Séance du 8 décembre 1998







M. le président. Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° II-87, MM. Hérisson, Laffitte, Gérard Larcher et Trucy proposent d'insérer, après l'article 72, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A compter du 1er janvier 1999, France Télécom est assujettie dans les conditions de droit commun aux impositions directes locales perçues au profit des collectivités locales, des établissements et organismes divers.
« II. - Les pertes de recettes résultant des dispositions du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par un relèvement des droit prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° II-127, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose d'insérer, après l'article 69 quinquies, un article additionnel ainsi rédigé :
« A. - Le II de l'article 1635 sexies du code général des impôts est ainsi modifié :
« I. - Le 4° est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« S'agissant de la taxe professionnelle acquitée par France Télécom à compter du 1er janvier 2000, les taux applicables aux établissements de cette entreprise sont les taux appliqués pour l'année en cours par l'ensemble des collectivités locales, des groupements et des établissements et organismes divers habilités à percevoir le produit de la taxe professionnelle sur le territoire desquels ils sont implantés. »
« II. - Le même paragraphe est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 6° bis. A compter du 1er janvier 2000, le produit des cotisations afférentes à la taxe professionnelle acquittée par les établissements de France Télécom est, pour moitié, conservé par les collectivités locales, les groupements et les établissements et organismes divers habilités à percevoir le produit de la taxe professionnelle sur le territoire desquels ils sont implantés et, pour moitié, versé au Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle visé à l'article 1648 A bis. »
« B. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du A ci-dessus, les droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts sont relevés à due concurrence. »
Par amendement n° II-142, MM. Charasse et Angels, Mme Bergé-Lavigne, MM. Demerliat, Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne et Sergent, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 72, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A compter du 1er janvier 2000, la fiscalité locale de France Télécom est affectée au Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle, en sus du prélèvement déjà effectué, à raison d'un tiers en 2000, des deux tiers en 2001, de la totalité en 2002.
« II. - A compter du 1er janvier 2000, les dispositions du IV de l'article 6 de la loi n° 86-1317 du 30 décembre 1986 portant loi de finances pour 1987 ne s'appliquent qu'au montant réel des bases existantes à cette date, visées à l'article 1472 A bis du code général des impôts, et qui ont été retenues dans le calcul de la compensation versée en 1987.
« Toutefois, en 2000, la compensation de la perte de recettes entraînée par l'application de l'article 1472 A bis du code général des impôts conserve les deux tiers des bases précédemment prises en compte, et en 2001 le tiers.
« III. - Les collectivités locales qui enregistrent une perte au titre du II reçoivent une compensation versée par le Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle au titre du dispositif visé au 2° du II de l'article 1648 B du code général des impôts. »
Par amendement n° II-145, M. Mahéas propose d'insérer, après l'article 72, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A compter du 1er janvier 2000, le produit de la fiscalité directe locale acquittée par France Télécom est progressivement perçu selon les conditions de droit commun au profit des collectivités locales et des établissements publics de coopération intercommunale. La part revenant à l'Etat est réduite de 25 % chaque année jusqu'au 1er janvier 2004, date à laquelle France Télécom est assujettie au droit commun de la fiscalité locale.
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées par un relèvement des tarifs mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° II-87 est-il soutenu ?...
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n° II-127.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous retrouvons un débat bien connu mais que nous voulons absolument faire évoluer : je veux parler de la taxe professionnelle de France Télécom.
Tous les élus locaux sont manifestement favorables au transfert du produit de cette taxe professionnelle aux collectivités territoriales. A cet égard, deux propositions de loi existent : l'une a été déposée en 1997 au Sénat, sur l'initiative de notre excellent collègue, M. Jean-Paul Delevoye, président de l'Association des maires de France ; l'autre a été présentée en 1998 par plusieurs députés du groupe communiste de l'Assemblée nationale.
Ces propositions visent à rapprocher France Télécom du droit commun. Il faut d'ailleurs souligner que la société France Télécom elle-même demande ce rapprochement pour des raisons de bon fonctionnement de la concurrence à un moment où les collectivités territoriales vont être amenées à comparer les offres de différents opérateurs de téléphonie.
Toutefois, le passage au droit commun n'est pas simple et il ne doit pas être effectué brutalement. Il faut inscrire dans le budget de l'Etat les ressources qui correspondent à ce transfert. Selon la commission des finances, ce transfert ne saurait avoir lieu à l'intérieur de la masse globale de ressources déjà garantie aux collectivités territoriales.
En dehors de cet aspect purement budgétaire, il convient aussi de prendre en compte un certain nombre d'éléments.
Nous savons fort bien que toutes les communes ne bénéficient pas de l'implantation d'établissements de France Télécom. En effet, on dénombre quelque 15 000 communes, sur les 36 000 que compte notre pays, où sont implantés de tels établissements. Il faut donc veiller à un traitement équitable de cette question pour l'ensemble des communes de France.
On peut penser que, avec le développement de l'intercommunalité, cette question de l'équité perdra de son accuité, car, à mesure que se créeront des établissements publics intercommunaux intégrés, on constatera sans doute que France Télécom se trouve implantée dans la quasi-totalité des territoires faisant l'objet d'une organisation intercommunale.
Par ailleurs, nous savons que, aujourd'hui, une partie de la fiscalité spécifique de France Télécom, c'est-à-dire 1,7 milliard de francs en 1999, finance le Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle, le FNPTP. Si l'on passait directement et brutalement au droit commun, on réduirait d'autant les ressources du FNPTP, qui, je le rappelle, permettent en particulier de fournir les moyens nécessaires aux communes en difficulté financière et de financer la dotation de développement rural.
C'est pour l'ensemble de ces raisons que l'amendement de la commission des finances comporte deux volets.
En premier lieu, nous souhaitons que les établissements de France Télécom acquittent la taxe professionnelle dans les collectivités où ils sont situés et aux taux fixés par la commune, le groupement, le département et la région correspondant au lieu d'implantation.
En second lieu, nous souhaitons que le produit de la taxe professionnelle soit conservé pour moitié par les collectivités du lieu d'implantation - collectivités dont j'ai cité les différents niveaux - et pour moitié versé au FNPTP, qui est l'instrument de péréquation de droit commun.
