel pour 1998, combien j'avais pu constater l'importance du numérique hertzien qui touche maintenant l'ensemble des secteurs de transmission, et que notre pays était très en retard par rapport à ses voisins dans l'exploitation de ce mode de diffusion.
Je citais alors le cas du Royaume-Uni qui se lançait dans la télévision numérique hertzienne avec CTI, la filiale de TDF qui a été choisie par la BBC comme diffuseur. Eh bien, ce retard s'accroît de jour en jour, madame le ministre : le 15 novembre dernier, le Royaume-Uni a inauguré la télévision numérique hertzienne avec le lancement de la plate-forme ONDigital - 30 programmes gratuits et payants sont désormais proposés aux téléspectateurs britanniques.
Je signale en outre que le Royaume-Uni et les USA se sont d'ores et déjà engagés sur l'élimination totale de la diffusion analogique pour 2006 et que d'autres pays suivent la même voie. En Espagne et en Italie, le cadre réglementaire est entré dans la phase de discussion parlementaire.
Et ne parlons pas du DAB ! C'est là encore une technologie française, développée par TDF, qui est trop négligée par les pouvoirs publics. Savez-vous que, là aussi, nous en sommes en France au stade expérimental - en vertu de la loi Fillon d'avril 1996, qu'il est urgent de modifier ou d'amender puisqu'elle sera obsolète à compter du mois d'avril 1999 - quand l'Allemagne et le Royaume-Uni couvrent déjà respectivement 36 % et 60 % de la population et que le Portugal, lui-même, nous devance très largement en matière de DAB et de diffusion numérique.
Pourtant, et vous le savez, la numérisation de la diffusion hertzienne terrestre présenterait de nombreux avantages, en particulier une multiplication et une diversification des services pour le consommateur et une gestion plus rationnelle des fréquences pour les pouvoirs publics. Elle donnerait au service public un atout considérable dans le concurrence qu'il livre face au secteur privé qui, lui, n'est pas prêt à investir aujourd'hui dans ce domaine. Un tel engagement du secteur public de l'audiovisuel lui donnerait une dimension et une avance considérables.
Mais voilà, au lieu d'une mobilisation en faveur du numérique hertzien, qui est le seul avenir pour les télévisions locales et régionales, nous voyons curieusement le CSA lancer des appels à candidatures pour l'usage de fréquences en vue de l'exploitation de service de télévision privé à caractère local, diffusé en analogique par voie terrestre hertzienne. La France doit aujourd'hui être le seul pays au monde à lancer des appels d'offres pour de tels systèmes ! Quatre appels ont ainsi été lancés le 26 novembre dernier : Clermont-Ferrand, Tours, Luçon en Vendée et Les Sables-d'Olonne et il semblerait que d'autres soient à venir.
Pour conclure, madame le ministre, je rappellerai simplement qu'à l'heure où la télévision privée connaît un essor très important en Europe, en particulier en France par la diffusion satellitaire, il est primordial de garantir une télévision publique de qualité et accessible à tous par le maintien d'un financement public affecté qui est le meilleur garant de sa stabilité et de sa pérennité.
C'est pourquoi je propose de créer cette redevance de communication qui se substituerait au système actuel de redevance qui est totalement obsolète et qu'il faut dès à présent modifier.
J'ajouterai en outre qu'une indispensable évolution des missions du service public de l'audiovisuel doit être mise en place, afin de préserver son identité et pour qu'il garde la base la plus large de téléspectateurs et qu'il continue de tirer vers le haut l'ensemble du secteur privé.
J'aurais aimé, madame le ministre, que ce budget soit débattu en même temps que votre projet de loi sur l'audiovisuel, que vous avez déposé après l'avoir reporté une première fois à la demande de Matignon, puis modifié à la demande du Conseil d'Etat, puis redéposé, puis retiré à nouveau cette semaine, sur l'injonction du Premier ministre, et que vous redéposerez bientôt, je l'espère, pour une dernière fois.
Il y a urgence, madame le ministre. Le retrait de votre projet de loi est dramatique pour le secteur public. Tout et n'importe quoi circule sur son devenir. La télévision occupe une place beaucoup trop importante dans la vie des Français pour qu'on la néglige.
Aujourd'hui, le secteur public de l'audiovisuel demeure un vaste chantier qui doit s'adapter à un paysage concurrentiel en profonde mutation, tant en France que dans le monde. La France prend de plus en plus de retard, madame le ministre, nous devons le combler, et vite !
Dans les tout prochains mois, dans le cadre de la discussion au Parlement de votre projet de loi sur l'audiovisuel, il nous appartiendra d'essayer de définir clairement la place de l'audiovisuel public. C'est ce que j'attends depuis fort longtemps et c'est ce que j'espère plus que jamais.
Je sais combien l'audiovisuel est un domaine très complexe, madame le ministre, et je n'oublie pas que votre budget est un budget de transition. C'est pourquoi, ce soir, avec le groupe des Républicains et Indépendants, et malgré de nombreuses critiques, je le voterai. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, mon intervention sera brève, et se résumera plutôt à l'écho d'une interrogation.
Je n'ai pas, avec la télévision, les rapports de spécialistes que certains de nos éminents collègues, en particulier l'orateur qui m'a précédé, ont pu nous décrire.
Je n'ai pas la connaissance dans le détail des budgets de chaque chaîne encore que, comme tout un chacun, je sache lire un budget, me semble-t-il.
J'ai eu plus de contacts avec nos amis américains au moment des négociations du GATT et de la mise en place de l'exception culturelle française ou européenne, parce que je me suis fait un peu l'écho des aspirations d'un certain nombre de nos concitoyens qui font à la télévision trois reproches : trop de violence - on l'a dit tout à l'heure - trop de productions incompréhensibles - peut-être évoquerons-nous le rôle des chaînes publiques par rapport à celui des chaînes privées - et trop de publicité.
J'évoquerai tout d'abord mes contacts avec les Américains, pour observer que notre combat pour l'exception française et européenne serait moins dur si les Etats-Unis n'exportaient pas d'abord les éléments les plus contestables de leur propre production. Mais ainsi vont les choses !
J'ai bien noté que, dans votre esprit, madame le ministre, il était difficile de maintenir l'équilibre actuel de ce moyen de communication majeur qui alimente les réflexions des jeunes et des moins jeunes pendant plusieurs heures par jour. Vous vous êtes donc interrogée sur sa réadaptation ou sur sa réorganisation.
En parlementaire naïf que je suis, j'ai suivi l'évolution de votre projet de loi et j'ai lu votre projet de budget. Comme bien d'autres, j'ai pensé qu'il devait y avoir quelque part une cohésion entre ce projet de budget et votre projet de loi même si, sur 18,478 milliards de francs, quelque 250 milions de francs devaient passer du public vers le privé, ou l'inverse. Mais tout cela est un peu compliqué !
J'ai essayé de chercher la trace de ces crédits. Pour être franc, je ne les ai pas vraiment trouvés, malgré un examen à la loupe. Je n'ai pas trouvé non plus, d'ailleurs, au cas où les recettes publicitaires disparaîtraient, et qu'elles seraient compensées, comment on alimenterait le fonctionnement des heures ainsi disponibles. Mais comme je vous fais confiance, madame le ministre, je me suis dit que, forcément, tout cela a été prévu.
Je suis un peu perplexe. Maintenant qu'il n'y a plus de projet de loi, subsiste toujours le même projet de budget. Il y a quelque chose qui me turlupine un peu, pour employer un mot familier.
La seule question que je voudrais vous poser ce soir - c'est la raison pour laquelle je serai bref - c'est que, ayant vu un budget avec un projet de loi, un projet de loi sans budget, et le même budget sans projet de loi, est-ce qu'un peu de simplification médiatique, et surtout pédagogique, ne serait pas nécessaire pour que nous nous y retrouvions ?
C'est bien la raison pour laquelle, dans cette perplexité, je serai peut-être un peu plus réticent que la commission. Je vous dis très honnêtement que je m'abstiendrai sur ce projet de budget parce que je n'y comprends plus rien. Je ne vois pas comment on peut faire vivre un système complexe dans lequel l'Etat est extraordinairement présent avec un budget bâti dans une hypothèse alors qu'il va s'appliquer dans une autre hypothèse.
Voilà la question que je voulais vous poser et les raisons de mon abstention vraisemblable...
M. le président. La parole est à M. Weber.
M. Henri Weber. Madame la ministre, notre excellente collègue Danièle Pourtaud ayant dit tout le bien que nous pensons de votre budget, je consacrerai ces quelques minutes à deux ou trois points qui me tiennent à coeur.
