Séance du 7 décembre 1998







M. le président. « Art. 64 A. _ Le code général des impôts est ainsi modifié :
« 1° Au dernier alinéa de l'article 163 vicies du code général des impôts, la référence : "238 bis HA" est remplacée par la référence : "163 tervicies " ;
« 2° L'article 163 tervicies est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Elles sont applicables aux investissements réalisés jusqu'au 31 décembre 2002 » ;
« 3° A la fin du premier alinéa du 1 de l'article 199 undecies , l'année : "2001" est remplacée par l'année : "2002" ;
« 4° Dans l'avant-dernier alinéa du V de l'article 217 undecies , les mots : "jusqu'au 31 décembre 2001" sont remplacés par les mots : "aux investissements réalisés ou aux souscriptions versées jusqu'au 31 décembre 2002". »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° II-105, M. Marini, au nom de la commission, propose :
« I. - A la fin du texte présenté par le 2° de cet article pour compléter l'article 163 tervicies du code général des impôts, de remplacer le millésime : « 2002 » par le millésime : « 2005 ».
« II. - A la fin du 3° de cet article, de remplacer le millésime : « 2002 » par le millésime : « 2005 ».
« III. - A la fin du 4° de cet article, de remplacer le millésime : « 2002 » par le millésime : « 2005 ».
« IV. - Pour compenser la perte de recettes résultant des I à III ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la prorogation des dispositifs prévus aux articles 163 tervicies, 199 undecies et 217 undecies est compensée par la majoration, à due concurrence, des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
V. - En conséquence, de faire précéder le début de cet article de la mention : « I. - ».
Par amendement n° II-78, M. Flosse propose :
I. - Dans le second alinéa du 2° de l'article 64 A, de remplacer le millésime : « 2002 » par le millésime : « 2005 ».
II. - En conséquence,
1. A la fin du 3° du même article, de remplacer le millésime : « 2002 » par le millésime : « 2005 ».
2. A la fin du 4° du même article, de remplacer le millésime : « 2002 » par le millésime : « 2005 ».
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n° II-105.
M. Philippe Marini, repporteur général. Nous abordons une série de dispositions concernant les investissements outre-mer, en d'autres termes la loi Pons.
La commission des finances souhaite, par cet amendement, qu'un signal bien clair soit adressé aux investisseurs, de telle sorte que ceux qui opèrent dans le cadre de la loi Pons bénéficient d'une visibilité suffisante et de la sécurité juridique et fiscale indispensable.
Nous souhaitons, par cet amendement, que les mécanismes de la loi Pons soient applicables jusqu'en 2005. Lors de l'examen par l'Assemblée nationale, différentes échéances ont été prévues pour les divers dispositifs de la loi Pons, et ces échéances sont, selon les cas, soit 2002, soit 2005.
Lorsque la commission des finances de l'Assemblée nationale avait examiné cette question, elle voulait initialement proroger jusqu'en 2005 la possibilité de déduire le montant des investissements de l'impôt sur les sociétés, possibilité à laquelle la majorité de ses membres était favorable. Mais, en même temps, elle voulait limiter à 2002 la possibilité de déduire les investissements de l'impôt sur le revenu. En effet, conformément à la doctrine souvent développée de ce côté de notre hémicycle (M. le rapporteur général désigne les travées socialistes et celles du groupe communiste républicain et citoyen), la majorité de l'Assemblée nationale estime que cette possibilité doit disparaître, car il s'agit d'un avantage accordé à ceux qui, par définition, acquittent un impôt d'un montant suffisant pour que l'incitation fiscale produise son effet.
Mais, comme chacun le sait, mes chers collègues, on n'a pas encore trouvé comment remplacer cette imputation sur l'impôt sur le revenu par quelque dispositif que ce soit.
Il me semble que le Sénat doit, pour sa part, montrer son attachement au dispositif de la loi Pons, compte tenu de l'impact économique et social très important de celui-ci dans l'ensemble de l'outre-mer français.