Comme vous le savez, mes chers collègues, ce sujet a déjà été évoqué lors de l'examen de la première partie du présent projet de loi de finances, mais nous n'avons pu voter une disposition de cette nature car elle aurait excessivement dégradé le solde budgétaire. Cependant, une position de principe du Sénat en la matière paraît nécessaire pour que nous avancions sur ce problème que connaissent tous les élus locaux.
M. le président. La parole est à M. Charasse, pour défendre l'amendement n° II-142.
M. Michel Charasse. La question de la fiscalité locale de France Télécom est un vrai problème. Vrai problème pour l'Etat, puisque presque 5 milliards de francs sont en jeu ; vrai problème pour les collectivités locales, puisque la fiscalité locale, par définition, doit normalement revenir aux collectivités locales.
Lorsque France Télécom a été créé en 1990-1991, nous avions décidé, à l'époque, une cote mal taillée, comme je l'ai rappelé en première partie, en faisant en sorte qu'une partie de la ressource soit attribuée au Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle, l'essentiel restant perçu au profit de l'Etat. Nous vivons sous ce régime depuis l'origine de l'actuel France Télécom.
Tout le monde comprend que, sans vouloir pour autant mettre en péril les équilibres budgétaires de l'Etat, il faudra bien, un jour ou l'autre, sortir de l'ambiguïté, sortir de ce double régime qui fait que, aujourd'hui, France Télécom vit la concurrence et que, d'un côté, il y a France Télécom dont la fiscalité locale est perçue en partie au profit du Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle, l'autre partie au profit du budget de l'Etat, et, de l'autre, ses concurrents qui ont une fiscalité perçue exclusivement au profit des collectivités locales, selon le droit commun applicable à toutes les entreprises.
C'est dans cet esprit que la commission des finances, d'une part, comme M. Marini vient de l'exposer, le groupe socialiste, d'autre part, comme je suis en train de l'expliquer, ont essayé de dégager une solution.
La solution que nous proposons est différente de celle qu'a présentée M. le rapporteur général. En effet, contrairement à la sienne, la nôtre essaie de s'autogager. Par ailleurs, alors que M. le rapporteur général propose d'affecter 50 % de ces ressources aux collectivités sièges des établissements et 50 % au Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle, nous, nous proposons d'affecter la totalité en péréquation.
Nous sommes entrés dans une période où la péréquation est à la mode, où l'intercommunalité est une forte demande des élus locaux...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Céderiez-vous aux modes ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Il les précède !
M. Michel Charasse. Je ne cède pas aux modes. Je suis plutôt allergique à l'intercommunalité mais, que voulez-vous, j'appartiens à un groupe qui, lui, est pour et, par conséquent, je vais dans ce sens ! (Sourires.)
Non seulement je ne cède pas aux modes, monsieur le rapporteur général, mais de surcroît je n'aime pas beaucoup les rentes de situation ; c'est peut-être aussi ce qui nous différencie. En tout cas, de ce point de vue-là, il n'y a pas de raison, parce qu'on a la chance d'avoir un gros établissement de France Télécom, que l'on touche toute la taxe professionnelle.
Bref, nous proposons d'affecter la totalité au Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle. Par ailleurs, nous proposons que l'Etat cesse de verser des compensations d'allégement des bases de 16 %, loi Balladur du 1er janvier 1987, au titre des bases qui dans un certain nombre de communes ont diminué ou ont disparu parce que les entreprises ont disparu, ont fait faillite, etc. Or, ces collectivités locales continuent à bénéficier de la compensation, alors que pour les entreprises nouvelles créées à partir du 1er janvier 1987 - et il s'en crée chaque jour - il n'y a pas de compensation. C'est exactement comme si on continuait à verser des pensions de retraite à des gens qui sont morts. En récupérant les sommes de ce point de vue-là, l'Etat n'a pas de perte de recettes.
Le dernier élément du dispositif que nous proposons consiste à dire qu'à partir du moment où le Fonds national de péréquation va toucher 5 milliards de francs, tout cela se passant sur trois ans puisque nous avons prévu un système par tiers, on pourrait considérer que, pour les collectivités qui perdront des attributions indues, on est dans une situation assimilable aux pertes en base en matière de taxe professionnelle et que le Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle pourrait donc compenser sur quatre ans lesdites pertes en base.
Voilà le dispositif que nous présentons, qui est naturellement assez différent de celui qui est proposé par la commission des finances.
M. le président. L'amendement n° II-145 est-il soutenu ?...
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° II-142.
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'amendement que vient de présenter M. Charasse est tout à fait intéressant. Cependant, pour me permettre d'exprimer un avis, il me manque un élément que je voudrais demander au Gouvernement et qui concerne la nature du gage. Quelle évaluation le Gouvernement fait-il de la compensation de l'abattement sur les bases disparues, si je puis m'exprimer de manière synthétique ?
M. Raymond Courrière. Et peu claire !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ah ! Je voudrais rappeler, à la suite de notre collègue M. Charasse, que certaines collectivités bénéficient d'une compensation introduite en 1987 au titre d'un abattement sur les bases d'imposition à la taxe professionnelle existant en 1987. Or, depuis 1987, nos bases ont évolué et la compensation repose aujourd'hui en partie sur des bases fictives. Telle est l'idée générale. Si vous le voulez bien, mes chers collègues, n'entrons pas trop dans la technique ; je parle d'ailleurs ici sous le contrôle de M. Charasse, qui est un orfèvre en la matière ! Nous essayons d'éclairer la Haute Assemblée sur une question techniquement complexe.
Il me manque, disais-je, pour exprimer l'avis de la commission, la position du Gouvernement sur l'évaluation du gage qui a été évoqué par notre collègue. Ainsi, retrouve-t-on, au sein de la DCTP, la trace - et pour quel montant ? - de cet élément qui pourrait, dans la conception de M. Charasse, financer le transfert au bénéfice des collectivités territoriales de la fiscalité locale de France Télécom ?
M. Michel Charasse. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat, pour donner l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s II-127 et II-142.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le débat me semble assez clair. Il s'agit de la taxe professionnelle qui devrait être versée par France Télécom aux collectivités locales et qui, depuis 1991, comme M. Charasse l'a très bien rappelé, a été divisée en deux parts, en fonction d'un équilibre réalisé au moment de la constitution de France Télécom en entreprise : pour 1999, sur un total de 6,5 milliards de francs de taxe professionnelle, 4,8 milliards de francs iront à l'Etat et 1,7 milliard de francs ira au Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle.