Le premier a trait au financement de la télévision publique. Danièle Pourtaud l'a rappelé, notre télévision est pauvre. C'est la donnée de base. Les deux chaînes publiques allemandes disposent de 24 milliards de francs, les deux chaînes britanniques de 16,6 milliards de francs, les quatre chaînes françaises de 12 milliards de francs seulement.
Depuis 1992, on a tenté de pallier cette misère par un recours massif à la publicité. Les recettes publicitaires ont plus que doublé en cinq ans avec pour conséquence une dépendance accrue de la grille des programmes vis-à-vis des annonceurs.
Votre projet de budget porte, n'en déplaise à notre excellent collègue Michel Pelchat, un coup d'arrêt salutaire à cette dérive et anticipe sur le retour, au maximum, de cinq minutes de publicité par heure que prévoit votre projet de loi.
Vous proposez que cette mesure soit financée par la restitution au fonds de la redevance audiovisuelle des 2,6 milliards de francs d'exonération que l'Etat a accordé, à juste titre, à nombre de nos concitoyens.
Pourquoi ne pas réformer dans la foulée notre système de prélèvement de la redevance en considérant que tous les foyers sont équipés, quitte à ce que ceux qui ne le sont pas le déclarent au fisc. Cette réforme réduirait au moins le coût considérable de la fraude qui concerne plus de un million de foyers.
Mais préserver ou même améliorer un peu les ressources de la télévision publique ne suffit pas. Il faut porter son financement au niveau des chaînes publiques allemandes ou britanniques et de ses concurrents des chaînes privées par l'augmentation substantielle de la dotation budgétaire.
Je suis frappé, en effet, par la contradiction flagrante qui existe entre le discours exalté de la représentation nationale - elle tient sur la télévision un discours prophétique - et les maigres moyens budgétaires qu'elle lui consent.
D'un côté, on nous dit que la télévision est un incomparable outil de culture, d'éducation, d'intégration ; on souligne que nos enfants passent d'ores et déjà davantage de temps face au petit écran que dans les salles de classe.
D'un autre côté, on lui mesure chichement ses ressources. Le budget de l'éducation nationale a été porté à 350 milliards de francs - budgétairement - celui de la télévision publique se traîne péniblement à 12 milliards de francs ; et quand il s'agit de lui allouer deux milliards de francs supplémentaires pour compenser le manque à gagner dû à un moindre recours à la publicité, la représentation nationale doute elle-même de la pérennité de son effort et cherche une solution du côté de la taxation du Loto ou des télécommunications. Quel aveu ! Les générations futures jugeront sévèrement cette sous-estimation flagrante de l'importance essentielle que revêt l'outil télévisuel.
Ma conviction est que nous devons consentir un effort budgétaire en faveur de notre télévision bien plus considérable que celui qui nous est proposé. Ce n'est pas de 2,6 milliards de francs dont la télévision publique a besoin, mais de bien davantage.
Cet investissement serait judicieux, non seulement pour les raisons que je viens d'évoquer, mais aussi parce qu'il permettrait de préserver ou, plus exactement désormais, de rétablir un équilibre entre le pôle public et le pôle privé de notre système audiovisuel. La qualité et la fécondité de notre télévision dans son ensemble proviennent largement, à mon sens, de l'équilibre qui s'est institué entre ces deux pôles : la concurrence de TF 1, de M 6 et de Canal Plus engage France Télévision à se soucier grandement de son audience.
Réciproquement, l'existence d'un pôle public puissant, prétendant incarner la tradition, les ambitions et les valeurs de la télévision de service public incite les télévisions commerciales à démontrer qu'elles peuvent elles aussi, et peut-être mieux encore, s'acquitter de ces missions. Cette émulation tire l'ensemble de notre système audiovisuel vers le haut.
M. Michel Pelchat. Bravo !
M. Henri Weber. Mais la question du financement n'est pas tout. Celle du management, comme on dit, est, au moins aussi importante, à l'heure où le secteur de l'audiovisuel connaît une croissance forte, des innovations technologiques continues - on peut même parler de mutations technologiques répétées - et une compétition exacerbée entre opérateurs de dimension internationale.
Pendant que nous prenons notre temps pour légiférer, Murdoch arrive, introduit par TF 1, alors même qu'aucune réglementation n'existe encore dans le domaine de la diffusion télévisuelle par satellite. Dans ces conditions, nous avons besoin de véritables chefs d'entreprise, de professionnels confirmés à la tête de notre télévision publique, capables d'assurer l'adaptation et l'expansion de chacune de ses chaînes.
Je vois, pour ma part, une contradiction entre cet impératif industriel et le mode de désignation actuel des dirigeants de l'audiovisuel public.
La nomination des dirigeants par une haute autorité administrative indépendante était sans doute justifiée, voilà dix-sept ans, lorsque la télévision était un monopole public marqué par une forte tradition de sujétion au pouvoir. Pour promouvoir l'indépendance et le pluralisme des chaînes, sans doute était-il alors nécessaire de dessaissir l'Etat de son pouvoir de nomination des dirigeants.
Aujourd'hui, le paysage audiovisuel français a beaucoup changé : les chaînes commerciales privées dominent la scène médiatique, l'audience des chaînes publiques n'excède pas 40 %, et la principale d'entre elles, France 2, perd du terrain.
La sagesse voudrait que l'on dépasse les structures hybrides à l'origine d'effets pervers. Elle dicterait que l'instance de contrôle et de régulation contrôle et régule, et que ce soit l'actionnaire qui choisisse les dirigeants sur la base d'un contrat clair, comme il le fait dans toutes les autres entreprises du secteur public.
M. Michel Pelchat. Bravo !
M. Henri Weber. On nous dit que le Conseil constitutionnel s'y opposera, au nom du principe de non-régression des droits et des libertés publiques. Mais qu'en sera-t-il du progrès de ces droits si l'audiovisuel public se marginalise et si s'impose l'hégémonie absolue des chaînes commerciales ?
Madame la ministre, vous proposez à juste titre de porter de trois ans à cinq ans la durée du mandat des présidents de chaînes et de regrouper dans une holding unique les forces des quatre chaînes de télévision publique.
Il faut aussi trouver un mode de désignation des dirigeants de cette holding qui, certes, satisfasse le Conseil constitutionnel et le Conseil d'Etat, mais qui permette aussi l'essor de notre télévision publique.
De tout cela, nous reparlerons bientôt en détail, lors de la discussion de votre projet de loi. Je sais que vous êtes prête à nous le soumettre et que vous pouvez même adjoindre à votre projet de loi sur l'audiovisuel public un certain nombre de dispositions urgentes concernant l'audiovisuel privé.
Je forme le voeu que cette délibération intervienne au plus vite.
Madame la ministre, nous voterons votre budget de transition, en espérant que cette transition sera aussi brève que possible et que le budget que vous nous présenterez l'année prochaine, le budget pour l'an 2000 donc, traduira les dispositions d'une grande loi de réforme de notre système audiovisuel. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Maman.
M. André Maman. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis le début de la soirée, nos débats portent largement sur les difficultés de l'audiovisuel public. Nous discutons d'un budget assez ordinaire, alors que l'année 1999 ne sera pas, pour ce secteur, une année comme les autres. Avouez que cela est quelque peu paradoxal.
Tout se passe comme si de rien n'était. Pourtant, au cours des derniers jours, les choses ont beaucoup évolué. Le projet de loi a beau être reporté, sinon retiré, son ombre continue de planer sur ce budget. Je ne reviendrai pas sur ce point.
Par ailleurs, je souscris totalement aux propos que notre rapporteur spécial, M. Claude Belot, vient de tenir sur les orientations budgétaires pour 1999.
Je souhaite insister sur les conséquences du retrait de votre projet de loi, madame la ministre. La Commission européenne vient de saisir la Cour de justice des Communautés européennes d'un recours contre la France pour manquement à ses obligations de transposition de la directive Télévision sans frontières.
Cette saisine, disons-le clairement, équivaut à une sanction, sanction d'autant plus infamante que c'est la France qui est à l'origine de la révision de la directive. Vos hésitations, vos tergiversations vont conduire la France à être condamnée financièrement. Je ne reviendrai pas sur les griefs formulés par la Commission, vous les connaissez autant que moi.