Nous estimons que la loi Pons est un tout et qu'il est préférable de fixer une même date d'échéance pour l'ensemble du dispositif, soit 2005.
Au demeurant, nous ne comprenons toujours pas en vertu de quelle analyse, sinon idéologique, l'Assemblée nationale veut supprimer à terme un dispositif qui représente plus de 80 % des investissements réalisés dans le cadre de la loi Pons, autrement dit le mécanisme permettant d'imputer le montant des investissements sur l'assiette de l'impôt sur le revenu.
Supprimer un tel mécanisme reviendrait à terme, c'est bien clair, à supprimer l'élément le plus efficace de la loi, celui qui est le mieux à même de produire des investissements et de l'emploi dans les départements et territoires d'outre-mer ainsi que dans les collectivités territoriales à statut spécifique de la République.
Mes chers collègues, compte tenu de l'importance de cette prise de position, la commission des finances vous invitera tout à l'heure à bien vouloir adopter cet amendement par scrutin public. (M. Gaston Flosse applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Flosse, pour défendre l'amendement n° II-78.
M. Gaston Flosse. Comme je l'avais annoncé lors de l'examen, ici même, du projet de budget de l'outre-mer, j'ai déposé des amendements relatifs à la loi de défiscalisation des investissements outre-mer, dite loi Pons.
Chacun s'accorde désormais à dire que ce dispositif est indispensable au développement de l'outre-mer. J'espère, monsieur le secrétaire d'Etat, que c'est aussi votre opinion.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Absolument !
M. Gaston Flosse. En tout état de cause, en attendant une éventuelle réforme ambitieuse, j'ai souhaité, avec la commission des finances, rétablir l'efficacité de la loi sur deux points.
Le premier concerne la libre interprétation qui est faite par la direction générale des impôts du terme « subvention » depuis qu'une modification de la loi est intervenue, l'année dernière, pour retirer les subventions de la base défiscalisable. La direction générale des impôts étend ce terme à tous les dispositifs d'incitation fiscale que les autorités des départements et territoires d'outre-mer peuvent mettre en place.
En Polynésie française, cette interprétation restrictive est particulièrement néfaste, car la décision d'investir dans un hôtel aux conditions économiques qui règnent chez nous dépend du cumul des aides. Or l'accroissement de notre capacité d'accueil hôtelier est l'élément essentiel de notre programme de développement de l'après-CEP.
L'autre point concerne les concessions de service public. Peut-être n'en avez-vous pas conscience, monsieur le secrétaire d'Etat, mais l'outre-mer pâtit d'un retard d'infrastructures. Pour financer ces dernières, il faudrait une augmentation considérable des investissements publics, donc de l'argent des contribuables si nous ne pouvons utiliser pleinement le dispositif de concession de service public.
Or la direction générale des impôts nous objecte que les routes, ponts, aéroports ou ports ne seraient pas éligibles. Il convient donc de préciser qu'ils le sont.
Enfin, considérant, comme M. Migaud, notre collègue député, que les investisseurs ont besoin d'une visibilité suffisante pour préparer et lancer leurs projets, je souhaite rétablir le terme de 2005, qui me paraît mieux répondre à nos préoccupations que celui de 2002 que vous aviez fait voter par l'Assemblée nationale.
Telles sont, monsieur le secrétaire d'Etat, les raisons de mes propositions sur lequelles je souhaite, bien sûr, que vous vous prononciez favorablement, ce dont je vous remercie.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° II-78 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission est, bien sûr, favorable à l'amendement n° II-78, puisqu'il est identique, au gage près, à celui qu'elle a déposé.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s II-105 et II-78 ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Nous abordons, comme M. le rapporteur général et M. Flosse l'ont fort bien dit, le débat sur la loi Pons.
Je voudrais dire très clairement, au nom du Gouvernement, que l'investissement économique dans les départements et territoires d'outre-mer a besoin d'être soutenu par des incitations fiscales. C'est un point qui n'est pas en débat !