Comme l'ont dit MM. Charasse et Marini, c'est un vrai problème, car les choses remontent maintenant à quelques années, et les collectivités locales expriment le souhait de recevoir directement cette taxe professionnelle, d'autant plus que les concurrents de France Télécom qui implantent des équipements sur le territoire, paient, quant à eux, la taxe professionnelle.
Pour régler ce vrai problème, deux difficultés se posent : d'une part, comment peut-on priver l'Etat de 4,8 milliards de francs ? D'autre part, comment peut-on ne pas assécher le Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle, qui est très important pour un certain nombre de communes ?
Deux solutions sont proposées, l'une par M. Marini, et l'autre par M. Charasse.
La solution ingénieuse développée par M. Marini bute sur une difficulté que l'on peut définir en paraphrasant Musset : il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée ! En effet, monsieur le rapporteur général, vous prévoyez que le siège de France Télécom aurait à payer, en quelque sorte, une taxe professionnelle nationale, dont une moitié serait affectée au Fonds national de péréquation et l'autre moitié aux collectivités territoriales sur le territoire desquelles France Télécom aurait des installations.
Cette solution n'est pas viable : elle impliquerait que, dans les communes, les taux pleins de taxe professionnelle ne soient pas appliqués, ou, s'ils l'étaient, il n'y a aucune raison que cela représente la moitié de la taxe totale. Vous proposez donc, avec une certaine ingéniosité, une solution mi-chèvre mi-chou qui, me semble-t-il, n'est pas très opérationnelle. Rien ne garantit, en effet, si France Télécom paie la taxe professionnelle sur ces établissements, que cela fera précisément la moitié du total. Cela devrait faire logiquement la totalité.
La solution proposée par M. Charasse est plus ingénieuse : elle aboutit à tout basculer sur les collectivités locales par le truchement du Fonds national de péréquation. Mais, pour ne pas peser à l'excès sur les finances de l'Etat, M. Charasse invente non pas un gage, mais une sorte de contrepartie, qui consiste à prévoir un inventaire quasiment archéologique des établissements de production existant en 1987, au moment de la création du dégrèvement de 16 % sur la taxe professionnelle, et donc à supprimer en trois ans les compensations aux collectivités locales sur les bases qui n'existent plus.
Cette solution obligerait à procéder à un travail d'investigation considérable pour savoir quels établissements, parmi ceux qui existaient en 1987, ont disparu depuis. C'est assez difficile, ne serait-ce que parce que, en 1987, les établissements n'avaient pas de numéro d'identification.
Je conclus de tout cela, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'il existe un vrai problème à propos duquel devrait s'ouvrir une concertation entre les collectivités locales, l'Etat et France Télécom.
Le mérite des amendements n°s II-127 et II-147 est d'avoir rappelé qu'il existe un problème, auquel il faudrait trouver un jour une solution qui ménage à la fois les finances de l'Etat, dont chacun est évidemment soucieux, et le intérêts des collectivités locales, tant de celles qui bénéficient du Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle que de celles qui ont des implantations de France Télécom sur leur sol, car ce ne sont pas forcément les mêmes.
Au bénéfice de cette concertation, dont je propose qu'elle se déroule prochainement, je demande à M. le rapporteur général et à M. Charasse de bien vouloir retirer tous deux leur amendement.
M. le président. Monsieur le rapporteur général, êtes-vous suffisamment éclairé pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° II-142 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je suis tenté de prendre à témoin nos collègues pour leur demander s'ils sont suffisamment éclairés. En ce qui me concerne, j'avoue que je ne le suis pas ! Si je l'ai bien compris, le but de M. Charasse, en présentant cet amendement, était de vous faire dire, monsieur le secrétaire d'Etat, s'il était possible de quantifier ce gage. La démarche des auteurs de l'amendement visait en effet, dans un esprit de bonne concertation avec le Gouvernement, si j'ai bien compris, à rechercher un mode de financement existant pour s'engager dans une réforme qui, par nature, est lourde pour le budget de l'Etat. Vous en avez rappelé l'enjeu global, qui s'élève à plus de 6 milliards de francs.
Vous n'avez pas été en mesure, peut-être compte tenu de la brièveté des délais, de nous apporter les éléments chiffrés nécessaires.
Je suis toutefois un peu étonné, car j'ai le souvenir qu'une discussion a déjà eu lieu sur ce sujet au sein du comité des finances locales voilà plusieurs mois, et il me semble que, depuis lors, les services auraient pu approfondir la question qui avait déjà été posée dans des conditions comparables.
M. Michel Charasse. C'est exact !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Dans ces conditions, mes chers collègues, il me paraît préférable de s'en tenir à une position de principe qui est celle de la commission. Je voudrais donc suggérer à nos collègues, du groupe socialiste, puisqu'il s'agit d'une position de principe, de bien vouloir envisager aujourd'hui de retirer l'amendement n° II-142 au bénéfice de celui de la commission.
J'ajouterai, monsieur le secrétaire d'Etat, que je ne comprends pas bien l'objection qu'il a formulée sur le système du 50/50. C'est extrêmement simple : la taxe professionnelle serait recouvrée, commune par commune, aux lieux d'implantation, selon les taux en vigueur fixés par les collectivités territoriales compétentes. Dans le produit ainsi constaté, il serait fait deux parts égales, avec 50 % affectés au budget des collectivités d'implantation, aux différents niveaux - communes, intercommunalités, départements, régions - et 50 % affectés au FNPTP. Cela semble être à la portée de n'importe quel système informatique ou comptable simple, et ne présente pas de réelles difficultés.
Vous avez bien observé que notre position est une position de principe, que la formule que nous défendons est une formule de caractère transitoire. En effet, comme je l'indiquais, le mouvement vers l'intercommunalité se poursuit. Nous souhaitons naturellement qu'il aille encore plus loin, bien entendu dans le respect de la libre volonté des collectivités concernées, et c'est certainement ce qui se produira. A terme, il est clair que toutes les intercommunalités disposeront très vraisemblablement d'une ou de plusieurs implantations de France Télécom. Cette constatation sera alors de nature à atténuer le besoin de péréquation lié à la répartition de la taxe professionnelle de France Télécom.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je crois qu'il faut avancer sur ce sujet. Vous avez dit, si je ne me trompe pas, qu'« il faudrait trouver un jour une solution ». Le Sénat souhaite que ce jour soit proche ! Tel est le message que nous voulons vous transmettre ce matin avec une certaine solennité et une certaine insistance.