Désormais, il vous faut rassurer la représentation nationale sur la suite des opérations. Allez-vous procéder à une transposition par décret, comme vous en avez la possibilité, et, par là même, tenir le Parlement à l'écart d'un sujet aussi important, qui consolide à bien des égards le service public ? Pouvez-vous nous donner l'assurance que l'Assemblée nationale et le Sénat auront à se prononcer sur la transposition de la directive ? Si telle est votre intention, vous les forcerez à légiférer sous la pression. Dès lors, vous ne vous étonnerez pas des critiques qui ne manqueront pas de s'exprimer sur votre méthode, qui est autant irresponsable qu'approximative.
Après ces remarques préliminaires mais néanmoins importantes, je souhaite axer mon intervention sur l'audiovisuel extérieur.
Image de la France à l'étranger, vecteur de notre identité culturelle, l'audiovisuel extérieur est un enjeu fondamental pour notre pays, pour la francophonie.
Je sais que ce domaine relève principalement des compétences de votre collègue, le ministre des affaires étrangères. Cependant, vous partagez avec lui certaines prérogatives.
Après une politique de remise à plat, l'audiovisuel extérieur s'organise progressivement. L'heure est à la rationalisation. J'approuve cette orientation.
Il était temps d'assainir la situation de Radio-France internationale. Une mesure nouvelle de 24,2 millions de francs devrait y contribuer. Cependant, s'il y a une logique à financer RFI par des crédits budgétaires, il est permis de se demander pourquoi ces crédits ne figurent pas au budget du ministère des affaires étrangères. Comment pouvez-vous assurer, dans les années qui viennent, la pérennisation du financement de cette radio ?
Nous sommes à peine sortis de la confusion autour de la nomination du président de RFI, et déjà plusieurs questions suscitent des inquiétudes. Comment la radio pourra-t-elle rivaliser avec la BBC, qui offre un service radiophonique en quarante-quatre langues, ou avec The Voice of America, qui diffuse en cinquante et une langues ? Où en est le projet de rapprochement entre les rédactions de TV5 et de RFI ?
A propos de TV5, je me réjouis que la chaîne internationale francophone se dote enfin d'une véritable stratégie en matière de programmes. Les difficultés ne sont pas pour autant résolues. Reçue par 90 millions de foyers dans 109 pays, TV5 doit désormais opérer une migration délicate de la télévision analogique vers le tout numérique. Comment éviter qu'elle ne soit reléguée dans des offres optionnelles payantes du câble et du satellite ?
Pour l'instant, je suis très attentif au développement de la chaîne francophone sur les bouquets-satellites américains, en particulier, sur Direct TV. L'enjeu est considérable. Ce sont entre 600 et 1 500 heures de programmes français qui pourront être diffusées sur un marché réputé être le plus difficile du monde et où s'affrontent déjà plus de 350 chaînes.
Pour assurer et promouvoir notre identité culturelle dans le monde, il faut, dès à présent, profiter des résistances qui s'exercent, de plus en plus, sur les exportations de produits télévisés américains. Nous sommes, à l'heure actuelle, le cinquième exportateur mondial de programmes. Les exportations, les coproductions et les ventes de droits représentent 1,3 milliard de francs. La marge de progression est encore importante.
Vous savez, madame la ministre, que le Sénat est très attaché au renforcement de la culture et de la langue françaises dans le monde. Il a été à l'origine d'une mesure visant à annexer au projet de loi de finances un document retraçant les crédits de toute nature qui concourent au fonctionnement des opérateurs intervenant dans le domaine de l'action audiovisuelle extérieure. Si les développements consacrés à l'audiovisuel extérieur se sont enrichis, il n'en demeure pas moins que notre langue, nos programmes et nos créations ne sont pas suffisamment présents dans la plupart des médias.
Les rêves francophones, dont parlait M. le Président de la République en 1995 à Cotonou, ne sont toujours pas devenus réalité. Vous avez, madame la ministre, un rôle important à jouer. Nous sommes prêts à vous y aider. (MM. les rapporteurs applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily. Les crédits que nous examinons ce jour revêtent une importance toute particulière pour notre démocartie. En acceptant de consacrer à la communication une part de ses recettes, l'Etat prouve son attachement à la liberté d'expression et à la libre circulation des idées.
La presse écrite comme la presse audiovisuelle constituent en effet de formidables vecteurs de talents culturels, éducatifs ou politiques.
Les objectifs sont multiples : faire découvrir, informer, divertir, enseigner. Notre mission est de donner à l'Etat les moyens afin qu'ils puissent être atteints.
Madame la ministre, représentant d'un département d'outre-mer, je m'attacherai à vous faire connaître mon sentiment quant à l'organisation, la gestion, le financement et le développement stratégique de l'audiovisuel public ultra-marin, c'est-à-dire RFO.
Dans le cadre de ses missions de service public, RFO poursuit deux objectifs essentiels. Le premier vise à assurer la continuité territoriale entre la métropole et l'outre-mer, en tentant, grâce à l'image et à la voix, de réduire les distances qui nous séparent. Le second consiste à préserver et valoriser l'identité régionale de populations riches de leurs différences.
Malheureusement, aucun de ces objectifs n'est aujourd'hui satisfaisant. Plus grave encore, en tentant sans succès d'atteindre le premier, on a négligé le second.
Pour ce qui concerne la continuité territoriale, les enjeux sont simples. Il s'agit d'offrir aux Français d'outre-mer des programmes identiques à ceux qui sont diffusés en métropole.
Le développement des technolgies nouvelles - je pense en particulier aux progrès accomplis en matière de transmission par satellite - permet d'assurer sans aucune difficulté la diffusion outre-mer de l'ensemble des émissions reçues sur le territoire métropolitain.
Rien ne s'oppose, en effet, à ce qu'un même faisceau véhicule l'ensemble des émissions hertziennes qui sont diffusées sur le territoire national.
Nous sommes aujourd'hui bien loin de cet objectif. Avant d'être diffusés outre-mer, les programmes de France 2 et de France 3 sont en effet acheminés vers les stations locales de RFO, où le personnel se charge de les analyser, puis de les reformater et, enfin, les monter.
Un tel procédé nécessite des investissements considérables, tant en hommes qu'en matériels, qui se traduisent par une absorption démesurée des crédits budgétaires allouées à RFO.
A l'inverse, une stricte retransmission satellitaire quasi automatisée libérerait RFO des contraintes financières que je viens d'évoquer et permettrait, grâce aux économies réalisées, d'assurer un redéploiement des personnels et des moyens qui pourraient dès lors se consacrer pleinement au second objectif assigné à la télévision publique ultra-marine : la préservation de l'identité régionale.
Il n'est nullement besoin de démontrer l'importance de cet aspect spécifique à l'outre-mer.
Qui, en effet - pour prendre un exemple plus parlant pour certains d'entre nous - songerait à remettre en cause la présence de programmes régionaux sur France 3 ?
Chacun comprendra dès lors que, si la création de stations régionales en France métropolitaine s'est avérée nécessaire, ce besoin se révèle d'autant plus pressant pour l'outre-mer que la divergence des attentes culturelles, sociologiques et politiques de ces collectivités avec les données nationales y est bien plus forte que dans les régions métropolitaines.
Il s'agit donc de donner à RFO les moyens d'assurer la production de ses propres émissions, de l'autoriser à procéder à l'achat de programmes francophones en vue de leur diffusion outre-mer et de favoriser le développement d'échanges avec les chaînes de télévisions de bassins. RFO pourrait être le transporteur des programmes nationaux en faveur des opérateurs de télévision locales privées.
Madame la ministre, mon souhait n'est pas d'anticiper sur la réforme que vous nous présenterez prochainement, mais je souhaiterais faire savoir au Gouvernement combien il me paraît indispensable que les collectivités locales soient pleinement associées à l'exercice de cette mission. Il s'agira notamment de prévoir que les présidents des assemblées régionales concernées siègent au conseil d'administration de RFO.
Je conclurai mon intervention en évoquant le cas de RFO-SAT dont les actions ne semblent absolument pas correspondre aux missions que chacun est en droit d'attendre du service public audiovisuel.
Qu'est-ce que RFO-SAT ? Il s'agit d'une création récente, dont le lancement fut décidé malgré l'absence d'enveloppe budgétaire spécifique. Malgré ce lourd handicap de départ, l'autorité administrative a donné son feu vert à ce projet, parce que son promoteur avait assuré qu'il serait réalisé à budget constant.
Cette réalisation, dont le coût de fonctionnement peut être évalué à 8 millions de francs, a donc été effectuée au détriment de RFO, qui, en conséquence, a vu une très large partie de ses ressources consacrée au développement de cette nouvelle chaîne.