Une question demeure toutefois : il s'agit de faire en sorte - et c'est cette réflexion qu'ont menée l'an dernier le Gouvernement et la commission des finances de l'Assemblée nationale - que la loi Pons, favorable au développement économique grâce à l'agrément de certains projets, ne soit pas un moyen commode d'évasion fiscale.
M. Migaud, que vous avez cité, a rédigé un rapport important sur ce sujet et c'est sur cette base qu'un certain nombre de propositions ont été examinées en première lecture à l'Assemblée nationale.
Pour l'instant, je ne commenterai pas vos deux autres amendements - dans le souci de faire gagner du temps à la Haute Assemblée, vous avez présenté également les amendements n°s II-79 et II-80 rectifié -, et je m'en tiendrai à l'amendement n° II-78, qui est identique, au gage près, à celui que M. Marini a déposé au nom de la commission des finances.
Les investisseurs ont besoin d'horizon, c'est certain ; en même temps, le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, mon collègue Jean-Jack Queyranne, a décidé, à la demande des élus, de mettre en chantier une loi d'orientation sur les départements d'outre-mer. C'est pourquoi, dans un premier temps, le Gouvernement avait considéré que l'horizon de la fin 2001 était suffisant et permettait d'attendre le vote du texte de M. Queyranne. Mais il s'est ensuite laissé convaincre par l'Assemblée nationale et il a accepté de repousser ce délai jusqu'au 31 décembre 2002.
Aujourd'hui, nous sommes parvenus, je crois, à un bon compromis. Cela ne signifie absolument pas qu'en 2002 tout va disparaître, mais qu'à cette date on tiendra compte de la loi d'orientation sur les départements et territoires d'outre-mer, qui aura été votée entre temps, ainsi que du bilan de l'application de la mesure qui aura été établi en termes de développement économique et d'emploi. Or il s'agit bien des critères essentiels sur lesquels le Gouvernement entend mettre l'accent !
Je m'en tiens donc à l'échéance du 31 décembre 2002, qui me paraît bonne et du point de vue de la réflexion politique d'ensemble et pour les investisseurs.
En conséquence, je demande à M. le rapporteur général et à M. Flosse de bien vouloir retirer leur amendement ; sinon, je serai obligé, au nom des arguments que j'ai développés de demander leur rejet.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-105.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je crois utile de rappeler que le dispositif de soutien aux investissements des particuliers dans les départements d'outre-mer avait nécessité, l'an passé, un recentrage de ses dispositions fondamentales, recentrage lié à l'existence d'abus manifestes et d'optimisations fiscales sans effets positifs sur l'emploi et le développement des territoires concernés.
Le présent article 64 A nous invite à prolonger jusqu'en 2002 ce dispositif, en vue, sans doute, le moment venu, de faire le point quant à son efficacité réelle en termes, d'une part, de dépenses fiscales et, d'autre part, de progrès économique et social.
On peut en effet, sans trop s'avancer, prétendre que nous sommes aujourd'hui placés dans le contexte d'une réflexion plus globale sur le financement de l'activité économique des départements d'outre-mer, le tout étant en l'occurrence de savoir si cette activité doit être soutenue au travers d'incitations fiscales ou au travers d'un accès plus réel au crédit pour les entreprises locales.
La commission des finances du Sénat et notre collègue Gaston Flosse, élu de la Polynésie française, nous invitent à laisser perdurer le dispositif jusqu'en 2005, alors même que nous pouvons estimer que, dès 2002, comme vient de le dire M. le secrétaire d'Etat, nous serons en situation de proposer une alternative crédible au dispositif Pons.
Ce débat pose, en fait, quelques questions fondamentales, que nous avons déjà soulevées.
La première est de savoir dans quelle mesure notre pays peut, notamment dans le cadre de l'Union européenne, disposer de la possibilité d'opter pour un régime d'aides directes à l'activité au lieu du régime d'incitation fiscale et éventuellement sociale.
La deuxième vise à se demander si le risque pris par l'investisseur outre-mer doit être systématiquement annulé par une sorte de socialisation des pertes en capital éventuellement supportées par un investisseur.