M. le président. Monsieur Charasse, l'amendement n° II-142 est-il maintenu ?
M. Michel Charasse. Je compte le retirer, monsieur le président, mais je souhaiterais d'abord expliquer pourquoi !
Monsieur le secrétaire d'Etat, je crois effectivement, comme l'a dit M. Marini, que le message est clair : nous souhaitons tous, les uns et les autres ici, sans différence sur le fond, même si les modalités varient, résoudre cette question de la fiscalité locale de France Télécom.
Au fond, il s'agit de clarifier les choses : ce qui appartient aux collectivités locales par nature, par fonction, par vocation doit leur revenir, de même qu'il n'est pas normal que ce qui appartient à l'Etat ne lui revienne pas, autrement dit, l'Etat n'a pas à payer des compensations pour des pertes qui n'existent plus. Il faut donc que les choses soient claires.
J'ai bien compris à l'écoute de vos propos, monsieur le secrétaire d'Etat, que si, au fond, le dispositif proposé par le groupe socialiste ne vous déplaît pas forcément, le paragraphe II de l'amendement n° II-142 vous pose problème dans la mesure où vous n'arrivez pas, pour le moment, à expertiser ce que sont devenues les bases compensées antérieures au 1er janvier 1987.
A partir de ce moment-là, nous nous trouvons bien évidemment dans une situation tout à fait paradoxale, monsieur le président : en effet, le gage prévu par M. Marini porte sur les tabacs et n'est donc pas un vrai gage, mais le mien, plus sérieux, est malheureusement très incertain ! Par conséquent, nous sommes d'accord, M. le rapporteur général et moi-même, ainsi que mes collègues du groupe socialiste, pour dire que nous ne voulons pas mettre en péril l'équilibre des finances de l'Etat et ses ressources fiscales. Mais M. Marini nous propose une solution qui n'apporte pas vraiment de ressources à l'Etat et moi, j'en suggère une pour laquelle M. le secrétaire d'Etat vient de me dire subitement qu'il ne sait pas comment la calculer !
M. Philippe Marini, rapporteur général. En fait, il faut faire des économies !
M. Michel Charasse. Monsieur le président, je vais naturellement retirer l'amendement n° II-142. Cela ne veut néanmoins pas dire pour autant que je me rallie à l'amendement de M. Marini, même si les motivations de ce dernier sont proches des nôtres. En effet, je trouve que nous sommes dans une fausse situation, et je me demande, monsieur le rapporteur général, s'il ne vaudrait pas la peine de faire une brève suspension de séance pour que vous nous proposiez un dispositif contraignant le Gouvernement à régler le problème en l'an 2000, c'est-à-dire à travers la loi de finances pour l'an 2000, lorsque l'expertise de M. Sautter sera faite. Cela serait beaucoup plus positif.
On sait en effet très bien que le problème ne sera pas réglé en 1999 ! On sait très bien même que l'amendement de M. Marini risque de ne pas franchir le cap de l'Assemblée nationale, alors que, si le Sénat adoptait une disposition disant que, de toute façon, il faut régler le problème, les choses seraient peut-être différentes.
Il se pose encore un autre problème, monsieur le rapporteur général : peut-on indéfiniment traiter de façon différente la fiscalité locale de France Télécom et celle de ses concurrents, les autres opérateurs privés ?
Par conséquent, si vous demandiez une suspension de séance de quelques minutes pour trouver une rédaction qui conduise forcément le Gouvernement à nous rendre compte de l'expertise à l'appui de la loi de finances pour l'an 2000 et à engager le processus permettant, à partir de l'an 2000, de régler ce problème, je serais vraiment soulagé et je serais plutôt rassuré quant à la suite qui pourrait être réservée à nos travaux par l'Assemblée nationale.
Monsieur le président, je retire l'amendement n° II-142, non parce que je reconnais que nous aurions eu tort, mais parce que j'accepte d'entrer dans l'argumentation de Christian Sautter. Mais je serais heureux que Philippe Marini, de son côté, fasse un pas pour trouver une solution praticable en 2000. Je suis persuadé que, si elle était proposée, au moins dans son esprit, comme je viens de le suggérer, elle aurait des chances d'être accueillie de manière favorable par l'Assemblée nationale.
M. le président. L'amendement n° II-142 est retiré.
Je suis prêt à suspendre la séance si M. le rapporteur général me le demande, mais je ne suis pas persuadé que quelques minutes suffiraient !
M. Michel Charasse. Si !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, je suis prêt à faire le pas nécessaire...
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Mais pas un pas de clerc ! (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... si cela doit s'avérer utile pour le budget des collectivités locales, mais à condition que ce ne soit pas, comme le dit M. le secrétaire d'Etat, un pas de clerc.
Au demeurant, le déroulement de nos débats nous autorise une petite marge de manoeuvre, mais encore faudrait-il que la suspension de séance soit utile. Je me tourne donc vers M. le secrétaire d'Etat pour lui demander s'il est prêt à cette démarche de concertation qui, dans notre esprit, devrait au moins reposer sur un élément, à savoir l'affirmation que le problème sera réglé.
Sans l'affirmation de la volonté de régler le problème non pas pour 1999 mais pour 2000, je ne crois pas qu'une suspension de séance puisse être utile. Si, au contraire, M. le secrétaire d'Etat nous dit qu'à son avis il est possible de tirer parti de ces quelques instants pour trouver une formule permettant de progresser, ce sera peut-être alors du temps gagné pour l'avenir.
Je me tourne donc vers M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je ne me déroberai pas devant cette interrogation, monsieur le président.
J'ai reconnu qu'il s'agissait d'un vrai problème. J'ai également dit que le Gouvernement était prêt, sur ce vrai problème, à engager une réflexion de fond entre l'Etat, les collectivités locales et l'entreprise concernée.