Madame la ministre, je suis choqué que de tels moyens aient pu être mis en oeuvre au service d'une cause aussi accessoire et qui, de surcroît, s'inscrit en totale contradiction avec l'esprit même du service public.
RFO-SAT, qui, je le rappelle, a coûté 8 millions de francs lors de sa création et qui absorbe chaque année 10 millions de francs en frais de fonctionnement, ne diffuse que quatre heures de programmes par jour, et quels programmes !
Je prends pour exemple l'ensemble des émissions diffusées hier, vendredi 4 décembre : à vingt et une heures : une version expurgée du journal télévisé, JT, de la Réunion ; à vingt et une heures quinze : une version expurgée du JT de la Guadeloupe ; à vingt et une heures trente : quinze minutes du JT expurgé de la Guyane ; à vingt et une heures quarante-cinq : quinze minutes du JT expurgé de la Martinique ; de vingt-deux heures à zéro heure trente : quelques documentaires locaux à l'accent typique, puis, de zéro heure trente à une heure trente, la rediffusion des quatre journaux télévisés expurgés que je viens d'évoquer...
Reconnaissez avec moi que l'on ne saurait considérer de tels programmes comme dignes d'un service public de qualité, si tant est qu'il soit permis de parler de service public...
RFO-SAT est accessible soit grâce au câble, dont la gestion incombe essentiellement à des opérateurs privés comme la Lyonnaise des eaux, soit grâce au satellite via TPS ou CanalSatellite, qui sont également des opérateurs privés.
Cela signifie en clair qu'un téléspectateur qui souhaite recevoir RFO-SAT, chaîne du secteur public, doit, outre la redevance annuelle, verser mensuellement au moins 120 francs à l'un des opérateurs redistributeurs.
Cela signifie aussi que la vocation affichée de la chaîne, qui consiste à inverser la continuité territoriale en permettant aux ultramarins d'accéder en métropole à leurs programmes, n'est pas respectée.
On compte en effet environ 3 millions d'abonnés au câble ou au satellite. Parmi eux, combien sont originaires des DOM-TOM ?
Madame la ministre, il est encore temps de repenser RFO-SAT. S'agit-il d'une priorité de votre ministère ? Quels changements envisagez-vous de mettre en place ?
Les téléspectateurs d'outre-mer attendent beaucoup des réponses que vous leur ferez connaître, tant au sujet de RFO-SAT que pour ce qui concerne la continuité territoriale ou l'identité régionale. Madame la ministre, soyez, en tout cas, assurée de mon soutien.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à remercier tous les intervenants d'avoir participé à l'enrichissement de la réflexion qui est la mienne depuis maintenant quelques mois à propos, notamment, des aides à la presse écrite et du rôle de la presse écrite, qui est appelée à évoluer dans cette période de transformation et de mutations technologiques qui touchent tous les médias, que ce soit la presse ou la radio, mais également la télévision.
Presse écrite et audiovisuel sont des vecteurs fondamentaux de l'accès de tous au divertissement, à la vie sociale et au savoir. Ces deux médias constituent une condition essentielle à l'existence de notre démocratie.
L'Etat a la responsabilité de favoriser leur développement afin de contribuer à la richesse de la création et au pluralisme de l'information.
L'année 1999 verra deux avancées à ce titre.
La première est l'attribution des premières aides par le fonds de modernisation de la presse quotidienne et assimilée, qui viendra amplifier très sensiblement le volume des concours de l'Etat aux entreprises de presse et complétera la réforme des aides budgétaires qui a été engagée.
La seconde est l'examen du projet de loi sur l'audiovisuel public, qui affirmera la spécificité des missions de ce secteur, rendra plus cohérente son organisation et engagera une réforme de son financement.
S'agissant de la presse écrite, je commencerai par la modernisation des aides directes à la presse.
Dès mon entrée en fonctions, j'ai évoqué la nécessité d'une action résolue de soutien à la modernisation de la presse écrite.
Cette action s'est tout d'abord traduite par une adaptation de la nature des aides directes à la presse et par un renforcement très significatif des dotations qui leur sont allouées.
Les fonds destinés à soutenir la presse quotidienne nationale à faibles ressources publicitaires, les quotidiens régionaux à faibles ressources de petites annonces et la presse hebdomadaire régionale ont bénéficié d'une augmentation de 20 % des concours qui leur sont accordés.
La dotation de l'aide au portage, qui constitue une incitation déterminante au renforcement de la compétitivité du média presse, a été portée de 15 millions de francs à près de 50 millions de francs.
Nous avons effectivement transféré vers le portage une partie des crédits qui étaient liés aux aides téléphoniques. Pourquoi ? Parce que la chute des tarifs rendait ces aides moins indispensables, tandis qu'il était véritablement nécessaire de développer le portage pour pouvoir élargir le cercle des lecteurs. C'est notamment important pour les quotidiens nationaux alors que - pas la totalité - mais beaucoup de titres de la presse quotidienne régionale ont déjà fourni cet effort avec le succès que l'on sait.
On ne manque évidemment pas de nous faire remarquer que la diminution des aides destinées aux télécommunications devrait être assortie d'un nouveau dispositif en direction des nouvelles formes de liaisons.
J'y reviendrai dans un moment, car il est nécessaire de rappeler l'évolution des aides pour bien comprendre leur future orientation.
La dotation de l'aide au portage est devenue une véritable priorité. Je signale simplement au passage que le syndicat représentatif de la PQR a proposé d'en utiliser une partie pour financer l'aide aux liaisons numériques.
Cette suggestion, qui coïncide avec notre plein effort de développement du portage, est donc quelque peu contradictoire avec mon projet. Je l'ai fait observer au représentant principal de la PQR, qui fait partie de mes interlocuteurs, en lui disant que, si je ne suis nullement hostile à un examen de ces possibilités, je demande toutefois à connaître d'abord les chiffres.
En effet, on ne peut pas venir me dire, en pleine discussion budgétaire, qu'il faudrait changer la ventilation des aides à la presse, notamment les aides au portage, sans que je puisse connaître l'impact des dépenses que cela représente.
Nous pourrons, à condition d'agir dans la concertation, comme nous l'avons toujours fait, examiner en 1999 l'évolution de ces aides qui ont déjà été adaptées à deux reprises.
L'accroissement des moyens du fonds multimédia presse a d'ores et déjà permis la mise en oeuvre d'une trentaine de projets. Associés aux nouvelles modalités d'intervention arrêtées pour ce fonds, les crédits qui vous sont aujourd'hui proposés favoriseront notamment une présence renforcée de la presse française sur l'Internet.
Au total, les efforts d'adaptation ont porté sur les deux tiers des articles budgétaires correspondant à une aide directe à la presse. Les aides directes à la presse progressent de 2,6 % en 1999, hors abonnements de l'Etat à l'AFP, c'est-à-dire un rythme sensiblement supérieur aux dépenses de l'Etat prises globalement.
Je voudrais bien clairement traduire l'évolution des aides à la presse et expliquer ce qui a été présenté comme une diminution.
Hors AFP, la loi de finances initiale comportait, pour 1997, 249 millions de francs, pour 1998, 246 millions de francs, pour 1999, 253 millions de francs. Par conséquent, une augmentation a eu lieu entre l'année 1998 et l'année 1999 de 7 millions de francs : il s'agit des 2,6 % que j'ai évoqués.
Pourquoi y avait-il une différence entre le projet de budget pour 1997, que je n'ai pas présenté, et celui de 1998, que j'ai défendu devant vous ? C'est en raison de la réadaptation de la dépense à ce qui était considéré comme les aides normales du financement du transport SNCF. A la suite du débat difficile qui a eu lieu, les précédents gouvernements, dès 1992, n'ont plus ajusté les enveloppes budgétaires aux montants consommés, laissant s'accumuler une dette supérieure à 105 millions de francs, dette qui a été réduite à 45 millions de francs l'an dernier.
J'ai été amenée à rembourser cette dette, ce qui a été un réel handicap pour le projet de budget pour 1998. Nous avons débloqué 60 millions de francs en loi de finances rectificative. Ce faisant, nous avons fait un pas très important dans la politique de remboursement, qui sera poursuivie en 1999. Voilà pour la dette.
En revanche, nous avons voulu dénoncer la convention. En effet, il n'est pas justifié, selon moi, que la presse, par le biais des aides, finance tout simplement le fonctionnement de la société. Nous avons donc décidé de mettre les choses à plat et de bien vérifier comment s'organisaient ces dépenses. Voilà, je crois, une bonne façon de procéder.
J'en arrive au fonds de modernisation de la presse quotidienne.