Par exemple, on peut se demander si la rentabilité d'un investissement touristique est nécessairement assurée, de même que celle de l'investissement résultant de la construction d'une centrale à béton, par exemple, dès lors que les procédures éventuelles d'agrément n'ont pas été suffisamment menées à leur terme ou que l'étude d'impact économique a pu enjoliver la situation.
On doit en effet constater des difficultés à valider un investissement touristique outre-mer, notamment dans les Antilles, où existe une concurrence sévère d'autres pays aux infrastructures plus opérationnelles.
Mais la question demeure posée : le risque pris par l'investisseur doit-il effectivement être supporté par la collectivité, au travers de la défiscalisation ?
C'est là, d'ailleurs, l'une des contradictions majeures de certains penseurs libéraux qui dénient à l'Etat le droit d'intervenir dans l'économie, mais l'encouragent à venir, sur ses deniers, au secours des investisseurs privés.
Nous pensons réellement qu'il faut sortir du dispositif Pons, dont le coût est d'ailleurs singulièrement élevé au regard de la réalité de ses apports en termes d'emploi et de développement.
Nous devrions mettre à profit les années 1999 à 2002 pour forger l'outil de remplacement, mais, de grâce, ne prévoyons pas de délai supplémentaire !
Nous ne voterons donc pas ces deux amendements déposés par la commission et par notre collègue Gaston Flosse.
M. Gaston Flosse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Flosse.
M. Gaston Flosse. Je veux avant tout remercier M. le secrétaire d'Etat de son intervention : il vient de nous indiquer que le Gouvernement est tout à fait favorable à la loi Pons, et nous l'en remercions.
Effectivement, aucun investissement ne peut se faire outre-mer sans cette loi de défiscalisation, qui est indispensable pour nous. Peut-être les départements d'outre-mer peuvent-ils s'en passer, mais ce n'est pas le cas des territoires, et particulièrement de la Polynésie.
Cela étant, monsieur le secrétaire d'Etat, je n'arrive pas à m'expliquer le décalage qui existe entre les discours politiques qui sont tenus à l'Assemblée nationale et au Sénat en faveur de la loi Pons - et auxquels j'applaudis - et l'attitude de vos services, qui bloquent et rejettent nos projets.
Vous avez ainsi en ce moment sur votre bureau quatre projets de construction d'hôtel, mais ils ont été rejetés au motif que la construction d'un hôtel ne contribuerait pas au développement de la Polynésie. Si le tourisme, et donc l'hôtellerie, ne contribuent pas au développement économique de la Polynésie, qui peut le faire ? Je suis donc quelque peu choqué devant ces attitudes différentes, l'une dans le discours, qui est parfait et que je soutiens pleinement, l'autre dans l'application, qui est à l'opposé et qui aboutit au rejet. J'espère, monsieur le secrétaire d'Etat, que les dossiers qui demeurent en suspens sur votre bureau seront examinés favorablement !
En ce moment, une délégation importante des forces vives de la Polynésie française, comprenant le président du Conseil économique, social et culturel, des représentants des entreprises et des représentants syndicaux, est à Paris. Je les ai invités à venir également au Sénat plaider les intérêts de la Polynésie française : nous devons bénéficier pleinement de la loi de défiscalisation.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur Flosse, permettez-moi de vous dire très courtoisement qu'il est difficile d'aborder en séance publique des dossiers individuels qui sont couverts par le secret fiscal. Peut-être la situation est-elle, au demeurant, légèrement plus compliquée que celle que vous avez décrite !
Je répète, en tout cas, qu'il est clair que le critère numéro un, c'est l'emploi. Nous pourrions rediscuter de tout cela en tête à tête, si vous le souhaitez.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-105, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 47:

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 316
Majorité absolue des suffrages 159
Pour l'adoption 220
Contre 96

En conséquence, l'amendement n° II-78 n'a plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 64 A, ainsi modifié.

(L'article 64 A est adopté.)

Article 64 B