Dans ces conditions, cette concertation souhaitée par M. le rapporteur général et par M. Charasse, menons-la ! Toutefois, le dispositif proposé par M. Marini, aux termes duquel les collectivités territoriales toucheraient l'intégralité de la taxe professionnelle de France Télécom puis en rétrocéderaient la moitié au Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle, présente un risque pour l'Etat car, très rapidement, on oubliera de reverser cette part.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Non, si la loi en décide ainsi !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Vous avez dit, monsieur le rapporteur général - et je respecte vos convictions - que vous recherchiez l'intérêt des collectivités locales. Moi, je défends l'intérêt de l'Etat.
Dans ces conditions, je pense que, en réfléchissant ensemble, nous pourrons trouver - pas forcément ce matin ! - une solution conciliant les intérêts de l'Etat, auxquels vous êtes aussi attaché, et ceux des collectivités locales.
Quant à la solution - très ingénieuse, évidemment - développée par M. Charasse, elle implique un travail de reconstitution et de recherche qui n'est pas à la portée des services. Véritablement, s'engager dans la tâche administrative qui consisterait à ressortir les documents papier d'assiette de la taxe professionnelle de 1986 - c'était il y a treize ans ! - me paraît délicat. Heureusement, l'administration a conservé ces papiers, mais je pense qu'ils sont au fond de placards, à l'abri de l'humidité. De plus, établir la comparaison entre les bases de taxe professionnelle de 1986 et la situation qui prévaut en 1999 serait un travail très compliqué.
Par conséquent, monsieur le président, à question directe, réponse directe : aucun des deux systèmes proposés n'est satisfaisant, mais le Gouvernement est prêt à ce qu'une réflexion de fond soit engagée l'an prochain sur ce sujet.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je n'ai pas l'impression, dans ces conditions, qu'une suspension de séance nous permettrait réellement de faire un pas supplémentaire. Je propose donc au Sénat de se prononcer sur l'amendement de la commission.
J'ai bien noté l'engagement pris par M. le secrétaire d'Etat de poursuivre l'examen du problème en 1999 et, si possible - mais cela ressortait moins nettement de ses propos - d'aboutir cette même année : j'ai cru comprendre que c'était un engagement de moyens sinon d'objectifs. Pour notre part, nous souhaiterions que ce soit un engagement d'objectifs, et il y a donc plus que des nuances qui nous séparent à ce stade.
Je veux néanmoins souligner, à l'adresse de nos collègues, qu'il existe une échéance que nous pouvons tout à fait susciter en ce qui nous concerne, à savoir l'examen de la proposition de loi que M. Delevoye a déposé sur ce sujet. Certes, ce texte est différent, mais je suggère au Gouvernement, s'il accepte de s'engager dans cette voie, d'en faire le support de la concertation à laquelle il a été fait allusion.
Nous sommes susceptibles d'examiner cette proposition de loi en commission des finances dans les mois qui viennent. Si le président de la commission des finances et la conférence des présidents en décidaient ainsi, ce texte pourrait donc, mes chers collègues, être inscrit à l'ordre du jour réservé à l'initiative parlementaire, et nous pourrions l'examiner à un moment où le Gouvernement aurait, de son côté, suffisamment réfléchi à la question.
Je vous propose donc un mécanisme en deux temps : en premier lieu, affirmons une position de principe en votant l'amendement de la commission des finances ; en second lieu, faisons progresser le dossier techniquement et aussi en profondeur qu'il est possible, en nous servant du support de la proposition de loi de M. Delevoye qui, une fois examinée en commission des finances, nous mettra en état d'affronter un débat en séance publique sur le sujet dans les mois qui viennent.
M. le président. Je vais mettre au voix l'amendement n° II-127.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Nous voterons l'amendement présenté par la commission des finances.
Je tiens, tout d'abord, à confirmer que nous souhaitons prendre dès maintenent une décision de principe avant qu'une réforme intervienne en 1999 pour que le dispositif soit appliqué en 2000. Or, effectivement, nous n'avons pas entendu d'engagement en ce sens de la part du Gouvernement. C'est bien pour cela que la suspension de séance demandée par M. Charasse n'aurait pas eu de sens, faute d'un tel engagement.
Pour ma part, d'ailleurs, je vais au-delà d'un engagement de moyens, je veux un engagement de résultat, un engagement sur un mécanisme de réforme du dispositif en 1999 avec application en 2000.
Par ailleurs, je n'ai pas senti non plus un accord du Gouvernement sur les principes. Or, dans l'amendement déposé par la commission, il y a un certain nombre de principes auxquels nous tenons.
Le premier principe, c'est celui du retour au régime de droit commun de la taxe professionnelle applicable aux communes, aux groupements de communes, aux départements et aux régions pour les bases taxables des équipements et bâtiments de France Télécom sur l'ensemble du territoire. Ce principe, nous souhaiterions qu'il soit acté. Il est inscrit dans l'amendement n° II-127, et c'est une des raisons pour laquelle nous allons le voter.
Le deuxième principe auquel nous tenons, et qui n'apparaît pas dans l'amendement déposé par M. Charasse, c'est celui d'un partage entre le Fonds national de péréquation et les collectivités territoriales de base.
L'amendement de la commission prévoit un partage 50-50. Nous pouvons avoir un débat sur ce point : cela peut être 40-60, nous ne sommes pas accrochés au partage par moitié. Simplement, nous souhaitons qu'il y ait une équité dans ce partage et que les collectivités locales continuent à être intéressées par l'implantation des équipements de France Télécom comme par ceux des opérateurs privés, car nous souhaitons sur ce point qu'il y ait égalité de traitement entre les opérateurs.
Nous aurions souhaité, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous nous disiez que ce principe d'un partage entre le Fonds national de péréquation et les collectivités territoriales était un principe intéressant, un principe que vous acceptiez de bien vouloir considérer pour préparer la réforme.
Puisque la difficulté technique provient du gage, qu'il faudra bien un jour lever, on peut limiter les pertes pour l'Etat en établissant, peut-être, une progressivité, mais ne compliquons pas un débat qui est déjà suffisamment compliqué : effectivement, la proposition de notre collègue Michel Charasse conduirait à des recherches de type archéologique dans des bases qui sont très anciennes.