Ce fonds sera désormais opérationnel d'ici à quelques jours. Les concours qu'il apportera prendront la forme soit de subventions, soit d'avances remboursables. Ils viendront financer des projets relatifs à l'adaptation de l'outil industriel, à la modernisation des moyens mis à la disposition des rédactions et le développement de moyens de distribution plus performants.
J'attends de ce fonds, dont la création, comme vous le savez, résulte de la rencontre d'une initiative parlementaire et de la préoccupation de ce Gouvernement d'assurer la pérennité de la presse écrite, qu'il joue un véritable effet de levier en faveur de la modernisation de la presse quotidienne d'information générale.
La création de ce fonds de modernisation et son ciblage ont été parfois critiqués. On a considéré en effet que la presse quotidienne d'information générale bénéficiait d'un peu trop de faveurs ! Pourtant, dans la perspective d'un débat démocratique, c'est elle qu'il nous faut soutenir. On ne comprendrait pas que le fonds de modernisation, moins nécessaire pour les magazines, serve largement à la presse spécialisée.
Nous estimons que cette priorité est conforme à la jurisprudence de notre pays, par rapport au rôle que joue la presse d'information générale, et à la nécessaire et rapide mutation à laquelle cette dernière se trouve confrontée alors qu'elle est relativement chère, que la capitalisation de ses titres n'est pas excellente. Certains titres risquent de passer progressivement - ce que nous observons déjà dans l'audiovisuel, mais j'y reviendrai - aux mains d'entreprises étrangères. Il nous faut donc donner à la presse d'information générale les moyens d'évoluer vite.
Le produit du prélèvement attendu pour l'année en cours ne sera pas conforme à la prévision contenue dans la loi de finances initiale pour 1998. Dès 1999 toutefois, les recettes du fonds enregistreront une forte progression. Leur montant devrait atteindre 200 millions de francs en 1999, contre 135 millions de francs, en 1998. Voilà pour ce qui concerne le produit.
J'en viens au décret fixant les règles de fonctionnement de ce fonds.
Sa non-parution n'est nullement due, comme je l'ai entendu dans une intervention, à un désaccord avec la presse. Au contraire, nous avons mené avec cette dernière une concertation longue et fructueuse sur la notion même de modernisation, sa définition, ses critères, et sur les différentes étapes des projets susceptibles de bénéficier du soutien de ce fonds.
Le Gouvernement a souhaité prendre toutes les garanties nécessaires en soumettant son projet de décret au Conseil d'Etat, qui l'a examiné dans les derniers jours de novembre et qui nous a fait parvenir son avis en fin de semaine. Comme vous le voyez, c'est tout récent, c'est même un scoop ! Rien ne s'oppose plus à ce que le décret paraisse avant la fin du mois de décembre, comme je m'y étais engagée, et à ce que les sommes recueillies soient distribuées. Nous respectons donc les délais que nous nous étions impartis à l'époque où ce fonds de modernisation a été créé.
J'en viens à l'Agence France-Presse.
Ces perspectives d'évolution de la presse écrite en 1999 seraient incomplètes si je n'abordais pas devant vous la question de la situation de l'AFP, l'Agence France-Presse. Chaque jour, celle-ci apporte une contribution essentielle au travail des rédactions de l'ensemble des organes d'information.
La mission d'audit que l'Etat a confiée à l'inspection générale des finances, avec l'accord de la direction de l'agence, a souligné les problèmes de compétitivité, les incertitudes stratégiques et les difficultés de gestion auxquels était confrontée cette dernière, en dépit de la compétence de son personnel et de la qualité de son outil de travail.
Dans le cadre de ce projet de loi de finances, l'augmentation de la subvention accordée par l'Etat à l'AFP traduit la volonté des pouvoirs publics de favoriser la mise en oeuvre des mesures susceptibles de permettre le redressement de l'agence et d'assurer la pérennité de son activité.
Dans une lettre adressée à son président, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, le ministre des affaires étrangères, le secrétaire d'Etat au budget et moi-même avons souligné les aspects de la gestion de l'AFP qui nous paraissaient devoir faire l'objet d'un traitement prioritaire.
Le projet de plan triennal, que la direction doit présenter dans de brefs délais, permettra de préciser les termes du débat sur l'avenir de l'AFP.
Nombreux sont, parmi vous, ceux qui ont fait part de leur préoccupation à propos du niveau de l'allocation prévue pour les journalistes dans le projet de loi de finances pour 1999. Je prends acte favorablement du vote intervenu à l'Assemblée nationale sur le collectif de fin d'année, qui a porté à 50 000 francs le montant de cette allocation. Vous avez évoqué cette question dans des termes légèrement différents mais j'ai cru pouvoir retenir qu'ils étaient plutôt favorables.
J'en viens à l'audiovisuel public.
L'année 1999 sera une année déterminante dans ce domaine.
En matière de relations sociales, tout d'abord, doivent aboutir en 1999 les négociations engagées sur la réforme des classifications, la prise en compte des spécificités de chaque entreprise et la réduction du temps de travail.
La convention collective pour l'audiovisuel remonte à 1984. Elle est devenue, pour une grande part, obsolète. Elle devient même, pour une partie des personnels, tout à fait contre-performante.
L'Association des employeurs de l'audiovisuel public avait la possibilité de dénoncer la convention. Le Gouvernement n'a pas voulu donner son aval à cette solution, brutale, qui aurait interrompu les négociations en cours. En outre, la convention, même dénoncée, serait restée en vigueur durant trois ans et demi et aurait donc conservé ses effets pervers.
La signature d'un protocole d'accord ouvrant la voie à la révision à tout moment de la convention collective ne constitue évidemment pas une garantie de bonne fin de cette modernisation. Mais, pour la première fois depuis 1984, elle en rend la perspective crédible.
L'année 1999 doit aussi être marquée par l'examen par le Parlement du projet de loi sur l'audiovisuel public et par la mise en place de la nouvelle organisation de la télévision publique qu'il prévoit.
Comme vous le savez, ce projet comporte trois éléments essentiels.
C'est d'abord la création d'un groupe des chaînes de télévision publiques. Cette création est destinée à unifier leurs efforts de développement et à renforcer leur capacité d'action.
C'est ensuite la mise en place de contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens - j'insiste sur ce dernier point - et j'y reviendrai - qui doit conférer, avec l'allongement du mandat des présidents, une plus grande prévisibilité à la stratégie et à la gestion des chaînes publiques de radio et de télévision, quelles qu'elles soient.
C'est enfin une réduction de la durée maximale des écrans publicitaires de douze à cinq minutes par heure glissante. Cette réduction permet de revenir à la nature de service public des chaînes de télévision, sans pour supprimer autant le contact avec le milieu économique « ordinaire » que représentent les annonceurs et les publicitaires, ce qui me paraît logique dans un contexte beaucoup plus concurrentiel et tourné vers l'industrie des programmes.
La réduction de la publicité permet aussi de mieux affirmer les missions des chaînes, de rendre leurs choix de programmation moins dépendants de la nécessité de dégager des recettes publicitaires et d'éviter ce qui a été présenté précédemment comme un travers, c'est-à-dire la détermination du programming par les annonceurs.
La baisse des recettes publicitaires et le coût des programmes venant en remplacement des écrans publicitaires doivent être intégralement compensés par les crédits budgétaires ouverts au budget général de l'Etat. C'était l'arbitrage du Premier ministre, au moment où il a présenté le projet de loi.
J'ai proposé que ces crédits budgétaires soient versés au compte d'affectation spéciale de la redevance, selon la règle existante de remboursement des exonérations, que le Gouvernement a décidé de faire figurer dans la loi.
On a parlé d'un coût de 2,5 milliards de francs ; le remboursement des exonérations dépasse ce montant de 100 millions de francs. Ainsi, ce sont 2,6 milliards de francs qui vont compenser à la fois la baisse des recettes publicitaires et le coût des programmes supplémentaires destinés à occuper les espaces laissés libres par la réduction des écrans publicitaires.
Comme je l'ai indiqué, j'irai jusqu'au bout de la réforme de l'audiovisuel public. Il ne s'agit pas d'une quelconque affaire de fierté personnelle. Je suis simplement persuadée que la réforme que j'ai présentée en conseil des ministres, complétée par les amendements gouvernementaux dont j'ai annoncé le dispositif ou le principe, avec l'accord du Premier ministre, est une bonne réforme, conforme à l'intérêt général et qu'il est urgent de la voter.
C'est une réforme ambitieuse et, comme telle, elle nécessite des décisions lourdes en termes de moyens, elle doit vaincre le scepticisme ainsi que les coalitions d'intérêts hétéroclites qui pèsent en faveur du statu quo , ou pire.
Vouloir renforcer les télévisions publiques, leur permettre d'affirmer une nouvelle identité éditoriale et prévenir l'accaparement par les chaînes commerciales des ressources libérées par la baisse des volumes publicitaires sur les chaînes de service public suscite nécessairement des oppositions.
Ma détermination n'est pas entamée, et je suis frappée aussi par le fait que, si la réforme telle qu'elle a été annoncée, suscite des inquiétudes, des demandes d'explication ou de modification, voire des oppositions parmi ceux qui se disent attachés au service public, aucune proposition alternative visant à renforcer l'organisation et le financement du service public n'a été véritablement présentée à ce jour.
Or il faut fixer un cap au service public audiovisuel. Sinon, il risque de dépérir au détriment du pluralisme de l'information et - j'insiste sur ce point - de la création. La ligne de la plus grande pente, assidûment suivie jusqu'à ce projet de réforme, est celle de la transformation des chaînes de service public en chaînes commerciales d'Etat.
C'est ce que j'ai constaté en prenant mes fonctions, puisque, notamment à France 2, les recettes publicitaires avaient largement dépassé la barre des 50 % du total des ressources. J'ai souhaité qu'on en revienne, en 1999, à ce seuil fatidique, dans l'attente, je le précise, du vote de la loi. Car il n'était pas imaginable que l'on puisse arrêter un budget des chaînes pour 1999 qui ne s'appuie pas sur le vote de la représentation nationale.
Sinon, mesdames, messieurs les sénateurs, vous auriez été les premiers à me dire : « Mais comment pouvez-vous proposer un budget en prévoyant une baisse drastique de la publicité ? Et comment ferez-vous après ? »
Il faut évidemment respecter la décision des parlementaires, car tout ce qui concerne les ressources publiques les regarde, qu'il s'agisse du taux de la redevance ou du montant des crédits budgétaires.
M. Michel Pelchat. Ou de leur répartition !
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Bien sûr !
Je sais que ce débat intéresse fortement les députés et les sénateurs. Il importe qu'il soit mené dans les meilleures conditions.
C'est la raison pour laquelle j'ai constaté la nécessité - et cela ne me dérange point - de modifier ce texte par des amendements qui concernent le secteur privé, car l'équilibre que nous recherchons entre audiovisuel public et audiovisuel privé est indispensable à la réussite de cette réforme.
Si les compléments concernant l'audiovisuel public prévoient à la fois la compensation par le système de versement de crédits budgétaires sur le compte d'affectation spéciale de la redevance - ce qui en fait une recette vertueuse et sûre, année après année - et le prélèvement sur le surcroît de ressources engendré par la réforme au profit des chaînes privées - prélèvement qui sera plus particulièrement destiné à conforter le développement de l'industrie des programmes - il est évidemment nécessaire, plusieurs orateurs l'ont souligné, de prévoir l'augmentation des ressources.
J'ai prévu que, en 1999 - puisque la loi doit s'appliquer en 2000 et que toutes ces mesures doivent donc trouver leur traduction dans le budget pour 2000 - tout en travaillant à l'élaboration des contrats d'objectifs et de moyens, nous réfléchirions à une évolution de la redevance - en tout cas, de son mode de prélèvement - telle qu'elle permette de financer le développement de l'audiovisuel public.
Je défends la redevance, car je crois qu'il s'agit d'une très bonne recette. C'est elle qui nous assure une progression des ressources de l'audiovisuel public. Que son mode de collecte évolue, qu'elle puisse être mensualisée, qu'elle soit éventuellement pensée différemment, soit ! L'essentiel est que cette ressource perdure. En outre, l'éventuel élargissement de l'assiette de la redevance peut encore apporter quelques centaines de millions de francs supplémentaires au budget des chaînes. Il importe également que le téléspectateur perçoive, sur l'écran, les effets de la réforme.
Nous savons que nous devons nous rapprocher de l'évolution des chaînes publiques européennes et trouver un meilleur équilibre avec les chaînes privées nationales. C'est important si l'on veut garantir l'avenir.
Or c'est bien ce dont il sera question dans les propositions qui seront faites par Mme Frédérique Bredin. Celle-ci a, en effet, en tant que députée, été chargée par M. le Premier ministre d'une mission qui couvrira le champ d'investigation que je viens d'évoquer.
Mme Pourtaud a fait plusieurs propositions en ce qui concerne l'évolution de la structure de redevance, en parlant d'une taxe de 0,5 % sur les télécommunications ou d'une taxe supplémentaire sur la publicité par une affectation aux télévisions locales. Cela donnerait lieu à la fois à une évolution des ressources et à un élargissement des bénéficiaires.
Les propositions de M. Pelchat, sans être identiques, correspondent au même souci : élargir les moyens à la disposition des chaînes et des radios publiques de façon à garantir l'avenir.
Ces différentes propositions seront intégrées à la discussion qui fera suite au travail que mène Mme Bredin, de manière à aboutir à des mesures qui pourront être inscrites dans les contrats d'objectifs et de moyens qui sont pluriannuels.
Je vous remercie, monsieur de Broissia, d'avoir parlé des « intégristes de l'annualité budgétaire ».
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Je confirme !
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Je ne cherche pas à rompre avec l'annualité budgétaire, d'autant qu'elle est constitutionnelle. Il reste qu'on ne peut laisser les entreprises sans une visibilité leur permettant de prévoir la modernisation technologique et le passage au numérique - vous en avez souligné la nécessité - et, en même temps, les moyens qui leurs sont nécessaires pour assurer les programmes.
J'ai pris mes fonctions après une année 1997 particulièrement noire, mesdames, messieurs les sénateurs : France 2 avait perdu 250 millions de francs de moyens budgétaires ; France 3, 300 millions de francs ; La Cinquième-Arte, 140 millions de francs.
Cette dernière, par exemple, au lieu de diffuser des programmes « frais », a dû faire de la rediffusion. Nous n'avons pas pu respecter l'accord avec nos partenaires allemands. De ce fait, ces derniers ont, en quelque sorte, thésaurisé ce qu'ils auraient mis dans les programmes si les Français avaient pu en mettre autant. La pénurie de programmes a ainsi entraîné un véritable effet de récession.
Or il s'agit d'un projet européen, et je rejoins tout ceux d'entre vous qui ont insisté sur la nécessité de développer à la fois la production de programmes et leur diffusion à l'extérieur de notre pays.
Je veux rompre avec cette logique un peu hypocrite qui veut que, d'un côté, on défende le service public et que, de l'autre, on empêche l'actionnaire d'engager les moyens nécessaires. Tout actionnaire responsable doit fournir à l'entreprise les moyens de produire.
Que reste-il si l'on retire les moyens pour les programmes ? Il reste des charges, et on les trouve évidemment trop lourdes. Or nous entrons dans une époque où, avec la multiplication des chaînes, avec le développement du numérique, il faut tout centrer sur les programmes, parce que c'est en fin de compte la seule chose qui intéresse les téléspectateurs.
Ainsi, le prélèvement prévu pour alimenter le compte de soutien à l'industrie cinématographique et à la production audiovisuelle, le COSIP, et fondé sur le surcroît de ressources dont bénéficient les opérateurs privés, servira aux programmes qui peuvent paraître les plus nécessaires aujourd'hui, à savoir les programmes éducatifs et les programmes pour la jeunesse.
Plusieurs sénateurs ont fait allusion à la violence à la télévision. Peut-être serait-il préférable, effectivement, de financer de bons programmes qui pourraient intéresser les jeunes. De même, nous devons apporter une aide au développement du multimédia. C'est la raison pour laquelle ces nouvelles recettes seront évidemment très utiles.
Le service public doit connaître son cap. Il doit donc avoir l'assurance de pouvoir disposer, de façon pérenne, du résultat de la collecte de la redevance, de la compensation budgétaire du montant total des exonérations et d'éventuelles nouvelles ressources. Il faut éviter, en effet, que les chaînes publiques ne deviennent des chaînes commerciales d'Etat, ce qui serait un prélude à la privatisation d'au moins l'une d'entre elles.
Si nous nous trouvions dans cette situation, ce serait un véritable naufrage de l'audiovisuel public. Dans Ecran total, M. Wolton, spécialiste des médias, dit que « les chaînes généralistes jouent, au fond, un rôle de rassemblement » - nous le pensons aussi - et qu'« elles surprennent parce qu'elles offrent ce que l'on n'attend pas ou ce qu'on ne cherche pas ».