A la différence des établissements locaux exceptionnels qui sont écrêtés au profit d'un fonds départemental, le système que nous proposons prévoit un régime de droit commun et un écrêtement avec partage d'une partie du produit de la taxe professionnelle au bénéfice du fonds national. Cela paraît tout à fait opérationnel, les principes sont bien posés dans l'amendement de la commission de finances.
C'est la raison pour laquelle nous le voterons. C'est une invitation, monsieur le secrétaire d'Etat, à travailler sur ce sujet, afin d'élaborer un dispositif dans le courant de l'année.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Même si nous partageons assez largement le point de vue des uns et des autres et de la commission des finances, nous ne pouvons pas voter, en l'état, l'amendement de M. Marini.
Je propose donc de le sous-amender.
M. le président. C'est votre droit !
M. Michel Charasse. Si M. le rapporteur général en était d'accord, nous pourrions alors faire évoluer les choses, ce sous-amendement n'ayant d'autre objet que d'essayer de rapprocher les points de vue de la commission et du Gouvernement.
Je souhaiterais donc que l'amendement de M. le rapporteur général soit modifié sur trois points.
Premièrement, dans le texte proposé pour modifier le II de l'article 1635 sexies du code général des impôts, il s'agirait de remplacer dans le I - le 4° est complé par... - les mots : « à compter du 1er janvier 2000 » par les mots : « à compter de la date qui sera fixée par la loi de finances pour 2000 ».
Deuxièmement, dans le II - le même paragraphe est complété par... - au lieu de lire : « à compter du 1er janvier 2000 », il faudrait également lire : « à compter de la date qui sera fixée par la loi de finances pour 2000 ».
Troisièmement, après le B qui constitue le gage, je propose d'ajouter un C ainsi rédigé : « Le Gouvernement adressera au Parlement en annexe au projet de loi de finances pour 2000 un rapport sur les moalités de calcul de la compensation versée aux collectivités locales et à leurs groupements au titre de l'allégement de 16 % des bases de taxe professionnelle antérieures au 1er janvier 1987 ».
Cela signifie que le Gouvernement fera l'expertise dans l'année - éventuellement, d'ailleurs, avec le concours des commissions des finances des assemblées parlementaires - et que, à l'appui du projet de loi de fiannces pour 2000, il viendra avec son expertise.
Est-il possible, monsieur Lachenaud, de gager cette mesure ? Pourquoi pas ? Mais j'ai bien entendu ce que vous avez dit : vous avez, vous aussi, le sentiment qu'il ne faut pas bouleverser complètement les finances de l'Etat avec cette affaire. Par conséquent, tirons-en les conséquences et regardons à partir de quel moment nous pourrons entrer dans le dispositif.
Vous le voyez, le groupe socialiste fait un pas en direction de la commission des finances. Nous ne sommes pas très chauds pour le partage 50-50, mais, par souci de conciliation, en l'état - le système définitif étant fixé pour l'an 2000 - nous voulons bien aller dans ce sens, sous réserve que notre sous-amendement soit adopté.
Le Gouvernement disposera alors de toute l'année 1999 pour mettre au point un dispositif, qu'il nous présentera avec toutes les informations nécessaires le moment venu.
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° II-163, déposé par M. Charasse, et tendant, dans l'amendement n° II-127 de la commission des finances :
I. - Dans le texte proposé pour modifier le II de l'article 1635 sexies du code général des impôts, à remplacer deux fois les mots : « à compter du 1er janvier 2000 » par les mots : « à compter de la date qui sera fixée par la loi de finances pour 2000 ».
II. - A compléter le texte de l'amendement par un paragraphe C ainsi rédigé :
« C. - Le Gouvernement adressera au Parlement en annexe au projet de loi de finances pour 2000 un rapport sur les modalités de calcul de la compensation versée aux collectivités locales et à leurs groupements au titre de l'allégement de 16 % des bases de taxe professionnelle antérieure au 1er janvier 1987. »
Monsieur le rapporteur général, souhaitez-vous une suspension de séance afin que la commission puisse examiner ce sous-amendement ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je pense que les intentions sont claires, monsieur le président ! Chacun connaissant bien ce sujet, je ne crois pas qu'il soit nécessaire de suspendre la séance.
M. le président. Dans ces conditions, quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° II-163 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Au-delà des considérations strictement techniques et rédactionnelles, chacun aura compris qu'une prise de position du Sénat sur la taxe professionnelle de France Télécom est nécessaire, qu'elle doit intervenir dès maintenant et qu'elle doit être, si possible, unanime, de telle sorte que notre rôle de Grand Conseil des communes de France, de « veilleur de la décentralisation » comme l'a dit si opportunément le président Christian Poncelet, soit bien assumé, et assumé par tous.
Dans cet esprit, le sous-amendement de M. Charasse me semble donc être un bon moyen pour affirmer que, sur ce sujet, nous exprimons bien tous la même préoccupation.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Effectivement, il est utile de disposer des éléments d'information qu'évoque M. Charasse et, pour que cet exercice d'archéologie fiscale soit réalisé, peut-être la petite incitation du paragraphe C du sous-amendement est-elle nécessaire : ce sont des éléments d'information utiles, et pour la commission des finances et pour le Parlement.
S'agissant de la date d'application, elle sera nécessairement revue, en effet, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2000 ; la proposition de M. Charasse est donc acceptable.
Dans cette optique, et compte tenu des préoccupations que j'ai exprimées, en souhaitant, comme Jean-Philippe Lachenaud, que M. le secrétaire d'Etat, au-delà des moyens, s'engage sur les résultats, je crois rester fidèle à l'esprit de la commission des finances en émettant un avis favorable sur ce sous-amendement, ce qu'elle n'aurait certainement pas manqué de faire si elle avait pu matériellement se réunir.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° II-163 ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement a eu une attitude ouverte tout au long de ce débat, puisque j'ai moi-même pris l'engagement d'entreprendre l'an prochain un examen au fond de cette question.
Vous me demandez une obligation de résultats. Je suis désolé, je ne vois pas comment nous pouvons préjuger les résultats d'une réflexion sur un sujet aussi difficile, ce débat passionné en témoigne.
Quant au gage calculé sur la base de taxe professionnelle antérieure au 1er janvier 1987, je ne peux que m'engager à l'étudier. Je ne suis pas du tout sûr, quand bien même nous aurions comparé les rôles de taxe professionnelle de 1986 et de 1998, d'obtenir le montant nécessaire.
Je réitère donc, monsieur le rapporteur général, monsieur Charasse, qui avez eu un comportement très constructif dans ce débat, la bonne volonté du Gouvernement de procéder enfin à un examen très approfondi de cette question. Cependant, je regrette, monsieur Lachenaud, de ne pouvoir préjuger des résultats de cet examen. Une discussion dont le résultat est acquis d'avance n'est pas une véritable discussion.
C'est pour cette raison que je suis défavorable au sous-amendement n° II-163.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° II-163.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lachenaud. M. Jean-Philippe Lachenaud. Après une discussion très approfondie - elle a duré près de trois quarts d'heure - en commission des finances, et à la suite de la discussion qui vient d'avoir lieu dans cet hémicycle, nous confirmons que nous sommes favorables à l'amendement n° II-127, modifié par le sous-amendement n° 11-163, déposé par notre collègue M. Charasse.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il s'agit en effet d'une obligation de résultat, mais elle vous laisse une grande marge de manoeuvre.
Certes, nous vous demandons de procéder à une étude et de rendre publics ses résultats en 1999 pour une application ultérieure, mais nous vous laissons une grande liberté de manoeuvre en ce qui concerne la date d'application, le pourcentage de répartition du produit entre les collectivités locales et le Fonds national de péréquation, la détermination du gage, son évaluation, son calcul.
M. Michel Charasse. Exact !
M. Jean-Philippe Lachenaud. Vous pouvez éventuellement proposer de lever complètement le gage, ce qui vous évitera une grande difficulté, j'en suis certain. Vous avez également la possibilité de proposer une application progressive du dispositif.
M. Michel Charasse. Exact !
M. Jean-Philippe Lachenaud. L'obligation de résultats que nous vous demandons est donc limitée.
C'est pourquoi les principes de cette réforme indispensable de la taxe professionnelle des établissements de France Télécom étant posés, nous voterons l'amendement n° II-127 de la commission, sous-amendé par le texte de M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. J'indique simplement que le groupe socialiste, si le sous-amendement n° II-163 est adopté, votera l'amendement n° II-127 de la commission des finances.
Les explications de M. Lachenaud sont parfaitement claires. La balle est maintenant dans le camp du Gouvernement. Le dispositif comporte une obligation de résultat mais, étant assez compliqué, il est assorti de très peu de contraintes, et d'une grande marge de manoeuvre.
Pour ma part, je ne comprends pas que le Gouvernement ne s'en remette pas à la sagesse du Sénat sur notre sous-amendement...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Moi non plus !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je crois, messieurs Marini, Charasse et Lachenaud, avec tout le respect que je vous porte, qu'il n'est pas sage de jeter par les fenêtres 4,8 milliards de francs du budget de l'Etat. (Oh ! sur les travées du groupe du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est de l'argent qui nous revient de droit !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur le rapporteur général, vous défendez les collectivités locales ; c'est votre droit le plus strict. Je défends les intérêts de l'Etat ; c'est mon devoir.
Je suis d'accord pour engager cet examen. Mais je crois que la sagesse n'est pas de conclure d'ores et déjà qu'au terme de cet examen 4,8 milliards de francs de recettes de l'Etat vont disparaître, même si l'échéance n'est pas encore fixée, et alors que les gages sont pour le moins incertains. La preuve, c'est que vous souhaitez qu'une étude en soit faite.
Je reste donc dans ma responsabilité - malgré les arguments, convaincants dans votre esprit, que vous avez exposés - et je reste opposé à une obligation de résultats. Le résultat très clair, c'est que les 4,8 milliards de francs qui - pour des raisons historiques qui seront dépassées un jour - vont dans les caisses de l'Etat, se retrouveraient, à une échéance qui n'est pas précisée, intégrés aux ressources des collectivités locales.
Je reste donc opposé au sous-amendement n° II-163. La concertation, oui ; la perte de 4,8 milliards de francs par une sorte de chèque en blanc, non !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° II-163, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Nous en revenons à l'amendement n° II-127.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Voilà déjà quelque temps, et le débat revient sur ce point ce matin, que la question de la taxe professionnele acquittée par France Télécom et La Poste suscite quelques controverses. Cela est d'autant plus vrai maintenant que France Télécom a été profondément transformée par son introduction en bourse et l'ouverture de son capital.
Nous concevons donc fort bien que nombre d'élus, dont nous sommes, ne puissent aujourd'hui se satisfaire du mode actuel de prise en charge de ses obligations fiscales par la société publique. Michel Charasse a rappelé tout à l'heure quelques données de fond sur lesquelles je voudrais revenir.
Le statut fiscal actuel de France Télécom résulte de l'application de l'article 21 de la loi de finances pour 1990, qui prévoyait, d'une part, d'assujettir et La Poste et France Télécom à la taxe professionnelle et, d'autre part, de consacrer l'usage du produit de cette imposition tant à la prise en charge par l'Etat de l'allégement transitoire des bases de 16 % qu'au financement du Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle visé par l'article 1648 A bis du code général des impôts.
Tenant compte des contraintes spécifiques d'aménagement du territoire imposées aux deux établissements publics, les bases d'imposition étaient abattues de 85 %, sachant que la domiciliation effective de chacune des immobilisations imposables était une tâche pour le moins complexe.
Evidemment, la situation a évolué d'autant que la dotation de compensation de la taxe professionnelle a été spectaculairement déconnectée de la réalité des bases d'imposition des entreprise assujetties à cette taxe et que, d'une certaine manière, la participation plus ou moins forcée de La Poste et de France Télécom au financement de la dotation de compensation commençait à manquer de lisibilité.
Cette situation est d'ailleurs loin d'avoir disparu du paysage, puisqu'il est notoire que la dotation de compensation de la taxe professionnelle ne couvre plus depuis longtemps ce pourquoi elle a été conçue.
Je souligne également que, en l'absence de localisation des bases d'imposition des deux établissements publics, ces dernières n'étaient pas prise en compte dans le calcul de l'effort et du potentiel fiscal des communes, ce qui ne pourra être durablement le cas, d'ailleurs, dès lors que ces bases auront été localisées, monsieur le secrétaire d'Etat.