Lorsqu'on disposera de chaînes généralistes et de chaînes thématiques, on regardera sur les chaînes thématiques le sport, la musique, le théâtre, le cinéma ou d'autres programmes. La chaîne généraliste devra être plus créative et diffuser, par exemple, des émissions qui conviennent à des moments de rencontres familiales ou destinées à être regardées seul, et des grands événements qui ont une valeur populaire, sans que ce terme soit méprisant.
Il convient donc de revoir la conception des chaînes généralistes, sous peine de voir se poursuivre la baisse du taux d'audience. C'est un enjeu considérable et il faut évidemment que nous y travaillions.
Les missions de service public sont rappelées dans la loi - j'envisage de les compléter quelque peu pour répondre à un certain nombre de questions posées - mais il est clair que c'est surtout le cahier des charges et le projet des entreprises que sont les différentes sociétés de télévision qui traduiront cet engagement, cette évolution et cette complémentarité.
Avec cette réforme, je veux éviter que les chaînes publiques ne se gênent elles-mêmes, car, aujourd'hui, elles sont concurrentes entre elles. Si l'on veut que le financement et la stratégie du développement soient efficaces, il faut empêcher cet effet de concurrence. Les chaînes publiques doivent savoir où elles vont. Mais elles doivent respecter les obligations qui leur sont fixées eu égard à leurs missions ; je pense en particulier à ce que disait M. Othily.
Je souhaite, personnellement, que RFO fasse partie du groupe des télévisions publiques. On ne pourrait pas comprendre, en effet, quelle fasse l'objet d'un traitement différencié et en soit exclue.
Je suis également attachée à ce que les programmes qui sont diffusés sur les écrans des chaînes dites « nationales » - France 2, France 3 et les autres - soient le reflet de la réalité de notre société. Je l'ai dit, d'ailleurs, lorsque j'étais en Guadeloupe : je le redirai en me rendant à la Réunion. Nous célébrons, cette année, l'abolition de l'esclavage. Il faut nous souvenir que la conquête des droits a été utile pour tous. Le fait de ne pas voir la réalité de notre société à l'écran empêche de comprendre le monde dans lequel nous vivons. La façon de présenter nos quartiers au Journal télévisé, avec les problèmes qu'ils peuvent poser, contribue également à ne pas comprendre nos villes ; je m'adresse à M. Diligent, qui connaît bien cette question.
Par conséquent, la télévision joue un véritable rôle de lien social. C'est vraiment la deuxième école de la République ! Elle doit être un reflet de la société, mais pas uniquement cela ! Elle doit également être un point de rencontre de la société. C'est la raison pour laquelle il s'agit d'un enjeu considérable.
S'agissant du projet de loi de finances pour 1999, les ressources publiques progressent de 3,2 % ; les ressources propres n'augmentent, elles, que de 1,3 % ; c'est le chiffre prévisionnel de l'inflation.
Au-delà du projet de loi de finances pour 1999, sur lequel vous vous prononcerez, un amendement a été adopté dans la loi de finances rectificative ; il concerne la redistribution des excédents de 1997 dans le collectif budgétaire de 1998. Il s'agit de 121,5 millions de francs, qui sont répartis ainsi : 70 millions de francs pour France 3, 30 millions de francs pour France 2 et 21,5 millions de francs pour RFO, destinés à sa relocalisation. Ces sommes sont donc disponibles et seront versées en 1998.
Il s'agit d'un élément important, dès lors que certains d'entre vous ont marqué leur inquiétude par rapport à la baisse des ressources publicitaires, notamment de France 2 ou de France 3. Dans le cas de France 3, cette baisse est due en grande partie à la période de grève ; en ce qui concerne France 2, elle a commencé largement avant l'annonce de la réduction du temps de publicité à cinq minutes, inscrite dans le projet de loi. Les éventuels effets indirects complémentaires sont surtout liés aux problèmes de baisse d'audience de cette chaîne ; j'espère qu'elle ne va pas se prolonger.
Le projet de loi de finances pour 1999 traduit donc une double volonté : amorcer un rééquilibrage de la structure de financement de l'audiovisuel public dans le sens d'une part accrue des ressources publiques et renforcer les moyens du secteur public audiovisuel pour lui permettre de mieux remplir ses missions. C'est en cela, d'ailleurs, qu'il est cohérent avec le projet de loi que j'évoquais.
Le budget total de l'audiovisuel pour 1999 augmente plus fortement que le budget général de l'Etat. Dans un contexte de rigueur budgétaire, sa croissance souligne toute l'importance que le Gouvernement attache à l'existence d'un secteur public audiovisuel puissant et diversifié.
Le budget total du secteur public audiovisuel pour 1999 doit s'établir à un peu moins de 18,5 milliards de francs, soit une hausse de 2,6 % par rapport à la loi de finances pour 1998, qui était elle-même en progression de 3,3 % par rapport à la loi de finances pour 1997.
Après la reconstruction des moyens budgétaires de l'audiovisuel public en 1998, le Gouvernement a voulu donner au service public les moyens nécessaires à son développement, tout en limitant l'augmentation de la redevance à l'évolution prévisionnelle des prix, soit 1,2 %. La redevance n'augmente, par conséquent, que de 9 francs, passant de 735 à 744 francs pour un poste couleur.
L'augmentation des moyens des sociétés - 473,2 millions de francs - est principalement destinée à financer des mesures nouvelles, qui s'élèvent à 334,5 millions de francs, soit un volume double de celui de l'année en cours, notamment en direction des programmes. Ces mesures nouvelles sont donc principalement tournées vers les téléspectateurs.
France 2 obtient une mesure nouvelle de 158,2 millions de francs destinée au renforcement des investissements de la chaîne en matière d'information, l'une des missions essentielles qui lui est assignée, et de coproduction de fictions cinématographiques et audiovisuelles. Grâce à ces nouveaux moyens, France 2 pourra améliorer sa grille de programmes et restaurer son audience, qui connaît une baisse préoccupante.
Les recettes publicitaires et de parrainage de France 2 s'établissent à la moitié exactement de son budget prévisionnel. Pour la première fois depuis de nombreuses années - je vous remercie, madame Pourtaud, de l'avoir souligné - le montant des concours publics est fixé non pas comme le solde de prévisions volontaristes d'évolution des recettes publicitaires - ce qui était devenu le mode de calcul des recettes de France 2 - mais comme le socle de la croissance des ressources dont bénéficiera la chaîne.
France 3, dont le budget croîtra de 3,6 % en 1999, pourra, grâce à une mesure nouvelle de 68,1 millions de francs, lancer de nouveaux programmes régionaux, dont un hebdomadaire de vingt-six minutes dans chaque région.
Pour la SEPT-Arte, la plus grande partie de la mesure nouvelle de 36,9 millions de francs qui lui est accordée ira à l'enrichissement de l'antenne, notamment en avant-partie de soirée, et au financement d'une cinquantaine de documentaires supplémentaires.
La Cinquième consacrera la mesure nouvelle de 12,8 millions de francs qui lui est attribuée à de nouvelles implantations, notamment dans des lieux culturels, de la banque de programmes et de services, la BPS, et à l'amélioration de sa grille.
C'est également en vue de l'enrichissement de son antenne, par la production de programmes propres, qu'une mesure nouvelle de 10,3 millions de francs a été prévue pour RFO. Compte tenu du dérapage continu de ses charges d'exploitation depuis 1997, dont nous commençons aujourd'hui à appréhender toute l'ampleur, je suis au regret de devoir vous indiquer que cette mesure nouvelle sera utilisée à couvrir une part, au demeurant limitée, de ce dérapage. Il faudra en effet reprendre dans le projet d'entreprise, par un suivi beaucoup plus étroit, les moyens financiers et la gestion, de façon à favoriser l'évolution de cette société dans les meilleures conditions.
Avec une nouvelle mesure de 12,2 millions de francs, RFO devra conduire sa modernisation et renforcer ses programmes d'information à caractère généraliste, notamment sur France-Inter.
La mesure nouvelle attribuant 24,2 millions de francs à RFI lui permettra, notamment, de reconstituer son fonds de roulement mis à mal par des déficits d'exploitation successifs. Il est indispensable que ce fonds soit conservé par la société en cours de gestion, afin de permettre le retour à une situation financière assainie. Je répondrai maintenant aux différentes questions qui ont été posées par les orateurs.
En ce qui concerne les personnels des radios locales, je partage la préoccupation exprimée, notamment par M. Renar, qu'une succession de contrats à durée déterminée puisse être un facteur de précarisation des personnels. Les négociations en cours à Radio France ont précisément trait aux modalités d'intégration de ces personnels. Je tenais à vous apporter cette précision.
Une solution semble avoir été trouvée, et je m'en réjouis, au problème posé par la situation particulière des quatres cents animateurs de radios locales.
Sur le plan financier, une prime a été négociée permettant à ces personnels de compenser un plus faible taux d'augmentation de leurs rémunérations depuis trois ans par rapport à des catégories professionnelles comparables de Radio France.
Sur le plan de l'organisation professionnelle, un statut particulier est en cours d'établissement pour des personnels en faveur desquels les conclusions de la commission Michel permettraient de prévoir un emploi sous contrat à durée déterminée d'usage commun.
Enfin, les conditions d'intégration en tant que salariés permanents de ceux qui peuvent y prétendre seront celles qui sont prévues par la loi.
Mme Pourtaud, MM. Hugot et Diligent ont exprimé une inquiétude s'agissant de la transposition de la directive « Télévision sans frontière ».
Avant sa modification, cette directive a fait l'objet d'un fort investissement de la France en 1989. Mesdames, messieurs les sénateurs, la question de la transposition n'est pas nouvelle. Lors de mon entrée en fonctions, nous étions déjà sous la pression de la Commission. Nous avons fait valoir l'élaboration d'un nouveau projet de loi, mais la Commission a maintenu la fin de l'année 1998 comme date-butoir.
Si la date du 2 décembre 1998 pour engager la saisine de la Cour de justice est confirmée - je ne le sais pas encore, faute d'avoir reçu moi-même la notification - cette saisine a eu lieu avant mon annonce du report de l'examen du projet de loi devant la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale. Cette saisine est la règle, si la Commission veut prendre sa décision en fonction de cette date-butoir.
Si l'on peut regretter que la France ait pris ce temps pour se mettre en conformité avec la directive, il n'en demeure pas moins que nous ne saurions engager des réformes sans prendre en compte l'ensemble du secteur et les nécessités d'adaptation, tant par rapport à la réglementation satellitaire et au câble, que par rapport aux équilibres nécessaires entre le public et le privé.
Telle est bien notre intention. Soyez rassurés : les dispositions figurant dans le projet de loi que j'allais présenter devant l'Assemblée nationale incluaient les principaux articles liés à la transposition de la directive.
MM. Weber et Diligent ont beaucoup insisté sur la nécessité de traiter ensemble le secteur public et le secteur privé. Dans la mesure où nous vivons dans un monde concurrentiel, il faut pouvoir avoir une vision de l'équilibre prenant en compte l'aspect financier, l'organisation, la puissance des entreprises - leur accès aux programmes, aux marchés national, européen et international - et assurer que cet équilibre tient.
Pour ma part, je considère que l'équilibre avec le secteur privé exige, d'abord, un renforcement du service public. Si l'on se contente de mesures législatives, certes nécessaires, sans donner au secteur public les moyens de son développement, on se condamne à un résultat insatisfaisant.
La seconde mesure consiste bien évidemment à apporter des réponses en matière de concentration mais aussi de séparation des intérêts liés à la fois aux marchés publics et aux enjeux économiques qui seraient différents de ceux de l'outil d'information qu'est la télévision.
Par conséquent, ces questions sont à l'ordre du jour. Je les ai d'ailleurs évoquées dans la communication que j'ai faite au Gouvernement à la fin du mois de janvier. Ces dispositions me paraissent utiles et nécessaires.
M. Weber a rappelé la modification du paysage audiviosuel français, qui n'est pas encore complètement achevée. Je pense notamment à l'accord que TF 1 passerait avec le groupe de M. Murdoch. L'Italie s'est élevée avec force contre le projet d'entrée de ce groupe dans l'audiovisuel italien ; l'Allemagne y est également hostile pour ce qui la concerne et on ne peut pas dire que la France, de son côté, y soit réellement favorable.
En effet, n'oublions pas que M. Murdoch non seulement s'en est pris, tout récemment, à Birmingham, au service public mais qu'il a également combattu de manière virulente l'exception culturelle et les acquis du GATT.
M. Murdoch veut donc pénétrer le marché européen audiovisuel car ce dernier représente 40 % du marché mondial, soit l'équivalent de celui des Etats-Unis, d'autant plus que des profits sont maintenant limités dans les pays où il a développé ses activités.
Cette question est évidemment très importante. Elle suppose que nous puissions traiter avec prudence notamment de l'évolution de TPS puisque le projet vise à associer à TF1 d'autres chaînes. France Télécom et France Télévision sont actionnaires de TPS. Par conséquent, ce projet concerne l'ensemble des actionnaires, y compris ceux qui sont plus ou moins liés au secteur public audiovisuel, comme France Télécom.
Ce projet peut avoir des conséquences sur l'évolution du paysage satellitaire et susciter des interrogations, ainsi que j'ai pu le lire dans la presse, de la part des responsables d'autres chaînes privées. Il faut donc bien réfléchir à l'évolution du secteur public et du secteur privé.
Le projet de loi sur l'audiovisuel public que je vous proposerai, auquel pourra s'ajouter d'autres mesures, si la représentation parlementaire en est d'accord ou si elle le propose, permettra de parvenir à cet équilibre et de doter notre pays d'un dispositif législatif qui m'a toujours paru absolument indispensable depuis que je me suis attelée à cette réforme.
Il faut y ajouter bien évidemment un autre aspect qui est celui de la participation des téléspectateurs. A cet égard, je proposerai, au nom du Gouvernement, si le Premier ministre en est d'accord, une initiative. Dans la mesure où la télévision est faite pour les téléspectateurs, pourquoi ne pas les y associer ? Il ne faut pas que seul l'audimat prévale. L'avis ou les suggestions des téléspectateurs sont également importants.
J'ai donc souhaité que les chaînes télévisées et les radios publiques disposent d'un médiateur : c'est un premier pas. Une telle institution n'existait pas. Il était donc indispensable que soit créé ce relais, ce contact permettant à ceux qui veulent s'exprimer de le faire au-delà des émissions qui leur donnent la parole.
S'agissant de RFI, M. Pelchat ne se trompe pas en rappelant que ses crédits diminuent en apparence de 1,2 % en 1999. En réalité, cette baisse est la traduction de l'économie que réalisera RFI l'an prochain en raison de l'arrêt d'une partie de la diffusion de ses émissions en ondes courtes. Un problème se pose d'ailleurs car cette technique de diffusion permettait de couvrir des territoires situés au-delà des frontières françaises, mais proches à l'échelle internationale. Cette économie s'élèvera à 41 millions de francs et entraînera une réduction équivalente de crédits publics.
En revanche, je voudrais vous rassurer, mesdames et messieurs les sénateurs, sur la situation financière de RFI. Une mesure nouvelle de 24,2 millions de francs est prévue, je le rappelle, en sa faveur pour lui permettre de reconduire son activité et de reconstituer un fonds de roulement qui avait été gravement détérioré à la suite des arbitrages budgétaires rendus notamment dans les lois de finances jusqu'en 1997.
La formation, qui constitue le dernier point que j'aborderai, est l'une de mes préoccupations.
Le rapport Salles a dressé un état des lieux, moyennant quoi, lorsque nous avons souhaité inciter les écoles de journalistes à se constituer en réseau, nous nous sommes heurtés à certaines difficultés. Nous restons en contact tant avec les initiateurs d'un renouvellemnt du CFPJ qu'avec l'ensemble des responsables des écoles. Je crois en effet que si nous voulons avoir des professionnels qui soient eux-mêmes garants du pluralisme et de la qualité de l'information, nous devons avoir des écoles performantes. Mais, comme vous l'avez constaté vous-même, le budget de la communication que j'ai eu l'honneur de vous présenter ne comporte pas de ligne consacrée à de telles subventions.
Il ne contribue donc pas directement au financement des structures de formation initiale ou de formation continue. Tel est le constat que nous avons fait lorsque nous avons cherché des solutions susceptibles d'être apportées au problème du CFPJ.
Je conclurai mon propos en remerciant MM. les sénateurs de leurs interventions et des encouragements qu'ils m'ont prodigués pour la suite de mes réflexions. Voilà qui me permettra de revenir le plus rapidement possible devant vous pour approfondir l'évolution du service public audiovisuel et les quelques mesures complémentaires concernant la régulation du secteur privé. (Applaudissements.)
M. le président. Nous allons maintenant examiner les lignes 44 et 45 de l'état E annexé à l'article 59, puis l'article 63.

Ligne 44 de l'état E