Est-il encore, ici, nécessaire de souligner le fait que ces éléments de potentiel et d'effort fiscal ne sont pas sans importance dès lors qu'il s'agit, par exemple, de déterminer le montant d'une dotation de solidarité par l'effet systémique assez traditionnel en matière de finances locales ?
Est-il souhaitable de faire réellement de la taxe professionnelle un outil de péréquation ?
Pour notre part, nous estimons que cette situation pourrait d'ailleurs être étendue à d'autres opérateurs en télécommunication du fait du caractère assez spécifique de cette activité.
Nous pouvons aussi le souhaiter, mais il se pose juste un petit problème qui n'a pas été abordé ce matin et qui découle de l'application des dispositions de ce projet de loi de finances dont nous discutons depuis plusieurs jours.
Il me semble, en effet, mes chers collègues, que maintenant une situation nouvelle est créée. En effet, l'article 29 de la première partie du projet de loi de finances pour 1999, qui porte sur la question de la réforme de la taxe professionnelle par disparition progressive de la part salaire de l'assiette de cette taxe, prévoit bien que la taxe professionnelle due par nos deux entreprises publiques sera progressivement utilisée pour compenser les effets de la disparition de cette part salaire. Il me semble d'ailleurs que ces dispositions figurent bien dans le paragraphe V de cet article 29 tel qu'il ressortait des travaux de l'Assemblée nationale.
Ne faut-il pas craindre alors que le produit de la taxe professionnelle de La Poste comme de France Télécom va rester finalement durablement dans le giron de l'Etat, quand bien même notre Haute Assemblée ce matin voterait un autre mode de financement de la disparition de la part salaire de la taxe professionnelle ?
Il est vrai que la situation ne peut plus durer, mais j'ai bien noté, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous preniez des engagements forts d'approfondir la réflexion sur cette question.
Ajourd'hui, sur l'amendement n° II-127 de la commission des finances, nous nous abstiendrons.
M. François Trucy. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Trucy.
M. François Trucy. MM. Laffitte, Larcher, Hérisson et moi-même avions présenté un amendement que nous aurions sûrement retiré au profit de l'amendement de la commission des finances si j'étais arrivé à temps pour le défendre, mais les transports aériens en ont décidé autrement...
Cet amendement est bon et il est amélioré par le sous-amendement. Il présente en outre un second mérite qu'il faut rappeler et auquel les cosignataires auraient été très attachés : la répartition de 50 % même si, M. Lachenaud le rappelait tout à l'heure, il peut y avoir des variantes, nous paraît bien tenir compte des réalités locales.
Monsieur le secrétaire d'Etat, M. Charasse vous a dit tout à l'heure que la balle était dans votre camp. La balle est toujours dans le camp du Gouvernement lorsqu'il s'agit de décisions de cette importance.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Bien sûr !
M. François Trucy. Il est quelque peu psychédélique de discuter d'un gage à propos d'un amendement de ce genre. Il faut que la prochaine fois on n'ait pas à présenter des amendements. Il revient au Gouvernement de régler dans le prochain projet de loi de finances cette importante affaire.
D'ailleurs, s'il y a obligation de gage aujourd'hui, c'est qu'à l'issue d'un très bon arrangement l'Etat avait à l'époque mis dans sa poche une recette qui aurait naturellement dû, d'emblée, revenir aux collectivités locales. (M. Lachenaud applaudit.)
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. M. le secrétaire d'Etat, en rappelant tout à l'heure qu'il avait la responsabilité de défendre les intérêts de l'Etat, ce qui est évident, manifestait sa crainte que le Sénat ne voit que les intérêts des collectivités locales.
Je crois, monsieur le secrétaire d'Etat, que les choses sont plus simples. Il faut un juste équilibre et que les choses soient claires. Il est des moments où il convient de les clarifier.
Vous avez choisi d'engager une réforme de la taxe professionnelle. C'est donc le moment de clarifier enfin la situation de la taxe professionnelle de l'entreprise France Télécom.
Il ne faut pas que vous considériez que vous avez le « bras tordu » en la circonstance. Il faut plutôt considérer que l'heure du rendez-vous a sonné, que c'est le moment de réaliser cette réforme.
Le Sénat, en la circonstance, unanime, d'après ce que j'entends et ce que j'espère, vous indique qu'il est souhaitable que les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales soient fondées sur des bases saines, claires, qui soient celles du droit commun. C'est donc la bonne occasion.
Je souhaite également que vous ne considériez pas qu'il s'agit d'une sorte de bras de fer entre les collectivités locales et l'Etat. Ne choisissons pas en permanence de remettre à plus tard cette réforme, car, de toute façon, il faudra bien la faire.
Dès lors que vous avez choisi de réformer la taxe professionnelle, c'est l'année pour le faire.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je vais répondre à l'intervention très courtoise du président de la commission des finances.
Mon souci est clair : en effet, 4,8 milliards de francs sont en jeu.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Non : 4,8 milliards moins 1,7 milliard !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Non, ce sont 6,5 milliards de francs moins 1,7 milliard, soit 4,8 milliards de francs !
Que représentent ces 4,8 milliards de francs ? C'est le financement de l'allocation parent isolé ; c'est le montant des économies que vous avez faites sur le budget de l'emploi. Ce n'est donc pas une somme négligeable.
Je le dis simplement à M. le président de la commission des finances : le Gouvernement est ouvert pour discuter de ce sujet l'an prochain.
Notre divergence ne porte pas sur l'intérêt de discuter de cette position. Je crois que, sur ce point, il y a accord. Mais nous ne pouvons pas préjuger la perte d'une ressource d'environ 4,8 milliards de francs pour une année à venir.
Ce n'est donc en aucune manière une question de bras de fer ou de bras tordu. Je crois simplement que nous devons veiller à l'intérêt général - et je ne fais pas de partage des rôles entre la Haute Assemblée et l'Etat, car nous sommes tous comptables de l'intérêt général - suppose que nous abordions cette discussion sans a priori tranché sur son issue.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° II-127, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 50:

Nombre de votants 313
Nombre de suffrages exprimés 297
Majorité absolue des suffrages 149
Pour l'adoption 297

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 69 quinquies .

Article 70